Diffamation : décision du 8 février 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 21/03961

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Diffamation : décision du 8 février 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 21/03961

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRET DU 08 FEVRIER 2024

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/03961 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDT6Z

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Mars 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LONGJUMEAU – RG n° 18/00877

APPELANT

Monsieur [U] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Séverine HOUARD-BREDON, avocat au barreau de PARIS, toque : E0327

INTIMEE

S.A. DELTA SECURITY SOLUTIONS prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Laurent LIGIER, avocat au barreau de LYON, toque : 1983

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre

Madame Carine SONNOIS, Présidente de la chambre

Madame Véronique BOST, Conseillère de la chambre

Greffier : lors des débats : Mme Sonia BERKANE

ARRET :

– contradictoire

– mis à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente et par Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

M. [U] [Z] a été engagé par la société Delta security solution, suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 24 avril 2017, en qualité d’ingénieur commercial.

Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie, le salarié percevait une rémunération mensuelle brute de 3 618,45 euros.

Le 24 avril 2018, M. [U] [Z] a été placé en arrêt de travail pour maladie.

Le 30 avril 2018, le salarié s’est vu notifier un licenciement pour faute grave, libellé dans les termes suivants :

« Malgré votre absence à l’entretien du mercredi 25 avril 2018 auquel nous vous avions convoqué par courrier recommandé en date du 13 avril 2018, nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour faute grave.

Les motifs de ce licenciement sont les suivants :

– Retards et absences répétées lors de réunions

Le 10 avril 2018 : vous êtes arrivé avec un retard de plus de 2 heures pour une réunion ACE (Amélioration continue) organisée par le pilote ACE de la région IDF. Pour rappel, cette réunion avait été planifiée lors de la précédente réunion sur le même sujet en date du 15 mars puis avait été confirmée par invitation Outlook et rappelée en réunion d’équipe commerciale, la veille.

Vous aviez également été en retard, en date du 7 mars 2018, lors de la réunion trimestrielle des nouveaux vendeurs alors que cette réunion a pour objectif d’aborder différents thèmes et sujets afin d’accompagner les nouveaux vendeurs dans leur réussite.

L’organisation de l’agence prévoit la présence impérative au bureau les lundis matin et

vendredis après-midi. Après plusieurs rappels, nous vous avons rappelé la règle le 3 avril 2018.

Dès le lundi suivant, vous êtes arrivé en fin de matinée au bureau alors que tous vos collègues commerciaux étaient présents depuis le début de la matinée.

D’une façon générale, vous ne respectez aucune des consignes qui vous sont données et vous ne participez pas aux réunions et rituels collectifs, ce qui a pour conséquence de vous mettre en décalage avec le fonctionnement de l’agence.

– Utilisation frauduleuse de la carte Total et utilisation du carburant excellium

Le 9 avril 2018, vous avez utilisé le carburant excellium alors que vous devez utiliser le gasoil premium. Cette règle vous avait pourtant été rappelée le 12 mars 2018.

De même, nous avons constaté, l’utilisation de la carte Total pour le paiement d’un parking le samedi 10 mars 2018, alors que l’utilisation de cette carte est interdite le week-end comme le stipule clairement votre contrat de travail.

– Insubordination et dénigrement de votre hiérarchie

Depuis quelques mois, nous avons constaté des écarts de comportements et des critiques vis-à-vis de votre hiérarchie.

Le 12 avril 2018, votre chef des ventes avait bloqué dans votre agenda une demi-journée

d’accompagnement afin de passer du temps avec vous et notamment valider vos devis. Vous ne vous présentez pas à ce point prévu dans l’agenda, sans prévenir votre responsable, et sans motif valable.

Plus grave encore, vous justifiez vous attitude en indiquant d’une part que la demi-journée habituelle d’accompagnement, est plutôt le mardi, ce qui ne justifie en rien votre absence sans prévenir ce jour-là.

