Diffamation sur un forum de professionnels
Diffamation sur un forum de professionnels

Traiter une personne d’escroc sur un forum est une diffamation. En l’absence de condamnation définitive de la personne visée, la bonne foi de l’auteur des propos ne peut être retenue en l’absence de base factuelle suffisante.  

Affaire Tourmag

La société TOURMAG.COM qui exploite un site internet dédié au tourisme accessible à l’adresse URL www.tourmag.com a consacré deux articles dénonçant le comportement de d‘un voyagiste pour mettre en garde ses clients et fournisseurs contre lui :  

« Panamerican Voyages : l’arnaqueur de groupistes a encore frappé ! Réceptif (un acteur qui assure l’organisation d’une prestation touristique sur son marché national local) aux USA géré par Sammy X » ; «  Le gérant de Panamerican Voyages s’appelle Z A. Il est connu dans le secteur, pour avoir ‘planté beaucoup de gens’ nous informe une source qui préfère rester anonyme’» ;  Après ses incartades et ses arnaques, on pensait Z A terré quelque part en se faisant oublier pour préparer sa prochaine incartade’ Raté’! Le Robin des bois des Groupistes (sauf qu’il ne redistribue qu’à lui-même) dont Tourmag.com avait relaté les tristes exploits vient par l’intermédiaire de son avocat de nous menacer de porter plainte pour diffamation ».

Périmètre de la diffamation et de l’injure

La diffamation est toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé (article 29 alinéa 1 de la loi du 29’juillet 1881).

Il doit s’agir d’un fait précis, susceptible de faire l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité, ce qui distingue ainsi la diffamation, d’une part, de l’injure – caractérisée, selon le deuxième alinéa de l’article 29, par ‘toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait’- et, d’autre part, de l’expression subjective d’une opinion ou d’un jugement de valeur, dont la pertinence peut être librement discutée dans le cadre d’un débat d’idées mais dont la vérité ne saurait être prouvée’;

L’honneur et la considération de la personne ne doivent pas s’apprécier selon les conceptions personnelles et subjectives de celle-ci, mais en fonction de critères objectifs et de la réprobation générale provoquée par l’allégation litigieuse, que le fait imputé soit pénalement répréhensible ou manifestement contraire aux règles morales communément admises’;

La diffamation, qui peut se présenter sous forme d’allusion ou d’insinuation, doit être appréciée en tenant compte des éléments intrinsèques et extrinsèques au support en cause, à savoir tant du contenu même des propos que du contexte dans lequel ils s’inscrivent.

Par ailleurs, ni les parties, ni les juges ne sont tenus par l’interprétation de la signification diffamatoire des propos incriminés proposée par l’acte initial de poursuite et il appartient aux juges de rechercher si ceux-ci contiennent l’imputation formulée par le demandeur ou celle d’un autre fait contenu dans les propos en question.

Conditions de la bonne foi

Les imputations diffamatoires sont réputées, de droit, faites avec intention de nuire, mais elles peuvent être justifiées lorsque leur auteur établit sa bonne foi, étant précisé que la bonne foi ne peut être déduite de faits postérieurs à la diffusion des propos.

La liberté d’expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où elles constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe’2 de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

En l’occurrence, les propos litigieux font référence à des pratiques de professionnels du tourisme, le but légitime étant d’informer ces professionnels, les articles s’inscrivent donc dans un débat d’intérêt général.

L’animosité personnelle, exclusive de la bonne foi, s’entend de considérations personnelles, étrangères et extérieures au sujet traité, d’un mobile dissimulé aux lecteurs qui constituerait une part substantielle de l’information révélée au public et qui est étranger au litige.

