Diffamation : décision du 8 novembre 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 19/01985

·

·

Diffamation : décision du 8 novembre 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 19/01985
Ce point juridique est utile ?

ARRÊT N°

N° RG 19/01985 – N° Portalis DBVH-V-B7D-HLKH

YRD/ID

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE NIMES

06 mai 2019

RG:16/00011

[X]

C/

S.A.R.L. SOCIÉTÉ ROBERT CARRIERES & MATERIAUX

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2022

APPELANT :

Monsieur [S] [X]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Eve SOULIER de la SELARL EVE SOULIER – JEROME PRIVAT – THOMAS AUTRIC, avocat au barreau D’AVIGNON

INTIMÉE :

SARL SOCIÉTÉ ROBERT CARRIERES & MATERIAUX

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Emmanuelle JONZO de la SCP LOBIER & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 03 Février 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président,

Madame Leila DAFRE, Vice-présidente placée,

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 31 Août 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 08 Novembre 2022.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 08 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [S] [X] a été engagé à compter du 5 avril 2004 en qualité de conducteur d’engin par la SARL Robert carrières et matériaux (RMC).

En 2011, M. [S] [X] a été promu responsable de site.

La convention collective applicable est la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics.

Par courrier en date du 26 octobre 2015, M. [S] [X] a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement fixé au 3 novembre 2015, ce même courrier lui notifiait une mise à pied conservatoire.

Par courrier du 9 novembre 2015, M. [S] [X] était licencié pour faute.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, M. [X] saisissait le conseil de prud’hommes de Nîmes en paiement d’indemnités de rupture et de diverses sommes lequel, par jugement de départage du 6 mai 2019, a :

– Débouté M. [S] [X] de l’intégralité de ses demandes ;

– L’a condamné à payer à la SARL Robert carrières et matériaux la somme de 1.500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– L’a condamné aux entiers dépens de l’instance.

Par acte du 14 mai 2019, M. [S] [X] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 1er avril 2020, M. [X] demande à la cour de :

-recevoir l’appel de Mr [S] [X]

– le dire bien fondé en la forme et au fond,

En conséquence,

– réformer le jugement rendu par le juge départiteur du conseil de prud’hommes,

En conséquence,

– dire et juger que la procédure de licenciement est dépourvue de cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

– condamner la société RCM au paiement des sommes suivantes:

– 50 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement des dispositions de l’article L. 1235-5 du Code du travail ;

– 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre de l’absence de formation ;

– 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat ;

– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamner l’employeur aux entiers dépens

M. [X] soutient que :

– sur le caractère abusif du licenciement :

– le licenciement qui lui était notifié pour faute est dépourvu de tout fondement sérieux dans la mesure où il n’a jamais commis aucune faute susceptible de justifier la rupture de son contrat de travail :

– l’employeur lui reproche de ne plus être présent sur le site depuis le 5 octobre 2015 en raison de la prise de repos compensateurs, or ces repos lui sont dus et accordés par l’employeur, il ne peut lui être reproché de récupérer les heures supplémentaires accomplies au moyen de jours compensateurs.

– l’employeur lui reproche un défaut d’organisation des moyens matériels du salarié : il est responsable de site et non responsable des engins. Ainsi, chaque chauffeur doit faire une vérification des niveaux et notamment du niveau d’huile.

– l’employeur lui reproche un défaut d’organisation des moyens humains du salarié et des visites périodiques réglementaires : or, les visites périodiques réglementaires ne lui incombent pas en sa qualité de responsable du site mais incombent au responsable de l’ensemble des sites. De surcroît, il n’a reçu la moindre remarque concernant ces sujets et des témoignages de clients attestent de son professionnalisme.

Les reproches faits par l’employeur ne sont pas vérifiables, datés ou encore précis. Un motif imprécis équivaut à une absence de motifs et entraîne le paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ce licenciement est abusif. Les faits reprochés au salarié relèvent de l’insuffisance professionnelle.

