Diffamation : décision du 6 septembre 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 20/01691

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Diffamation : décision du 6 septembre 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 20/01691
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C1

N° RG 20/01691

N° Portalis DBVM-V-B7E-KN7W

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL BGLM

la SCP ALPAVOCAT

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 06 SEPTEMBRE 2022

Appel d’une décision (N° RG 12/00001)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de GAP

en date du 25 mai 2020

suivant déclaration d’appel du 10 Juin 2020

APPELANTE :

Madame [D] [I]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Philippe LECOYER de la SELARL BGLM, avocat au barreau des HAUTES-ALPES,

INTIMEE :

ASSOCIATION BIEN CHEZ SOI, prise en la personne de son Président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège,

Mairie de [Localité 2]

[Localité 2]

représentée par Me Elisabeth LECLERC MAYET de la SCP ALPAVOCAT, avocat au barreau des HAUTES-ALPES,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, conseillère faisant fonction de présidente,

Madame Gaëlle BARDOSSE, conseillère,

Madame Magali DURAND-MULIN, conseillère,

DÉBATS :

A l’audience publique du 9 Mai 2022,

Mme Gaëlle BARDOSSE, conseillère chargée du rapport, assistée de Mme Mériem CASTE-BELKADI, greffière, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 6 Septembre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la cour.

L’arrêt a été rendu le 6 Septembre 2022.

Exposé du litige’:

Mme [I] a été embauchée par le SSIAD au sein de l’association BIEN CHEZ SOI le 1er juillet 1987 en contrat à durée déterminée en qualité d’infirmière coordonnatrice.

Le 27 novembre 1989, elle est embauchée au même poste par contrat à durée indéterminée.

Le 1er janvier 2006, elle est nommée Directrice au sein du SSIAD BIEN CHEZ SOI, statut cadre, coefficient 588.

Le 5 janvier 2012, Mme [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Gap aux fins d’obtenir la résiliation judiciaire du contrat de travail pour harcèlement moral.

Mme [I] a été convoquée le 29 février 2012 à un entretien préalable qui s’est tenu le 15 mars 2012.

Elle a été convoquée à un nouvel entretien préalable le 2 avril 2012 et a été licenciée le 11 mai 2012 pour faute grave.

Par jugement du’25 mai 2020, le conseil des prud’hommes de Gap a’:

– Débouté Mme [I] de sa demande de résolution judiciaire de son contrat de travail.

– Débouté Mme [I] de sa demande de dommages et intérêts pour 111 145 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– Débouté Mme [I] de sa demande de dommages et intérêts pour 50 000 € pour harcèlement moral.

– Débouté Mme [I] de sa demande de 74 095.56 € au titre d’indemnité de licenciement.

– Débouté Mme [I] de sa demande de 37 047.78 € à titre d’indemnité compensatoire de préavis et de la somme de 3 704.77 € au titre des congés payés y afférents.

– Dit que l’Association ” BIEN CHEZ SOI ” n’a pas manqué à son obligation de sécurité et débouté Mme [I] de sa demande de 20 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

– Débouté Mme [I] de l’ensemble de ses demandes à titres subsidiaire et infiniment subsidiaire.

– Condamné Mme [I] à rembourser à l’Association ” BIEN CHEZ SOI ” les sommes de :

-14 793.95 € au titre des heures supplémentaires

– 3 068.40 € au titre des astreintes

– 29 467 € au titre des salaires indûment payés.

– Condamné Mme [I] à payer la somme de 1 500 € au titre des dommages et intérêts à l’Association ” BIEN CHEZ SOI “.

– Condamné Mme [I] à payer 1 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile à l’Association ” BIEN CHEZ SOI “.

– Ordonné l’exécution provisoire pour le recouvrement des sommes que Mme [I] est condamnée à payer à l’Association ‘BIEN CHEZ SOI’.

– Condamné Mme [I] aux entiers dépens de l’instance.

– Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La décision a été notifiée aux parties et Mme [I] en a interjeté appel.

Par conclusions du’21 juillet 2021, Mme [I] demande à la cour d’appel de’:

A titre principal :

– Ordonner la résolution judiciaire du contrat de travail,

– Condamner l’association BIEN CHEZ SOI à lui payer la somme de 111 145,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Condamner l’association BIEN CHEZ SOI à lui payer la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

– Condamner l’association BIEN CHEZ SOI à lui payer la somme de 74 095,56 € à titre d’indemnité de licenciement,

– Condamner l’association BIEN CHEZ SOI à lui payer la somme de 37 047,78 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 3 704,77 € au titre des congés payés y afférents,

– Dire et juger que l’association BIEN CHEZ SOI a manqué à son obligation de sécurité de résultat,

– Condamner l’association BIEN CHEZ SOI à lui payer la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi

A titre subsidiaire :

– Prononcer la nullité du licenciement,

– Ordonner sa réintégration dans son emploi ainsi que le paiement des salaires perdus entre son licenciement, soit depuis le 11 mai 2012, et sa réintégration à savoir :

– Du 12 mai 2012 au 31 mai 2012 : 2.386,87 € bruts (19 jours),

– Du 1er juin 2012 au 31 décembre 2012 : 23.366,16 € bruts (6 mois),

– Du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2017 : 233.661,60 € bruts (4 ans),

– Du 1er janvier 2018 au 30 novembre 2018 : 42.837,96 € bruts (11 mois)

– Soit un total de 302.252,59 € bruts, somme à parfaire en fonction de la date de réintégration de Mme [I] outre une indemnité de congés payés correspondant à 10% desdits salaires,

A défaut de réintégration,

Condamner l’association BIEN CHEZ SOI au paiement des salaires perdus entre son licenciement, soit depuis le 11 mai 2012, et sa non-réintégration à savoir :

– Du 12 mai 2012 au 31 mai 2012 : 2 386,87 € bruts (19 jours),

– Du 1er juin 2012 au 31 décembre 2012 : 23 366,16 € bruts (6 mois),

– Du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2017 : 233 661,60 € bruts (4 ans),

– Du 1er janvier 2018 au 30 novembre 2018 : 42 837,96 € bruts (11 mois)

– Soit un total de 302 252,59€ bruts, somme à parfaire en fonction de la date de non-réintégration de Mme [I] outre une indemnité de congés payés correspondant à 10% desdits salaires,

Condamner l’association BIEN CHEZ SOI à lui payer au minimum les indemnités de rupture ainsi qu’une indemnité en réparation du préjudice subi qui ne saurait être inférieure, en application de l’article L1235-2 du Code du Travail à 6 mois de salaire, soit les sommes de :

– 75 345 € à titre d’indemnité de licenciement,

– 37 047,78 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 3 704,77 € au titre des congés payés y afférents,

– 111 145 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, qui ne saurait en tout état de cause être inférieure, en application de l’article L.1235-2 du code du travail à 6 mois de salaire.

