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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 8
ARRET DU 01 Décembre 2011
(n° , pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 09/05937 – JS
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Mars 2009 par le conseil de prud’hommes de PARIS section encadrement RG n° 08/11098
APPELANTE
Madame [U] [S]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Saskia HENNINGER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0487
INTIMEES
SYNDICAT NATIONAL DES CORRECTEURS ET DES METIERS CONNEXES
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
non comparante
SARL [N]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Michel BIET, avocat au barreau de PARIS, toque : R012
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Octobre 2011, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Julien SENEL, Vice-Président placé, chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Catherine METADIEU, Présidente
Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère
M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 20 juillet 2011
Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats
ARRET :
– REPUTE CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :
[N] sont un groupe de presse de mode et de luxe, publiant notamment le mensuel l’Officiel de la couture.
Madame [U] [S] a été embauchée à compter du 10 novembre 1997, par la société [N], par contrat à durée indéterminée à temps partiel du 14 octobre 1997 en qualité de Rédactrice en chef adjointe du magazine l’Officiel de la Couture. En 2002, elle a été promue en qualité de «Rédactrice en chef magazine».
Par avenant en date du 1er mars 2001, Madame [S] s’est engagée à céder l’ensemble des droits patrimoniaux de propriété littéraire et artistique sur sa contribution moyennant une rémunération brute annuelle complémentaire de 10.000 francs à titre de droit d’auteur.
En mai 2006, Madame [S] a reçu un avertissement, qu’elle a contesté, en raison d’un article consacré au directeur Général de l’Oréal, cet article ayant généré une réimpression.
Le 6 novembre 2006, l’employeur de Madame [S] lui a demandé de s’occuper d’une partie du magazine, intitulée « L’Officiel Business », assortissant la revue de mode.
Tout en émettant des réserves tant sur la pérennité du poste proposé que sur les moyens mis à sa disposition, Madame [S] a indiqué par courrier du 20 novembre 2006 qu’elle était disposée « à s’impliquer avec énergie et enthousiasme dans le projet particulièrement intéressant et adapté à ses compétences »précisant que «la cible me semble judicieuse et je suis convaincue qu’il y a un créneau à saisir».
Elle a ainsi quitté son ancien poste, s’est installée dans de nouveaux locaux et a réalisé le lancement des deux numéros de l’Officiel Business, sortis en avril et octobre 2007.
Par mail du 20 février et courrier recommandé du 9 mai 2007, elle a fait part à son employeur de plusieurs difficultés.
Par lettre datée du 12 novembre 2007, qu’elle a contestée, son employeur lui a reproché son inaptitude et son insuffisance professionnelle pour conduire à bien le magazine.
Le 10 décembre 2007, elle s’est portée candidate aux élections professionnelles prévues le 20 décembre 2007.
Le 17 décembre 2007, Madame [N], présidente de la société, a réitéré ses reproches.
Par courrier daté du 20 décembre 2007, Madame [S], invoquant l’impossibilité d’accepter la modification de fonctions imposée par son employeur, a demandé à être réintégrée pleinement dans le poste de Rédactrice en chef du magazine l’ Officiel de la couture, titre correspondant à son contrat de travail.
Le 10 janvier 2008, la direction a choisi d’intégrer le contenu de l’Officiel Business dans la revue l’Officiel.
Estimant que ses fonctions étaient dégradées, Madame [S] a indiqué par courrier du 29 janvier 2008 à la société qu’elle considérait que celle-ci avait par ce dernier acte résilié son contrat de travail et qu’elle entendait en tirer les conséquences sur le plan judiciaire.
Madame [S] a déposé des congés payés du 4 février au 8 mars 2008.
Le 5 février 2008, la société a indiqué à Madame [S] qu’elle interprétait son courrier comme une démission.
Le 12 février 2008, Madame [S] a rétorqué qu’elle n’avait jamais eu l’intention de démissionner mais qu’elle entendait demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
C’est dans ce contexte que Madame [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt d’une demande de résiliation judiciaire le 12 février 2008.
Lors de l’audience du bureau de conciliation tenue le 6 mars 2008, le conseil de prud’hommes a entériné la prise d’acte de Madame [S].
Le 10 mars 2008, à son retour de congés, Madame [S] a notamment constaté que son bureau était occupé et débarrassé de ses affaires personnelles. Elle a donc confirmé dans un courrier du 11 mars 2008 la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société.
Le conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt s’est déclaré incompétent territorialement au profit du conseil de prud’hommes de Paris.
Devant ce conseil, elle a sollicité au dernier état de la procédure, la condamnation de son employeur au paiement des sommes suivantes :
– 13.600,50 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 1.360 euros de congés payés afférents
– 49.868,5 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement
– 108.804 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 2.960 € à titre de congés payés complémentaires
– 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 25 mars 2009, le conseil de prud’hommes de Paris l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée aux dépens.
