Directeur artistique : décision du 12 octobre 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00601

·

·

Directeur artistique : décision du 12 octobre 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00601

URSSAF de Bourgogne

C/

Etablissement [4] DE [Localité 2]

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2023

MINUTE N°

N° RG 21/00601 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FYPT

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Pôle social du Tribunal judiciaire de DIJON, décision attaquée en date du 22 Juin 2021, enregistrée sous le n° 19/00356

APPELANTE :

URSSAF de Bourgogne

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Florent SOULARD de la SCP SOULARD-RAIMBAULT, avocat au barreau de DIJON substitué par Maître Marie RAIMBAULT, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉE :

Etablissement [4] DE [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Yann BOISADAM de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Maître Julie MAREC, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Septembre 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Katherine DIJOUX-GONTHIER, Conseiller chargé d’instruire l’affaire et qui a fait rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

Katherine DIJOUX-GONTHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Sandrine COLOMBO,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Sandrine COLOMBO, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

L’Opéra de [Localité 2] a reçu une lettre d’observations adressée le 12 octobre 2016, après un contrôle diligenté par l’union de recouvrement des cotisations de la sécurité sociale et des allocations familiales de Bourgogne (l’URSSAF).

Une mise en demeure a été adressée le 9 novembre 2016 pour un montant de de 45 650 euros, en ce compris 6 497 euros de majorations de retard.

La commission de recours amiable a rejeté, le 25 avril 2017, le recours de l’Opéra de [Localité 2] qui a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Dijon lequel, par décision du 22 juin 2021, a :

– déclaré le recours recevable,

– invalidé le redressement dans la limite des sommes réclamées au titre du chef de redressement n°1 relatif à «l’assujettissement et affiliation régime général» pour son montant de 39 151 euros, objet de la présente contestation,

– annulé en conséquence la mise en demeure du 9 décembre 2016 réclamant à l’Opéra de [Localité 2] paiement de la somme de 45 650 euros,

– condamné, en conséquence, l’URSSAF de Bourgogne à reverser à l’Opéra de [Localité 2] la somme de 45 650 euros correspondant aux cotisations et majorations de retard payées en exécution de la mise en demeure du 9 décembre 2016 du chef des opérations de redressement invalidées,

– débouté l’Opéra de [Localité 2] et l’URSSAF de Bourgogne de leur demande en paiement de frais irrépétibles,

– condamné l’URSSAF de Bourgogne aux dépens.

Par déclaration enregistrée le 20 août 2021, l’URSSAF a relevé appel de cette décision.

Dans le dernier état de ses conclusions reçues à la cour le 18 septembre 2023, elle demande à la cour de :

à titre principal, sur le bien-fondé du redressement n°1 : assujettissement au régime général : 39 151 euros,

– déclarer le présent appel recours recevable,

– infirmer le jugement du 22 juin 2021 rendu et notifié le 15 juillet 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Dijon, en ce qu’il :

* invalide le redressement dans la limite des sommes réclamées au titre du chef de redressement n°1 relatif à «l’assujettissement et affiliation régime général» pour son montant de 39 151 euros, objet de la présente contestation,

* annule en conséquence la mise en demeure du 9 décembre 2016 réclamant à l’Opéra de [Localité 2] paiement de la somme de 45 650 euros,

* la condamne, en conséquence, à reverser à l’Opéra de [Localité 2] la somme de 45 650 euros correspondant aux cotisations et majorations de retard payées en exécution de la mise en demeure du 9 décembre 2016 du chef des opérations de redressement invalidées,

* la condamne aux dépens,

– valider la mise en demeure du 9 décembre 2016 pour un montant de 45 650 euros soit :

* 39 153 euros de cotisations,

* 6 497 euros de majorations de retard,

à titre secondaire, sur la demande de condamnation de l’Opéra de [Localité 2],

– condamner l’Opéra de [Localité 2] aux entiers dépens de l’instance,

– condamner l’Opéra de [Localité 2] à lui verser une somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire, sur la demande de condamnation à son encontre,

– débouter la demande en condamnation à son encontre à la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières écritures reçues à la cour le 15 septembre 2023, l’Opéra de [Localité 2] demande à la cour de :