A titre infiniment subsidiaire :

Dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamner, en conséquence, l’association BIEN CHEZ SOI à lui payer la somme de 111145 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamner l’association BIEN CHEZ SOI à lui payer la somme de 74 095,56 € à titre d’indemnité de licenciement,

Condamner l’association BIEN CHEZ SOI à lui payer la somme de 37 047,78 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 3 704,77 € au titre des congés payés y afférents,

En tout état de cause :

Débouter l’association BIEN CHEZ SOI de l’ensemble de ses demandes fins et prétentions,

Dire et juger que l’association BIEN CHEZ SOI a manqué à son obligation de sécurité de résultat,

Condamner l’association BIEN CHEZ SOI à lui payer la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

Condamner l’association BIEN CHEZ SOI à lui payer la somme de 15 306,65 € à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires,

Condamner l’association BIEN CHEZ SOI à lui payer la somme de 35 457,76 € à titre de rappel de salaire sur la contrepartie liée aux astreintes,

Condamner l’association BIEN CHEZ SOI à lui payer l’indemnité compensatrice de congés payés qui lui est due,

Condamner l’association BIEN CHEZ SOI à lui remettre l’ensemble de ses documents de fin de contrat,

Condamner l’association BIEN CHEZ SOI à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison de la modification importante de sa prime de départ à la retraite qui sera aujourd’hui quasiment nulle de même que la réforme de la CCN 51 qui ne permet plus à Mme [I] d’obtenir le même salaire dont elle disposait avant son licenciement,

Condamner l’association BIEN CHEZ SOI à lui payer la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,

Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,

Par conclusions du 04 avril 2022, l’association BIEN CHEZ SOI demande à la cour d’appel de’:

Confirmer le jugement rendu le 25 mai 2020 par le conseil de prud’hommes de GAP en ce qu’il a :

Débouté Mme [I] de l’intégralité de ses demandes,

Condamné Mme [I] à rembourser à l’Association “BIEN CHEZ SOI ” les sommes de :

– 14 793.95 € au titre des heures supplémentaires

– 3 068.40€ au titre des astreintes

– 29 467€ au titre des salaires indûment payés

Condamné Mme [I] à payer la somme de 1500€ au titre des dommages et intérêts à l’Association ‘ BIEN CHEZ SOI ‘.

Condamné Mme [I] aux entiers dépens de l’instance.

Réformer la décision entreprise en ce qu’elle a condamné Mme [I] à payer 1 500€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile à l’Association ” BIEN CHEZ SOI “et, jugeant de nouveau, la condamner au paiement d’une somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance.

Ajoutant au jugement de première instance, condamner Mme [I] à régler à l’Association « BIEN CHEZ SOI » la somme de 5 000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile en cause d’appel.

Condamner Mme [I] aux entiers dépens qui comprendront l’intégralité des frais d’exécution forcée, y compris ceux laissés à la charge du créancier par les dispositions légales ou règlementaires.

L’ordonnance de clôture a été rendue le’12 avril 2022.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.

SUR QUOI’:

Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires :

Moyens des parties :

Mme [I] expose être fondée à solliciter un rappel de salaire suite aux nombreuses heures supplémentaires effectuées depuis des années, heures dont elle n’a jamais sollicité le paiement du fait qu’elle pensait bénéficier du statut de cadre dirigeant.

L’association BIEN CHEZ SOI expose que Mme [I] ne peut prétendre à des heures supplémentaires en raison de son statut de cadre dirigeant car, ainsi qu’elle l’admet, «’elle bénéficiait de l’autonomie attachée aux fonctions de cadre dirigeant’» et n’a jamais établi d’emploi du temps la concernant. Elle n’était astreinte à aucun horaire collectif, assumait des responsabilités lui permettant de prendre des décisions de façon largement autonome et au surplus elle a perçu des sommes indues à ce titre.

Réponse de la Cour,

Conformément à l’article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; la durée légale du travail, constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l’article L 3121-22 du code du travail, les heures supplémentaires devant se décompter par semaine civile.

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, en vertu de l’article L. 3171-4 du code du travail, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires. Une fois constatée l’existence d’heures supplémentaires, le juge est souverain pour évaluer l’importance des heures effectuées et fixer le montant du rappel de salaire qui en résulte sans qu’il soit nécessaire de préciser le détail du calcul appliqué.

Par ailleurs, l’absence d’autorisation donnée par l’employeur au salarié pour effectuer des heures supplémentaires est indifférente dès lors que les heures supplémentaires ont été rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié.

En l’espèce, Mme [I] qui argue de l’accomplissement d’heures supplémentaires non payées produit un tableau établi par ses soins récapitulant mensuellement de 2007 à 2008 les heures qu’elle estime dues. Ce tableau qui précise les jours de congés maladies, les heures complémentaires réglées constitue un élément suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre.

L’association BIEN CHEZ SOI fait valoir en réponse que Mme [I] avait le statut de cadre dirigeant et en justifie par les déclarations de la salariée, sa fiche de poste et la classification qui lui a été appliquée sans que Mme [I] n’apporte d’élément venant contredire cet état de fait.

Concernant le statut de cadre dirigeant, outre le fait que Mme [I] ne conteste pas qu’elle relevait de ce statut, il ressort bien de la convention collective nationale des établissements privés d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 que le statut de Directrice confère à celui qui l’exerce le statut de cadre dirigeant; il n’est par ailleurs pas contesté que Mme [I] disposait d’une grande autonomie, qu’elle percevait un salaire plus important que les autres salariés et participaient aux organes de décision. Le fait conclu, et au surplus non démontré selon lequel le Président de l’association lui demandait de justifier de son emploi du temps est inopérant. Dès lors, Mme [I] ne pouvait prétendre à des heures supplémentaires.