La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective des journalistes.
Par arrêt du 30 août 2011, la cour a désigné Mme [L] aux fins de médiation, sursis à statuer sur toutes les demandes des parties, à la suite de l’audience du 9 juin 2011, et renvoyé la cause, à défaut d’accord des parties, à l’audience du 28 octobre 201, la notification de l’arrêt valant convocation des parties à ladite audience.
Régulièrement appelante, Madame [S] demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée aux dépens, de juger que la prise d’acte du contrat de travail produit les effets d’un licenciement nul, de requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, de juger que la clause de cession est illicite et en conséquence, de condamner la société [N] au paiement des sommes suivantes :
-36.584 € à titre de rappel de salaire sur la période non prescrite au titre de la requalification à temps plein;
– 3.658,40 € de bruts de charges sociales, à titre de rappel de congés payés afférents ;
-2926,72 € bruts de charges sociales à titre de rappel de treizième mois afférent ;
-127.831,92 € et subsidiairement 92.711,28 €, nets de charges sociales, à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul;
– 15.978,99 € et subsidiairement 11.588,91 €, bruts de charges sociales, à titre d’indemnité pour violation du statut protecteur;
– 72.909,33 € et subsidiairement 52.878,15 €, nets de toutes charges sociales, à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement;
-10.652,66 € et subsidiairement 7.725,94 € ainsi que 1.065,2 €et subsidiairement 772,29 €, bruts de charges sociales, à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents ;
– 31.957,98 € et subsidiairement 23.177,82 €, nets de toutes charges sociales, à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;
– 31957,98€ et subsidiairement 23.177,82 € nets de toutes charges sociales, à titre de dommages et intérêts sur la clause de cession des droits patrimoniaux ;
– 10.000 € nets de toutes charges sociales, à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct moral et professionnel ;
– 2.960 € bruts de charges sociales à titre de rappel de congés payés complémentaires ;
– 3.000 € H.T au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
La société [N] demande à la Cour au visa des articles L.111-1 du code de la propriété littéraire et artistique, L 1232-1, L 1235-1 et L 3123-14 du code du travail, de se déclarer incompétente pour statuer sur la demande concernant les droits d’auteur au profit du Tribunal de Grande Instance de PARIS, juger que n’est pas de bonne foi la démarche consistant à prendre un poste, à l’occuper, mais à maintenir qu’on ne l’a pas accepté, si ce n’est sous condition suspensive, ce qui conférerait à l’auteur de cette démarche le droit de refuser de continuer à occuper le poste qu’il a ainsi investi, au premier sujet de différend avec son employeur; juger qu’on accepte ou qu’on refuse un poste, pas les deux à la fois ; qu’au même titre que les licenciements sous condition suspensive n’existent pas, on ne saurait admettre les accords sous condition suspensive des salariés, sur leurs affectations, ou toutes autres modifications des conditions de travail à effet purement potestatif; qu’au demeurant, changer d’affectation – surtout dans le sens de la promotion – n’est pas changer de contrat, mais de conditions de travail, ce qui ne peut se refuser, sans commettre une faute grave; que collaborer à l’un des magazines l’OFFICIEL édité par son employeur ne saurait s’analyser en une modification contractuelle, surtout quand on a un contrat de journaliste, sans mention particulière de rattachement à telle ou telle version de l’OFFICIEL, s’agissant d’un changement de conditions de travail permettant de passer de la fonction de rédacteur en chef-magazine à la fonction de rédacteur en chef au sens plein, dans le contexte d’un magazine de mode ou la partie magazine occupe une portion congrue; qu’on ne saurait prendre prétexte d’une remontrance, voire d’un grief très ferme, pour alléguer qu’on aurait conditionné un accord – de façon occulte ou tellement habile qu’on pouvait aussi bien dire qu’il n’y avait pas de véritable accord – le procédé pouvant aussi bien s’analyser en une décharge ou réserve de responsabilité en cas d’échec – et organiser ainsi une «prise d’acte de la rupture », sans tomber sous le coup des sanctions de la mauvaise foi ; que Madame [S] a quitté ses fonctions après avoir refusé, très tardivement, ce qui n’était qu’un aménagement de ses conditions de travail, tous les instruments contractuels et autres échanges de lettres ayant été mis à sa disposition, et que la responsabilité de la rupture de son contrat de travail lui incombe.