Vous ajoutez que de votre côté, vous restez en attente de réponses sur l’affaire [D],

réponses qui vous ont pourtant été données.

Enfin vous critiquez ouvertement le management de votre Directeur d’agence en écrivant : « Sa fait beaucoup de dysfonctionnement dans cette agence depuis votre arrivée et sans compté les prime retirer sans aucun justificatif. Il est évident que si cette pression et des compte rendu non fait de votre part suite à vos actions menait par votre par, j’alerterai votre hiérarchie de votre management qui ne nous pousse pas à la réussites ‘ »

Votre comportement relève de l’insubordination, vous n’appliquez pas volontairement les

directives, et les demandes de votre hiérarchie. Cette situation engendre une très mauvaise

ambiance au sein de l’agence.

L’ensemble de ces faits, démontre une volonté permanente de votre part d’être en opposition avec les directives de votre hiérarchie et des règles de l’entreprise. Ce comportement est totalement inacceptable. »

Le 26 septembre 2018, M. [U] [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Longjumeau pour voir dire son licenciement nul et réclamer un rappel de salaire au titre des primes d’intégration et de cooptation et une indemnité pour licenciement irrégulier.

Le 4 mars 2021, le conseil de prud’hommes de Longjumeau, dans sa section Encadrement, a statué comme suit :

– dit que le licenciement de M. [U] [Z] est motivé par une faute grave

– condamne la SAS Delta security solutions, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [U] [Z] les sommes suivantes :

* 700 euros à titre de rappel de salaire sur la prime d’intégration

* 70 euros au titre des congés payés afférents

* 600 euros à titre de rappel de salaire sur la prime de cooptation

* 60 euros au titre des congés payés afférents

– déboute M. [U] [Z] de la totalité de ses autres demandes

– déboute la société Delta security solutions de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamne M. [U] [Z] aux entiers dépens.

Par déclaration du 22 avril 2021, M. [U] [Z] a relevé appel du jugement de première instance dont il a reçu notification le 23 mars 2021.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 10 août 2023, aux termes desquelles M. [U] [Z] demande à la cour d’appel de :

– d’infirmer le jugement rendu le 4 mars 2021 par le conseil de prud’hommes de Longjumeau en ce qu’il a :

“- dit que le licenciement de Monsieur [Z] est motivé par une faute grave

– fixé la condamnation de la SAS Delta security solutions à la somme de 700 euros à titre de rappel de salaire sur prime d’intégration, au lieu de 1500 euros

– fixé la condamnation de la SAS Delta security solutions à la somme de 70 euros au titre des congés payés sur prime d’intégration au lieu de 150 euros

– débouté Monsieur [Z] des demandes suivantes :

* à titre principal : dire et juger le licenciement pour faute grave de M. [Z] nul car prononcé en violation d’une liberté fondamentale

* à titre subsidiaire : dire et juger le licenciement pour faute grave de M. [Z] sans cause réelle et sérieuse

* fixer la moyenne des salaires des trois derniers mois de M. [Z] à la somme de 3 618,45 euros

* à titre principal : condamner la société Delta security solutions à verser à Monsieur [Z] avec intérêt au taux légal : 21 710, 70 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul (6 mois)

* à titre subsidiaire : condamner la société Delta security solutions à verser à Monsieur [Z] avec intérêt au taux légal : 3 618,45 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif (1 mois)

* en toutes hypothèses :

– condamner la société Delta security solutions à verser à Monsieur [Z] avec intérêt au taux légal :

* 868,43 euros à titre d’indemnité légale de licenciement

* 10 855,35 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

* 1 085,53 euros au titre des congés payés y afférents

* 3 618,45 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier (1 mois)

– ordonner la remise :

* d’une attestation pôle emploi

* de bulletins de paie

conformes au jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification du jugement à intervenir, le conseil de prud’hommes se réservant le droit de liquider l’astreinte.

