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N° A 18-82.734 F-D
N° 595
CK
7 MAI 2019
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
– M. B…. U…, partie civile,
contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, chambre 2-7, en date du 21 février 2018, qui, dans la procédure suivie contre M. A… R… du chef d’injures publiques, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 12 mars 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Darcheux ;
Sur le rapport de M. le conseiller Bonnal, les observations de la société civile professionnelle ALAIN BÉNABENT, Me CARBONNIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LAGAUCHE ;
Vu les mémoires en demande et en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 29, 33 et 42 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
“en ce que l’arrêt attaqué a confirmé le jugement ayant, après avoir renvoyé M. Annese des fins de la poursuite, débouté M. U… de l’ensemble de ses demandes ;
“aux motifs propres que « l’action civile étant seule en cause ; que la cour doit se prononcer sur le sens et signification exacte des deux expressions poursuivies selon l’article 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 modifiée afin de juger si la partie civile a subi un préjudice moral à raison de la publication des deux expressions “tyran” et “fou furieux” qui figurent dans l’article ; que l’article en cause annoncé en une sous le titre : “Enquête : dans l’enfer de Qatar Airways” figure aux pages 42 à 49 ; qu’illustrée à la page 46 d’une photographie de la partie civile légendée par reproduction d’un propos qui lui est prêté “si vous n’aviez pas de syndicats vous n’auriez pas de tels problèmes de chômage en occident”, cette enquête a pour sujet “les témoignages (qui) dénoncent un management moyenâgeux, le flicage intensif, les humiliations répétées, la vie privée sous contrôle” au sein de la compagnie aérienne, dont la partie civile est le dirigeant, qui venait d’être élue “compagnie aérienne de l’année” ; que, selon le texte d’introduction, est affirmé en conclusion qu’il ne “ferait pas bon travailler dans la meilleure compagnie du monde” ; que, pour relaxer le prévenu intimé et mettre hors de cause la société civilement responsable, le tribunal a jugé que ces deux expressions étaient absorbées par les imputations diffamatoires visant directement la partie civile qui figuraient dans l’article ; que le motif décisoire est le suivant : ” les injures poursuivies qui mettent en cause le contrôle absolu du dirigeant sur la vie de ses salariés en le qualifiant de tyran et ses colères extrêmes voire sa folie en le qualifiant de fou furieux sont indissociables de ces imputations puisque se référant à l’évidence au mode de management de la partie civile et sont donc absorbées par celles-ci” ; qu’en droit, l’injure publique envers un particulier suppose que le sens et la portée outrageante d’une expression se définissent en fonction du positionnement dans le texte dans lequel elle figure sans qu’il puisse être procédé à des coupures ou segmentations de celui-ci pouvant en tronquer le sens ; qu’en cause d’appel la partie civile fait valoir en premier lieu que les passages ne “se rapportent” pas à elle car les salariés mentionnés dans l’article ne “font pas référence directement” à sa personne ; que s’il est exact qu’aucun des salariés, cités sous des noms ou prénoms d’emprunt, ne cite nommément la partie civile, il ressort de la lecture de l’article que c’est bien elle qui est visée ; qu’en effet, au-delà du procédé ayant consisté à personnaliser le propos en publiant un cliché photographique représentant la partie civile ès-qualité de dirigeante sociale de la compagnie aérienne, il a à bon droit été relevé par le tribunal que celle-ci était directement visée comme s’immisçant dans la vie privée de ses salariés en (c’est un exemple que la cour cite parmi ceux retenus par le tribunal) imposant la “nécessité de demander au PDG”, c’est-à-dire à la partie civile, “une autorisation pour pouvoir se marier” ; que, concernant le deuxième argument de la partie civile : “les passages le concernant ne caractérisaient pas un tyran ou un fou furieux”, la lecture du texte établit le contraire de cette affirmation ; qu’en effet le tribunal a justement relevé que la partie civile, encore citée par son nom, était décrite comme prise de “colères que subissaient ses subordonnés pour un uniforme mal repassé