Il convient donc par voie de confirmation de rejeter la demande de Mme [I] formulée à ce titre.

Sur la demande de rappel de salaires au titre des astreintes :

Moyens des parties :

Mme [I] expose qu’elle était d’astreinte tous les weekends et les jours fériés durant l’exécution de son contrat de travail et est donc fondée à solliciter un rappel de salaire sur la contrepartie liée aux astreintes qu’elle a effectuées depuis 2007, celles-ci n’ayant été payées qu’à compter d’octobre 2011.

L’association BIEN CHEZ SOI fait valoir qu’aucun service d’astreinte à domicile n’était prévu, que Mme [I] qui ne justifie pas avoir accompli des astreintes s’est attribuée une prime forfaitaire d’astreinte à compte de mars 2011. S’agissant des astreintes les dimanches ou jours fériés, la convention collective prévoit que chaque salarié ne peut pas faire plus d’un dimanche ou d’un jour férié par mois or Mme [I] réclame environ 50 jours d’astreinte sur chaque année ce qui voudrait dire qu’elle a été d’astreinte quasiment toutes les semaines.

Réponse de la Cour,

Aux termes de l’article L. 3121-5 du code du travail, une période d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente immédiate de l’employeur, à l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise. La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.

Les temps d’astreinte ne constituant pas du temps de travail effectif doivent donner lieu à compensation financière ou sous forme de repos compensateur.

Sauf convention ou usage plus favorable, la rémunération des tréteaux calculés sur la base, non de la durée de présence accomplie par le salarié, mais de la durée de travail effectif à laquelle ces durées de présence est réputée équivalente.

Il est de jurisprudence constante que la preuve des heures d’astreinte effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties ; que si l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les périodes d’astreinte imposées au salarié, celui-ci doit préalablement fournir au juge des éléments de nature à étayer sa demande en paiement de telles périodes ; qu’il appartient au salarié de fournir des éléments précis de nature à étayer sa demande en paiement des heures d’astreintes revendiquées ;

En l’espèce, il ressort des bulletins de salaires versés par Mme [I] qu’elle a effectivement perçu des sommes au titre d’astreintes et que la convention collective applicable à l’espèce prévoit la possibilité d’astreintes pour les salariés.

Cependant s’agissant de la réalité des astreintes sollicitées qui n’auraient pas été rémunérées, Mme [I] ne verse aucune pièce permettant de relever qu’elle avait, selon l’amplitude sollicitée l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’association. Elle ne donne aucun planning ou aucun autre élément démontrant la réalité de ce qu’elle avance.

Il convient en conséquence, par voie de confirmation de la décision déférée de rejeter la demande formulée à ce titre par Mme [I].

Sur le harcèlement moral :

Moyens des parties :

Mme [I] expose qu’à compter de sa nomination comme directrice, elle a rencontré des difficultés avec une partie des salariés, Mesdames [Y], [T] et [A] notamment, et a été victime d’agissements constitutifs d’harcèlement moral de la part de ses subordonnées. Elle fait valoir que’:

– Mesdames [Y], [T] et [A] ont profité de son absence, à la fin de l’année 2007, pour la discréditer auprès des aides-soignantes de l’association et ont, à compter de cette date, formé un « un clan anti-[D] » qui terrorisait le reste du personnel qui refusait d’adhérer à « leur cause ». Elles ont mis à l’écart une autre salariée, Mme [G], à laquelle elle s’était confiée et avec laquelle elle avait de bons rapports. Ces mêmes salariées étaient dans l’opposition constante à ses directives et ne lui transmettaient plus les informations indispensables à sa mission’;

– Le 15 mai 2009, M. [L], président de l’association, a initié une réunion aux ‘prétendues fins de trouver des solutions constructives’ et il a été évoqué le fait qu’un ‘sabotage’ avait été mis en place à son encontre. La situation a perduré sans réaction de l’employeur’malgré un courrier d’alerte le 12 septembre 2019′;

– Mme [A] a tenu des propos racistes à son égard devant une autre salariée, Mme [V] et une autre salariée, Mme [J] a elle aussi tenu ce type de propos’;

– Aucune de ses alertes n’a été prise en compte, M. [L] lui ayant demandé de ‘ ne pas étaler sur la place publique les problèmes internes de l’association’ et lui faisant grief d’avoir pris à témoin la médecine du travail sur l’organisation, le management et le comportement des autres salariés alors que la mission de la médecine du travail est cantonnée au seuls problèmes de santé, ‘ce qu’elle devrait savoir en sa qualité de directrice d’une entreprise”;

– A compter de la saisine du conseil de prud’hommes, tout a été fait pour l’évincer et la déstabiliser par des reproches infondés. Le nouveau président, M.[O] a adopté un ton particulièrement inquisiteur la questionnant sur les conditions d’octroi des congés payés de Mme [A] alors même que cette tâche lui incombait jusqu’alors en totale autonomie eu égard de ses fonctions’;

– Il l’a mise à l’écart en demandant directement à la secrétaire de modifier le compte rendu du conseil d’administration du 3 novembre 2011 alors même que cette tâche lui avait toujours incombée’;

– A l’issue de sa formation, en février 2012, les serrures de son bureau avaient été changées sans qu’aucune information ne lui ait été donnée, au vu et au su de l’ensemble du personnel’;

– Elle allait faire enfin l’objet de remarques des plus désobligeantes sur l’état des finances de l’association et être accusée de vol et de malversations.