– condamner la société Delta security solutions à verser à Monsieur [Z] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

– ordonner l’exécution provisoire sur le tout sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile

– condamner la société Delta security solutions aux entiers dépens et éventuels frais d’exécution forcée du jugement

– et en ce qu’il a condamné Monsieur [Z] aux entiers dépens”

– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

“- condamné la société Delta security solutions à verser à Monsieur [U] [Z]

* 600 euros à titre de rappel de salaire sur la prime de cooptation

* 60 euros au titre des congés payés y afférents

– débouté la société Delta security solutions de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile”

Statuant à nouveau,

– dire et juger M. [Z] recevable et bien fondé en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions

Y faisant droit,

I- Sur le licenciement

– à titre principal : dire et juger le licenciement pour faute grave de M. [Z] nul car prononcé en violation d’une liberté fondamentale

– à titre subsidiaire : dire et juger le licenciement pour faute grave de M. [Z] sans cause réelle et sérieuse

En conséquence,

– fixer la moyenne des salaires des trois derniers mois de Monsieur [Z] à la somme de 3 618,45 euros

– à titre principal : condamner la société Delta security solutions à verser à Monsieur [Z] avec intérêt au taux légal 21 710,70 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul (6 mois)

– à titre subsidiaire : condamner la société Delta security solutions à verser à Monsieur [Z] avec intérêt au taux légal 3618,45 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif (1 mois)

En toutes hypothèses,

– condamner la société Delta security solutions à verser à Monsieur [Z] avec intérêt au taux légal :

* 868,43 euros à titre d’indemnité légale de licenciement

* 10 855,35 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

* 1 085,53 euros au titre des congés payés y afférents

* 3 618,45 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier (1 mois)

II- Sur les autres demandes :

– condamner la société Delta security solutions à verser à Monsieur [Z] avec intérêt au taux légal :

* 1 500 euros à titre de rappel de salaires au titre de la prime d’intégration

* 150 euros au titre des congés payés y afférents

* 600 euros à titre de rappel de salaires au titre de la prime de cooptation

* 60 euros au titre des congés payés y afférents

– ordonner la remise :

* d’une attestation pôle emploi

* de bulletins de paie

conformes à l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de l’arrêt,

– débouter la société Delta security solutions de l’intégralité de ses demandes

– condamner la société Delta security solutions à verser à Monsieur [Z] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

– condamner la société Delta security solutions aux entiers dépens et éventuels frais d’exécution forcée de l’arrêt.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 11 septembre 2023, aux termes desquelles la société Delta security solutions demande à la cour d’appel de :

– dire et juger que la demande en nullité du licenciement est nouvelle et, partant, irrecevable

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

“- dit que le licenciement de Monsieur [Z] est motivé par une faute grave

– débouté Monsieur [Z] des demandes suivantes :

* à titre principal : dire et juger le licenciement pour faute grave de M. [Z] nul car prononcé en violation d’une liberté fondamentale

* à titre subsidiaire : dire et juger le licenciement pour faute grave de M.[Z] sans cause réelle et sérieuse

* fixer la moyenne des salaires des trois derniers mois de Monsieur [Z] à la somme de 3 618,45 euros

* à titre principal : condamner la société Delta security solutions à verser à Monsieur [Z] avec intérêt au taux légal : 21 710,70 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul (6 mois)

* à titre subsidiaire : condamner la société Delta security solutions à verser à Monsieur [Z] avec intérêt au taux légal : 3 618,45 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif (1 mois)

* en toutes hypothèses :

– condamner la société Delta security solutions à verser à Monsieur [Z] avec intérêt au taux légal :

‘ 868,43 euros à titre d’indemnité légale de licenciement

‘ 10 855,35 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

‘ 1085,53 euros au titre des congés payés y afférents

‘ 3618,45 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement irrégulier (1 mois)

* ordonner la remise :