l’absence du port de la casquette de pilote dans un aéroport” ; que de manière concomitante l’article décrit les “humiliations vécues par le personnel” et que c’est toujours la partie civile et elle seule qui est personnellement visée, à l’exclusion de tout autre dirigeant ; qu’en troisième part, l’affirmation que la formulation des écrits est “indifférente”, sans effet ou incidence juridique car le jugement a, à bon droit, jugé qu’il était imputé au dirigeant, en l’espèce constitué partie civile, des faits précis susceptibles d’un débat probatoire et lui imputant de faire régner dans l’entreprise qu’il dirige des conditions de travail humiliantes pour les salariés, non conformes aux règles internationales et ayant conduit à la condamnation de la compagnie par l’organisation internationale du travail ; que le tribunal ayant exactement apprécié que les deux injures poursuivies étaient absorbées par ces faits diffamatoires et la partie civile ne proposant en cause d’appel que quatre arguments dont trois sont démentis dès la lecture de l’article pour les deux premiers et inopérants en droit pour le troisième, le jugement déféré sera confirmé pour ces motifs ; que le dernier argument avancé, relatif à l’intention de nuire qui est présumée, étant sans incidence compte tenu de la mise en oeuvre du mécanisme de l’absorption susvisée » ;
“et aux motifs, éventuellement adoptés, que « sur l’action publique : l’alinéa 2 de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 définit l’injure comme “toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait”, ce qui la distingue de la diffamation définie par le premier alinéa dudit article comme “toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé” ; que dans le cas de la diffamation, il doit s’agir d’un fait précis, susceptible de faire l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité ; qu’un même message peut contenir, à la fois, des propos diffamatoires et des termes injurieux :
– s’ils sont détachables les uns des autres, une double déclaration de culpabilité est justifiée, lorsqu’il résulte du contexte que les termes injurieux ne se réfèrent nullement aux faits visés par les imputations diffamatoires ;
– en revanche, lorsque les expressions injurieuses sont indivisibles d’une imputation diffamatoire, le délit d’injure est absorbé par celui de diffamation et ne peut être relevé seul, la survenance de ce dernier cas n’entraînant pas la nullité de la poursuite, mais la relaxe du chef d’injure ; qu’en l’espèce, les expressions “tyran” et “fou furieux”, qui se rapportent à la partie civile dans l’article de Society, sont à l’évidence injurieuses ; que néanmoins, il convient de relever que :
– l’article de Society en cause, annoncé en couverture par le titre : “Dans l’enfer Qatar Airways”, développé dans le magazine en pages 42 à 49 a pour objet de décrire la réussite commerciale de cette société, élue compagnie aérienne de l’année 2015, dont B… U… est le Président directeur général (PGD), en dévoilant les “coulisses” ;
– il décrit ce qu’il qualifie de “management moyenâgeux” et les conditions de travail dans cette entreprise ;
– il rapporte les témoignages de salariés, qui relatent le contrôle de leur vie privée par l’entreprise, mentionnant entre autres l’interdiction de boire de l’alcool et de fumer même dans leurs domiciles, dont Qatar Airways est propriétaire, les perquisitions réalisées chez eux par la compagnie, le contrôle par celle-ci des heures d’arrivée et de départ des salariés de leurs domiciles, éléments pouvant conduire à leur licenciement, l’interdiction de toute relation amoureuse, la nécessité de demander au PDG de l’entreprise une autorisation pour se marier, les humiliations vécues, les colères de M. U… subies par ses subordonnés pour, par exemple, un uniforme mal repassé, un chignon imparfait, une ardoise non nettoyée, l’absence de port de la casquette de pilote dans l’aéroport, colères pouvant se manifester par des hurlements sur ses employés et par des renvois de ceux-ci, comme cela est arrivé selon des commandants de bord à un pilote qui s’était moqué de la personnalité de M. U… ;
– il reproduit des copies de documents à l’appui des faits rapportés : notamment des extraits du règlement intérieur interdisant de fumer et interdisant la venue de visiteurs entre 22 heures et 7 heures au domicile des salariés ;
– il évoque la condamnation de Qatar Airways par l’organisation internationale du travail (OIT) qui a demandé de modifier les contrats de travail en supprimant la clause concernant les grossesses et en permettant à l’avenir aux salariés de changer de statut marital sans devoir en demander la permission à la compagnie ;