La société [N] demande de juger qu’on ne saurait parler d’atteinte à une protection qui n’a été recherchée que par fraude et dans la perspective de manoeuvres et de procédés lisiblement conçus à l’avance par la salariée, pour se ménager une position tactique avantageuse, face à ce qu’on voulait considérer comme une mise en cause de son emploi; qu’on ne saurait requalifier un emploi à temps partiel en un emploi à temps plein, et voir des heures supplémentaires non déclarées et non rémunérées là où aucune contrainte n’a jamais été imposée ( et ne pouvait être imposée) à un journaliste, ayant trait à la durée de son travail, aucune preuve précise de véritables anomalies n’étant rapportées, dans un mode de collaboration fondé sur la liberté, y compris pour la récupération d’éventuels dépassements prévus par un accord collectif; que l’excès hypocrite des consignes de travail débouchant sur des dépassements évidents d’horaires n’est pas établi quand il ressort des pièces du dossier qu’un magazine se réalise en un mois, et qu’en l’espèce, des magazines comparables, chez le même employeur, se réalisent 6 fois au moins l’an, alors qu’il n’était imposé que deux magazines par an à Madame [S]; qu’on ne part pas en croisière de luxe sur le Nil, au frais de son employeur, quand on est débordé de travail; débouter l’appelante de ses demandes.
Subsidiairement, la société [N] de que le salaire de référence de Madame [S] est tout au plus 4067, 55 €, que les demandes de Madame [S] ne sont même pas justifiées dans leur quantum, outre que leur principe ne saurait être retenu, qu’il en va ainsi, en particulier, s’agissant des dommages intérêts réclamés, alors qu’on ignore quel est exactement le statut de Madame [S], si elle recherche activement un emploi; qu’en mettant les choses au mieux pour la demanderesse, le montant des dommages et intérêts auquel elle pourrait prétendre si la rupture de son contrat était jugée sans cause réelle et sérieuse et imputable à la responsabilité de son employeur…serait de 24.405, 30€ ; qu’il n’est rapporté la preuve d’aucune exploitation des droits d’auteurs patrimoniaux de l’appelante, pourtant rémunérés et la débouter de ses demandes.
Le syndicat national des correcteurs et des métiers connexes n’était ni comparant ni représenté.
Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier lors de l’audience des débats.
MOTIFS ET DECISION :
1) Sur la compétence de la cour en matière de propriété littéraire :
Nouvellement saisie d’une demande ayant trait à des droits d’auteur, la société [N] soulève l’incompétence de la « juridiction prud’homale » au profit du Tribunal de Grande Instance de Paris.
Aux termes de l’article L.331-1 du Code de la propriété intellectuelle, dans sa version en vigueur du 6 août 2008 au 19 mai 2011, toutes les contestations relatives à l’application des dispositions de la première partie du présent code ( propriété littéraire et artistique) qui relèvent des juridictions de l’ordre judiciaire sont exclusivement portées devant les tribunaux de grande instance, sans préjudice du droit pour la partie lésée de se pourvoir devant la juridiction répressive dans les termes du droit commun.
La juridiction prud’homale est compétente pour connaître de contestations portants sur les droits de propriété intellectuelle adossés au contrat de travail.
En l’espèce, Madame [S] sollicite, sur le fondement de l’article L131-3 du Code de la propriété intellectuelle, la nullité de la clause de cession des droits patrimoniaux de propriété littéraire et artistique figurant dans son contrat de travail.
Née à l’occasion de la relation de travail avec la société [N], cette demande relève de la compétence prud’homale.
La cour, statuant en matière prud’homale comme juge d’appel, est donc compétente pour statuer sur cette demande.
2) Sur la prise d’acte de la rupture :
En cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.
Il appartient au salarié d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur.
L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige; le juge est tenu d’examiner les manquements de l’employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.
Il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.
En l’espèce, Madame [S] affirme que son employeur est à l’origine de manquements graves qui, pris ensemble ou isolément, caractérisent une absence de bonne foi et de loyauté manifeste de la société la privant de ses droits et justifiant la prise d’acte aux torts de son employeur, ce qu’il conteste.
a) Sur la modification du contrat de travail
L’employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, peut changer les conditions de travail d’un salarié. La circonstance que la tâche donnée à un salarié soit différente de celle qu’il effectuait antérieurement, dès l’instant où elle correspond à sa qualification, ne caractérise pas une modification du contrat de travail.
Le refus par un salarié de continuer le travail ou de le reprendre après un changement de ses conditions de travail décidé par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction constitue, en principe, une faute grave qu’il appartient à l’employeur de sanctionner par un licenciement.
En l’espèce, le contrat de travail de Madame [S] mentionne que sa qualification est celle de «rédactrice en chef adjointe partie magazine du support l’Officiel de la Couture ». A compter d’octobre 2002, Madame [S] est devenue « rédactrice en chef magazine ».
La société lui a demandé le 6 novembre 2006 de lancer un nouveau magazine, l’Officiel Business.
Aucun numéro d’ISSN et de Commission paritaire n’a été attribué à L’Officiel Business, contrairement à ce qui était envisagé.
