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Y compris pour une diffamation en ligne, l’assignation délivrée sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 doit être notifiée au ministère public avant la date de la première audience de procédure.
Les garanties procédurales de l’article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 trouvent aussi application devant les juridictions civiles, y compris dans les procédures d’urgence : « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés ». Sur la procédure applicable en la matière, l’article 53 de la même loi précise que « la citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite. Si la citation est à la requête du plaignant, elle contiendra élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et sera notifiée tant au prévenu qu’au ministère public. Toutes ces formalités seront observées à peine de nullité de la poursuite ». |
→ Résumé de l’affaireMonsieur [O] [D] [M] a assigné en référé la société WARNING TRADING et Monsieur [I] [K] afin de leur demander de supprimer des publications diffamatoires le concernant sur internet, sous peine d’astreinte. L’assignation a été déclarée nulle une première fois pour défaut de notification au ministère public. Une nouvelle assignation a été délivrée, mais les défendeurs contestent sa validité. Monsieur [M] maintient ses demandes, arguant que les publications lui causent un préjudice important. Les défendeurs demandent le rejet des prétentions et réclament des dommages et intérêts pour harcèlement judiciaire. L’affaire est en attente de décision du juge des référés.
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→ Les points essentielsMOTIFSSur l’exception de nullité L’article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 prévoit que « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés ». Sur la procédure applicable en la matière, l’article 53 de la même loi précise que « la citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite. Si la citation est à la requête du plaignant, elle contiendra élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et sera notifiée tant au prévenu qu’au ministère public. Toutes ces formalités seront observées à peine de nullité de la poursuite ». Il est constant que cet article trouve application devant les juridictions civiles, y compris dans les procédures d’urgence. Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que l’assignation délivrée sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 doit être notifiée au ministère public avant la date de la première audience de procédure. Or, au cas présent, il est relevé que l’assignation notifiée au ministère public le 4 avril 2024 est une assignation signifiée 11 janvier 2024. L’assignation du 21 mars 2024, ce qu’il n’est pas justifié qu’elle a été notifiée au ministère public, sera donc déclarée nulle. Sur les demandes reconventionnelles L’article 1240 du code civil dispose que « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Et l’article 32-1 du code de procédure civile prévoit que « Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés ». Au cas présent, il convient de relever que c’est la seconde fois que la société WARNING TRADING et Monsieur [I] [K] sont assignés par un acte nul, pour le même motif. Il en résulte pour eux un préjudice moral qui sera intégralement réparé par la condamnation de Monsieur [M] à leur verser à chacun la somme provisionnelle de 1.000 euros. Il est en outre rappelé qu’une partie n’est jamais recevable à solliciter la condamnation de son adversaire au paiement d’une amende civile, que le juge des référés n’entend pas prononcer en l’état. Sur les demandes accessoires Monsieur [M], succombant, est condamné au paiement des dépens. Enfin, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société WARNING TRADING et de Monsieur [I] [K] l’intégralité de leurs frais de procédure non compris dans les dépens. Les montants alloués dans cette affaire: – Somme provisionnelle de 1.000 euros à payer à la société WARNING TRADING par Monsieur [O] [D] [M] à titre de dommages et intérêts
– Somme provisionnelle de 1.000 euros à payer à Monsieur [I] [K] par Monsieur [O] [D] [M] à titre de dommages et intérêts – Somme de 4.000 euros à payer à la société WARNING TRADING et à Monsieur [I] [K] par Monsieur [O] [D] [M] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile |
→ Réglementation applicable– Article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881
– Article 53 de la loi du 29 juillet 1881 – Article 1240 du code civil – Article 32-1 du code de procédure civile Texte de l’article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881: Texte de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881: Texte de l’article 1240 du code civil: Texte de l’article 32-1 du code de procédure civile: |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Ikrame ZAZOUI
– Me Pierre-Eugene BURGHARDT – Me Sarah BEAUCAMP |
→ Mots clefs associés & définitions– Nullité
– Diffamation – Procédure – Assignation – Ministère public – Demande reconventionnelle – Dommage – Amende civile – Préjudice moral – Dépens – Frais de procédure – Nullité : caractère de ce qui est nul, invalide ou non conforme à la loi