L’association BIEN CHEZ SOI fait valoir que la nomination de Mme [I] en tant que directrice en 2006 n’a pas changé son rôle et n’est donc pas à l’origine des difficultés qu’elle dénonce. Des problèmes relationnels ont en fait toujours existé entre elle, alors infirmière coordinatrice, et un grand nombre des salariés. Elle expose que’:

– Mme [I], qui prétend avoir subi un harcèlement moral à partir de l’année 2007, ne verse aux débats aucune pièce, contemporaine de cette époque qui évoquerait des faits de harcèlement moral ;

– Sur les faits de 2009 à 2011, elle ne produit aucune pièce, hormis la lettre d’une autre salariée qui a saisi le conseil de prud’hommes pour des faits de harcèlement moral’;

– Elle a fait état pour la première fois lors du CA du 15 mai 2009 de difficultés relationnelles avec certains salariés datant de 6 mois auparavant pour l’érgo-thérapeute, étant rappelé qu’elle disposait du pouvoir disciplinaire sur cette salariée et que, concernant la secrétaire, elle a été ensuite licenciée’;

– L’association est intervenue pour faire cesser le harcèlement moral allégué en mettant fin aux contrats de deux salariées et il a en outre été rappelé à Mme [I] par lettre du 26 juillet 2009 les prérogatives et devoirs attachés à ses fonctions, certaines salariées se plaignant d’elle’;

– La lettre du 12 septembre 2009 adressée au directeur de la DDASS et son annexe n’ont pas été communiquées à l’association et ne rapporte que le ressenti de la salariée’;

– Dans la note rédigée en vue du CA de février 2011 elle ne parle pas de harcèlement moral mais de difficultés de gestion du personnel, à savoir un conflit entre 2 salariées et une critique du service auprès de patients, par l’une d’entre elles. Le conseil d’administration, après l’avoir entendue, lors de la réunion du 7 février 2011, a pris en compte la mesure de sa demande et a décidé de réaliser un « audit interne’»’;

– Le compte rendu des entretiens avec le personnel a été fait, lors du conseil d’administration du 22 avril 2011, auquel Mme [I] était présente, et il a été décidé de l’associer au groupe de travail mis en place pour réfléchir à une nouvelle organisation du service’;

– Ce n’est que par courrier du 7 septembre 2011, puis lors du CA du 3 novembre 2011, alors qu’elle n’avait jamais rien signalé, que Mme [I] s’est dit victime de harcèlement moral par certains collègues ou a dénoncé des propos déplacés. Un CA a à chaque fois été organisé et il a été décidé notamment d’entendre les salariés, de prendre rendez-vous avec la médecine du travail’;

– Les salariées mises en cause, Mme [A] et Mme [J], contestent les faits que Mme [I] leur reproche et l’enquête n’a pas permis à l’employeur d’établir la réalité des propos attribués à Mme [A] (tenus 2 ans avant) ou à Mme [J], mais plutôt de faire émerger des accusations de harcèlement moral à l’encontre de Mme [I].

Réponse de la Cour,

L’article L.1152-2 du code du travail dispose qu’aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral. L’article L.1152-3 du même code prévoit que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de la disposition précédente est nulle.

Le licenciement d’un salarié victime de harcèlement moral est nul dès lors qu’il présente un lien avec des faits de harcèlement : soit que le licenciement trouve directement son origine dans ces faits ou leur dénonciation, soit que le licenciement soit dû la dégradation de l’état de santé du salarié rendant impossible son maintien dans l’entreprise.

Suivants les dispositions de l’article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral ; dans l’affirmative, il appartient ensuite à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Le harcèlement moral n’est en soi, ni la pression, ni le surmenage, ni le conflit personnel ou non entre salariés, ni les contraintes de gestion ou le rappel à l’ordre voire le recadrage par un supérieur hiérarchique d’un salarié défaillant dans la mise en ‘uvre de ses fonctions.

Les règles de preuve plus favorables à la partie demanderesse ne dispensent pas celle-ci d’établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants qu’elle présente au soutien de l’allégation selon laquelle elle subirait un harcèlement moral au travail.

En l’espèce, pour caractériser le harcèlement moral qu’elle invoque, Mme [I] invoque les faits suivants :

– des propos racistes tenus à son égard par des salariées, un personnel opposant, une mise à l’écart par l’employeur qui ne lui transmettait pas les informations, des alertes adressées à l’employeur par elle-même et par la médecine du travail, une volonté de l’évincer suite à la saisine du conseil des prud’hommes et enfin l’incidence de ces faits sur sa santé.

La cour relève à titre liminaire qu’hormis un historique de sa situation, dressée par Mme [I], aucune autre pièce produite ne concerne des faits avant 2009.

Sur les propos racistes qui auraient été tenus à son égard, Mme [I] produit’:

– Une lettre adressée au directeur de l’association le 7 septembre 2011 dans laquelle elle indique rencontrer des tensions avec «’l’infirmière du service’» qui lui aurait déclaré «’dans la société dans laquelle on vit, tes enfants doivent avoir honte de ta couleur de peau’».

– L’attestation de Mme [V] (assistante de direction depuis juin 2009) qui indique que Mme [I] est victime de «’harcèlement et terrorisme moral’», qu’une «’cabale a été montée par l’infirmière du service qui apparemment ne supporte plus d’avoir une directrice noire au-dessus d’elle (ses propos’: tes enfants doivent avoir honte de ta couleur de peau)’».

Il est en conséquence établi que Mme [I] a avisé son employeur du fait qu’elle avait fait l’objet de propos racistes.

Sur le comportement qualifié par Mme [I] d’intolérable d’une partie du personnel à son égard, Mme [I] produit’:

– Le compte rendu de la réunion du 15 mai 2009 organisée par le président de l’association M. [L], pour faire «’suite aux difficultés relationnelles au sein du SSIAD afin de mettre à plat les tensions ressenties et trouver des solutions positives’». Cette réunion fait état de difficultés d’établissement de planning en lien avec des restrictions médicales posées pour deux agents mais encore de «’problèmes de critiques négatives à l’encontre des unes et des autres’», d’un «’sabotage mis en place’». Est évoqué en outre une «’confrontation entre l’ergothérapeute et Mme [I] en novembre 2008 et une mise en cause «’diffamatoire’» de celle-ci par la secrétaire.

– Une attestation de M. [U], aide-soignant qui relate que suite au recrutement de l’ergothérapeute et d’une infirmière l’ambiance se dégrade.

– La lettre adressée le 12 septembre 2009 à la DDASS par lequel Mme [I] dresse la chronologie des comportements qu’elle aurait subis entre décembre 2007 et mai 2009 au sein du SSIAD et sa solitude face à l’attitude de l’ergothérapeute et de la secrétaire. Elle sollicite une médiation de l’inspection du travail.

– Une lettre du 16 septembre 2009 que M. [L] lui adresse dans laquelle il relève une ambiance délétère, lui rappelle les rôles de chacun et notamment qu’il la considère responsable en cas de dysfonctionnement, qu’il ne souhaite pas que les difficultés du service soient diffusées sur la «’place publique’».

– Une lettre de Mme [V] qui informe Mme [I], le 5 octobre 2010, vivre mal les tensions négatives liées à la réorganisation et que certaines informations ne seraient pas communiquées à Mme [I].