– les faits reprochés, s’ils étaient caractérisés, consistant en un manque d’organisation relèvent de l’insuffisance professionnelle et non de la faute disciplinaire : en effet, l’employeur reproche au salarié un défaut d’organisation des moyens humains et un défaut d’organisation des moyens matériels. Or, dans sa lettre de licenciement, il était licencié pour faute. L’insuffisance professionnelle ne peut être qualifiée de faute. En cas d’insuffisance professionnelle, l’employeur ne pouvait licencier le salarié que pour cause réelle et sérieuse.

– en raison des formations qu’il a suivies, il ne peut qu’allumer et éteindre l’installation électrique. Il lui est interdit de rentrer dans une armoire électrique. Il n’a pas reçu de formation à aucun niveau alors même qu’il était promu responsable de site en 2011. La société RCM n’établirait pas de motif réel, sérieux et vérifiable.

– le manquement de l’employeur à son obligation de formation professionnelle : depuis son embauche, le 5 avril 2004, il n’a bénéficié d’aucune formation professionnelle, même lors de sa promotion de responsable en 2011.

– le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat : l’employeur n’a pas respecté son obligation de sécurité de résultat en demandant à son salarié de conduire un camion Bell pour lequel il ne détenait pas la formation nécessaire (certificat d’aptitude à la conduite d’engins en sécurité). M. [X] en informait l’inspection du travail.

En l’état de ses dernières écritures en date du 15 mai 2020, la SARL RCM a sollicité la confirmation du jugement et la condamnation de M. [X] au paiement de la somme de 2.500,00 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La SARL RCM fait valoir que :

– le licenciement pour faute est bien-fondé : M. [X] exerçait les fonctions de chef de site depuis 3 ans, que ses fonctions étaient précisées aux termes d’une fiche de poste qu’il avait signée. Il suivait régulièrement des formations.

– l’absence de M. [X] : il ne lui est pas reproché d’être absent mais que depuis son absence, une amélioration de certains postes a été relevée (moins d’heures supplémentaires, réalisation de l’entretien des installations, …).

– les défauts d’entretien des outils de travail et des installations : Il est reproché à M. [X] de ne pas avoir vérifié le niveau d’huile dans le moteur du concasseur, de ne pas avoir entretenu les racleurs sous le broyeur ce qui génère des arrêts répétitifs ralentissant la production. M. [X] soutient que ces actions ne relèvent pas de sa compétence. Il produit un témoignage dont l’auteur ne peut avoir vu un salarié intervenir sur le tableau électrique car, en tant que chauffeur de poids lourd, il ne peut accéder au tableau électrique. De surcroît, M. [X] avait comme tâche de s’assurer du suivi et de l’entretien des installations et du matériel, comme le prouve la fiche de poste du responsable de site.

– le défaut d’organisation des visites périodiques : Il est reproché à M. [X] de ne pas avoir organisé la visite périodique du pont bascule et la visite de vérification électrique.

– Il est reproché à M. [X] de ne pas avoir organisé la visite périodique du pont bascule et la visite de vérification électrique : pour cet engin, une vérification périodique annuelle est imposée au détenteur ou à l’utilisateur. En cas de non-respect de l’obligation de vérification du matériel de pesage, la carrière est exposée à une fermeture administrative. M. [X] prétend que cette obligation ne lui incombe pas, en tant que chef de site, mais au chef de l’ensemble des sites. Dans la fiche de poste signée par M. [X] , le 12 juillet 2013, il apparaît qu’il entre dans les attributions du responsable de site de s’assurer du suivi et de l’entretien des installations et du matériel.

– Il est reproché à M. [X] un défaut de surveillance et de maintenance des installations électriques : la visite périodique des installations électriques doit être effectuée tous les ans à la demande de l’employeur. M. [X] a reçu une formation en vue de l’habilitation

électrique BS HO et a été habilité par l’employeur. L’attestation de stage de M. [X] démontre que ce dernier a toutes les connaissances requises pour exercer ces fonctions. L’employeur ne lui a pas demandé de ne pas avoir procédé à la vérification électrique mais de ne pas avoir organisé la visite de vérification périodique.

– Il est reproché à M. [X] un défaut de gestion de l’équipe / mauvaise ambiance / turn-over du personnel : il a dénigré son employeur auprès de gros clients de la société, il a envoyé des messages à sa direction et à M. [C] , qu’il tient personnellement responsable de son licenciement. M. [X] a contacté des clients, avant d’être licencié en proférant des accusations à caractère diffamatoire à l’encontre de son employeur.

