Diffamation entre conclusions d’Avocats : le droit applicable

Diffamation entre conclusions d’Avocats : le droit applicable

conseil juridique IP World

Les propos contenus dans des conclusions ou des lettres d’avocat à l’occasion d’une instance ne sauraient être constitutifs d’une faute dès lors qu’ils n’excèdent pas la liberté de parole de l’avocat dans le cadre de la défense des intérêts de son client.


Immunité devant les juridictions 

L’article 41, alinéa 4 (ancien alinéa 3), de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1187 du 14 novembre 2008, pose le principe de l’immunité des écrits produits et propos tenus devant les tribunaux :

‘Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux.’

Garantir le libre exercice du droit d’agir

Cette disposition légale est destinée à garantir le libre exercice du droit d’agir ou de se défendre en justice, en interdisant que des actions soient exercées contre les justiciables en raison du contenu de l’argumentation présentée au soutien de leur cause.

L’article 41 de la loi du 29 juillet 1881

Seul l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 est applicable en matière d’écrits produits devant les tribunaux (voir, notamment, Civ. 2ème 6 Février 2003, n° 00-20.780, 29 mars 2006, n° 04-14730, voir aussi Ass. Plein. 12 juillet 2000 n° 98-11.155 98-10.160, Bull. Civ. AP n° 8 aux termes desquels les abus de la liberté d’expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l’article 1382 du code civil).

Les limites 

Cette liberté connaît toutefois des limites, édictées aux alinéas 5 et 6 (anciens alinéas 4 et 5) du même texte :

‘Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.

Pourront toutefois les faits diffamatoires étrangers à la cause donner ouverture, soit à l’action publique, soit à l’action civile des parties, lorsque ces actions leur auront été réservées par les tribunaux, et, dans tous les cas, à l’action civile des tiers.’

La jurisprudence de la Cour de cassation 

Ainsi, selon une jurisprudence bien établie, émanant tant de la chambre criminelle que des chambres civiles de la Cour de cassation, c’est seulement lorsque les écrits ou propos litigieux sont étrangers à la cause qu’ils sont susceptibles d’échapper à la règle de l’immunité, un contrôle étant opéré sur cette notion de ‘propos étrangers à la cause’ (par ex. Crim, 11 octobre 2005, pourvoi n° 05-80.545, Bull. n° 255, Civ. 1 ère, 28 mars 2008, pourvoi n° 06-12.996, Bull. n° 92).

Affaire Optimum Auto/ Motos

En l’espèce, à supposer que les propos contenus dans la lettre du conseil de Monsieur [R] adressée au conseil de la société Optimum Auto/ Motos (pièce 28), dans les conclusions en réplique du conseil de Monsieur [R] devant le premier juge (pièce 30), dans celles notifiées par voie de réseau privé virtuel des avocats devant cette cour puissent être qualifiés de diffamatoires ou d’injurieux, il apparaît clairement qu’ils ont été tenus dans le cadre de l’exercice des droits de la défense et sont destinés à emporter la conviction de la cour.

En outre, il résulte de ces conclusions que les propos tenus n’excédent pas les limites des droits de la défense. Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu, en application des dispositions susmentionnées, si tant est que la société Optimum Auto/ Motos le demande, de lui réserver une action de ce chef, ces écrits n’étant pas exclus de l’immunité de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881.

En outre, et par voie de conséquence, la demande de dommages et intérêts formée par la société Optimum Auto/ Motos dirigée contre Monsieur [R] ne pourra qu’être rejetée. 