– Une attestation de Mme [G] faisant état d’un clan contre la directrice.

– La note d’information et le compte rendu du CA du 7 février 2011 dans lesquels sont évoqués «’une démarche de rejet’» des propositions de la direction, une «’escalade dans la violence verbale et l’attitude de certaines salariées’» et le fait que Mme [I] va notifier deux avertissements.

La lettre de Mme [G] du 25 février 2011 qui évoque sa situation s’estimant «’mise en quarantaine’».

Le fait qu’il existait des tensions entre Mme [I] et certaines salariées en 2009 puis de nouveau à partir de 2011, tensions connues de l’employeur, est établi.

Sur «’l’opposition constante’» à ses directives de la part d’une partie des salariées, Mme [I] produit’:

– Un mail du 5 juin 2009 et du 27 juin 2009 adressés à M. [L] sur les absences de Mme [Y], secrétaire, qui ne lui aurait pas laissé les informations utiles pour mener à bien son travail pendant son absence. Mme [I] y souligne le fait que son autorité n’est pas reconnue et qu’elle est physiquement et moralement épuisée en raison des tensions, même si l’absence de Mme [Y] a calmé la situation.

– Des mails d’alertes au président concernant des absences de salariées le 27 décembre 2010, 21 avril et 7 mai 2011, Mme [I] faisant état des difficultés croissantes concernant le personnel.

– Des échanges de courriers de février à juillet 2011 avec Mme [J], aide médico-psychologique, sur les plannings, sa rémunération et des difficultés sur ses bulletins de paye. Il est établi que cette salariée s’est adressée à l’Urssaf pour évoquer le fait qu’elle ne serait pas déclarée.

– La lettre de Mme [V] à l’Urssaf le 15 mars 2011 pour contester les affirmations de cette salariée.

Ces éléments montrent l’existence, à compter de 2011,’des difficultés liées à l’établissement des plannings en raison d’une réorganisation des services et d’absences de salariées et donc de gestion du personnel sur lesquelles Mme [I] alerte son employeur. Il est en outre constant que dans un mail Mme [I] évoque le fait que son autorité ne serait pas reconnue et que le CA de Février 2017 mentionne une opposition aux décisions de la direction.

Pour autant, la question de la gestion des absences de salariées, qui relève des attributions de Mme [I] en sa qualité de directrice, ne peut être invoquée pour caractériser l’existence d’un harcèlement moral. Ainsi, concernant plus particulièrement ses relations avec Mme [J], les pièces versées ne démontrent pas une opposition de cette salariée à Mme [I] mais plutôt une contestation par celle-ci de ses plannings ou de sa rémunération et s’inscrit donc dans le cadre d’une relation de travail classique. Enfin ces quelques éléments ne sauraient caractériser une opposition «’constante’» d’une partie des salariées à ses décisions. Ce fait n’est pas établi.

Sur le fait que certaines salariées ne lui transmettaient pas toutes les informations, Mme [I] s’appuie sur la lettre sus visée adressée à la DDASS le 12 septembre 2009 dans laquelle elle évoque le fait que le 30 mai 2008, Mme [Y] ne l’aurait pas informée du changement de coefficient des directeurs du SSIAD et que le 7 juillet 2008 l’ergothérapeute a organisé une sortie sans l’en informer. Mme [I] n’apporte aucun autre élément permettant d’étayer ses dires. Ce fait n’est pas établi

Sur le fait que l’employeur était avisé des faits dénoncés, la cour de céans a déjà relevé que les conflits avec l’ergothérapeute et la secrétaire avait été évoqués lors d’une réunion du 5 mai 2009 tandis que le CA du 7 février 2011 faisait état des problèmes avec deux salariées. Mme [I] produit par ailleurs’:

– Un mail du 27 février 2010 adressé à son employeur pour évoquer les difficultés rencontrées avec Mme [J], son comportement «’arrogant’» et non respectueux de la hiérarchie.

– Un courrier du 7 septembre 2011 par lequel Mme [I] dénonce des difficultés récurrentes, un manque de respect, des propos racistes et le fait qu’elle ait été en arrêt de travail, période durant laquelle a eu lieu un audit sans qu’elle ne soit consultée. Elle évoque encore que depuis sa reprise elle continue d’être contestée et travaille dans une ambiance délétère. Elle sollicite enfin un rendez-vous auprès du président avec le médecin du travail.

– Le courrier de son conseil en date du 27 octobre 2011 qui dénonce des «’faits déstabilisants et des propos injurieux pour certains à caractère raciste’» et la détresse psychologique de Mme [I]’;

– Les mails ou courriers entre mai et août 2011 adressés au Dr [M], médecin du travail, évoquant des comportements «’terroristes’» de certaines salariées, le fait que le nouveau président M. [O] ne serait pas à l’écoute et la persistance de conflits.

– Deux lettres que lui adresse le Dr [B], médecin du travail, le 6 janvier et le 11 janvier 2012, qui fait état d’une rencontre fixée avec les dirigeants le 12 janvier 2012.

Il est en conséquence établi que Mme [I] a dénoncé des difficultés dans l’accomplissement de son travail à son employeur et une souffrance au travail au médecin du travail.

Sur le fait que l’employeur aurait adopté une logique d’éviction à son égard suite à la saisine du conseil de prud’hommes, Mme [I] verse pour étayer cette affirmation’:

– Un mail de M.[O] du 14 février 2012 qui lui reproche de ne pas l’avoir sollicité avant de se rendre en formation et sollicite qu’elle lui transmette notamment des éléments sur le financement. Il lui reproche encore d’avoir fermé le bureau à clé pendant son absence.

– Une lettre du 1er mars 2012 adressée à son employeur s’étonnant du changement des serrures de son bureau pendant son absence, l’interdiction qui lui est faite d’aller chez l’expert-comptable ou encore des interrogations sur la situation financière, des convocations tardives à des entretiens et enfin le fait que sa légitimité de directrice soit mise en cause.

Il est constant que Mme [I] a saisi le conseil de prud’hommes courant janvier 2012 et que les faits dénoncés sont postérieurs à cette saisine tout comme il est établi que l’employeur a déposé plainte à l’encontre de Mme [I] le 28 septembre 2012 pour faux, usage de faux, escroqueries et abus de confiance. Ces faits sont établis.