__________________________________________________________________________________________________________________________

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 7

ARRET DU 26 MAI 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/06710 –��N° Portalis 35L7-V-B7E-CBZJB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Mai 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J.EXPRO, JCP de Paris – RG n° 18/12379

APPELANT

Monsieur Z A

[…]

[…]

Représenté par Maître Y-Philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L53, avocat postulant

Assisté de Maître Alexandre BLONDIEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : D1517, avocat plaidant

INTIMES

Monsieur Y L M

[…]

[…]

né le […] à […]

Représenté par Maître Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L34, avocat postulant

Assisté de Maître Patricia FAURE, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

Monsieur N L M

[…]

[…]

né le […] à MARSEILLE

Représenté par Maître Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L34, avocat postulant

Assisté de Maître Patricia FAURE, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

S.A.R.L. TOUR MAG.COM prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Maître Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L34, avocat postulant

Assistée de Maître Patricia FAURE, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

S.A.S. GOODBARBER anciennement dénommée WEBZINE

[…]

[…]

N° SIRET : 438 86 4 8 94

Représentée par Maître Michel-Alexandre SIBON de l’AARPI FOURNIER LABAT-SIBON ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P204, avocat postulant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 31 Mars 2021, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Y-Michel AUBAC, Président

Mme Anne X, Assesseur

Mme Anne CHAPLY, Assesseur

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme X dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Margaux MORA

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Y-Michel AUBAC, Président, et par Margaux MORA, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu l’assignation délivrée le 16’octobre 2018 à Y L M, N L M et aux sociétés TOUR

MAG.COM et WEBZINE, à la requête de Z A, qui demandait au tribunal de grande instance de Paris, au visa des articles’29 alinéa 1er, 32 alinéa 1er de la loi du 29’juillet 1881 et 93-3 de la loi du 29’juillet 1982′:

— de condamner solidairement les défendeurs au versement d’une somme de 10’000’euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,

— d’ordonner une publication judiciaire, sous astreinte, sur le site www.tourmag.com,

— d’ordonner le retrait sous astreinte de ce site de l’article intitulé «’Panamerican Voyages’: l’arnaqueur de groupistes a encore frappé’! Réceptif aux USA géré par Sammy A’»,

— de condamner les défendeurs au paiement de la somme de 5’000’euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— d’ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,

Vu le jugement contradictoire rendu le 13’mai 2020 par la 17e chambre civile du tribunal judiciaire de Paris, qui a’:

— déclaré irrecevables les demandes de Z A à l’encontre de N L M et des sociétés WEBZINE et TOUR MAG.COM,

— débouté Z A de ses demandes,

— condamné Z A à verser à Y L M, N L M et la société TOUR MAG.COM, la somme de mille euros (1’000’euros) chacun en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté les parties du surplus de leurs demandes,

— condamné Z A aux dépens,

Vu l’appel interjeté par Z A le 29’mai 2020,

Vu les dernières conclusions signifiées le 7’janvier 2021 par voie électronique par Z A, qui demande à la cour de’:

— infirmer le jugement du 13’mai 2020 en ce qu’il a débouté Z A de ses demandes,

— dire que les propos’: «’Panamerican Voyages’: l’arnaqueur de groupistes a encore frappé’! Réceptif aux USA géré par Sammy A’» constituent une diffamation publique à l’égard de Z A en application des articles’29 alinéa 1 et 32 alinéa’1 de la loi du 29’juillet 1881,

— dire que les propos’: «’Qui est Z A » Le gérant de Panamerican Voyages s’appelle Z A. Il est connu dans le secteur, pour avoir ‘planté beaucoup de gens’ nous informe une source qui préfère rester anonyme’» constituent une diffamation publique à l’égard de Z A en application des articles’29 alinéa 1 et 32 alinéa’1 de la loi du 29’juillet 1881,

— dire que les propos’: «’Après ses incartades et ses arnaques, on pensait Z A terré quelque part en se faisant oublier pour préparer sa prochaine incartade’ Raté’! Le Robin des bois des Groupistes (sauf qu’il ne redistribue qu’à lui-même) dont Tourmag.com avait relaté les tristes exploits vient par l’intermédiaire de son avocat de nous menacer de porter plainte pour diffamation (vaut mieux lire ça que d’être aveugle).