7 mars 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/03446

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 56B

DU 07 MARS 2023

N° RG 21/03446

N° Portalis DBV3-V-B7F-URC2

AFFAIRE :

[O], [G], [I], [D] [R]

C/

S.A.R.L. OPTIMUM AUTO/MOTOS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Avril 2021 par le Tribunal Judiciaire de VERSAILLES

N° Chambre : 0

N° Section : 0

N° RG : 19/06503

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-l’ASSOCIATION AVOCALYS,

-Me Anne-lise ROY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [O], [G], [I], [D] [R]

né le 09 Juin 1963 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Monique TARDY de l’ASSOCIATION AVOCALYS, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 – N° du dossier 004947

Me Patrick CAILLET de la SELEURL IFDS Avocats, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : E2015

APPELANT

****************

S.A.R.L. OPTIMUM AUTO/MOTOS

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

N° SIRET : 306 139 338

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Anne-lise ROY, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 343

Me Paul-antoine DEMANGE, avocat – barreau de PARIS

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 Janvier 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Jeannette BELROSE,

Faits et procédure

Le 6 septembre 2018, Monsieur [R], propriétaire d’un véhicule de marque Fiat, modèle Freemont, l’a fait déposer dans les locaux de la société Optimum Auto/Motos, agent Renault, à [Localité 6], dans l’attente du passage d’un expert chargé d’examiner ce véhicule qui présentait une défaillance de la boîte de vitesse.

Monsieur [R] a procédé au règlement d’un premier acompte de 630 euros fin novembre 2018, puis d’un second acompte de 630 euros le 1er février 2019, à valoir sur les frais de gardiennage.

Considérant que Monsieur [R] devait lui payer l’intégralité des frais de gardiennage, la société Optimum l’a mis en demeure le 3 avril 2019 par la voie de son conseil, d’avoir à régler la somme de 15 570 euros au titre des frais de gardiennage.

Le 16 avril 2019, la société Optimum a transféré son siège social et, faisant valoir avoir été contrainte de louer spécialement une place de parking surveillée pour le véhicule, a informé Monsieur [R] de l’augmentation des tarifs de gardiennage et l’a mis en demeure, le 15 mai 2019, de procéder au règlement de la somme de 19 296 euros.

Saisi par assignation délivrée par Monsieur [R] le 29 mai 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Versailles a, par ordonnance du 3 septembre 2019 :

– Ordonné la remise du véhicule, dans les 48 heures de la signification de l’ordonnance,

sous astreinte provisoire de 500 euros par jour pendant 3 mois,

– Dit n’y ‘avoir lieu à référé sur les autres demandes, y compris reconventionnelles.

Par acte d’huissier du 1er octobre 2019, la société Optimum a fait assigner Monsieur [R] devant le tribunal judiciaire de Versailles en paiement des frais de gardiennage.

Par un jugement contradictoire rendu le 28 avril 2021, le tribunal judiciaire de Versailles a :

– Condamné Monsieur [R] à payer à la société à responsabilité limitée à associé unique Optimum la somme de 19 170 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2019 ;

– Condamné Monsieur [R] aux entiers dépens et dit que Me Anne-Lise Roy pourra directement recouvrer ceux des dépens dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision ;

– Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Ordonné l’exécution provisoire de ce jugement ;

– Rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires.

Monsieur [R] a interjeté appel de ce jugement le 28 mai 2021 à l’encontre de la SARL Optimum Auto/ Motos prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

Par dernières conclusions notifiées le 18 février 2022, Monsieur [R] demande à la cour, au fondement des articles 1612,1915 a 1954,1948 et 2286 du code civil sur le droit de rétention, 13 de l’arrêté du 3 décembre 1987 relatif à l’information du consommateur, de :

– Le recevoir en son appel, ses demandes, le dire recevable et bien fondé,

– Débouter la société Optimum Autos-Motos de l’ensemble de ses demandes, conclusions et fins.

Ce faisant

I – Sur le droit de rétention et le paiement des factures

A titre principal,

– Infirmer le jugement en ce qu’il le condamne ‘à payer à la société Optimum Autos- Motos la somme de 19 170 euros déduction faite des deux acomptes de 630 € déjà versés par le défendeur, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2019, date de la mise en demeure, conformément aux dispositions de l’article 1344-1 du code civil’.