Il est enfin établi que Mme [I] a été en arrêt maladie un mois en 2011 et s’est vue prescrire en mars 2011 des anxiolytiques.

Mme [I] établit ainsi l’existence matérielle de certains faits précis et concordants, qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre.

Sur les faits jugés matériellement établis, l’employeur conteste les faits de harcèlement moral invoqués par la salariée faisant valoir que dès avant sa nomination en tant que directrice, Mme [I] rencontrait des difficultés relationnelles.

S’agissant des conflits dénoncés par Mme [I] en 2009 avec 3 salariées, il est justifié du fait que Mme [Y], secrétaire, a été licenciée tandis que l’ergothérapeute, Mme [T] a fait l’objet d’une rupture conventionnelle. L’association BIEN CHEZ SOI produit les lettres de dénonciations de ces deux salariées envers Mme [I]. Mme [Y] y dénonce des mesures vexatoires et discriminatoires à son égard, des difficultés dans le règlement de son salaire. Mme [T] atteste quant à elle d’une dégradation de ses relations avec Mme [I] et sa décision de quitter le service pour se «’protéger du harcèlement moral de la directrice’».

L’association BIEN CHEZ SOI expose encore, sans être contredite, que Mme [I] disposait du pouvoir disciplinaire à l’égard des salariées en question. Dans un courrier que M. [L] lui adresse le 16 septembre 2009, il lui rappelle ses obligations de directrice en l’invitant à exercer ses fonctions avec «’bienveillance et sans discrimination’» en faisant table rase du passé. Mme [I] lui répond avoir pris note de ces éléments et s’engage à suivre les recommandations. Cet échange vient infirmer le fait conclu que l’employeur n’aurait pas réagi suite aux faits dénoncés par la salariée.

Sur les tensions avec d’autres salariées, évoquées dans la note rédigée par Mme [I] en vue du CA du 7 février 2011, l’association BIEN CHEZ SOI fait observer qu’il n’est pas état de harcèlement moral lors de ce CA mais de difficultés de gestion du personnel, réalité que l’employeur ne conteste pas. Il est noté dans le compte rendu de ce conseil que les membres ont été particulièrement attentifs «’à la gestion du personnel et aux difficultés rencontrées depuis un certain temps’».

Ainsi, il n’est pas contesté que, suite au constat de ces difficultés, un audit va être engagé envers les salariées dont le résultat va être donné pendant le CA du 22 avril 2011, auquel participe Mme [I]. Ce compte rendu fait état de la mise en place d’un groupe de travail «’afin de mettre en place avec la Directrice une nouvelle organisation’» et précise que Mme [I] doit travailler avec le CA pour l’évolution de la structure, l’organisation fonctionnelle lui incombant.

Concernant les résultats de l’audit, il est relevé la nécessité d’un cadre plus rigide pour les décomptes des temps d’intervention, l’existence de difficultés relationnelles mais pas de «’dysfonctionnement ressenti par la population’». Il est demandé l’établissement de plannings par la directrice et l’infirmière, une présence régulière de la hiérarchie. Il convient dès lors de relever que l’employeur justifie de mesures prises suite aux difficultés signalées par Mme [I] qui n’évoque pas à cette période de harcèlement moral mais des problèmes de management.

Sur les propos racistes, dénoncés pour la première fois dans les courriers de septembre et octobre 2011 de Mme [I] et de son conseil, une réunion du bureau de l’association va être tenue le 21 septembre 2011 et le compte rendu relève que lors de l’audit précédent la salariée n’avait pas été entendue car elle se trouvait en arrêt et avait pu s’exprimer. Il est encore souligné que les tensions persistantes résultent de la mise en place d’une nouvelle organisation, sans concertation avec l’ensemble des personnels, qui a entrainé des courriers désobligeants de deux salariées (Mme [H] qui n’est plus dans l’association depuis avril 2011 et Mme [J]). Le bureau préconise une rencontre des salariées, un contact avec la médecine du travail, une incitation de Mme [I] à déposer plainte, et de rechercher des éléments et preuves hors de l’association.

Ce sujet et les 2 courriers sus-visés vont ensuite être abordés en CA du 3 novembre 2011 auquel Mme [I] assiste et au cours duquel il lui est demandé de déposer plainte, Mme [I] indiquant qu’elle n’a rien fait puisqu’il s’agissait de «’sa parole’» contre celle de la salariée concernée.

L’association BIEN CHEZ SOI justifie avoir par la suite procédé aux auditions des salariées concernées le 25 novembre 2011. Il ressort des pièces versées par l’employeur que Mme [A] et Mme [J], contestent les faits, cette dernière va d’ailleurs déposer plainte pour diffamation.

Il est enfin justifié que, sur la date et le lieu ou encore la présence de témoins des propos, Mme [I] n’apporte aucun élément à son employeur malgré sa demande. En outre Mme [V], qui rapporte dans une attestation, les mêmes propos qualifiés de racistes sans indiquer dans cette attestation les avoir elle-même entendus, n’a rien signalé lors du CA du 3 novembre 2011. Surtout, l’association BIEN CHEZ SOI produit l’attestation de Mme [A] qui indique que ses propos n’étaient pas racistes et ont été sortis de leur contexte et déformés. Il ressort de ces éléments que l’employeur a réagi au courrier de la salariée dénonçant des propos racistes à son égard.

Sur le fait que l’employeur était avisé des faits dénoncés par Mme [I], il n’est pas contesté que cette dernière lui adresse un courrier en septembre 2011 dans lequel elle dénonce ses difficultés. Il est constant qu’aucune pièce ne comporte une dénonciation de faits de harcèlement moral avant cette date.

S’agissant des mails adressés au médecin du travail, l’employeur indique, sans être contredit, qu’aucune copie ne lui est envoyée par la salariée par le Dr [M]. L’ensemble de ces mails rapportent les dires de la salariée et il n’est ainsi pas justifié d’une remontée d’information ou d’alerte par le médecin du travail à l’employeur.

Sur l’éviction alléguée de la salariée par son employeur, suite à la saisine du conseil de prud’hommes, l’association BIEN CHEZ SOI ne conteste pas lui avoir demandé par mail du 14 février 2012 des explications sur la formation suivie du 20 au 27 février 2012 et son financement et les difficultés d’accès à son bureau pendant son absence couplée à celle de son assistante.