– il donne l’exemple d’un couple d’un salarié de l’entreprise et d’une ancienne salariée, mariés sans en avoir demandé l’autorisation à M. U…, et relate que l’épouse n’a jamais pu revenir au Qatar, le dirigeant de l’entreprise l’ayant fait interdire de séjour selon l’époux ; qu’au vu de ces éléments, l’article en cause contient des faits précis susceptibles d’un débat probatoire et, impute au dirigeant de l’entreprise d’y faire régner des conditions de travail humiliantes pour les salariés, non conformes aux règles internationales de droit du travail et ayant conduit à la condamnation de l’entreprise par l’OIT ; que ces imputations portent donc atteinte à l’honneur et à la considération de M. U… et, partant, sont diffamatoires ; que les injures poursuivies, qui mettent en cause le contrôle absolu du dirigeant sur la vie de ses salariés en le qualifiant de tyran et ses colères extrêmes voire sa folie en le qualifiant de fou furieux, sont indissociables de ces imputations, puisque se référant à l’évidence au mode de management de la partie civile, et sont donc absorbées par celles-ci ; qu’il convient donc de renvoyer A… Annexe des fins de la poursuite ; que sur l’action civile : M. U… est recevable en sa constitution de partie civile, mais il doit être débouté de toutes ses demandes en raison de la relaxe prononcée » ;
“1°) alors que le délit d’injure n’est absorbé par celui de diffamation qu’en cas d’indivisibilité entre les expressions injurieuses et l’imputation diffamatoire ; que cette indivisibilité suppose que les termes injurieux visent un fait précis de nature à être, sans difficulté, l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire ; qu’en affirmant que les termes injurieux « tyran » et « fou furieux » étaient indissociables des faits prétendument diffamatoires relatés dans l’article litigieux, cependant que celui-ci ne comportait que de simples allégations – non individualisées – n’articulant aucun fait précis et circonstancié de nature à être l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
“2°) alors qu’en toute hypothèse, le délit d’injure n’est absorbé par celui de la diffamation qu’en cas d’indivisibilité entre les expressions injurieuses et l’imputation diffamatoire ; que cette indivisibilité – laquelle suppose un lien suffisamment direct et étroit entre ces éléments – doit être caractérisée pour chacune des expressions injurieuses ; qu’en affirmant que les imputations prétendument diffamatoires présentes dans l’article étaient de nature à caractériser à la fois un « tyran » et « un fou furieux » puisque la partie civile y était décrite comme « s’immisçant dans la vie privée de ses salariés » ou comme « prise de colères que subissaient ses subordonnés pour un uniforme mal repassé
l’absence du port de la casquette de pilote dans un aéroport » et qu’il y était fait état des « humiliations vécues par le personnel », cependant qu’aucun de ces faits n’était de nature à caractériser un « fou furieux », c’est-à-dire une personne présentant une altération pathologique des facultés mentales et atteinte de fureur, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés” ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué, du jugement qu’il confirme et des pièces de la procédure que M. U…, président directeur général de la compagnie Qatar Airways, a fait citer devant le tribunal correctionnel, en qualité de prévenu, M. R…, directeur de la publication du bimensuel Society, ainsi qu’en qualité de civilement responsable, la société So press, éditrice de ce périodique, du chef d’injures publiques envers un particulier, à la suite de la publication, sous le titre “Bienvenue chez Qatar Airways”, d’un article consacré au “management moyenâgeux” de cette société qui s’est vue décerner en 2015 le prix de “meilleure compagnie aérienne” de l’année, en raison des passages “Ce “tyran”, c’est M. U…” et “fou furieux” ; que les juges du premier degré ont renvoyé le prévenu des fins de la poursuite et débouté la partie civile de toutes ses demandes ; que celle-ci a seule relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour confirmer le jugement sur les intérêts civils, l’arrêt énonce en substance que l’article impute personnellement à la partie civile des faits précis susceptibles d’un débat probatoire, à savoir de faire régner dans l’entreprise qu’elle dirige, notamment par les humiliations qu’elle impose aux membres du personnel et par les colères extrêmes qu’elle leur fait subir, des conditions de travail non conformes aux règles internationales et ayant conduit à la condamnation de la compagnie par l’Organisation internationale du travail, et que les injures poursuivies sont absorbées par ces faits diffamatoires ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, d’où il résulte que chacune des deux expressions outrageantes poursuivies est indissociable des imputations diffamatoires contenues dans l’article qui les renferme, de sorte qu’elles ne pouvaient être poursuivies séparément, la cour d’appel a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. U… devra payer à M. R… et à la société So press en application de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept mai deux mille dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Vu les mémoires en demande et en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 29, 33 et 42 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