A titre subsidiaire,

– Juger que la période ne peut commencer que le 19 novembre 2018, date de production de la facture mentionnant le montant des frais pour se terminer le 27 février 2019, date à laquelle le véhicule aurait dû être restitué, soit :

100 jours x 75 euros = 7 500 euros

Il – Sur le transfert du siège social, le déplacement du véhicule et sur les frais de gardiennage à 114,00 euros/jour

A titre principal,

– Infirmer le jugement en ce qu’il le condamne au paiement des frais de gardiennage, à compter de 28 février 2019, y compris celles réduites à 75 euros ht pour la période du 16 avril 2019, au 29 mai 2019.

A titre subsidiaire,

– Juger que pour la période postérieure au 16 avril 2019, les frais de gardiennage jusqu’au 29 mai 2019 s’élèvent à 3 225 euros (43 jours x 75 euros).

III – Sur la demande de dommages et intérêts

– Condamner la société Optimum Autos-Motos au paiement de la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral.

– Débouter la société Optimum Autos-Motos de l’ensemble de ses demandes sur les frais de parking et celles présentés en appel incident à savoir sa condamnation à lui payer :

* une somme de 4 000 euros pour résistance abusive.

* une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

– Condamner la société Optimum Autos-Motos au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens comprenant ceux de première instance.

Par d’uniques conclusions notifiées le 19 novembre 2021, la société Optimum Auto Motos demande à la cour de :

– Confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il l’a déboutée :

* de sa demande de condamnation à des frais de gardiennage sur la période du 29 mai au 9 juillet 2019,

* de sa demande de condamnation de Monsieur [R] pour résistance abusive,

* Débouté de sa demande au titre du préjudice moral.

– Infirmer dès lors le jugement en ce qu’il l’a déboutée :

* de sa demande de frais de gardiennage sur la période du 29 mai au 9 juillet 2019,

* de ses demandes d’indemnisation pour résistance abusive et en réparation de son préjudice moral.

Et statuant à nouveau,

– Condamner Monsieur [R] à lui verser :

1) *au titre des frais de gardiennage pour la période du 29 mai au 9 juillet 2019 :

* une somme de 95 euros hors taxes par jour,

* et subsidiairement 75 euros hors taxes par jour ;

2) *une somme de 4 000 euros pour résistance abusive.

* une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral.

En toute hypothèse,

– Condamner Monsieur [R] à lui payer la somme de 3 400 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

– Condamner Monsieur [R] aux dépens dont distraction en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 17 novembre 2022.

SUR CE, LA COUR,

Sur les limites de l’appel,

Il résulte des écritures respectives des parties que l’infirmation du jugement, en toutes ses dispositions, est poursuivie.

Sur le paiement réclamé par la société Optimum Auto/ Motos au titre des frais de gardiennage

Le tribunal a rappelé que Monsieur [R] avait confié son véhicule à la société Optimum Auto/ Motos en vue de son examen par un expert, pas pour des travaux de réparation de sorte que le dépôt n’était l’accessoire d’aucun contrat principal et que, dans ces conditions il revenait au garagiste d’établir l’accord de Monsieur [R] sur la facturation des frais de gardiennage.

A cet égard, le tribunal a considéré que la société Optimum Auto/ Motos rapportait cette preuve :

* par la production d’une facture du 1er février 2019 d’un montant total de 12 600 euros sur laquelle figurait le prix unitaire de 75 euros hors taxes et la signature de M. [R] précédée de la mention ‘bon pour accord’ ,

* par la production d’une pré-facture adressée à Monsieur [R] par la société Optimum Auto/ Motos en lettre recommandée avec accusé de réception du 25 janvier 2015 signé le 28 janvier 2019, faisant apparaître que cette facturation concernait la période du 6 septembre 2018 au 24 janvier 2019 et précisait en outre que le garagiste accordait une ristourne à titre de geste commercial,

* par le fait que Monsieur [R] a versé un premier acompte de 630 euros après avoir reçu une première pré-facture du 19 janvier 2018, pour la période du 6 septembre au 16 novembre 2018, sur laquelle figurait déjà ce prix unitaire de 75 euros hors taxes.

Selon le tribunal, les allégations de Monsieur [R] selon lesquelles les deux acomptes versés l’ont été sous la contrainte n’étaient étayées par aucun élément de preuve.