Or, l’article 8 de la convention collective des journalistes, applicable au cas d’espèce, prévoit que : «Si un journaliste est appelé par son employeur à collaborer à un autre titre que celui auquel il est attaché ou à exécuter son contrat de travail selon un mode d’expression différent, cette modification doit faire l’objet d’un accord dans les conditions prévues à l’article 20 », lequel prévoit qu’ « un échange de lettres sera nécessaire chaque fois qu’interviendra une modification du contrat de travail », ce qui n’a pas été fait avec Madame [S] alors que, contrairement à ce que soutient son employeur, il ne s’agissait non d’une simple modification des conditions de travail mais d’une modification du contrat de travail, puisque non seulement sa qualification contractuelle, à savoir celle de rédactrice en chef du magazine l’Officiel de la Couture, avait été modifiée, mais ses attributions et ses tâches n’étaient plus les mêmes, ainsi que son lien hiérarchique, étant même placée sous la direction de sa remplaçante, Madame [P] à compter du mois de janvier 2008.
Enfin, la cour observe que dès l’annonce de ses nouvelles fonctions, Madame [S] a réagi en ces termes par courriel du 7 novembre 2006 adressé à [G] [N] :
« Je suis encore sous le choc de la nouvelle que vous m’avez annoncé hier et j’avoue ne toujours pas comprendre comment une mesure aussi brutale a pu intervenir, après neuf ans d’implication totale dans cette rédaction alors que le titre se porte bien et que j’ai réussi à boucler le dernier numéro dans des conditions très difficiles.
J’ai malgré tout commencé, dès la fin de la réunion d’hier, à réfléchir au nouveau projet que vous me proposer de lancer. Un défi très intéressant mais qui ne constitue pas une promotion puisque je devrais quitter un titre solide et doté d’une véritable équipe pour un supplément de moindre importance qui représente un challenge risqué et difficile, doté d’un budget moindre. Pour pouvoir accepter sans réserve cette proposition je souhaiterais donc disposer de plus d’informations sur la pérennité de ce poste, l’équipe dont je disposerai et reparler de certains points d’organisation. »
Elle a par la suite ajouté par courrier du 20 novembre 2006, adressé à [G] [TV] [N], présidente des [N], ceci:
«… J’ai été assez étonnée par la rapidité avec laquelle les choses se sont passées.
En effet, apprendre l’après midi pour le lendemain que je dois laisser mon poste à une autre personne est une chose plutôt déstabilisante. J’ai reçu jeudi la visite d'[H] [J] me demandant de quitter mon bureau pour m’installer dans les locaux de l’Optimum, dans un espace étriqué et plus exposé. Je m’incline si c’est votre souhait mais j’aimerai que cela ne se déroule pas de façon trop humiliante pour moi. Je souhaiterais aussi avoir le temps de trier mes affaires. J’ai bien noté que mon salaire annuel sera le même et que mon nom restera dans l’ours de l’Officiel ».
Il en résulte que non seulement Madame [S] avait émis des réserves dès le début des changements imposés mais qu’elle a réitéré ces dernières tout au long des mois qui ont suivi ces changements.
Or, l’acceptation de modifications du contrat de travail ne doit présenter aucun caractère équivoque et ne peut résulter de la poursuite de l’exécution du travail aux nouvelles conditions.
Par ailleurs, par courrier du 16 avril 2008, l’inspecteur du travail avait indiqué à la société ceci :
«Je vous rappelle aussi que vous ne pouvez modifier unilatéralement un élément essentiel du contrat de travail d’un salarié sans son accord express. Or, la jurisprudence considère que la déqualification des tâches d’un salarié constitue une modification d’un élément essentiel du contrat, et il semble bien que les modifications successives du contenu du travail de Madame [S] se soient traduites par une déqualification de ses tâches ».
Enfin, aucun avenant n’a été signé entre les parties.
Dans ces conditions, Madame [S] était en droit de solliciter sa réintégration dans le poste correspondant à sa qualification contractuelle, à savoir rédactrice en chef du magazine l’Officiel de la Couture, ce qu’elle a fait par courrier du 20 décembre 2007, en vain.
b) Sur le manquement lié aux conditions de travail
Madame [S] affirme que la façon dont elle a été traitée tout le long de la relation contractuelle justifie également la prise d’acte, déplorant un manque de moyens matériels, humains et financiers ainsi qu’une « mise au placard professionnelle », ce que conteste son employeur.
S’agissant du manque de moyens matériel, Madame [S] justifie avoir interrogé son employeur en ces termes : « j’aurais besoin de quelques précisions sur les moyens et l’équipe dont je disposerai et aussi ce que je deviendrai si ce titre ne répond pas à vos espérances. Il faudrait que nous en reparlions… » puis avoir attiré son attention, dès son entrée en fonction, sur ses conditions de travail en ces termes : « Je suis arrivée dans mon nouveau bureau alors que rien n’était prêt : tous les placards sont plein, (…) je ne peux rien ranger, c’est le chaos total (..). Je devais avancer pour lundi sur le projet en travaillant sur ma doc papier qui est désormais totalement éparpillée. Avec la meilleure volonté du monde, je ne vois pas comment faire (…) » .