– les formations délivrées à M. [X] : il affirme n’avoir reçu aucune formation à aucun niveau alors qu’il était promu responsable de site. La société RCM verse au débat outre les formations CACES réglées par l’entreprise, la preuve de neuf formations suivies par son ancien salarié.

– la prétendue insuffisance professionnelle : Les griefs retenus à l’encontre de M. [X] ne relèvent pas de l’insuffisance professionnelle mais de la faute. En effet, M. [X] a été promu responsable de site en 2011, en raison de ses compétences. M. [X] a été licencié pour faute car il ne pouvait ignorer l’étendue de ses obligations contractuelles, toutes clairement identifiées dans la fiche de poste qu’il a signée. Les fautes de M. [X] ont exposé la société à un risque de fermeture administrative du site entraînant de fait la mise au chômage de son équipe, ce que le salarié ne pouvait ignorer.

– l’indemnité pour défaut de formation : M. [X] a suivi des formations financées par l’employeur qui ont largement participé au développement de ses compétences.

– la demande indemnitaire pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et de résultat : M. [X] n’a pas indiqué à M. [C] qu’il n’avait pas le CACES 8, certificat permettant de conduire le camion Bell. M. [C] a été destinataire d’un avertissement. Les fiches d’aptitude pour les années 2010 à 2015 établissent que M. [X] était apte à la conduite d’engins, au travail et circulation en hauteur, au port d’équipements de protection individuels. Il a été déclaré apte avec exposition au bruit, poussières et vibrations. En application de la jurisprudence, M. [X] ne justifie d’aucun préjudice, lequel doit nécessairement être établi.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 1er décembre 2021, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 3 février 2022.

Selon avis de renvoi du 14 mars 2022, l’examen de la présente affaire a été renvoyé l’audience au 31 août 2022.

MOTIFS

Sur le licenciement

M. [X] a été licencié par courrier du 9 novembre 2015 aux motifs suivants (sic) :

« Nous faisons référence à notre entretien du 3 novembre 2015 et vous informons de notre décision de licencier pour les faits suivants .

Depuis le 5 octobre 2015, vous n ‘êtes plus présents sur le site en raison notamment de la prise de vos repos compensateurs. Depuis cette date, nous constatons sur le site une productivité accrue, une diminution du nombre d’heures supplémentaires effectuées, plus aucun approvisionnement n ‘est nécessaire depuis une autre carrière pour assurer les livraisons de nos clients, la possibilité de dégager du temps pour l’entretien préventif des installations, un retour à la normale quant à la propreté des locaux et du site, ainsi que la tenue correcte des registres réglementaires de sécurité et l’organisation des visites périodiques réglementaires.

Nous constatons donc que vous avez manqué à vos obligations contractuelles :

En effet, alors que vous deviez organiser les moyens matériels mis à votre disposition sur la carrière pour assurer l’exploitation du site, vous ne suivez ni l’entretien du matériel (concasseur mobile sans huile dans le moteur) ni l’entretien des installations (étanchéité sous voyeur secondaire, entretien des racleurs) générant une accumulation de matériaux sous les tapis. De ce fait, nous avons des arrêts répétitifs ralentissant ainsi la production.

Un défaut d’organisation des moyens humains, l’absence de consignes claires données à votre équipe, votre manque de contrôle sur les tâches effectuées ainsi que votre manque d ‘exemplarité notamment par votre absence aux heures de travail sur votre poste ont entraîné un turnover important de vos subordonnés, une mauvaise ambiance de travail, ainsi que le recours à un nombre important d ‘heures supplémentaires.

Nous avons également constaté un manquement à vos obligations quant à l’organisation des visites périodiques réglementaires (vérification périodique du pont bascule qui était valable jusqu’au 31 août 2015 et vérification électrique valable jusqu ‘en septembre 2015). En effet, lors de votre départ en repos compensateurs le 5 octobre 2015, vous n ‘aviez toujours pas organisé ses visites.