Le tribunal en a déduit que la preuve d’un accord entre la société Optimum Auto/ Motos et M. [R] au titre des frais de gardiennage pour la période allant du 6 septembre 2018 au 24 janvier 2019 d’un montant de 75 euros hors taxes par jour était établi.

S’agissant de la période postérieure, et en particulier à compter du 16 février 2019, il a considéré que bien que la société Optimum Auto/ Motos ait été informée en temps utile de la réalisation de l’expertise à [Localité 7], le 27 février 2019, en raison du défaut de réponse de Monsieur [R] à sa demande sur les modalités de prise en charge des frais de transport de celui-ci depuis ses locaux jusqu’au lieu d’expertise situé à [Localité 7], et compte tenu du contentieux existant entre les parties, la société Optimum Auto/ Motos ne pouvait pas sérieusement être blâmée pour ne pas avoir fait l’avance de ces frais. Il en déduisait que la date du 27 février 2019 ne pouvait pas être considérée comme la date de fin du contrat de dépôt, Monsieur [R] n’ayant pas fait le nécessaire pour récupérer le véhicule jusqu’à l’assignation en référé du 29 mai 2019.

Le tribunal a néanmoins rejeté la demande de la société Optimum Auto/ Motos sur le montant majoré, à compter du 16 avril 2019, des frais de gardiennage dans la mesure où cette dernière n’avait pas sollicité l’accord de Monsieur [R] pour ce changement, pas plus qu’elle ne l’avait informé du surcoût non négligeable des conséquences pécuniaires pour son client de celui-ci (95 euros à la place de 75 euros).

De ces développements, il a déduit que la société Optimum Auto/ Motos était fondée à réclamer à Monsieur [R] la somme totale de 19 170 euros déduction faite des deux acomptes de 630 euros pour la période courant du 6 septembre 2018 au 29 mai 2019, pour un montant de 75 euros hors taxes par jour, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2019, date de la mise en demeure, conformément aux dispositions de l’article 1344-1 du code civil.

‘ Moyens des parties

Monsieur [R] poursuit l’infirmation du jugement et fait valoir que la société Optimum Auto/ Motos ne démontre pas l’accord des parties sur le dépôt consenti à titre onéreux par le garagiste.

Il soutient en particulier que :

* la rétention du véhicule par la société Optimum Auto/ Motos est abusive et seulement motivée par le non-paiement de ces frais de gardiennage,

* la société Optimum Auto/ Motos ne démontre pas qu’au moment du dépôt, elle l’a informé du caractère onéreux du gardiennage du véhicule et une telle preuve ne peut pas résulter d’une photographie non datée du bureau d’accueil de la clientèle,

* il a manifesté son intention de reprendre le véhicule dès le 21 février 2019 (pièce 8) de sorte que c’est de manière erronée que le premier juge a retenu qu’il ne s’était pas efficacement manifesté pour reprendre ce véhicule avant l’assignation du 29 mai 2019,

* les motifs du tribunal qui estime que le contentieux existant entre les parties au sujet de ces frais justifiait l’absence de transport du véhicule par le garagiste jusqu’au lieu de l’expertise sont, selon lui, inopérants dès lors que la jurisprudence rappelée par son conseil dans la lettre du 21 février 2019 (pièce 8) est claire, le droit de rétention du garagiste étant subordonné à l’existence d’une créance certaine et exigible (Com., 14 juin 1988, pourvoi n° 86-15.640, Bulletin 1988 IV N° 199),

* les conditions générales de vente du garage Optimum Auto/ Motos prévoient la perception d’une indemnité dans une seule hypothèse qui concerne le véhicule réparé qui n’est pas retiré par le client (pièce 10) ce qui ne correspond pas à la situation de l’espèce,