Madame [S] démontre en outre qu’elle s’est plainte à plusieurs reprises notamment d’avoir retrouvé son bureau « dévasté par la chute d’une étagère », non réparée par la suite, d’avoir retrouvé ses affaires personnelles déménagées, l’emplacement de son bureau modifié pour permettre l’adjonction de trois nouveaux bureaux collés contre le sien, ainsi que de la disparition de ses lunettes volées et de notes destinées à rédiger deux sujets. Elle justifie également avoir dénoncé le fait qu’elle ne bénéficiait pas d’un matériel adapté à la réalisation du projet (ordinateur lent ; imprimante défectueuse, internet et téléphone en panne, secrétaire et directeur artistique dépourvus de bureaux ou d’ordinateur adapté…), situations qu’elle qualifiait d’humiliantes le 2 décembre 2007 et dont elle demandait qu’elles ne se reproduisent plus.
Elle précise que l’équipe en était réduite à déménager chez le graveur pour disposer de matériel adapté lors des bouclages.
Madame [T] atteste ceci : « J’ai dû les deux fois terminer mon travail directement chez le photograveur, qui me laissait disposer d’un poste de travail normal, avec [U] [S], qui venait relire avec moi les derniers maquettes modifiées au dernier moment par la direction ou le directeur de création ».
[I] [C] [T] et [X] [Y], secrétaires de rédaction à l’époque des faits constatés, attestent de l’environnement de travail de Madame [U] [S] en ces termes :
-« Je découvre qu’on a enlevé son bureau à [U] [S] pour la placer dans un petit bureau, dans un coin d’une autre rédaction (l’Optimum). Elle n’a qu’un petit e-mac défraîchi…. » ;
-« Mon bureau était si exigu que je n’avais pas de place où poser une page à plat afin de la relire. Il était accolé de face à celui, guère plus grand de [U], dont l’ordinateur débordait sur mon bureau et réciproquement ».
Il en résulte que Madame [S] n’avait pas les moyens matériels suffisants pour assurer sereinement ses nouvelles fonctions.
S’agissant du manque de moyens humains et financiers pour assurer le lancement du nouveau magazine, Madame [S] affirme qu’elle a appris dès le 28 décembre 2006, que le budget annoncé avait diminué de moitié. Elle démontre avoir alerté la Direction sur les difficultés en résultant par courriels des 28 décembre 2006, 15 octobre 2007 et 12 novembre suivant.
Il résulte des échanges de courriels produits, de l’attestation de [E] [F] épouse [O], journaliste pigiste à l’époque des faits, et du «chemin de fer financier» de l’Officiel Business, que le budget attribué était tel que Madame [S] a dû recourir à des sujets gratuits voire même négocier à moitié prix les piges de certains journalistes.
Le prix unitaire à la page de ce nouveau magazine comparé à celui de l’Officiel était environ deux fois moindre en 2007, étant observé que la comparaison faite par l’employeur avec l’officiel Voyage est inopérante puisque ce magazine ne contenait pas de pages «mode» qui sont précisément les plus chères.
Or, en dépit des alertes de Madame [S], la Direction a réduit davantage le budget de l’Officiel Business en 2008.
Par ailleurs, il est établi que dès le 28 décembre 2006, Madame [S] a alerté la Direction sur l’absence de moyens humain mis à sa disposition en ces termes :
«Je me trouve par ailleurs très seule sur ce projet puisque je dois lancer les sujets sans entretien préalable avec un DA ou un maquettiste et sans adjoint. [LF] [D] avait [K] pour lui, sur deux fois plus d’heures, ainsi que [W] pour l’aider et plus de temps de préparation. Il a malgré tout trébuché. [V] [R] a une équipe solide. Je n’ai pour l’instant pas même une stagiaire et il faut, en plus, que j’écrive beaucoup de pages. C’est une situation inédite. Quelque soit le nombre de parutions ultérieures, la difficulté de mise au point d’un nouveau magazine reste entière».
Par la suite, l’absence de budget suffisant a privé Madame [S] d’un iconographe réellement disponible pourtant essentiel à la réalisation du projet.
Il en résulte que l’absence de moyens humains et financiers suffisants pour mener à bien les fonctions confiées est établie.
Madame [S] a dénoncé sans équivoque la gravité de la situation, notamment en ces termes par courriel 19 février 2007 : « Je me heurte à des obstacles de tous les niveaux. Puisqu’il faut tirer la sonnette d’alarme tant que l’on peut sauver la situation, je la tire vigoureusement ».
Bien qu’alertée de l’ absence de moyens matériels, financiers et humains non seulement dès le début du projet mais également tout au long de sa réalisation, la société ne démontre pas avoir apporté une réponse permettant que la situation dénoncée s’améliore, adressant en revanche à Madame [S] des reproches concernant des erreurs commises et son manque d’organisation.