Cette attitude est constitutive d’une inexécution de vos obligations contractuelles et de non réalisation des tâches relevant directement de vos missions. Nous vous avons alerté sur ces problèmes et vous nous avez répondu que cela était dû à votre équipe ou encore au matériel. Nous ne pouvons tolérer un tel laxisme et manque de professionnalisme qui a un impact négatif sur la bonne marche de notre structure.

Nous vous confirmons donc notre décision de vous licencier pourfaute. Votre mise à pied vous sera payée en temps de travail.

Votre préavis, que nous vous dispensons d’effectuer, débutera le 10 novembre 2015 et se terminera le 10 janvier 2016, date à laquelle vous cesserez de faire parti de nos effectifs ”.

– Sur le caractère disciplinaire de la mesure de licenciement :

C’est le motif de la rupture mentionné dans la lettre de licenciement qui détermine le caractère disciplinaire ou non du licenciement, dès lors que l’employeur s’est placé sur le seul terrain disciplinaire, le juge doit se limiter à rechercher si les faits reprochés au salarié constituent une faute sans possibilité de dénaturer le motif disciplinaire de ce licenciement.

Aussi, un licenciement prononcé pour faute est sans cause réelle et sérieuse si les manquements reprochés relèvent en réalité de l’insuffisance professionnelle sauf s’ils procèdent soit d’une mauvaise volonté délibérée du salarié, soit de la négligence ou d’une abstention volontaire.

En l’espèce, l’employeur s’est expressément placé sur le terrain disciplinaire en reprochant au salarié d’avoir violé les obligations découlant de son contrat de travail et de sa fiche de poste.

Il convient de relever liminairement que, contrairement aux affirmations de l’appelant, il ne lui est pas reproché d’être absent sur le site alors qu’il récupérait ses heures supplémentaires. Aussi son observation selon laquelle «il ne peut être reproché de récupérer légitimement les heures supplémentaires accomplis [sic] au moyen de jours compensateurs» ne présente aucune pertinence.

L’employeur fait le constat, dans la lettre de licenciement, que depuis l’absence de M. [X] sur le site, il a été constaté :

– une productivité accrue,

– une diminution du nombre d’heures supplémentaires effectuées,

– l’absence d’approvisionnement depuis une autre carrière pour assurer les livraisons des clients,

– la possibilité de dégager du temps pour l’entretien préventif des installations,

– un retour à la normale quant à la propreté des locaux et du site, ainsi que la tenue correcte des registres réglementaires de sécurité et l’organisation des visites périodiques réglementaires.

Il est plus particulièrement reproché au salarié :

– de ne pas suivre l’entretien du matériel (concasseur mobile sans huile dans le moteur) et des installations (étanchéité sous voyeur secondaire, entretien des racleurs)

– de ne pas assurer l’organisation des moyens humains,

– de ne pas donner de consignes claires à son équipe,

– de ne pas contrôler les tâches effectuées,

– un manque d ‘exemplarité en raison de son absence aux heures de travail sur son poste ce qui a entraîné un turn-over important de ses subordonnés,

– une mauvaise ambiance de travail,

– le recours à un nombre important d’heures supplémentaires.

– un manquement à ses obligations quant à l’organisation des visites périodiques réglementaires (vérification périodique du pont bascule qui était valable jusqu’au 31 août 2015 et vérification électrique valable jusqu’en septembre 2015).

Si certains de ces griefs relèvent effectivement de l’insuffisance professionnelle comme la faible productivité et l’absence d’approvisionnement depuis une autre carrière pour assurer les livraisons des clients, les autres griefs constituent des manquements aux obligations découlant du contrat de travail et de la fiche de poste de M. [X] et revêtent dès lors un caractère fautif susceptible de justifier un licenciement pour motif disciplinaire.

Sur la réalité des griefs reprochés :

– sur la diminution du nombre d’heures supplémentaires effectuées :

L’employeur ne développe dans ses écritures aucune argumentation relative à ce grief qui dès lors ne peut être retenu.

– sur l’absence de suivi de l’entretien du matériel (concasseur mobile sans huile dans le moteur) et des installations (étanchéité sous voyeur secondaire, entretien des racleurs) :

La fiche de poste de M. [X] définit ses missions :

« votre mission consiste à faire vivre l’exploitation de la carrière ; vous êtes en charge d’organiser la production en planifiant et contrôlant l’extraction, le traitement et la livraison des matériaux ; votre objectif est d’optimiser le rendement du site en veillant au respect de l’environnement et aux règles de sécurité ; à vous de bien diriger et gérer le personnel, de vous occuper des matériels et d ‘organiser les travaux de maintenance ”.