* la société Optimum Auto/ Motos a abusé du droit de rétention et le SMS du 17 avril 2019 (pièce 11) le démontre ; la seule mise en demeure de sa part lui a été adressée le 3 avril 2019, soit 7 mois après la remise du véhicule au garage (pièce 12), et évoque une affichette A4 comme preuve de prétendus frais de parking (pièce 13) ; cette mise en demeure est la réponse de la société Optimum Auto/ Motos à la lettre de son conseil du 21 février 2019 qui contestait les facturations (pièce 8) ; en tout état de cause, cette mise en demeure du 3 avril 2019 est inopérante en ce qu’elle ne rapporte pas la preuve d’un affichage conforme aux dispositions de l’article 13 de l’arrêté du 3 décembre 1987 relatif à l’information du consommateur sur les prix,

* faute de respecter les prescriptions de l’article 13 précité la société Optimum Auto/ Motos s’est livrée à une pratique abusive en lui réclamant des sommes en paiement du gardiennage du véhicule.

En résumé, Monsieur [R] prétend que le tribunal a exactement retenu que l’intimé ne démontrait pas avoir informé, au jour du dépôt, le propriétaire du véhicule du caractère onéreux du gardiennage, mais a commis une erreur en le condamnant à verser 19 170 euros.

A titre principal, il demande donc l’infirmation du jugement en ce qu’il le condamne à verser la somme de 19 170 euros et à débouter la société Optimum Auto/ Motos de ses demandes ; à titre subsidiaire, il soutient être redevable des frais de stationnement pour la période allant du 19 septembre 2018, date de production de la facture mentionnant le montant des frais (pièce 3) jusqu’au 27 février 2019, date à laquelle le véhicule aurait dû être restitué lors de l’expertise soit le montant de 7 500 euros (100 jours x 75 euros).

En outre, selon Monsieur [R], c’est à bon droit que le premier juge a retenu que l’augmentation des tarifs n’ayant pas été convenue contractuellement, il n’en était pas redevable. C’est cependant à tort, selon lui, que le tribunal a fixé la fin de la période au 29 mai 2019, date de l’assignation en référé, à la suite de laquelle la société Optimum Auto/ Motos a accepté de rendre le véhicule, alors que ce véhicule aurait dû être restitué au plus tard le 27 février 2019 dans les locaux du garage Fiat Alpha Roméo de [Localité 7], soit au jour de l’expertise (pièce 7).

Il s’oppose fermement à la demande de la société Optimum Auto/ Motos qui souhaiterait que les frais soient facturés jusqu’au 9 juillet 2019, date à laquelle le véhicule a effectivement été récupéré.

La société Optimum Auto/ Motos sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il condamne Monsieur [R] à lui verser la somme de 19 170 euros au titre des frais de gardiennage pour la période du 6 septembre 2018 au 29 mai 2019.

Elle insiste sur le fait qu’un accord avait été conclu entre elle et Monsieur [R] au sujet du caractère onéreux du dépôt et que Monsieur [R] en avait été informé à plusieurs reprises :

* au moment du dépôt, par voie d’affichage (pièces 2 et 2bis),

* par SMS du 19 novembre 2018 et sa réponse favorable (pièce 4),

* par courriel du 20 novembre 2018 (pièce 5),

* par deux mises en demeure reçues les 10 décembre 2018 et 28 janvier 2019 (pièces 3 et 7),

* par des règlements consentis au titre de frais de gardiennage :

– Monsieur [R] a réglé ‘volontiers’ le 27 novembre 2018 par virement un acompte sur le total de la facture de 6 300 euros (pièces 4 et 6) ce qui suffit à démontrer que la contrainte alléguée est injustifiée,

– de même le 1er février 2019 par carte bancaire un nouvel acompte de 630 euros sur le total de la facture de 12 600 euros (pièce 8).

Ce faisant, en réglant de tels acomptes, elle soutient que Monsieur [R] a reconnu devoir les frais de gardiennage à compter du dépôt et, en particulier, la somme de 12 600 euros ce d’autant plus qu’il a apposé la mention ‘bon pour accord’ de manière manuscrite sur la facture d’un montant de 12 600 euros au dessus de sa signature.