“en ce que l’arrêt attaqué a confirmé le jugement ayant, après avoir renvoyé M. Annese des fins de la poursuite, débouté M. U… de l’ensemble de ses demandes ;
“aux motifs propres que « l’action civile étant seule en cause ; que la cour doit se prononcer sur le sens et signification exacte des deux expressions poursuivies selon l’article 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 modifiée afin de juger si la partie civile a subi un préjudice moral à raison de la publication des deux expressions “tyran” et “fou furieux” qui figurent dans l’article ; que l’article en cause annoncé en une sous le titre : “Enquête : dans l’enfer de Qatar Airways” figure aux pages 42 à 49 ; qu’illustrée à la page 46 d’une photographie de la partie civile légendée par reproduction d’un propos qui lui est prêté “si vous n’aviez pas de syndicats vous n’auriez pas de tels problèmes de chômage en occident”, cette enquête a pour sujet “les témoignages (qui) dénoncent un management moyenâgeux, le flicage intensif, les humiliations répétées, la vie privée sous contrôle” au sein de la compagnie aérienne, dont la partie civile est le dirigeant, qui venait d’être élue “compagnie aérienne de l’année” ; que, selon le texte d’introduction, est affirmé en conclusion qu’il ne “ferait pas bon travailler dans la meilleure compagnie du monde” ; que, pour relaxer le prévenu intimé et mettre hors de cause la société civilement responsable, le tribunal a jugé que ces deux expressions étaient absorbées par les imputations diffamatoires visant directement la partie civile qui figuraient dans l’article ; que le motif décisoire est le suivant : ” les injures poursuivies qui mettent en cause le contrôle absolu du dirigeant sur la vie de ses salariés en le qualifiant de tyran et ses colères extrêmes voire sa folie en le qualifiant de fou furieux sont indissociables de ces imputations puisque se référant à l’évidence au mode de management de la partie civile et sont donc absorbées par celles-ci” ; qu’en droit, l’injure publique envers un particulier suppose que le sens et la portée outrageante d’une expression se définissent en fonction du positionnement dans le texte dans lequel elle figure sans qu’il puisse être procédé à des coupures ou segmentations de celui-ci pouvant en tronquer le sens ; qu’en cause d’appel la partie civile fait valoir en premier lieu que les passages ne “se rapportent” pas à elle car les salariés mentionnés dans l’article ne “font pas référence directement” à sa personne ; que s’il est exact qu’aucun des salariés, cités sous des noms ou prénoms d’emprunt, ne cite nommément la partie civile, il ressort de la lecture de l’article que c’est bien elle qui est visée ; qu’en effet, au-delà du procédé ayant consisté à personnaliser le propos en publiant un cliché photographique représentant la partie civile ès-qualité de dirigeante sociale de la compagnie aérienne, il a à bon droit été relevé par le tribunal que celle-ci était directement visée comme s’immisçant dans la vie privée de ses salariés en (c’est un exemple que la cour cite parmi ceux retenus par le tribunal) imposant la “nécessité de demander au PDG”, c’est-à-dire à la partie civile, “une autorisation pour pouvoir se marier” ; que, concernant le deuxième argument de la partie civile : “les passages le concernant ne caractérisaient pas un tyran ou un fou furieux”, la lecture du texte établit le contraire de cette affirmation ; qu’en effet le tribunal a justement relevé que la partie civile, encore citée par son nom, était décrite comme prise de “colères que subissaient ses subordonnés pour un uniforme mal repassé