Il entrait donc bien dans les attributions de M. [X] d’assurer l’entretien du matériel et de maintenir les installations.

L’argument développé par M. [X] de ce chef consistant à déclarer que «chaque chauffeur doit faire une vérification des niveaux et notamment du niveau d’huile» est donc dénué de toute pertinence étant observé que la réalité du grief ainsi formulé n’est pas remise en cause par l’appelant.  

Ce grief peut dès lors être retenu au débit du salarié.

– sur l’absence d’organisation des moyens humains, l’absence de consignes claires à son équipe, l’absence de contrôle des tâches effectuées, le manque d ‘exemplarité en raison de son absence aux heures de travail sur son poste ce qui a entraîné un turn-over important de ses subordonnés, la mauvaise ambiance de travail et le recours à un nombre important d’heures supplémentaires :

La fiche de poste de M. [X] prévoyait également que ses attributions consistaient à «organiser les moyens matériels et humains mis à disposition pour assurer l’exploitation du site, s ‘assurer du suivi et de l’entretien des installations et du matériel, organiser les approvisionnements en fuel en fonction du fournisseur désigné par son responsable, organiser les interventions des intervenants extérieurs (fournisseurs, sous-traitants…), assurer le suivi des règles de sécurité qui lui incombent et assurer le suivi des procédures qualités qui lui incombent».

La société intimée fait état de faits postérieurs à l’envoi de la lettre de licenciement ou à l’envoi de la lettre de convocation à entretien préalable qui ne peuvent être pris en considération.

La SARL Robert Carrières et Matériaux verse aux débats une attestation de M. [O] [T], conducteur d’engins, qui déclare : « Monsieur [X] avait une façon de s’adresser à moi-même et mes collègues de façon très agressive. Très peu de consignes claires nous étaient transmises’ un manque d’organisation évident par manque d’implication sur le terrain de sa part avait des conséquences très négatives sur le mental et aussi sur la productivité du site.

Il me demandait régulièrement d’effectuer plusieurs tâches seul, alors qu’il aurait pu m’aider pour aller plus vite et reprendre la production.

Il se mettait à hurler parce que selon lui on passait trop de temps.

Un jour, il m’a fallu m’interposer entre lui et un collègue qu’il voulait frapper.

Beaucoup de personnes sur le site voulaient quitter leur poste de travail ne supportant plus cette ambiance »

Ces propos sont remis en cause par les attestations produites par M. [X] émanant de tiers à l’entreprise tels que :

– M. [G] [E], gérant d’une société, qui déclare : “C’était un chef strict et consciencieux. Il donnait les instructions tous les matins avant de commencer…Une personne qui se donne beaucoup de mal pour que tout se passe bien…J’ai rarement vu un chef aussi investi dans son travail, qui ne regardait pas les heures, qui n’avait pas peur de se salir”.

– Mme [J] [Y], gérante d’une société de transports, qui témoigne : “Je peux attester qu’au niveau du travail on ne peut rien lui reprocher, toujours présent en cas de besoin (…). Très bon travailleur, il sait donner des ordres appropriés à son équipe. Il est une personne sur laquelle on peut compter, une personne de confiance”.

– M. [D] [P], conducteur d’engins au sein de la société GEA qui relate : “J’ai trouvé que Monsieur [X] est un très gros travailleur, très minutieux envers ses machines, ne s’arrêtant même pas pour les repas du midi”.

– Mme [H] [I], Président de la société GEA MATÉRIAUX qui indique : “Nous avons particulièrement apprécié le comportement et la qualité de travail de Monsieur [X] et recommandons ses compétences professionnelles”.

– M. [R] [A], gérant de société et client de la SARL RCM qui déclare :”J’ai constaté que lorsque Monsieur [X] était responsable de carrière RCM située à [Localité 5], celle-ci était très bien entretenue et disposant de tous les granulats en permanence. En outre, l’accueil était non seulement chaleureux mais aussi très professionnel. Je regrette l’absence actuelle de Monsieur [S] [X]”.