Elle souligne ne jamais avoir refusé la mise à disposition du véhicule pour l’examen par l’expert, mais avoir sollicité la communication des modalités de règlement du transport du véhicule vers le lieu de l’expertise pour mise à disposition, n’avoir reçu aucune réponse deux jours avant l’expertise (pièce 26), la réponse ne lui parvenant que la veille ou le matin même de l’expertise (pièce 27) de sorte qu’elle n’a pas pu organiser le transport et apporter le véhicule à [Localité 7] à cette fin.

Elle sollicite donc la confirmation du jugement qui retient que la créance est certaine depuis le 6 septembre 2018, date du dépôt du véhicule.

S’agissant de la période postérieure au 24 janvier 2019, elle demande la confirmation du jugement et reprend à son compte ses motivations.

Elle demande en revanche son infirmation en ce qu’il n’a pas condamné Monsieur [R] à verser la somme de 95 euros à compter du 16 avril 2019 alors ses locaux ayant été détruits, elle a dû déménager, les nouveaux locaux ne permettant plus la conservation des véhicules en sécurité d’où la location d’un parking surveillé. Elle admet que cette augmentation de tarif n’a pas été convenue avec Monsieur [R] mais que ces circonstances exceptionnelles ne lui ont pas permis de faire autrement.

Elle en conclut que la cour devra condamner Monsieur [R] à lui payer les sommes suivantes :

* 75 euros hors taxes par jour du 6 septembre 2018 au 15 avril 2019 soit la somme de 16 650 euros toutes taxes comprises répartie comme suit :

– 11 340 euros toutes taxes comprises du 6 septembre 2018 au 24 janvier 2019, en l’état de deux acomptes de 630 euros effectués sur le total de 12 600 euros (pièces 8,6 et 10),

– 2 250 euros toutes taxes comprises pour la période du 16 février au 12 mars 2019 (la période du 25 janvier au 15 février ayant fait l’objet d’une suspension ; pièces 9 et 10),

– 1 980 euros toutes taxes comprises du 13 mars au 3 avril 2019 (pièce 10),

– 1 080 euros toutes taxes comprises du 15 avril 2019 (pièce 12);

* 95 euros hors taxes par jour à compter du 16 avril 2019 jusqu’au 9 juillet 2019 et, subsidiairement, 75 euros hors taxes par jour.

‘ Appréciation de la cour

Conformément aux dispositions des articles 1103 et 1104 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles doivent être négociées, formés et exécutés de bonne foi.

C’est par d’exacts motifs, adoptés par cette cour, que le premier juge a considéré qu’un contrat avait été conclu entre les parties portant sur le gardiennage onéreux du véhicule déposé par M. [R] en vue de son expertise.

Il suffit d’ajouter que, contrairement à ce que soutient Monsieur [R], rien n’empêchait les parties de prévoir la conclusion d’un tel contrat de gardiennage onéreux en dehors de toute réparation de véhicule, de sorte que c’est à tort qu’il soutient que les conditions prévues au contrat produit en pièce 10 n’étant pas réunies, la société Optimum Auto/ Motos ne pouvait pas solliciter un paiement en contrepartie du gardiennage du véhicule dans l’attente de l’expertise.

Comme le souligne l’intimée, l’accord des parties portant sur un gardiennage onéreux à raison de 75 euros hors taxes par jour à compter du dépôt est justifié, en particulier, par :

* l’échange de SMS le 19 novembre 2018 et la réponse favorable de Monsieur [R] le 20 novembre suivant (pièce 4, ‘j’ai une facture de stationnement provisoire pour dossier car nous sommes actuellement à plus de 70 jours de parking pour préparer l’expertise. Il faudrait me retourner 630 euros toutes taxes comprises. Il faudrait me faire parvenir un chèque ou bien un virement’ signé la société Optimum Auto/ Motos, réponse ‘C’est bien noté et je le ferai plus volontiers par virement. Merci de me communiquer vos coordonnées bancaires, Bien à vous’ signé [O] ; la société Optimum Auto/ Motos a adressé son relevé d’identité bancaire (RIB) à la suite et Monsieur [R] a procédé au virement de la somme sollicitée le 27 novembre suivant pièce 6),

* par les règlements consentis au titre de frais de gardiennage sollicités, au prix convenu, Monsieur [R] ayant réglé sans aucune résistance, en précisant, le 27 novembre 2018, qu’il s’exécuterait ‘volontiers’, par virement ce qui prive de crédibilité l’allégation d’un paiement sous ‘contrainte’.

A cet égard, comme le souligne le tribunal, la ‘pré-facture’ du 1er février 2019 qui lui a été adressée mentionne très clairement qu’un accord a été conclu sur les frais de parking lors du dépôt, pour un montant de 75 euros hors taxes par jour, soit un montant total de 12 600 euros toutes taxes comprises, et Monsieur [R] a apposé sa signature en bas de ce document précédée de la mention manuscrite ‘bon pour accord’. Il s’ensuit qu’il a clairement validé les termes de ce contrat de gardiennage onéreux, à compter du dépôt, pour la somme de 75 heures hors taxes par jour.

Il ne démontre pas, par ses productions, que cet accord lui a été soutiré sous la contrainte et les termes de l’échange par SMS, cordiaux, entre les parties confirment la version de la société Optimum Auto/ Motos.

C’est également par d’exacts motifs, adoptés par cette cour, que le tribunal a considéré que la société Optimum Auto/ Motos n’a pas abusé de son droit de rétention en février en ne transportant pas le véhicule jusqu’au lieu de l’expertise, à Plaisir, faute de réponse utile de Monsieur [R] sur les modalités de la prise en charge des frais de transport.

C’est toujours exactement, par des motifs adoptés par cette cour, que le tribunal a retenu que les parties ne s’étaient pas entendues sur l’augmentation de tarifs (de 75 euros hors taxes à 95 euros hors taxes) sollicitée par la société Optimum Auto/ Motos.

S’agissant du terme du contrat, le tribunal a encore exactement retenu qu’il devait être fixé au 29 mai 2019, date de l’assignation en référés délivrée par Monsieur [R].

Certes, la société Optimum Auto/ Motos verse aux débats la copie d’une lettre adressée par son conseil au juge des référés, du 23 août 2019, mentionnant ‘les parties ont trouvé un accord sur la restitution du véhicule avec, le 9 juillet 2019, sa remise à mon client par le garage Optimum Auto/ Motos’ (pièce 21). Cependant, les modalités de cet accord sur les frais à payer postérieurement à l’assignation jusqu’à la remise, ne sont pas précisées. Il n’est pas plus démontré qu’un échange de consentement soit intervenu entre les parties sur un tel paiement entre la demande expresse de Monsieur [R] de restitution du véhicule et la remise effective du véhicule.

Il s’ensuit que le jugement sera en définitive entièrement confirmé sur ces différents points.

Par voie de conséquence, la demande de dommages et intérêts de Monsieur [R] en réparation de son préjudice moral ne saurait prospérer. Cette demande sera donc rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

Sur la résistance abusive

‘ Moyens des parties

La société Optimum Auto/ Motos poursuit l’infirmation du jugement qui rejette sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive alors que l’intention malicieuse de Monsieur [R] est démontrée, selon elle, par le fait qu’il a feint de vouloir régler le dossier amiablement depuis avril 2019 alors qu’il cherchait seulement à gagner du temps pour ne pas régler les frais ; qu’il a manigancé dans le but d’apparaître en victime, qu’il ne s’est pas exécuté spontanément, contraignant son adversaire à engager des procédures.

Monsieur [R] sollicite la confirmation du jugement de ce chef.

‘ Appréciation de la cour

La société Optimum Auto/ Motos ne démontre pas que la résistance de son adversaire au paiement sollicité ait dégénéré en abus. La faute n’étant pas caractérisée, le jugement doit être confirmé pour ce seul motif. Il sera ajouté que le montant des demandes au titre de ces frais de gardiennage a dû être tranché par le premier juge, puis par cette cour, ce qui démontre que la résistance de Monsieur [R] ne peut être qualifiée d’abusive puisqu’il y avait matière à discuter des montants réclamés par la société Optimum Auto/ Motos.