Mais oui, vous avez bien lu’: tous ces Groupistes qui se sont dits escroqués par B A sont des mythos, des gens sans foi ni loi qui ne hésitent pas à jeter en pâture aux chiens un innocent dont le seul tort a été de leur proposer des tarifs alléchants qui ne se refusent pas.

Il semblerait en outre que nous ayons écorché votre nom. Oups’! Lequel au fait »

Dans tous les cas, chapeau l’artiste’! La meilleure défense est toujours l’attaque.

Gênants en effet ces articles et ces liens sur Google, empêcheurs d’arnaquer en rond(s), non » Gênants mais pas rédhibitoires hélas. Nous faisons confiance à votre talent pour poursuivre votre carrière imperturbablement, en abusant encore et encore de la naïveté de tous ceux qui croient faire une bonne affaire en contractant avec vous.

Le dernier en date ( ») n’est pourtant pas le premier venu’: professionnel aguerri il est quand même tombé dans le panneau, ce qui démontre, si besoin, était l’immense étendue de votre «’talent’»’

Jusqu’au faux pas qui vous mènera devant vos juges’» constituent une diffamation publique à l’égard de Z A en application des articles’29 alinéa 1 et 32 alinéa’1 de la loi du 29’juillet 1881, et de,

— juger que les auteurs de la diffamation ne sauraient bénéficier de l’excuse de bonne foi,

— condamner solidairement Y et N L M et la société TOUR MAG.COM au versement à Z A d’une somme de 10’000’euros de dommages et intérêts à titre de réparation du préjudice moral subi,

— condamner la société GOODBARBER anciennement WEBZINE à verser à Z A la somme de 1’euro symbolique à titre de réparation du préjudice moral subi,

— condamner Y et N L M et la société TOUR MAG.COM à la publication sur leur site internet dès la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 5’000’euros par semaine de retard, du communiqué suivant dans un encadré de couleur noir sur fond blanc qui ne pourra être inférieur à 12’cm de hauteur et devra rester en ligne un mois sur la page d’accueil du site internet www.tourmag.com’:

«’TOUR MAG.COM condamné ‘ Par Jugement du (X), le Tribunal de Grande Instance de PARIS a condamné la société TOUR MAG.COM et Monsieur Y L M, Directeur de la publication pour avoir porté atteinte à l’honneur et à la considération de Monsieur Z A, dans deux articles publiés sur le site www.tourmag.com les 26’juillet 2018 et 4’juillet 2018’».

— condamner Y et N L M et la société TOUR MAG.COM à verser la somme de 5’000’euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions signifiées par voie électronique le 23’novembre 2020 par la société GOODBARBER anciennement dénommée WEBZINE qui sollicite de la cour qu’elle’:

— confirme le jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 13’mai 2020 en ce qu’il a déclaré Z A irrecevable en ses demandes formées à l’encontre de la société GOODBARBER anciennement dénommée WEBZINE et l’a condamné aux dépens’;

— statue ce que droit, la société GOODBARBER anciennement dénommée WEBZINE s’en rapportant à la cour sur le mérite de la demande indemnitaire de Z A,

— condamne Z A aux entiers dépens,

Vu les dernières conclusions signifiées par voie électronique le 30’octobre 2020 par Y L M, N L M et la SARL TOUR MAG.COM qui sollicitent de la cour qu’elle’:

— confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

— accueille l’exception de bonne foi de nature à exonérer les défendeurs de toute responsabilité à titre subsidiaire, si les propos étaient jugés diffamatoires,

— déboute Z A de toutes ses demandes, fins et conclusions tant à l’encontre de Y L M que de N L M et de la SARL TOURMAG.COM,

— déboute Z A de sa demande de dommages et intérêts les publications ayant été supprimées et déboute également Z A de sa demande de publication si à titre infiniment subsidiaire, un propos était considéré comme diffamatoire sans que l’excuse de bonne foi ne soit accueillie,

Reconventionnellement, les intimés demandent à la cour de’:

— condamner Z A à payer respectivement à Y et N L M et la SARL TOUR MAG.COM la somme de 5’000’euros pour procédure abusive,

— condamner Z A à payer à Y L M, N L M et la SARL TOURMAG.COM la somme complémentaire de 2 000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel.