Dans un courrier circonstancié du 3 décembre 2007, Madame [S] a par ailleurs contesté point par point ces critiques et a indiqué que le changement de poste lui avait été brutalement imposé. Son employeur, bien que conscient des difficultés rencontrées, a cependant refusé par la suite de faire droit à sa demande de réintégration formulée par courrier du 20 décembre 2007.
S’agissant enfin de la mise au placard « professionnelle » dénoncée par Madame [S], il n’est pas contesté qu’elle a tenu 9 ans durant la rédaction en chef d’un magazine de mode prestigieux. En acceptant, manifestement sous la contrainte morale et avec les réserves ci-dessus rappelées, de nouvelles fonctions, Madame [S] a en réalité été « rétrogradée », l’Officiel Business n’ayant pas la même envergure que l’Officiel, cette rétrogradation s’étant au surplus accompagnée de mesures vexatoires puisqu’elle a notamment :
– été radiée des listes fournies par la direction aux marques, pour les invitations aux défilés de couture, lesquelles sont liées aux fonctions de rédactrice en chef d’un magazine de mode et à la réputation professionnelle ;
– été écartée des autres invitations ou figuraient pourtant tous ses confères du groupe ;
– été publiquement malmenée, comme en atteste [E] [F] en ces termes: Madame [S] « a mené l’Officiel de la Mode au plus haut niveau dans un secteur très concurrentiel centré sur la presse féminine de luxe. Bras droit de [G] [TV], elle a brutalement été écartée de l’Officiel de la mode où elle fournissait pourtant un travail formidable chaque mois. Elle a été placée à la tête d’un hors série, l’Officiel Business (…) Ce projet sans grand avenir ne pouvait être une promotion pour [U] [S], et n’était pas considérée comme telle par la profession (…).
Elle a donc dû trouver un autre emploi. Elle a trouvé un poste dans un magazine web, Prestigium .com. Toutefois dans notre milieu professionnel cela constitue clairement une rétrogradation, un point négatif dans une carrière du niveau de celle de [U] [S]. Les sites web sont aléatoires, précaires et il est difficile d’obtenir interview ou reportages dont bénéficient la presse classique et installée ».
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les griefs invoqués par Madame [S] à l’encontre de son employeur sont fondés.
c) Sur les infractions à la durée du travail :
Madame [S] soutient que son contrat de travail à temps partiel est irrégulier, qu’elle travaillait en réalité à temps complet et effectuait des heures supplémentaires, ce que conteste son employeur.
Aux termes de l’article L.2123-14 du Code du travail, le contrat de travail à temps partiel doit contenir obligatoirement certaines mentions dont notamment :
– la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail convenue,
– la répartition de la durée du travail entre les jours ou les semaines,
– les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir,
– les modalités selon lesquelles les horaires de travail seront communiqués au salarié,
– les limites dans lesquelles le salarié peut afficher des heures complémentaires.
Madame [S] a été embauchée en contrat de travail à temps partiel. Or, aucune des mentions obligatoires ne figurent dans son contrat. Dès lors, le contrat est présumé à temps complet.
C’est vainement que la société invoque l’article 29 de la Convention collective des journalistes selon lequel la répartition des heures n’est pas déterminable alors que cet article concerne précisément les journalistes travaillant à temps plein.
En outre, Madame [S] produit son agenda et des courriels qui démontrent qu’alors qu’elle avait obtenu de ne pas travailler le mercredi (soit 110 heures mensuelles), la répartition du temps de travail envisagée n’a pu être respectée du fait de la charge de travail, étant contrainte de travailler à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, tout au long de la semaine, y compris le mercredi et certains week-ends.
Le fait que Madame [S] a fait une croisière sur le Nil ne met nullement à néant ce grief, puisqu’elle explique qu’elle s’est déplacée, en effectuant cette croisière, avec l’accord de sa direction, pour réaliser un article pour l’Officiel Business et qu’elle a réalisé un deuxième article gratuit pour L’Officiel Voyage, ce qui constituait une économie pour la société, laquelle ne démontre pas le contraire.
Les éléments versés au débat démontrent au demeurant que la société a imposé à Madame [S] de rester en permanence à la disposition de son employeur, générant des heures complémentaires nettement supérieures à la durée légale et ce, sans respect du délai de prévenance et sans aucune majoration de salaire, étant observé que Madame [S] n’est pas démentie lorsqu’elle soutient que sa remplaçante a été recrutée à temps complet et qu’une équipe complète lui a été adjointe.
Si des heures on bien été compensées par des jours de récupération, il ressort des pièces produites que cela résulte de difficiles négociations, Madame [S] écrivant notamment ceci en 2004: «J’ai donc appris mi août qu’il m’était soudain contesté le droit de récupérer les mercredis travaillés. Je vous rappelle que mon contrat prévoit un temps partiel avec des mercredis libres. Voilà sept ans que les impératifs de bouclage ou autres m’obligent à travailler le mercredi (…) ».