‘ d’une attestation pôle emploi

‘ de bulletins de paie

conformes au jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour suivant la notification du jugement à intervenir, le conseil de prud’hommes se réservant le droit de liquider l’astreinte

* condamner la société Delta security solutions à verser à Monsieur [Z] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

* ordonner l’exécution provisoire sur le tout sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile

* condamner la société Delta security solutions aux entiers dépens et éventuels frais d’exécution forcée du jugement

– débouté Monsieur [Z] aux entiers dépens”

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

“- condamné la société Delta security solutions à payer à Monsieur [Z] les sommes

suivantes :

* 700 euros à titre de rappel de salaire sur la « prime d’intégration »

* 70 euros au titre des congés payés afférents

* 600 euros à titre de rappel de salaire sur la « prime de cooptation »

* 60 euros au titre des congés payés afférents

– débouté la société Delta security solutions de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile”

Statuant a nouveau,

– dire et juger bien fondé, le licenciement de Monsieur [Z]

– débouter Monsieur [Z] de l’ensemble de ses demandes

– condamner Monsieur [Z] à payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamner le même aux entiers dépens de l’instance.

Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 20 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

1/ Sur la prime d’intégration

M. [U] [Z] explique que la proposition d’embauche signée entre les parties le 21 avril 2017 (pièce 1) stipulait :

“A titre exceptionnel et ce pendant votre première année de collaboration, vous bénéficierez d’un accompagnement de 400 € par mois basé sur l’atteinte d’objectifs qualitatifs et quantitatifs, ainsi que d’un bonus offensif garanti et versé mensuellement à hauteur de 145 euros brut”.

Ce document a une valeur contractuelle reconnue par la convention collective de la métallurgie qui dispose, dans son article 4 :

” Avant l’entrée en fonctions d’un ingénieur ou cadre, celui-ci reçoit une lettre d’engagement indiquant :

– la fonction qui sera exercée ;

– la position repère ;

– l’indice hiérarchique et les appointements minima afférents à cette position repère ou, dans le cas des positions I et II, à la garantie automatique d’âge ou d’ancienneté ;

– le lieu, les lieux ou le cadre régional où la fonction sera exercée ;

– la durée et les conditions de la période d’essai, si elle est convenue ;

– le montant des appointements réels, base 39 heures, ou éventuellement des éléments essentiels de la rémunération forfaitaire convenue ;

– éventuellement, l’énumération des avantages en nature ».

Or, le salarié fait valoir que, contrairement à l’engagement pris par l’employeur, aucune prime d’intégration ne lui a été versée pour les mois de décembre 2017, janvier 2018 et mars 2018, alors qu’elle a été payée les autres mois. De plus, en avril 2018, il n’a perçu que 100 euros au titre de cette prime, au lieu des 400 euros convenus.

M. [U] [Z] sollicite, donc, une somme totale de 1 500 euros à titre de rappel de prime d’intégration (400 euros x 3 + 300 euros), outre 150 euros au titre des congés payés afférents.

L’employeur répond que si le versement d’une prime d’intégration avait pu être envisagé au stade de la promesse d’embauche, ce bonus n’a pas été repris dans le contrat de travail du salarié et ne lui était donc pas dû au titre d’un engagement contractuel de l’employeur. Toutefois, la société intimée soutient, qu’à titre incitatif et exceptionnel et sans fondement contractuel, il a été versé au salarié un accompagnement de 400 euros, ainsi qu’une prime de 145 euros. L’employeur prétend que, contrairement à ce que soutient l’appelant, cette prime de 400 euros lui a été versée pour les mois de décembre et janvier 2018 sous l’intitulé de “prime d’objectif”. S’agissant du mois d’avril 2018, alors que la “prime d’intégration était basée sur l’atteinte d’objectifs qualitatifs et quantitatifs”, l’appelant ne justifie pas de l’atteinte de ses objectifs lui permettant de réclamer le paiement de l’intégralité de la prime.