l’absence du port de la casquette de pilote dans un aéroport” ; que de manière concomitante l’article décrit les “humiliations vécues par le personnel” et que c’est toujours la partie civile et elle seule qui est personnellement visée, à l’exclusion de tout autre dirigeant ; qu’en troisième part, l’affirmation que la formulation des écrits est “indifférente”, sans effet ou incidence juridique car le jugement a, à bon droit, jugé qu’il était imputé au dirigeant, en l’espèce constitué partie civile, des faits précis susceptibles d’un débat probatoire et lui imputant de faire régner dans l’entreprise qu’il dirige des conditions de travail humiliantes pour les salariés, non conformes aux règles internationales et ayant conduit à la condamnation de la compagnie par l’organisation internationale du travail ; que le tribunal ayant exactement apprécié que les deux injures poursuivies étaient absorbées par ces faits diffamatoires et la partie civile ne proposant en cause d’appel que quatre arguments dont trois sont démentis dès la lecture de l’article pour les deux premiers et inopérants en droit pour le troisième, le jugement déféré sera confirmé pour ces motifs ; que le dernier argument avancé, relatif à l’intention de nuire qui est présumée, étant sans incidence compte tenu de la mise en oeuvre du mécanisme de l’absorption susvisée » ;
“et aux motifs, éventuellement adoptés, que « sur l’action publique : l’alinéa 2 de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 définit l’injure comme “toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait”, ce qui la distingue de la diffamation définie par le premier alinéa dudit article comme “toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé” ; que dans le cas de la diffamation, il doit s’agir d’un fait précis, susceptible de faire l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité ; qu’un même message peut contenir, à la fois, des propos diffamatoires et des termes injurieux :
– s’ils sont détachables les uns des autres, une double déclaration de culpabilité est justifiée, lorsqu’il résulte du contexte que les termes injurieux ne se réfèrent nullement aux faits visés par les imputations diffamatoires ;
– en revanche, lorsque les expressions injurieuses sont indivisibles d’une imputation diffamatoire, le délit d’injure est absorbé par celui de diffamation et ne peut être relevé seul, la survenance de ce dernier cas n’entraînant pas la nullité de la poursuite, mais la relaxe du chef d’injure ; qu’en l’espèce, les expressions “tyran” et “fou furieux”, qui se rapportent à la partie civile dans l’article de Society, sont à l’évidence injurieuses ; que néanmoins, il convient de relever que :
– l’article de Society en cause, annoncé en couverture par le titre : “Dans l’enfer Qatar Airways”, développé dans le magazine en pages 42 à 49 a pour objet de décrire la réussite commerciale de cette société, élue compagnie aérienne de l’année 2015, dont B… U… est le Président directeur général (PGD), en dévoilant les “coulisses” ;
– il décrit ce qu’il qualifie de “management moyenâgeux” et les conditions de travail dans cette entreprise ;
– il rapporte les témoignages de salariés, qui relatent le contrôle de leur vie privée par l’entreprise, mentionnant entre autres l’interdiction de boire de l’alcool et de fumer même dans leurs domiciles, dont Qatar Airways est propriétaire, les perquisitions réalisées chez eux par la compagnie, le contrôle par celle-ci des heures d’arrivée et de départ des salariés de leurs domiciles, éléments pouvant conduire à leur licenciement, l’interdiction de toute relation amoureuse, la nécessité de demander au PDG de l’entreprise une autorisation pour se marier, les humiliations vécues, les colères de M. U… subies par ses subordonnés pour, par exemple, un uniforme mal repassé, un chignon imparfait, une ardoise non nettoyée, l’absence de port de la casquette de pilote dans l’aéroport, colères pouvant se manifester par des hurlements sur ses employés et par des renvois de ceux-ci, comme cela est arrivé selon des commandants de bord à un pilote qui s’était moqué de la personnalité de M. U… ;
– il reproduit des copies de documents à l’appui des faits rapportés : notamment des extraits du règlement intérieur interdisant de fumer et interdisant la venue de visiteurs entre 22 heures et 7 heures au domicile des salariés ;
– il évoque la condamnation de Qatar Airways par l’organisation internationale du travail (OIT) qui a demandé de modifier les contrats de travail en supprimant la clause concernant les grossesses et en permettant à l’avenir aux salariés de changer de statut marital sans devoir en demander la permission à la compagnie ;