– déclarer mal fondé l’appel de l’URSSAF Bourgogne à l’encontre du jugement rendu le 22 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Dijon,

en conséquence,

– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

– invalider le redressement dans la limite des sommes réclamées du chef de redressement n°1 relatif à «l’assujettissement et affiliation régime général» pour son montant de 39 151 euros,

– annuler la mise en demeure du 9 décembre 2016 lui réclamant le paiement de la somme de 45 650 euros,

– condamner l’URSSAF Bourgogne à lui reverser la somme de 45 650 euros correspondant aux cotisations et majorations de retard payées en exécution de la mise en demeure du 9 décembre 2016 du chef des opérations de redressement invalidées,

y ajoutant,

– condamner l’URSSAF Bourgogne au paiement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS

– Sur le redressement n°1: assujettissement et affiliation au régime général

Après avoir constaté que M. [T], qui avait conclu un contrat de « résidence d’artiste photographique » couvrant la période contrôlée ( 2013- 2014), percevait des revenus mensuels qui ne constituaient pas des revenus tirés d’une résidence d’artistique, et que les conditions d’exercice de travail faisaient clairement apparaître les éléments de contrôle, directives et sanctions de son employeur, les inspecteurs de l’URSSAF en ont déduit, et après l’avis de l’Agessa, dans leur lettre d’observations, au visa des articles L. 311-2 et L. 242-1 du code de la sécurité sociale, que ces éléments caractérisaient l’exercice d’une activité de salarié et que ce dernier aurait dû être rémunéré sous forme de salaires et non de droit d’auteur.

Pour annuler ce chef de redressement, le jugement entrepris a écarté le statut de

salarié de M.[T] et son affiliation au régime général édictée par l’article L. 311-2 du code de la sécurité sociale.

Le jugement énonce que :

– les termes des conventions précitées sont insuffisantes à caractériser le contrat de travail entre les parties,

– le lien de subordination n’est pas établie dans la mesure où le planning visé renvoie à l’impératif de suivre la programmation des spectacles de l’Opéra et ne fixe pas de quantum d’horaires ni quotidien, ni hebdomadaire ou mensuel,

– le recours à la concertation entre M. [T] et le directeur artistique ainsi que l’accomplissement des tâches confiées et particulièrement les reportages photographiques ne permettent pas de déduire une direction unilatérale de l’Opéra, sans déposséder le premier d’initiative, ni en imposé la forme et les contenus,reconnaissant une indépendance artitisque à M. [T],

– M. [T] fournit le matériel photographique et autres accessoires,

– le montant des prestations est lissé sur 12 mois de manière uniforme,

– M. [T] reste propriétaire de son oeuvre photographique mais cède ses droits d’exploitation dans les termes des contrats précités,

– M. [T] travaille pour d’autres opéras, institutions ou sociétés et l’appelante ne démontre pas qu’elles étaient accessoires.

L’URSSAF conteste cette analyse.

Elle estime qu’elle apporte la preuve de la réunion des critères du contrat de travail pour l’application de l’article L. 311-2 du code de la sécurité sociale.

Aux termes de cet article L 311-2, sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d’une pension, toutes les personnes quelles que soit leur nationalité, de l’un ou de l’autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat.

La notion de travailleur dépendant est ainsi comprise dans une acception large et nécessite la coexistence de trois conditions, un lien de subordination, une rémunération et une convention.

– en ce qui concerne les conventions dite de « résidence artistique » :

Ces conventions ont pour objet de mettre à disposition de l’artiste des moyens pour la réalisation d’oeuvres, en contrepartie d’une cession partielle de ses droits patrimoniaux.

L’URSSAF indique que les dispositions de la circulaire du 16 février 2011 concernant les contrat de résidence d’artiste ne sont respectées dans les dites conventions puisque elles ne mettent pas des locaux à la disposition de M. [T], ni du matériel pour favoriser l’activité artistique et n’indiquent pas que 70% du temps de M. [T] serait consacré à la réalisation d’oeuvres.

Or, comme le souligne l’Opéra de [Localité 2], l’appréciation du temps consacré à la réalisation d’oeuvres s’apprècie un concreto et l’URSSAF ne rapporte pas le contraire.

De plus, les dites conventions mentionnent les activités à réaliser (article 1 réalisation de reportages photographiques, de reportage sur les activités annexes de l’Opéra et illustration des spectacles) et que M. [T] fournit son matériel et ses accessoires, ce qui n’est pas contraire à la circulaire précitée laquelle n’impose pas à la structure d’accueil de fournir le matériel nécessaire à l’activité artistique.