Mais, la cour observe que l’employeur ne peut à la fois prétendre que la prime d’intégration n’avait aucun fondement contractuel et renvoyer aux dispositions contenues dans la proposition d’embauche signée le 21 avril 2017 pour justifier de la réduction de son montant pour le mois d’avril 2018. La cour relève que la société intimée ne conteste pas qu’il était prévu qu’elle verse une prime d’intégration de 400 euros au salarié pour les mois de décembre 2017, janvier 2018 et mars 2018, elle affirme seulement que pour les deux premiers mois, cette prime a été versée sous l’intitulé de “prime d’objectif”. Cependant, le contrat de travail du salarié prévoyant, également, le paiement d’une prime variable sur objectifs, la preuve n’est pas rapportée que la somme de 400 euros mentionnée sur les bulletins de salaires des mois de décembre 2007 et janvier 2018 correspondait, en réalité, à la prime d’intégration alors que son intitulé a été respecté sur les autres bulletins de salaire. S’agissant du mois de mars 2018, il n’est pas démontré le règlement de cette prime. Enfin, concernant le mois d’avril 2018, dès lors que l’employeur n’établit pas avoir fixé au salarié les objectifs à réaliser, ni ne justifie qu’il ne les a pas atteints, il était redevable de l’intégralité de la prime.

Il sera donc fait droit à l’intégralité de la demande de rappel de salaire et de congés payés afférents formée par le salarié et le jugement entrepris sera réformé.

2/ Sur le licenciement

2-1 Sur la recevabilité de la demande nouvelle

La société intimée fait valoir, qu’aux termes de sa requête introductive d’instance, M. [U] [Z] sollicitait que son licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse et revendiquait la condamnation de l’employeur à lui verser une indemnité de rupture à ce titre. Ce n’est que dans le cadre de conclusions en réplique que le salarié a entrepris de demander la nullité de son licenciement, au motif, nouveau, que ce dernier serait intervenu en violation de sa liberté fondamentale d’expression. Cette demande, ainsi que la demande indemnitaire subséquente constituent, selon l’employeur, des prétentions nouvelles qui ne se rattachent pas par un lien suffisant à la demande initialement formée et qui doivent, de ce fait, être déclarées irrecevables.

Mais, la cour retient que la demande de nullité du licenciement, qui concerne la rupture du contrat de travail et ses conséquences financières se rattache par un lien suffisant à la demande initiale de voir prononcer un licenciement sans cause réelle et sérieuse de sorte qu’elle est recevable.

2-2 Sur la faute grave

L’employeur qui prend l’initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Il incombe à l’employeur d’alléguer des faits précis sur lesquels il fonde le licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il appartient à l’employeur d’en apporter la preuve.

Aux termes de la lettre de licenciement, il est reproché au salarié :

– des retards et absences répétées lors de réunions, notamment un retard de deux heures lors d’une réunion “ACE” du 10 avril 2018 (pièce 9). Il est, également, fait grief au salarié de retards répétés, dont un en date du 9 avril 2018 où il est arrivé sur le lieu de travail à 9h32 au lieu de 9h00 (pièce 11)

– une utilisation abusive de la carte Total pour acheter du carburant Excellium au lieu de gasoil premium (pièce 13) et une utilisation de la carte de parking le week-end alors que c’est interdit (pièce 13)

– un comportement d’insubordination et de dénigrement en ne se présentant pas à l’agence, sans prévenir de son absence, le 12 avril 2018 alors qu’il était prévu une demi-journée d’accompagnement et de validation de ses devis avec le chef des ventes et d’avoir tenu des propos dénigrants et menaçants à l’égard du Directeur d’agence en lui déclarant : ” « Sa fait beaucoup de dysfonctionnement dans cette agence depuis votre arrivée et sans compté les prime retirer sans aucun justificatif.