Il est ainsi justifié par l’employeur qu’à cette période, début février 2012, l’ARS va entamer une enquête dans certains SSIAD du département suite à des signalements de difficultés de fonctionnement et que Mme [I] en était avisée.

Il est encore démontré que Mme [W], assistante du président, écrit à M. [L] suite à un mail de l’expert-comptable de l’association pour que le budget 2011 soit examiné le 2 février 2012, celui de 2010 s’étant soldé par une perte. Le 2 mars 2012 l’expert-comptable va constater que le déficit d’exploitation de l’association remet en cause son avenir. Ces interrogations du président de l’association envers Mme [I] relèvent objectivement de son pouvoir de direction.

Concernant le fait reproché à Mme [I] de prendre les clefs de son bureau lors de ses absences, l’association BIEN CHEZ SOI justifie du fait qu’un rappel lui avait déjà été adressé à ce sujet par des courriers du 26 juillet et 16 septembre 2009 par M. [L]. Face à cette difficulté d’accès au bureau, en l’absence conjointe de l’assistante de Mme [I], l’employeur apparaît fondé à procéder à un changement de serrure.

S’agissant de la plainte pénale, l’employeur estimant, au vu d’un audit notamment, que la salariée avait pu agir de manière frauduleuse, a usé d’une voie de droit qui ne peut être qualifiée de comportement harcelant d’autant que cette plainte est postérieure au licenciement. Enfin, la chambre de l’instruction a dans son arrêt du 2 octobre 2018 prononcé un non-lieu et précise que certains faits (salaires indus notamment) relevaient de la compétence de la juridiction prud’homale.

Concernant enfin l’arrêt maladie d’un mois en 2011 (non produit) et la prescription en mars 2011 d’anxiolytiques à la salariée, il résulte de ce qui précède qu’aucun lien entre cette situation et un harcèlement moral n’est établi.

L’employeur démontre ainsi que les faits matériellement établis par Mme [I] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Par voie de conséquence, la demande de dommages et intérêts formulée à ce titre est rejetée par voie de confirmation de la décision déférée. La demande de résiliation judiciaire au tort de l’employeur fondée sur des faits de harcèlement moral est par conséquent rejetée.

Sur la demande en nullité du licenciement pour dénonciation de faits de harcèlement moral :

Moyens des parties’

Mme [I] expose qu’elle a dénoncé des faits de harcèlement moral le 1er mars 2012 et qu’elle a, par la suite, fait l’objet d’une mise à pied conservatoire puis d’un licenciement pour faute grave deux mois plus tard s’agissant de prétendues malversations dont elle se serait rendue coupable.

L’association BIEN CHEZ SOI expose qu’il n’existe pas de harcèlement moral et que le licenciement est parfaitement justifié. La salariée, dans sa recherche d’une proximité temporelle entre sa convocation à entretien préalable et sa dénonciation de harcèlement, ne donne pas les véritables dates de ces deux événements. La convocation à entretien préalable date du 29 février 2011 et la lettre de son avocat du 1er mars 2011. La convocation à entretien préalable est donc antérieure au courrier du 1er mars de dénonciation du harcèlement moral.

Réponse de la Cour,

Aux termes de l’article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

En vertu de l’article L. 1152-3 du même code, toute rupture de contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code précité, toute disposition contraire ou tout acte contraire est nul.

Il s’en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce.

En l’espèce, il est constant qu’avant le courrier du 1er mars 2012, la salariée n’évoque pas des faits de harcèlement moral à son égard et, aux termes de cette lettre, ne mentionne pas le terme de harcèlement moral. Il est établi qu’elle a fait l’objet d’une convocation à un premier entretien préalable avant cette lettre, le 29 février 2012.

Mme [I] va faire l’objet d’un nouvel entretien préalable le 20 avril 2022, l’employeur faisant état dans la lettre de convocation de la découverte de nouveaux faits.

La lettre de licenciement du 11 mai 2012 ne comporte aucune référence aux dénonciations de la salariée.

Au vu de ce qui précède, aucun lien de causalité entre le licenciement et une dénonciation de harcèlement moral n’étant établie, il convient de confirmer la décision déférée et de rejeter la demande de Mme [I] formulée sur le fondement des dispositions de l’article L. 1152-2 du code du travail.

Sur l’obligation de sécurité’:

Moyens des parties :

Mme [I] fait valoir que son employeur a toujours été parfaitement informé du fait qu’elle était en proie à des agissements constitutifs d’harcèlement moral émanant de Mme [A] et de ses acolytes. Pour autant, l’Association BIEN CHEZ SOI n’a pas estimé devoir prendre une quelconque mesure afin d’y mettre fin.

L’association BIEN CHEZ SOI expose qu’une enquête a été réalisée suite à la dénonciation faite par la salariée s’agissant des propos qu’auraient tenus deux salariées à son égard. L’employeur s’est vu confronté au refus de Mme [I] de donner des détails sur les circonstances de fait et Mme [V], pourtant interrogée dans le cadre de cette enquête n’a pas indiqué avoir été témoin des paroles attribuées à Mme [A], pas plus que de celles attribuées à Mme [J]. Un courrier a été adressé à tous les salariés récusant ce type de pratique et invitant l’ensemble du personnel à entretenir des rapports confraternels et respectueux et rappelant les dispositions légales en la matière. Concernant les autres salariées accusées par Mme [I] de harcèlement moral, Mesdames [T] et [Y], il a été mis fin à leur contrat de travail.

Réponse de la Cour,

L’article L. 4121-2 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce que dispose que «’L”employeur met en ‘uvre les mesures prévues à l’article l. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux’;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

En l’espèce, aucun harcèlement moral n’est établi à l’encontre de la salariée. Il a été constaté que l’association BIEN CHEZ SOI avait pris des mesures à chaque difficulté signalée par la salariée’: réunion du bureau, conseil d’administration, audit et auditions des salariées mises en cause, réorganisation ou encore rupture du contrat de travail de certaines d’entre elles. Concernant les propos racistes, ils sont contestés et leur matérialité n’a pu être établie. Au surplus l’association BIEN CHEZ SOI justifie avoir fait un rappel à l’ordre à l’ensemble des salariés sur l’attitude et le comportement à adopter au sein de l’association.