— condamner Z A aux entiers dépens.

Vu l’article 455 du code de procédure civile,

Vu l’ordonnance de clôture du 24’février 2021,

MOTIFS

Rappel des faits et de la procédure

Durant l’été 2018, la société TOUR MAG.COM qui exploite un site internet dédié au tourisme accessible à l’adresse URL’: www.tourmag.com a consacré deux articles dénonçant le comportement de Z A pour mettre en garde ses clients et fournisseurs contre lui.

Le 26’juillet 2018, un premier article intitulé’: «’Panamerican Voyages’: l’arnaqueur de groupistes a encore frappé’! Réceptif aux USA géré par Sammy A’» était mis en ligne évoquant des pratiques commerciales douteuses de la société PANAMERICAN VOYAGES qualifiant Z A, de gérant de cette société américaine.

Suite à un premier courrier recommandé de l’avocat du mis en cause, le 4’août 2018, la société TOUR MAG.COM publiait un nouvel article sur son site internet, intitulé «’Panamerican Voyages’: Sammy A se rebiffe’!’», qui faisait état notamment d’une menace d’action en diffamation de la part de Z A.

Le conseil de ce dernier a alors adressé un second courrier recommandé en date du 7’août 2018 pour demander la suppression de l’article en question et a minima l’anonymisation du nom de son client.

Le second article «’Panamerican Voyages’: Sammy A se rebiffe’!’» du 7’août 2018 a été supprimé, mais pas le premier.

Le tribunal a jugé que l’hébergeur WEBZINE (devenue GOODBARBER) et TOUR MAG.COM sont des personnes morales qui ne peuvent se voir reprocher la moindre diffamation, et donc être tenues responsables d’une faute ouvrant droit à indemnisation.

Z A a été donc déclaré irrecevable en ses demandes contre les sociétés WEBZINE et TOUR MAG.COM.

Le tribunal a retenu que Y L M, président de la société TOUR MAG.COM, était le directeur de publication du site internet www.tourmag.com, et poursuivi à ce titre sans qu’il soit tenu de désigner un codirecteur de publication.

Dès lors, Z A a été déclaré irrecevable en ses demandes contre N L M.

Au fond, le tribunal n’a pas retenu le caractère diffamatoire des propos poursuivis et a débouté Z A de ses demandes et l’a condamné à verser à Y L M, N L M et la société TOUR MAG.COM, la somme de mille euros chacun en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Devant la cour, il est soutenu par l’appelant que même si la société TOUR MAG.COM ne peut être reconnue auteur et donc coupable de diffamation, cette société est civilement responsable du ou des directeurs de la publication et sera donc condamnée à verser des dommages et intérêts à l’appelant.

Par ailleurs, Z A fait valoir qu’aucun directeur de publication n’apparaissait dans les mentions légales du site Internet. Y et N L M étant les coreprésentants de la personne morale à l’époque des faits, en l’absence de nomination de directeur de la publication, les deux représentants de la personne morale exploitante sont donc directeurs de la publication et doivent être mis en cause.

Sur le fond, l’appelant estime que les propos litigieux sont diffamatoires à son encontre, le qualifiant «’d’arnaqueur’» et d’avoir «’planté beaucoup de gens’», en les abandonnant sans prise en charge.