Il est évident que si cette pression et des compte rendu non fait de votre part suite à vos actions menait par votre par, j’alerterai votre hiérarchie de votre management qui ne nous pousse pas à la réussites ‘ »

M. [U] [Z] objecte que le grief relatif à ses retards répétés est inopérant puisqu’il se trouvait soumis à une convention de forfait annuel en jours et que son contrat de travail précisait qu’il était autonome dans l’organisation du temps de travail. S’agissant de son retard allégué à la réunion ACE du 10 avril 2018, l’appelant justifie qu’il se trouvait en rendez-vous client en début de matinée et que sa hiérarchie en était informée (pièces 17 et 18).

Concernant l’utilisation abusive de la carte carburant, le salarié affirme qu’il n’existait aucune disposition contractuelle régissant l’usage de cette carte et que c’est de manière unilatérale que M. [Y], Directeur d’agence a décidé, par un courrier du 12 mars 2018, d’interdire le recours au carburant Excellium. Si, M. [U] [Z] a, néanmoins, utilisé ce carburant à une occasion, le 9 avril 2018, c’était parce que c’était le seul disponible en raison des grèves limitant l’approvisionnement des stations services. S’agissant du parking payé un week-end avec la carte Total, le salarié soutient qu’il avait un rendez-vous pour un apport d’affaires, le 10 mars 2018, dont la société intimée était avisée et que l’usage de la carte était donc professionnel (pièce 16).

M. [U] [Z] affirme qu’il avait bien prévenu de son absence pour la réunion du 12 avril 2018 avec le Chef des ventes puisqu’il se trouvait à cette date en rendez-vous client (pièce 28). Le salarié considère, enfin, que les propos qui lui sont reprochés, qui n’étaient qu’une critique du management du Directeur d’agence ne comportaient aucun terme injurieux, diffamatoire ou excessif et qu’ils ne pouvaient faire l’objet de sanction sans porter atteinte à sa liberté d’expression et rendre son licenciement nul.

En cet état, la cour rappelle que des propos critiques, même vifs, sont insuffisants pour caractériser un abus de la liberté d’expression. Seuls peuvent être sanctionnés les paroles du salarié qui présenteraient un caractère injurieux, diffamatoire ou excessif. En l’espèce, il ne ressort par que le courriel de M. [U] [Z] présentait ces caractéristiques.

Le licenciement prononcé, même en partie, par l’employeur pour un motif lié à l’exercice non abusif par le salariée de sa liberté d’expression est nul, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres griefs, qui au demeurant, et au regard des pièces versées aux débats par le salarié ne sont pas établis.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de nullité du licenciement ainsi que de ses demandes indemnitaires subséquentes.

Au titre de l’indemnité pour licenciement nul, conformément à l’article L. 1235-3-1 du code du travail, l’article L. 1235-3 n’est pas applicable lorsqu’il est constaté que le licenciement est entaché par une des nullités prévues au deuxième alinéa de cet article, dont la violation d’une liberté fondamentale. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, il est en droit de revendiquer une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Au regard de son âge au moment du licenciement, 30 ans, de son ancienneté de plus de un ans dans l’entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, il convient de lui allouer, en réparation de son entier préjudice la somme de 21 710,70 euros brut.

Le salarié peut, également, légitimement prétendre à l’allocation des sommes suivantes, non discutées dans leurs quantums par l’employeur :

– 868,43 euros à titre d’indemnité légale de licenciement

– 10 855,35 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 1 085,53 euros au titre des congés payés afférents.

Il sera ordonné à la société Delta security solutions de délivrer à M. [U] [Z], dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie récapitulatif conformes à la présente décision, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette obligation d’une astreinte.