– Diffamation : fait de tenir des propos portant atteinte à la réputation ou à l’honneur d’une personne – Procédure : ensemble des formalités et des étapes à suivre pour régler un litige devant un tribunal – Assignation : acte par lequel une personne est convoquée à comparaître devant un tribunal – Ministère public : autorité chargée de représenter l’intérêt général dans les procédures judiciaires – Demande reconventionnelle : demande formulée par le défendeur à l’encontre du demandeur dans le cadre d’un procès – Dommage : préjudice subi par une personne du fait d’un acte illicite ou d’une faute commise par autrui – Amende civile : sanction pécuniaire prononcée par un tribunal en réparation d’un préjudice subi par la victime – Préjudice moral : atteinte subie par une personne dans sa dignité, son honneur ou sa réputation – Dépens : frais engagés par les parties dans le cadre d’une procédure judiciaire – Frais de procédure : frais liés à la mise en œuvre d’une procédure judiciaire, tels que les honoraires d’avocat ou les frais de justice |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 06 MAI 2024
MINUTE N° 24/01274
—————-
Nous, Madame Anne BELIN, Première Vice-Présidente, au Tribunal judiciaire de BOBIGNY, statuant en référés, assistée de Monsieur Tuatahi LEMAIRE, Greffier,
Après avoir entendu les parties à notre audience du 05 Avril 2024 avons mis l’affaire en délibéré et avons rendu ce jour, par mise à disposition au greffe du tribunal en application des dispositions de l’article 450 du Code de procédure civile, la décision dont la teneur suit :
ENTRE :
Monsieur [O] [M]
domicile élu chez Me ZAZOUI Ikrame, [Adresse 1]
représenté par Me Ikrame ZAZOUI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 45
ET :
Monsieur [I] [K]
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Pierre-Eugene BURGHARDT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C238 substitué par Me Sarah BEAUCAMP, avocat au barreau de PARIS,
La société WARNING TRADING
dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Pierre-Eugene BURGHARDT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C238 substitué par Me Sarah BEAUCAMP, avocat au barreau de PARIS,
Autorisé à assigner en référé à heure indiquée par ordonnance du 8 janvier 2024, Monsieur [O] [D] [M] a fait assigner en référé devant le président du tribunal judiciaire de Bobigny la société WARNING TRADING et Monsieur [I] [K] par acte délivré le 11 janvier 2024, afin qu’il leur soit enjoint à titre principal de :
supprimer définitivement deux publications présentes respectivement sur les liens internet suivant: https://[05]
s’abstenir de publier ou d’héberger tout contenu en rapport avec sa personne ;payer une astreinte de 300 euros par jour de retard.
Par décision du 8 février 2024, l’assignation délivrée le 11 janvier 2024 a été déclarée nulle pour ne pas avoir été notifiée au ministère public avant la date de la première audience de procédure.
Une nouvelle fois autorisé à assigner en référé à heure indiquée par ordonnance du 13 février 2024, Monsieur [O] [D] [M] a fait assigner en référé devant le président du tribunal judiciaire de Bobigny la société WARNING TRADING et Monsieur [I] [K] par acte délivré le 20 mars 2024, puis le 21 mars 2024 et demande au juge des référé de :
ordonner le retrait immédiat de toutes les vidéos et publications postées sur les réseaux sociaux par la société WARNING TRADING et Monsieur [I] [K] lui portant atteinte, et notamment :https://[06]condamner la société WARNING TRADING et Monsieur [I] [K] à y procéder sous astreinte de 2.000 euros par jour et par vidéo, à compter du prononcer de l’ordonnance à intervenir ;ordonner à la société WARNING TRADING et à Monsieur [I] [K] de prendre toute mesure technique et d’engager toute diligence auprès de tout tiers proposant un service en ligne et/ou un espace permettant l’accessibilité et le visionnage par tout internaute dudit contenu audiovisuel dont il est l’auteur et qu’il a publié sur les pages et sites ci-dessus désignés et de toute personne ayant partagé ce contenu pour que celui-ci ne puisse plus être consulté ou ne puisse plus être partagé et ne puisse plus circuler de quelque manière que ce soit sur internet ;ordonner la publication de la décision à venir sur le site [04] , celle-ci apparaissant nécessaire à la réparation de son préjudice ;ordonner l’exécution provisoire de la décision sur minute ;condamner la société WARNING TRADING et Monsieur [I] [K] à lui verser la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens dont distraction au profit de Maître Ikrame ZAZOUI en application de l’article 699 du code de procédure civile.
L’affaire a été appelée à l’audience du 5 avril 2024.
A cette audience, et in limine litis, la société WARNING TRADING et Monsieur [I] [K] demandent au juge des référés de déclarer nulle l’assignation du 21 mars 2024 pour défaut de notification au ministère public ; et également en ce qu’elle ne précise pas et ne qualifie pas les propos poursuivis créant ainsi une incertitude sur le fondement et l’étendue de la poursuite ; et en ce qu’elle ne précise pas le domicile du demandeur, ce qui lui cause grief s’agissant de l’exécution de la décision et de la signification d’une éventuelle déclaration d’appel. Ils soulèvent également la caducité de l’assignation à défaut d’une remise d’une copie au greffe au moins 15 jours avant la date de l’audience.