– M. [M] [N], gérant de société et client de la SARL RCM : “En tant que client de RCM, j’ai été surpris de ne plus voir Monsieur [X] [S] car j’étais très content du service qu’il apportait en tant que client sur sa gestion des granulats et de l’écoute qu’il a envers le client que je suis et de la propreté du site et de la qualité du produit”.

Comme relevé par le premier juge, M. [O] [T] a établi une seconde attestation aux termes de laquelle il certifie « avoir écrit et signé sous la contrainte de la [SARL Robert Carrières et Matériaux] une attestation de témoin concernant Monsieur [X] [S] pour son comportement ”. Il ajoute qu’après trois jours de réflexion, il a joint par téléphone les bureaux de la SARL Robert Carrières et Matériaux afin de leur indiquer qu’il entendait se rétracter et revenir sur ses déclarations et qu’on lui avait assuré que son attestation serait détruite.

Ce grief ne peut donc être retenu.

– sur le manquement à ses obligations quant à l’organisation des visites périodiques réglementaires (vérification périodique du pont bascule qui était valable jusqu’au 31 août 2015 et vérification électrique valable jusqu’en septembre 2015).

-sur le défaut d’organisation de la visite périodique du pont bascule :

La société intimée précise que la carrière de [Localité 5] est équipée d’un pont bascule à fonctionnement non-automatique, qu’il s’agit d’un instrument de mesure nécessitant l’intervention d’un opérateur au cours de la pesée, que lors de la mise en service du pont bascule, un carnet métrologique est délivré au détenteur du matériel (décret du 26 Mai 2004), qu’une vérification périodique annuelle est imposée au détenteur ou à l’utilisateur (décret n° 2001-387 du 3 Mai 2001), que si la vérification du matériel est déclarée conforme, une « vignette verte » est délivrée par le technicien contrôleur qui indique sur le carnet métrologique la date limite de validité, que si l’appareil n’est pas conforme, un bulletin de refus est établi avec délivrance d’une « vignette rouge » et obligation de procéder aux mises en conformité, suivies d’une nouvelle vérification périodique, que le matériel est alors mis « hors service » de manière immédiate et la DIRECCTE est informée par l’organisme de contrôle, qu’en cas de non-respect de l’obligation de vérification du matériel de pesage, la carrière est exposée à une fermeture administrative.

M. [X] prétend que l’organisation des contrôles périodiques du pont bascule n’entre pas dans ses fonctions mais incombe au responsable de l’ensemble des sites, à savoir M. [C].

Il a été rappelé plus avant que M. [X] était chargé de veiller à la maintenance du matériel et du suivi des installations.

Il est versé au débat la copie du carnet métrologique du pont bascule, d’où il ressort que M. [X] a spontanément sollicité une réparation en septembre 2012 et en octobre 2014, et une fiche de dépannage en urgence sollicitée par M. [X], datée du 15 octobre 2014 et sur laquelle il est porté la date limite de validité du contrôle, soit le 3 octobre 2015.

C’est à bon droit que le premier juge a retenu que la planification des interventions de ce pont à bascule incombait à M. [X] et que l’échéance du 3 octobre 2015 était dépassée exposant ainsi l’entreprise à un risque de fermeture.

L’employeur verse au débat les carnets de contrôles des ponts bascules des sites de [Localité 7] et de [Localité 3], ainsi que les bulletins de salaire des MM [K] [L] et [U] [B], tous deux responsables de site qui confirment qu’en cette qualité ils avaient bien en charge l’organisation des contrôles périodiques des ponts bascules installés sur site.

L’employeur verse également au débat la fiche de poste de M. [C] qui exerce les fonctions de responsable d’exploitation, prouvant que l’organisation des visites périodiques obligatoires n’entrait pas dans ses fonctions.

– sur le défaut de surveillance et de maintenance des installations électriques :

La société intimée expose que la prévention du risque électrique s’adresse aux employeurs qui utilisent des installations électriques et en assurent les vérifications, que l’employeur qui utilise des installations électriques doit respecter les règles édictées par les articles R 4226-1 à R 4226-21 du code du travail, à savoir :

– maintenir les installations électriques en conformité avec les règles de conception qui leurs sont applicables à la date de leur mise en service,

– assurer la surveillance et la maintenance des installations et des matériels électriques,

– vérifier ou faire vérifier périodiquement les installations électriques (art 4226-16 et 17 du Code du Travail).