Sur la recevabilité des demandes envers les sociétés WEBZINE et TOUR MAG.COM

C’est à juste titre que le tribunal a considéré que la société GOODBARBER anciennement dénommée WEBZINE et la société TOUR MAG.COM étaient dépourvues du droit d’agir en défense au sens des articles’30 et’32 du code de procédure civile dans la mesure où aucune faute civile ne saurait être reprochée à une personne morale à raison de l’éventuelle commission de délits de presse par application de l’article 43-1 de la loi du 29 juillet 1881.

Les termes de l’assignation fixant irrévocablement la poursuite, la société TOUR MAG.COM ne peut être désormais poursuivie devant la cour en qualité de civilement responsable alors que ce fondement textuel n’avait pas été visé.

Il conviendra donc de confirmer le jugement entrepris qui a déclaré irrecevables les demandes contre les sociétés WEBZINE et TOUR MAG.COM.

Sur la recevabilité des demandes envers N L M

Par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont fait une juste application des dispositions de l’article 93-2 de la loi n°’82-652 du 29’juillet 1982 et de l’absence de nécessité d’un codirecteur de publication en l’espèce.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevable Z A en ses demandes contre N L M.

Sur le caractère diffamatoire des propos

Il sera rappelé à cet égard que’:

— l’article 29 alinéa 1 de la loi du 29’juillet 1881 définit la diffamation comme ‘toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé »;

— il doit s’agir d’un fait précis, susceptible de faire l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité, ce qui distingue ainsi la diffamation, d’une part, de l’injure – caractérisée, selon le deuxième alinéa de l’article 29, par ‘toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait’- et, d’autre part, de l’expression subjective d’une opinion ou d’un jugement de valeur, dont la pertinence peut être librement discutée dans le cadre d’un débat d’idées mais dont la vérité ne saurait être prouvée’;

— l’honneur et la considération de la personne ne doivent pas s’apprécier selon les conceptions personnelles et subjectives de celle-ci, mais en fonction de critères objectifs et de la réprobation générale provoquée par l’allégation litigieuse, que le fait imputé soit pénalement répréhensible ou manifestement contraire aux règles morales communément admises’;

— la diffamation, qui peut se présenter sous forme d’allusion ou d’insinuation, doit être appréciée en tenant compte des éléments intrinsèques et extrinsèques au support en cause, à savoir tant du contenu même des propos que du contexte dans lequel ils s’inscrivent.

Par ailleurs, ni les parties, ni les juges ne sont tenus par l’interprétation de la signification diffamatoire des propos incriminés proposée par l’acte initial de poursuite et il appartient aux juges de rechercher si ceux-ci contiennent l’imputation formulée par le demandeur ou celle d’un autre fait contenu dans les propos en question.

En l’espèce le premier passage poursuivi est le titre de l’article du 26’juillet 2018′:

«’Panamerican Voyages’: l’arnaqueur de groupistes a encore frappé’! Réceptif aux USA géré par Sammy A’».

Le terme de «’réceptif’» désigne en l’espèce un acteur qui assure l’organisation d’une prestation touristique (hébergement, transport, activité) sur son marché national local.

Z A est aisément identifiable et même s’il n’est pas démontré qu’il est gérant de Panamerican Voyages, il est bien présenté comme tel dans le passage suivant’: «’Qui est Z A » Le gérant de Panamerican Voyages s’appelle Z A’».

Ce dernier est donc directement mis en cause dans sa gestion présentée comme malhonnête. Il lui est clairement imputé d’être un arnaqueur ou en d’autres termes un escroc.

Il s’agit de faits précis pouvant faire l’objet d’un débat probatoire et attentatoires à son honneur ou à sa considération dès lors qu’ils sont graves, susceptibles de qualification pénale ou, à tout le moins, contraires à la morale.

Le passage suivant du même article a été publié le 26’juillet 2018′: «’Qui est Z A » Le gérant de Panamerican Voyages s’appelle Z A. Il est connu dans le secteur, pour avoir ‘planté beaucoup de gens’ nous informe une source qui préfère rester anonyme.’»