Le moyen soulevé par l’URSSAF à ce titre est non fondé.

– en ce qui concerne la rénumération :

Les dites conventions dans son article 3 disposent : « qu’en contrepartie d’un travail fourni, M. [T] percevrait une somme forfaitaire mensuelle de 2470 euros HT…

Le montant versé pour l’ensemble de la prestation est lissée sur 12 mois de manière uniforme. »

L’URSSAF soutient que le caractère mensuel et forfaitaire de la rénumération corrobore le statut de salariat ainsi que le fait que les factures doivent être adressées tous les 5 du mois.

D’une part, ces dispositions sont prévues dans les dites conventions et d’autre part elles proviennent de la conception et diffusion des oeuvres de M. [T] correspondant aux droits d’auteur.

De plus, M. [T] justifie qu’il perçoit des revenus d’autres prestations pour d’autres opéras et autres institutions (pièce n°6).

Le moyen soulevé par l’URSSAF à ce titre est non fondé.

– en ce qui concerne le lien de subordination :

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail.

L’URSSAF estime que M. [T] ne dispose pas d’une indépendance propre à l’artiste, les thématiques, lieux, supports étant imposés, que sa mission dépend des directives de la direction et sous la responsabilité du directeur artistique M. [V], que l’absence de risque économique est caractérisée, M. [T] percevant une rénumération tous les mois et que le fait que les frais professionnels correspondant à des frais de déplacement indique que son employeur lui donne l’ordre de se rendre à un endroit déterminé pour y exercer son activité.

Cependant, les dispositions de l’article 5 des dites conventions mentionnent que : « pour les reportages photographiques de la saison 13-14, le planning sera établi en fonction des projets et spectacles, et sera décidé en concertation et d’un accord commun entre M. [T] et M. [V], directeur artistique. »

Ces dispositions ne peuvent être assimilées à un pouvoir de direction et de contrôle de l’employeur dans la mesure où M. [T] en tant que photographe indépendant doit respecter la programmation de l’Opéra et donc ses thématiques mais reste libre de sa prestation artistique et de son organisation de travail.

De plus, comme démontré ci-dessus, M. [T] bénéficie d’autres rénumérations auprès d’autres institutions (pièce n°6 par exemple opéra comique du 25 au 29 juin 2014 , stuggart en décembre 2013,reportage à [Localité 5] en mars 2014) et la prise en charge des frais de déplacement correspondent à des frais pour des missions relatives à ses prestations artistiques sur la période contrôlée et ne relèvent pas d’un pouvoir de contrôle et de direction de l’Opéra de [Localité 2].

Par ailleurs, comme le souligne M. [T], aucune sanction n’est prévue dans les dites conventions.

Le lien de subordination à l’égard de M. [T] n’est donc pas établi.

Les éléments développés ci-dessus ne permettent pas de caractériser le statut de salarié de M. [T] au sein de l’Opéra de [Localité 2].

M. [T] n’étant pas, sur la période considérée, salarié de l’Opéra de [Localité 2] et ne relevant pas en conséquence du régime général, l’URSSAF n’était pas fondée à réintégrer dans l’assiette des cotisations et contributions sociales dues par l’Opéra de [Localité 2] le montant des sommes allouées à l’intéressé en contrepartie de son activité.

Le redressement n°1 est annulé.

Le jugement sera donc confirmé.

– Sur les autres demandes

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l’union de recouvrement des cotisations de la sécurité sociale et des allocations familiales de Bourgogne et la condamner à verser à l’Opéra de [Localité 2] la somme de 2000 euros,

L’union de recouvrement des cotisations de la sécurité sociale et des allocations familiales de Bourgogne supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par décision contradictoire,

CONFIRME le jugement du 22 juin 2021 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

– Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l’union de recouvrement des cotisations de la sécurité sociale et des allocations familiales de Bourgogne et la condamner à verser à l’Opéra de [Localité 2] la somme de 2000 euros,

– Condamne l’union de recouvrement des cotisations de la sécurité sociale et des allocations familiales de Bourgogne aux dépens d’appel.

Le greffier Le président

Sandrine COLOMBO Olivier MANSION

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x