– il donne l’exemple d’un couple d’un salarié de l’entreprise et d’une ancienne salariée, mariés sans en avoir demandé l’autorisation à M. U…, et relate que l’épouse n’a jamais pu revenir au Qatar, le dirigeant de l’entreprise l’ayant fait interdire de séjour selon l’époux ; qu’au vu de ces éléments, l’article en cause contient des faits précis susceptibles d’un débat probatoire et, impute au dirigeant de l’entreprise d’y faire régner des conditions de travail humiliantes pour les salariés, non conformes aux règles internationales de droit du travail et ayant conduit à la condamnation de l’entreprise par l’OIT ; que ces imputations portent donc atteinte à l’honneur et à la considération de M. U… et, partant, sont diffamatoires ; que les injures poursuivies, qui mettent en cause le contrôle absolu du dirigeant sur la vie de ses salariés en le qualifiant de tyran et ses colères extrêmes voire sa folie en le qualifiant de fou furieux, sont indissociables de ces imputations, puisque se référant à l’évidence au mode de management de la partie civile, et sont donc absorbées par celles-ci ; qu’il convient donc de renvoyer A… Annexe des fins de la poursuite ; que sur l’action civile : M. U… est recevable en sa constitution de partie civile, mais il doit être débouté de toutes ses demandes en raison de la relaxe prononcée » ;
“1°) alors que le délit d’injure n’est absorbé par celui de diffamation qu’en cas d’indivisibilité entre les expressions injurieuses et l’imputation diffamatoire ; que cette indivisibilité suppose que les termes injurieux visent un fait précis de nature à être, sans difficulté, l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire ; qu’en affirmant que les termes injurieux « tyran » et « fou furieux » étaient indissociables des faits prétendument diffamatoires relatés dans l’article litigieux, cependant que celui-ci ne comportait que de simples allégations – non individualisées – n’articulant aucun fait précis et circonstancié de nature à être l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
“2°) alors qu’en toute hypothèse, le délit d’injure n’est absorbé par celui de la diffamation qu’en cas d’indivisibilité entre les expressions injurieuses et l’imputation diffamatoire ; que cette indivisibilité – laquelle suppose un lien suffisamment direct et étroit entre ces éléments – doit être caractérisée pour chacune des expressions injurieuses ; qu’en affirmant que les imputations prétendument diffamatoires présentes dans l’article étaient de nature à caractériser à la fois un « tyran » et « un fou furieux » puisque la partie civile y était décrite comme « s’immisçant dans la vie privée de ses salariés » ou comme « prise de colères que subissaient ses subordonnés pour un uniforme mal repassé
l’absence du port de la casquette de pilote dans un aéroport » et qu’il y était fait état des « humiliations vécues par le personnel », cependant qu’aucun de ces faits n’était de nature à caractériser un « fou furieux », c’est-à-dire une personne présentant une altération pathologique des facultés mentales et atteinte de fureur, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés” ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué, du jugement qu’il confirme et des pièces de la procédure que M. U…, président directeur général de la compagnie Qatar Airways, a fait citer devant le tribunal correctionnel, en qualité de prévenu, M. R…, directeur de la publication du bimensuel Society, ainsi qu’en qualité de civilement responsable, la société So press, éditrice de ce périodique, du chef d’injures publiques envers un particulier, à la suite de la publication, sous le titre “Bienvenue chez Qatar Airways”, d’un article consacré au “management moyenâgeux” de cette société qui s’est vue décerner en 2015 le prix de “meilleure compagnie aérienne” de l’année, en raison des passages “Ce “tyran”, c’est M. U…” et “fou furieux” ; que les juges du premier degré ont renvoyé le prévenu des fins de la poursuite et débouté la partie civile de toutes ses demandes ; que celle-ci a seule relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour confirmer le jugement sur les intérêts civils, l’arrêt énonce en substance que l’article impute personnellement à la partie civile des faits précis susceptibles d’un débat probatoire, à savoir de faire régner dans l’entreprise qu’elle dirige, notamment par les humiliations qu’elle impose aux membres du personnel et par les colères extrêmes qu’elle leur fait subir, des conditions de travail non conformes aux règles internationales et ayant conduit à la condamnation de la compagnie par l’Organisation internationale du travail, et que les injures poursuivies sont absorbées par ces faits diffamatoires ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, d’où il résulte que chacune des deux expressions outrageantes poursuivies est indissociable des imputations diffamatoires contenues dans l’article qui les renferme, de sorte qu’elles ne pouvaient être poursuivies séparément, la cour d’appel a justifié sa décision ;