Z A serait connu pour avoir abandonné des professionnels du tourisme en sa qualité de réceptif et ce passage fait écho au qualificatif d’arnaqueur précédemment utilisé.

Il est donc imputé à Z A d’avoir escroqué et abandonné des clients en prenant leur argent sans contrepartie.

La mention d’une source «’qui préfère rester anonyme’» permet de donner du crédit à cette affirmation.

Un tel comportement est répréhensible pénalement et est évidemment contraire à la morale communément admise.

Les faits sont également précis et peuvent parfaitement faire l’objet d’un débat sur leur preuve.

Le deuxième article poursuivi a été publié le 4’août 2018′: «’Après ses incartades et ses arnaques, on pensait Z A terré quelque part en se faisant oublier pour préparer sa prochaine incartade’

Raté’! Le Robin des bois des Groupistes (sauf qu’il ne redistribue qu’à lui-même) dont tourmag.com avait relaté les tristes exploits vient par l’intermédiaire de son avocat de nous menacer de porter plainte pour diffamation (vaut mieux lire ça que d’être aveugle).

Mais oui, vous avez bien lu’: tous ces Groupistes qui se sont dits escroqués par B A sont des mythos, des gens sans foi ni loi qui ne hésitent pas à jeter en pâture aux chiens un innocent dont le seul tort a été de leur proposer des tarifs alléchants qui ne se refusent pas.

Il semblerait en outre que nous ayons écorché votre nom. Oups’! Lequel au fait »

Dans tous les cas, chapeau l’artiste’! La meilleure défense est toujours l’attaque.

Gênants en effet ces articles et ces liens sur Google, empêcheurs d’arnaquer en rond(s), non »

Gênants mais pas rédhibitoires hélas.

Nous faisons confiance à votre talent pour poursuivre votre carrière imperturbablement, en abusant encore et encore de la naïveté de tous ceux qui croient faire une bonne affaire en contractant avec vous.

Le dernier en date ( ») n’est pourtant pas le premier venu’: professionnel aguerri il est quand même tombé dans le panneau, ce qui démontre, si besoin, était l’immense étendue de votre «’talent’»’

Jusqu’au faux pas qui vous mènera devant vos juges.’»

Il est fait une nouvelle fois référence aux «’arnaques’» qui auraient été commises par Z A, les groupistes à savoir ses clients seraient des menteurs, alors qu’il serait innocent.

Dans le passage litigieux, l’auteur fait un jeu de mots «’empêcheurs d’arnaquer en rond(s)’», toujours relatif à des arnaques.

Enfin, l’article se termine en faisant clairement allusion au comportement décrit comme délictueux de Z A qui se terminera en justice.

Ce passage impute donc à nouveau des faits d’escroquerie à Z A.

Il s’agit de faits précis, pouvant faire l’objet d’un débat probatoire, attentatoires à son honneur ou à sa considération, dès lors qu’ils sont graves et susceptibles de qualification pénale ou à tout le moins contraires à la morale.

Les propos litigieux sont donc diffamatoires.

Sur la bonne foi de Y L M en qualité de directeur de la publication

Les imputations diffamatoires sont réputées, de droit, faites avec intention de nuire, mais elles peuvent être justifiées lorsque leur auteur établit sa bonne foi, étant précisé que la bonne foi ne peut être déduite de faits postérieurs à la diffusion des propos.

La liberté d’expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où elles constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe’2 de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Les propos litigieux font référence à des pratiques de professionnels du tourisme, le but légitime étant d’informer ces professionnels, les articles s’inscrivent donc dans un débat d’intérêt général.

L’animosité personnelle, exclusive de la bonne foi, s’entend de considérations personnelles, étrangères et extérieures au sujet traité, d’un mobile dissimulé aux lecteurs qui constituerait une part substantielle de l’information révélée au public et qui est étranger au litige.