Monsieur [M] explique que l’assignation a été délivrée au ministère public le 4 avril 2024, et qu’il a choisi de se faire domicilier chez son avocat pour des raisons de sécurité et de protection de sa vie privée. Il ajoute qu’il détaille dans son assignation les cinq propos qu’il estime diffamants, et qu’il a demandé la suppression de l’intégralité de la vidéo, celle-ci ne pouvant être scindée ; qu’il vise dans l’assignation les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 ; et que l’article 754 du code de procédure civile relatif à la caducité de l’assignation n’est pas applicable dans le cadre d’un référé d’heure à heure.
Il conclut que l’assignation est régulière et ses demandes recevables.
Sur le fond, Monsieur [M] maintient ses demandes, expliquant que les publications visées par la procédure lui causent un important grief, tant du point de vue professionnel que personnel, et que le trouble manifestement excessif est caractérisé. Il ajoute que la demande reconventionnelle en dommages et intérêts, s’il y était fait droit, créerait un enrichissement sans cause au profit des défendeurs.
En réplique les défendeurs sollicitent le débouté des prétentions formulées à leur encontre et la condamnation de Monsieur [M] à leur verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Ils expliquent que Monsieur [M] ne justifie pas ses prétentions et met en œuvre à leur encontre une stratégie de harcèlement et d’intimidation judiciaire, en multipliant la délivrance d’assignations nulles et non placées, visant à exercer une pression financière à l’encontre de la société WARNING TRADING par un comportement procédural abusif. Ils ajoutent que cette stratégie caractérise un exemple de procédure baillon légalement répréhensible et que l’ensemble de ces faits justifie une indemnisation au visa des articles 32-1 du code de procédure civil et 1240 du code civil.
Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.
Par une note autorisée du 5 avril 2024, le demandeur a transmis un procès-verbal du 4 avril 2024 de dénonciation au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bobigny d’une assignation en date du 11 janvier 2024.
Sur l’exception de nullité
L’article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 prévoit que « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés ».
Sur la procédure applicable en la matière, l’article 53 de la même loi précise que « la citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite.
Si la citation est à la requête du plaignant, elle contiendra élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et sera notifiée tant au prévenu qu’au ministère public.
Toutes ces formalités seront observées à peine de nullité de la poursuite ».
Il est constant que cet article trouve application devant les juridictions civiles, y compris dans les procédures d’urgence.
Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que l’assignation délivrée sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 doit être notifiée au ministère public avant la date de la première audience de procédure.
Or, au cas présent, il est relevé que l’assignation notifiée au ministère public le 4 avril 2024 est une assignation signifiée 11 janvier 2024.
L’assignation du 21 mars 2024, ce qu’il n’est pas justifié qu’elle a été notifiée au ministère public, sera donc déclarée nulle.
Sur les demandes reconventionnelles
L’article 1240 du code civil dispose que « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Et l’article 32-1 du code de procédure civile prévoit que « Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés ».
Au cas présent, il convient de relever que c’est la seconde fois que la société WARNING TRADING et Monsieur [I] [K] sont assignés par un acte nul, pour le même motif.
Il en résulte pour eux un préjudice moral qui sera intégralement réparé par la condamnation de Monsieur [M] à leur verser à chacun la somme provisionnelle de 1.000 euros.
Il est en outre rappelé qu’une partie n’est jamais recevable à solliciter la condamnation de son adversaire au paiement d’une amende civile, que le juge des référés n’entend pas prononcer en l’état.
Sur les demandes accessoires
Monsieur [M], succombant, est condamné au paiement des dépens.
Enfin, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société WARNING TRADING et de Monsieur [I] [K] l’intégralité de leurs frais de procédure non compris dans les dépens.
Statuant en référés, par mise à disposition au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort,
Déclarons nulle l’assignation signifiée le 21 mars 2024 ;
Condamnons Monsieur [O] [D] [M] à payer à la société WARNING TRADING la somme provisionnelle de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Condamnons Monsieur [O] [D] [M] à payer à Monsieur [I] [K] la somme provisionnelle de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Rejetons toutes les autres demandes ;
Condamnons Monsieur [O] [D] [M] aux entiers dépens ;
Condamnons Monsieur [O] [D] [M] à payer à la société WARNING TRADING et à Monsieur [I] [K] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rappelons que la présente décision est exécutoire par provision.
AINSI JUGÉ AU PALAIS DE JUSTICE DE BOBIGNY, LE 06 MAI 2024.
LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT