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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
1ère Chambre C
ARRÊT
DU 09 JUIN 2016
N° 2016/648
P. P.
Rôle N° 15/10977
[U] [Q]
C/
COMMUNE SANARY SUR MER
Grosse délivrée
le :
à :
Maître HOLLET
Maître ROSATO
DÉCISION DÉFÉRÉE À LA COUR :
Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de Toulon en date du 28 avril 2015 enregistrée au répertoire général sous le n° 15/00196.
APPELANT :
Monsieur [U] [Q]
demeurant [Adresse 1]
représenté par Maître Didier HOLLET, avocat au barreau de TOULON
INTIMÉE :
COMMUNE DE SANARY-SUR-MER,
représentée par son maire en exercice,
dont le siège est [Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Maître Olivier ROSATO, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 09 mai 2016 en audience publique. Conformément à l’article 785 du code de procédure civile, Madame Pascale POCHIC, conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
LA COUR ÉTAIT COMPOSÉE DE :
Monsieur Serge KERRAUDREN, président
Madame Lise LEROY-GISSINGER, conseiller
Madame Pascale POCHIC, conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Monsieur Serge LUCAS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 juin 2016.
ARRÊT :
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 juin 2016,
Signé par Monsieur Serge KERRAUDREN, président, et Monsieur Serge LUCAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*-*-*-*-*-*
EXPOSÉ DU LITIGE :
Au cours du mois de juillet 2014, l’Association de Défense des Sanaryens (ADS) a créé un bulletin trimestriel intitulé Le SANARYEN n°1 et publiait en page 3 un article relatif au projet de diffuseur autoroutier entre [Localité 2] et [Localité 3], libellé comme suit :
«NOUS SOMMES POUR L’ECHANGEUR AUTOROUTIER [Localité 2]-[Localité 3]. Lors de l’enquête publique l’ADS a demandé la gratuité de l’échangeur autoroutier».
La Commune de Sanary sur Mer s’est adressée au procureur de la République en indiquant que le journal ne désignait aucun directeur de publication et ne faisait mention d’aucun dépôt légal.
Par courrier recommandé daté du 29 juillet 2014, la première adjointe au maire adressait un droit de réponse au directeur de la publication du journal LE SANARYEN.
Ce droit de réponse était formulé comme suit :
« Mesdames, Messieurs,
L’ensemble des articles composant la publication du parti politique de Monsieur [B], l’ADS, mériteraient une réponse écrite des élus de la majorité.
Néanmoins, nous nous contenterons de traiter le sujet de l’échangeur autoroutier [Localité 2] [Localité 3], assez emblématique de l’incapacité de Monsieur [B] à gérer le moindre dossier d’envergure.
En effet, l’ADS se vante d’avoir « lors de l’enquête publique (‘) demandé la gratuité de l’échangeur autoroutier. »
Cette vaine incantation est dépourvue de toute signification. En effet, le concessionnaire de l’autoroute A50, ESCOTA, a besoin de percevoir le produit des péages pour rembourser les énormes emprunts contractés pour la réalisation des échangeurs autoroutiers, sauf à ce que les collectivités concernées ([Localité 2], [Localité 3], [Localité 4], [Localité 5], le Conseil Général) financent le projet sur plusieurs années, jusqu’à la fin de la concession.
Belle preuve de démagogie si l’on considère que, même en l’envisageant à péage, les collectivités publiques concernées sont contraintes de financer à hauteur de 10 millions d’euros le projet, dont le coût total est estimé à 41 030 000 euros.
Comment trouver les fonds nécessaires ‘ Peut être dans la poche du contribuable ‘
C’est bien la preuve que si on laissait à Monsieur [B] la gestion de la Commune, nous, contribuables sanaryens, serions asphyxiés par une fiscalité débridée.
Doit-on rappeler en conclusion que [Localité 3] fait partie des Communes de plus de 10 000 habitants jouissant de la fiscalité la plus basse’
Les Elus de la Majorité».
Au cours du mois de novembre 2014, le numéro 2 du journal LE SANRYEN a été déposé sans droit de réponse.
La Commune de Sanary sur Mer a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulon par exploit en date du 23 janvier 2015, d’une action en insertion forcée.
Par ordonnance en date du 28 avril 2015, la juridiction saisie a ordonné la publication du droit de réponse adressé par la Commune de Sanary dans l’édition à intervenir du journal à la même place et en même caractère que l’article qui l’a provoquée sous astreinte de 1000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision, et a condamné le defendeur à la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Par déclaration enregistrée le 17 juin 2015 Monsieur [Q], directeur de la publication, a relevé appel général de cette décision.
Aux termes de ses écritures transmises le 22 août 2015 notifiée au Parquet le 26 janvier 2016, auxquelles il est expressément fait référence pour l’exposé complet de ses moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, Monsieur [Q] demande à la cour :
– d’annuler l’ordonnance déférée,
– de condamner la commune de Sanary sur Mer au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, distraits au profit du conseil de l’appelant.
Au soutien de ses demandes l’appelant fait valoir en substance qu’en méconnaissance de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 :
– la demande d’insertion de la réponse n’a pas été adressée au directeur de la publication,
– l’article litigieux ne nomme ni ne désigne aucune personne morale ou physique,
– les élus de la majorité , signataires du droit de réponse, n’avaient pas qualité pour le solliciter
– Madame [M] dont la signature figure au bas de la lettre de demande d’insertion, n’a pas produit de mandat spécial,
– le droit de réponse comporte des propos blessants à l’égard de Monsieur [B], portant atteinte à son honneur.
Par dernières conclusions interruptives de prescription, transmises le 15 avril 2016, auxquelles il est référé pour l’exposé exhaustif de ses moyens, la commune de Sanary sur Mer qui soutient que son droit de réponse est conforme aux dispositions de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881, et que le refus de publication constitue un trouble manifestement illicite, conclut à la confirmation de l’ordonnance critiquée et à la condamnation de l’appelant au paiement de la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, faisant valoir en réponse aux différents moyens développés par l’appelant que :
– à l’époque de la demande d’insertion aucune mention légale ne figurait sur le journal en question et il était impossible d’identifier le directeur de la publication. Monsieur [Q] ayant en tout état de cause, reçu cette demande,
– ce n’est pas l’article, mais le journal pris dans son intégralité qui est visé par l’article 13 et le journal nomme la commune et son maire en exercice,
– la commune était libre de signer sa réponse comme elle l’entend,
– Madame [M], première adjointe au maire, disposait d’une délégation de fonctions et était habilitée à représenter la commune. Le mandat spécial visé par la jurisprudence concerne l’hypothèse ou la demande de droit de réponse est réalisée par avocat.
– le droit de réponse ne comporte aucun propos désobligeant à l’égard de Monsieur [B].
A l’audience du 9 mai 2016 à laquelle l’affaire était fixée, a été produit le droit de réponse litigieux paru dans le n° 4 – automne 2015 de la publication «LE SANARYEN».
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Vu les dispositions de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse,
Vu les dispositions de l’article 809 alinéa 1 du code de procédure civile,
Le droit, institué par l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881, pour toutes personnes nommées ou désignées dans un journal de faire paraître une réponse est général et absolu et l’organe de presse ne peut s’y soustraire que si la réponse dont l’insertion est demandée porte atteinte aux droits des tiers, à l’honneur du journaliste ou est dénuée de pertinence. A défaut, la non insertion d’une réponse constitue un trouble manifestement illicite qu’il revient au juge des référés de faire cesser en application des dispositions de l’article 809 du nouveau code de procédure civile.
Il résulte de ce texte que même en cas de contestation sérieuse, le juge des référés peut prescrire les mesures qui s’imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Le seul rejet de la demande d’insertion d’un droit de réponse constitue le trouble manifestement illicite qui fonde la compétence du juge.
L’appelant ne peut se prévaloir d’aucun motif sérieux pour s’opposer à la demande d’insertion, dès lors que si la demande a été adressée à Monsieur [B], président de l’Association de Défense des Sanaryens, force est constater ainsi qu’exactement rappelé par le premier juge, qu’aucune mention légale ne figurait dans le journal quant au directeur de la publication de sorte qu’il ne peut être fait grief à l’intimée, en la personne de la première adjointe au Maire, d’avoir adressé le droit de réponse au président de l’association; Il n’est pas démontré que Madame [M] n’avait pas qualité pour ce faire. Le mandant spécial exigé par la jurisprudence ne concerne que l’hypothèse ou la demande de droit de réponse est présentée par un avocat pour le compte de la personne mise en cause.
En outre le journal vise expressément le maire en exercice et la réponse pouvait porter la signature « les élus de la majorité » ayant qualité pour représenter la commune. La corrélation entre l’article incriminé et la réponse apportée apparaît établie. Les termes de la réponse visant Monsieur [B] ne contiennent pas de terme insultant ou diffamatoire mais correspondent au ton polémique de la publication incriminée.
C’est en conséquence, à juste titre et par des motifs appropriés que le premier juge a ordonné
la publication du droit de réponse querellé, en sorte que l’ordonnance entreprise sera confirmée dans toutes ses dispositions.
Monsieur [Q] succombant supportera la charge des dépens et sera tenu en équité de verser à la commune de Sanary sur Mer la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, lui même ne pouvant prétendre au bénéfice de ces dispositions.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme l’ordonnance déférée dans toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [U] [Q] à payer à la commune de Sanary sur Mer la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute Monsieur [U] [Q] de sa demande présentée sur le même fondement,
Condamne Monsieur [U] [Q] aux dépens d’appel avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le greffier,Le président,