En l’espèce, l’appelant ne démontre pas l’existence de mobiles étrangers au but d’information poursuivi. L’animosité personnelle n’est pas établie.

Par ailleurs, la condition de prudence et de mesure dans le ton n’est pas remplie de la part de professionnels de l’information.

En effet, le site de la société TOUR MAG.COM est un site spécialisé dans les informations relatives au tourisme et s’adresse à des professionnels.

Dès le titre du premier article, l’appelant est présenté comme un arnaqueur.

Dans le second article, l’auteur tente de démontrer que l’appelant est coupable et qu’il devra répondre de ses actes devant la justice, sans aucune nuance dans le propos.

À l’appui de sa bonne foi, Y L M produit des documents selon lesquels Z A se présentait tantôt sous le nom de Z, tantôt sous le nom de O.

Z A conteste ces éléments en indiquant qu’un employé de la société PANAMERICAN s’appelait O P Q et qu’il n’y a pas de confusion possible avec lui. Aucun élément probant ne peut être retenu à l’appui d’une des deux versions.

Y L M fait également valoir que l’appelant a été gérant de différentes sociétés, dont certaines auraient été liquidées sans démontrer un lien direct avec les faits reprochés à Z A.

D E, se présentant comme ancienne employée de Z A, a rédigé une attestation dans laquelle elle affirme que son employeur n’avait aucune éthique dans son travail et qu’elle avait été victime de ses agissements au même titre que des hôtels, des restaurants et guides.

Cependant, cette attestation, qui émane d’une salariée en conflit prud’homal avec son employeur, ne peut établir de façon objective les faits d’escroquerie imputés à Z A.

Le témoignage de F G, par email du 27’août 2018, est postérieur à la publication des articles, il sera écarté.

Les échanges de mails entre H I et J K concernent non pas l’appelant mais la société PANAMERICAN.

De même, d’autres documents, notamment des courriels faisant état de griefs de la part de professionnels du tourisme, à l’encontre de la société PANAMERICAN sont versés aux débats.

Cependant, Z A n’est pas directement mis en cause dans ces pièces et aucun élément concret n’est établi à son encontre.

La base factuelle fait donc défaut en l’espèce.

Sur les demandes de dommages-intérêts au titre du préjudice subi par Z A

L’appelant ne justifie pas de la gravité du préjudice invoqué et ne prouve nullement que la publication des passages litigieux lui a causé un dommage important dans sa vie personnelle ou professionnelle.

En conséquence, le montant des dommages-intérêts qui lui sera accordé en réparation de son préjudice sera réduit à un euro, sans qu’il soit nécessaire d’ordonner la publication d’un communiqué judiciaire, les articles litigieux ayant été retirés du site internet.

Enfin pour des raisons tirées de considérations d’équité, la somme de cinq cents euros (500’euros) sera allouée à Z A en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déclare recevable l’appel interjeté’;

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes de Z A à l’encontre de N L M et des sociétés WEBZINE et TOUR’MAG.COM’;

L’infirme en ce qu’il a débouté Z A de ses demandes à l’encontre de Y L M, en sa qualité de directeur de la publication du site internet www.tourmag.com’;

Statuant à nouveau,

Dit que les propos litigieux tels que visés dans l’assignation constituent une diffamation publique à l’égard de Z A en application des articles’29 alinéa 1 et 32 alinéa’1 de la loi du 29’juillet 1881′;

Condamne Y L M, en sa qualité de directeur de la publication du site internet www.tourmag.com, au paiement de la somme d’un euro à titre de dommages et intérêts à Z A’;

Condamne Y L M, en sa qualité de directeur de la publication du site internet www.tourmag.com, à verser à Z A la somme de cinq cents euros (500’euros) euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

Condamne Y L M aux entiers dépens.

LE PRESIDENT LE GREFFIER


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