Elle ajoute que la visite périodique doit être effectuée tous les ans à la demande de l’employeur et qu’elle fait appel pour cela à la société VERITAS.

Elle précise que M. [X] a reçu une formation en vue de l’habilitation électrique BS HO et a été habilité par l’employeur et elle produit l’ attestation de stage qui démontre que M. [X] a toutes les connaissances requises pour exercer ces fonctions.

Or, il est reproché à M. [X] de ne pas avoir organisé la visite de vérification périodique qui

devait être faite avant le 7 septembre 2015.

L’employeur rappelle que M. [X] a participé le 10 Avril 2015 à une formation de sensibilisation sécurité au terme de laquelle il lui a été remis un dossier de prescriptions mentionnant l’obligation annuelle de vérification des installations par la société VERITAS.

Enfin, M. [X] a participé en sa qualité de responsable de carrière à la vérification réalisée par la société VERITAS le 8 septembre 2014.

Ainsi M. [X] connaissait parfaitement ses obligations contractuelles en matière de suivi et d’entretien des installations électriques en sorte qu’il a commis une faute professionnelle en n’organisant pas la visite périodique ce qui était susceptible d’engager la responsabilité pénale du chef d’entreprise en cas d’accident.

Ce grief est par conséquent établi.

Le licenciement de M. [X] est donc justifié par l’existence d’une cause réelle et sérieuse.

Sur le manquement de l’employeur à son obligation de formation professionnelle

M. [X] rappelle les dispositions de l’article L. 6321-1 du code du travail selon lesquelles :

” L’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail.

Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Sans les entreprises et les groupes d’entreprise au sens de l’article L 2331-1 employant au moins 50 salariés, il organise pour chacun de ses salariés dans l’année qui suit leur 45ème anniversaire, un entretien professionnel au cours duquel il informe le salarié notamment sur ses droits en matière d’accès à un bilan d’étape professionnelle, à un bilan de compétence ou à une action de professionnalisation”

Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences…”

M. [X] expose que depuis son embauche le 5 avril 2004 en contrat à durée indéterminée, il n’a bénéficié d’aucune formation professionnelle et ce, alors même qu’il était promu responsable de site en 2011.

Or la SARL RCM verse au débat, outre les formations CACES réglées par l’entreprise, le justificatif des neuf formations suivies par M. [X].

Ce dernier a été justement débouté de ses prétentions à ce titre.

Sur la demande indemnitaire pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité

M. [X] sollicite le paiement de la somme de 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi au visa de l’article L. 4121-1 du code du travail qui énonce : “L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes”.

M. [X] expose que l’employeur lui demandait de conduire des engins, tel un camion Bell, pour lesquels il ne détenait aucune formation, que l’employeur n’était pas censé ignorer que pour conduire un tel engin, il est nécessaire d’avoir un CACES 8 (certificat d’aptitude à la conduite d’engins en sécurité) alors qu’il ne possédait que les CACES 1, 2 et 4.

Il ajoute qu’il a légitimement refusé de conduire un tel engin, et ce en vertu de sa sécurité.

Or, outre que le salarié n’a pas conduit ce véhicule et qu’aucun dommage n’en est résulté, en sorte qu’aucun préjudice n’est établi, l’employeur produit un procès-verbal de constat d’huissier du 29 janvier 2016 retraçant les échanges intervenus par voie de SMS entre M. [X] et M. [C] desquels il résulte que le premier n’a pas informé le second qu’il n’était pas titulaire du CACES idoine. M. [C] a fait l’objet d’un avertissement pour son initiative malheureuse. M. [X] ne justifie d’aucun préjudice en sorte que sa demande est en voie de rejet.

Il convient tant pour les motifs qui précèdent que ceux non contraires des premiers juges de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré.

L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en l’espèce.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

– Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

– Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamne l’appelant aux dépens d’appel.

Arrêt signé par le président et le greffier.

Le Greffier Le Président

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x