3/ Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier

Le salarié appelant indique qu’il n’a pas reçu de convocation à un entretien préalable au licenciement et que l’employeur est dans l’incapacité de justifier qu’il la lui a adressée. De surcroît, M. [U] [Z] précise qu’il avait obtenu une autorisation d’absence de la part de l’employeur, du 13 au 23 avril 2018, pour l’organisation de son mariage et qu’il se trouvait en arrêt maladie jusqu’au 30 avril 2018, prolongé au 6 mai 2018. Aussi, quand bien même il serait considéré que l’employeur a bien transmis une convocation à un entretien préalable, en constatant que le salarié n’en avait pas été destinataire et qu’il se trouvait en absence autorisée puis en arrêt maladie, il aurait dû reporter l’entretien préalable.

M. [U] [Z] réclame en conséquence une somme de 3 618,45 euros à titre d’indemnité pour licenciement irrégulier.

La cour retient que la société intimée justifie bien de l’envoi en recommandé d’une convocation à entretien préalable au salarié et de son refus de réception par le destinataire (pièce 3, 3bis). Le fait que le courrier ait été adressé à l’appelant durant une période d’autorisation d’absence ne constitue pas une irrégularité et ce d’autant qu’il est avéré que M. [U] [Z] se trouvait bien à son domicile à la date de présentation de la lettre puisqu’il a refusé d’en accuser réception.

C’est donc à bon escient que les premiers juges ont débouté le salarié de sa demande de ce chef.

4/ Sur la prime de cooptation

Le salarié appelant indique, qu’au sein de la société Delta security solutions, il était prévu une prime de cooptation de 1 000 euros, versée comme suit :

– 400 euros versés deux mois après la date d’embauche du salarié coopté

– 600 euros versés six mois après la date d’embauche du salarié coopté.

Il précise qu’il a été amené à coopter M. [H], qui a été embauché à compter du 6 novembre 2017.

Si la première partie de la prime de cooptation, d’un montant de 400 euros, lui a bien été versée sur la paie du mois de janvier 2018, en revanche, il n’a pas perçu la deuxième partie de cette prime, qui aurait dû être payée en mai 2018, du fait de son licenciement abusif qui est intervenu le 30 avril 2018.

L’employeur répond que le versement de la prime de cooptation étant soumise à une condition de présence, le salarié ne pouvait prétendre au deuxième versement à la suite de son licenciement en avril 2018.

Mais, le licenciement de M. [U] [Z] ayant été jugé nul, il sera dit qu’il était en droit de prétendre au deuxième versement de la prime de cooptation et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a alloué à l’appelant une somme de 600 euros à titre de rappel de prime de cooptation, outre 60 euros au titre des congés payés afférents.

5/ Sur les autres demandes

Les sommes allouées à titre salarial porteront intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2018, date de l’audience du bureau de conciliation et d’orientation, à défaut pour la cour de connaître la date à laquelle l’employeur a réceptionné sa convocation à cette audience.

Les sommes allouées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

La société Delta Security services supportera les dépens de première instance et d’appel et sera condamnée à payer à M. [U] [Z] une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Dit recevable la demande de M. [U] [Z] de dommages-intérêts pour nullité du licenciement ainsi que la demande indemnitaire subséquente,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :

– condamné la SAS Delta security solutions, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [U] [Z] les sommes suivantes :

* 600 euros à titre de rappel de salaire sur la prime de cooptation

* 60 euros au titre des congés payés afférents

– débouté M. [U] [Z] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure irrégulière

– débouté la société Delta security solutions de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit nul le licenciement de M. [U] [Z],

Condamne la société Delta security solutions à payer à M. [U] [Z] les sommes suivantes :

– 1 500 euros à titre de rappel de salaire au titre de la prime d’intégration

– 150 euros au titre des congés payés afférents

– 21 710,70 euros brut à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul

– 868,43 euros à titre d’indemnité légale de licenciement

– 10 855,35 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 1 085,53 euros au titre des congés payés afférents

– 2 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,

Dit que les sommes allouées à titre salarial porteront intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2018 et que les sommes allouées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Ordonné à la société Delta security solutions de délivrer à M. [U] [Z], dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie récapitulatif conformes à la présente décision,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la société Delta security solutions aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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