Il résulte des ces éléments que le grief allégué est fondé.
d) Sur la nullité de la clause de cession des droits patrimoniaux de propriété littéraire et artistique
L’article L131-3 alinéa 1 du code de la propriété intellectuelle prévoit que « La transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée».
Par avenant en date du 1er mars 2001, la société a fait régulariser par Madame [S] une cession de droits d’auteur moyennant une rémunération de 10000 francs par an.
La clause est rédigée de la manière suivante :
«En contrepartie d’une rémunération brute annuelle complémentaire de 10.000 francs Madame [U] [S] cède, à titre exclusif et définitif à la société LES EDTIONS [N] l’ensemble des droits patrimoniaux de propriété littéraire et artistique sur sa contribution.
Ces droits comprennent notamment les droits de représentation et de reproduction (y compris par reprographie, télétransmission, fax, etc. et/ou sur banques de données, multimédia, CD-ROM, etc.) qui pourront être exploités par l’éditeur ou par un tiers autorisé ou cessionnaire pendant la durée de la propriété littéraire, en toutes langues et tous pays, et par tous procédés actuels ou futurs.
Madame [U] [S] garantit à l’éditeur la jouissance des droits cédés contre tout trouble, revendication et éviction quelconque.
Cette somme sera versée sur les bulletins de paie de MARS et AOUT.
Cette somme qui a fa caractère de rémunération de droits d’auteur n’entrera pas dans le calcul du 13eme mois».
La clause ainsi rédigée ne précise pas les différents droits cédés, se contentant d’indiquer «etc».
De plus, la clause indique que les droits pourront être exploités « par tous procédés actuels ou futurs», alors que les domaines d’exploitation doivent être délimités quant à leur étendue.
Enfin, l’exploitation des droits n’est pas délimitée dans l’espace et la durée puisqu’elle indique que les droits « pourront être exploités par l’éditeur ou par un tiers autorisé ou cessionnaire pendant la durée de la propriété littéraire, en toutes langues et tous pays, et par tous procédés actuels ou futurs».
Il en résulte que la clause est illicite.
S’il n’est pas contesté que la société à multiplié les éditions étrangères pendant cette décennie, profitant de l’essor de l’Officiel, aucune pièce justificative n’est produite à l’appui de cette demande alors qu’il appartenait à Madame [S] de justifier des articles ou légendes originales dont elle affirme être l’auteur et de leur reproduction dans les éditions étrangères de l’Officiel.
Au surplus, ce grief n ‘ayant été évoqué pour la première fois qu’en cause d’appel, il ne peut à lui seul justifier la prise d’acte.
C’est en outre vainement que la société critique la qualité des articles rédigées par Madame [S] et parus dans l’Officiel Business, ceux-ci ayant été validés par [G] [N].
Il résulte de l’examen des différents griefs allégués que Madame [S] a été victime de plusieurs manquements qui justifient, pris collectivement, la rupture du contrat aux torts exclusifs de la société, étant observé que les courriels et attestations de [M] [A], employée au secrétariat de rédaction de l’Optimum, et le courriel de [Z] [B], démontrent sans ambiguïté que la société a exercé des pression sur certains salariés pour obtenir des attestations ne correspondant pas à la réalité, versées devant le Conseil de prud’hommes.
3) Sur les demandes de Madame [S] :
Aux termes des articles L.2411-7 et L.2411-10 du code du travail, les candidats aux élections professionnelles bénéficient des dispositions protectrices pendant une durée de 6 mois.
Cette protection débute le jour de la connaissance de la candidature par l’employeur.
En l’espèce, Madame [S] soutient qu’ayant porté sa candidature à la connaissance de son employeur le 10 décembre 2007, la période de protection prenait fin le 10 juin 2008.
La rupture de son contrat ayant eu lieu le 10 mars 2008, donc durant la période de protection, Madame [S] sollicite 15.978,99 à titre principal, si la cour retient une moyenne de salaire des 12 derniers mois correspondant à un temps plein, soit 5326,33 €, et 11.588,91 euros à titre subsidiaire, si la cour retient une moyenne de salaire des 12 derniers mois correspondant à un temps partiel, à ce titre.
Si son employeur reconnaît que Madame [S] s’est bien portée candidate, sans suite, aux élections professionnelles organisées en décembre 2007, celle-ci ayant quitté de son propre chef [N] en mars 2008, l’employeur affirme qu’elle n’a pas été licenciée et qu’elle n’est donc pas fondée à solliciter le statut de salarié protégé.