Force est en outre de constater que la société Optimum Auto/ Motos se borne à affirmer que cette faute justifie la condamnation de Monsieur [R] à lui verser 4 000 euros en réparation sans énoncer la nature du préjudice subi, ni même en justifier.

Le jugement sera dès lors confirmé de ce chef.

Sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice moral de la société Optimum Auto/ Motos

C’est également exactement que le premier juge a rejeté cette demande aux motifs que les propos contenus dans des conclusions ou des lettres d’avocat à l’occasion d’une instance ne sauraient être constitutifs d’une faute dès lors qu’ils n’excèdent pas la liberté de parole de l’avocat dans le cadre de la défense des intérêts de son client.

Il sera ajouté que l’article 41, alinéa 4 (ancien alinéa 3), de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1187 du 14 novembre 2008, pose le principe de l’immunité des écrits produits et propos tenus devant les tribunaux :

‘Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux.’

Cette disposition légale est destinée à garantir le libre exercice du droit d’agir ou de se défendre en justice, en interdisant que des actions soient exercées contre les justiciables en raison du contenu de l’argumentation présentée au soutien de leur cause.

Seul l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 est applicable en matière d’écrits produits devant les tribunaux (voir, notamment, Civ. 2ème 6 Février 2003, n° 00-20.780, 29 mars 2006, n° 04-14730, voir aussi Ass. Plein. 12 juillet 2000 n° 98-11.155 98-10.160, Bull. Civ. AP n° 8 aux termes desquels les abus de la liberté d’expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l’article 1382 du code civil).

Cette liberté connaît toutefois des limites, édictées aux alinéas 5 et 6 (anciens alinéas 4 et 5) du même texte :

‘Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.

Pourront toutefois les faits diffamatoires étrangers à la cause donner ouverture, soit à l’action publique, soit à l’action civile des parties, lorsque ces actions leur auront été réservées par les tribunaux, et, dans tous les cas, à l’action civile des tiers.’

Ainsi, selon une jurisprudence bien établie, émanant tant de la chambre criminelle que des chambres civiles de la Cour de cassation, c’est seulement lorsque les écrits ou propos litigieux sont étrangers à la cause qu’ils sont susceptibles d’échapper à la règle de l’immunité, un contrôle étant opéré sur cette notion de ‘propos étrangers à la cause’ (par ex. Crim, 11 octobre 2005, pourvoi n° 05-80.545, Bull. n° 255, Civ. 1 ère, 28 mars 2008, pourvoi n° 06-12.996, Bull. n° 92).

En l’espèce, à supposer que les propos contenus dans la lettre du conseil de Monsieur [R] adressée au conseil de la société Optimum Auto/ Motos (pièce 28), dans les conclusions en réplique du conseil de Monsieur [R] devant le premier juge (pièce 30), dans celles notifiées par voie de réseau privé virtuel des avocats devant cette cour puissent être qualifiés de diffamatoires ou d’injurieux, il apparaît clairement qu’ils ont été tenus dans le cadre de l’exercice des droits de la défense et sont destinés à emporter la conviction de la cour.

En outre, il résulte de ces conclusions que les propos tenus n’excédent pas les limites des droits de la défense. Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu, en application des dispositions susmentionnées, si tant est que la société Optimum Auto/ Motos le demande, de lui réserver une action de ce chef, ces écrits n’étant pas exclus de l’immunité de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881.

En outre, et par voie de conséquence, la demande de dommages et intérêts formée par la société Optimum Auto/ Motos dirigée contre Monsieur [R] ne pourra qu’être rejetée.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [R], partie perdante, supportera les dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. Par voie de conséquence, sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 sera rejetée.

L’équité commande, à hauteur d’appel, de condamner Monsieur [R] à verser à la société Optimum Auto/ Motos la somme de 3 400 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition,

CONFIRME le jugement,

Y ajoutant,

CONDAMNE Monsieur [R] aux dépens ;

DIT qu’ils seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [R] à verser à la société Optimum Auto/ Motos la somme de 3 400 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


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