Il résulte de la lettre datée du 7 mai 2008 adressée par la Direction des [N] à l’inspection du travail (DDTEFPP) que la société n’ignorait pas le statut de salarié protégé dont bénéficiait Madame [S], cette lettre étant notamment rédigée en ces termes : « Le 10 décembre 2007, Madame [S] se présentait au 2ème tour des élections des Délégués du Personnel ce qui, effectivement, lui conférait une protection pendant 6 mois».
A la date de la prise d’acte de la rupture, Madame [S] bénéficiait ainsi du statut protecteur sus-visé.
Les griefs invoqués contre la société [N] étant fondés, la prise d’acte produit les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur.
Dès lors, Madame [S] est fondée à obtenir le versement d’une indemnité forfaitaire au titre de la violation de son statut protecteur, les indemnités de rupture de son contrat de travail ainsi qu’une indemnité liée au caractère illicite de son licenciement.
Au titre de l’indemnité pour violation du statut protecteur, le salarié protégé a droit à une indemnité égale au montant des rémunérations qu’il aurait du percevoir entre son éviction et l’expiration de la période protection.
La rupture du contrat ayant eu lieu le 10 mars 2008 et la protection prenant fin le 10 juin 2008, Madame [S], dont il est démontré qu’elle travaillait en réalité à temps plein, est fondée à solliciter une indemnité de 15.978,99 €.
S’agissant des indemnités de rupture du contrat de travail, Madame [S] est fondée à obtenir :
– une indemnité conventionnelle de licenciement, conformément à l’article 44 de la convention collective des journalistes et à l’article L7112-3 du code du travail, d’ un montant de 72.909,33€;
– une indemnité compensatrice de préavis, conformément à l’article 46 de la convention collective applicable d’un montant de 10.652,66 € outre les congés payés afférents ;
– des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, lesquels, compte tenu notamment de l’ancienneté de Madame [S], de son âge, du montant de sa rémunération au moment de la rupture et des conséquences financières de celle-ci sera fixée à la somme de 74500€.
En outre, en l’absence des mentions obligatoires visées ci-dessus et compte tenu de l’accomplissement d’heures complémentaires au-delà des limites autorisées, il convient de faire droit à la demande de requalification du contrat en contrat à temps plein dans les limites de la prescription quinquennale, et donc de condamner la société au paiement d’un rappel de salaires sur la base d’un temps plein de février 2006 à mars 2008 à hauteur de la somme de 36.584€, outre les congés payés afférents, et d’un rappel de 13ème mois pour cette même période à hauteur de la somme de 2.926,72€.
Madame [S] est également fondée à obtenir le versement des indemnités suivantes:
-une indemnité en réparation du préjudice subi par elle du fait de la dissimulation de son emploi, l’intention frauduleuse de l’employeur étant caractérisée par l’absence des mentions correspondant au temps de travail réellement effectué, en application de l’article L.8223-1 du code du travail, soit la somme de 31.957,98€ ;
-des dommages et intérêts afférents à la clause de cession des « droits patrimoniaux de propriété littéraire et artistique » que la cour fixe au regard des éléments de la cause à la somme de 7000€ ;
– une indemnité complémentaire de congés payés de 2960€ compte tenu du fait que l’indemnité compensatrice de congés payés n’a porté que sur 44 jours au lieu de 60 jours, alors que son bulletin de paie de février 2008 mentionnait qu’elle disposait de 65 jours de congés payés et que celui de mars 2008 précise qu’elle n’ a pris que 5 jours de congés ;
– des dommages intérêts pour préjudice moral et professionnel distinct de celui réparé par l’indemnité de licenciement sans cause réel et sérieuse, que la cour fixe à la somme de 5000€.
PAR CES MOTIFS,
Infirme le jugement,
Dit que la prise d’acte du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Requalifie le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein,
Dit que la cour est compétente pour statuer sur la clause de cession des droits patrimoniaux de propriété littéraire et artistique, la juge illicite ,
Condamne la société [N] à payer à Madame [S] les sommes suivantes :
– 36584 € à titre de rappel de salaire sur la période non prescrite au titre de la requalification à temps plein;
– 3658,40€ de bruts de charges sociales, à titre de rappel de congés payés afférents ;
– 2926,72€ bruts de charges sociales à titre de rappel de treizième mois afférent ;
– 74500€ nets de charges sociales, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 15978,99€ bruts de charges sociales, à titre d’indemnité pour violation du statut protecteur;
– 72909,33€ nets de toutes charges sociales, à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement;
– 10652,66€ et 1.065,26€, bruts de charges sociales, à titre respectivement d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents ;
– 31957,98€ nets de toutes charges sociales, à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;
– 5000€ nets de toutes charges sociales, à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct moral et professionnel;
– 2960€ bruts de charges sociales à titre de rappel de congés payés complémentaires ;
– 3000€ au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
Déboute Madame [S] de sa demande de dommages et intérêts afférents à la clause de cession des droits patrimoniaux,
Condamne la société [N] aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,