Par voie de confirmation de la décision déférée, il convient de dire que l’association BIEN CHEZ SOI n’a pas manqué à son obligation de sécurité.

Sur le bien-fondé du licenciement :

Moyens des parties’:

L’association BIEN CHEZ SOI fait valoir que’:

– Le président a découvert début février que le compte de l’association était à découvert, de nombreuses factures en souffrance alors’que Mme [I] et son assistante partaient ensemble en stage, sans considération de la période cruciale de l’établissement du bilan comptable 2011. Dans un mail du 14 février 2012 il a été demandé à Mme [I] de donner tout renseignement préalable à son départ en formation. En dépit de cette demande, la salariée est partie avec son assistante et n’a répondu au président de l’association que 8 jours plus tard, après son départ en formation’;

– Durant cette absence, Mme [I] a refusé de laisser un double des clés de son bureau et de celle de son assistante, sachant que ce problème avait déjà fait l’objet d’un rappel en juillet 2009′; Avant son départ en formation Mme [I] n’a pas informé le président de sa possibilité de récupérer la clé de son bureau auprès de la personne chargée de l’entretien’;

– Mme [I] a transféré à Mme [V], sans aucune précaution, le mail de M. [O] du 14 février, Mme [V] se sentant, à tort, mise en cause, a vivement réagi, par mail du 17 février 2012, par lequel elle a dénigré de façon ouverte le président de l’association, en faisant référence à un comportement de harcèlement moral supposé à son encontre. Cette attitude de Mme [I], montre sa volonté de manipulation des personnes et des situations et donc une attitude incompatible avec sa fonction de directrice marquant ainsi une totale déloyauté de sa part ;

– Mme [I] a ensuite transmis le mail de Mme [V] du 17 février à certains membres du CA et à deux personne extérieures sans aviser leprésident et envoyé le même jour un mail à l’ancien président, M. [L] en lui transférant le mail de M. [O]’;

– Deux subordonnées (Mme [A] et Mme [J]) dénoncent des faits précis et circonstanciés de harcèlement moral commis par Mme [I] et de nombreux salariés témoignent de l’attitude inadmissible de Mme [I] envers Mme [A] faisant même état de menaces physiques et d’attitudes inappropriées envers elles ou envers les familles de patients’;

– L’expert-comptable a fait part d’une situation financière très alarmante, qui l’amènera, le 2 mars 2012 à établir une note chiffrant la perte de 2011 à plus de 160’000 euros et Mme [I] n’a pas informé le président ni le bureau du CA de l’état catastrophique des comptes de l’association ;

– Mme [I] a, dans le cadre de la gestion financière de l’Association pris en compte et intégré aux éléments comptables une recette inexistante de 46 119 euros qui modifiait et faussait le résultat comptable de l’Association’;

– Mme [I] a modifié le statut et de la qualification de Mme [V] (passage d’un coefficient 439 à 547), alors que rien ne justifiait une telle modification et alors même que le poste en question n’existe pas dans l’association, avec paiement au profit de cette dernière de rattrapages de salaires, depuis novembre 2009 pour un montant brut hors charges patronales de 17 558,24 euros’; Ce changement n’a pas été validé par le conseil d’administration ni le montant de la dépense annuelle supplémentaire engendrée’;

– Mme [I] a délibérément dépassé le forfait téléphonique professionnel qui était d’un montant de 90 €, en moyenne de 340 €/mois, allant certains mois au-delà de 400 € et jusqu’à 500 € au mois de mars 2011

Mme [I] expose que les griefs sont infondés’:

– M. [O] a validé la formation, elle ne s’est absentée que 5 jours et restait joignable, avait laissé les instructions nécessaires ;

– Concernant les clés de son bureau, les documents confidentiels qu’il contient justifient qu’il demeure fermé pendant son absence, son assistante avait un double’;

– Sur le transfert du mail du 14 février 2012 et du 17 février 2012, Mme [V] étant son assistante et en charge de la comptabilité, elle était concernée par celui de M. [O] et devait lui fournir des éléments de réponse. Les personnes extérieures sont des membres du CA et l’ARS en sa qualité d’organisme de tutelle a le droit d’être informé ;

– S’agissant de faits de harcèlement moral envers Mme [A] et Mme [J], elles n’ont jamais intenté un recours et leur attitude a été dénoncée’;

– Concernant le bilan financier et l’absence d’information ou d”alerte, ces faits sont à l’origine de la procédure d’abus de confiance à son encontre qui a fait l’objet d’un non-lieu. Il a ainsi été considéré que le président de l’association était informé par l’expert-comptable, M. [K], qui présentait avant le vote du budget ses notes de conclusion sur l’état des comptes et le budget de l’association et ce dernier mettait en garde les membres du conseil d’administration, depuis 2010, sur la situation financière de l’association. S’agissant de la « recette insincère de 46 119 euros qui modifie et fausse le résultat comptable de l’association il s’agit d’un remboursement des soins infirmiers que l’Association a dû régler à la MSA.

– S’agissant de sa rémunération, conformément au document unique de délégation (DUD), il lui appartenait de s’assurer du respect des dispositions conventionnelles en matière de rémunération, y compris s’agissant de sa propre rémunération. L’ancien président a validé en avril 2010 un premier projet de DUD qui a été supprimé de l’ordinateur par M. [O] en février 2012 durant son absence’;

– M. [O] et le CA ont validé début 2011 le compte administratif de l’association sur lequel figurait sa rémunération et la régularisation de salaire qui a été calculé par le cabinet d’expertise de l’association’;

– Concernant la situation de Mme [V], le budget prévisionnel pour 2012 a été soumis au CA et approuvé, le compte rendu mentionne la présence d’un cadre administratif de niveau 2 s’agissant de cette salariée’;

– S’agissant des dépassements de forfait téléphonique, les éléments présentés ne sont pas probants (24 factures sur 12 mois) et comportent d’autres frais que téléphoniques.

Réponse de la Cour,

Il est de principe que la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de l’intéressé au sein de l’entreprise même pendant la durée du préavis. La mise en ‘uvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs mais le maintien du salarié dans l’entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises. L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La gravité de la faute s’apprécie en tenant compte du contexte des faits, de l’ancienneté du salarié et des conséquences que peuvent avoir les agissements du salarié et de l’existence ou de l’absence de précédents disciplinaires.

Selon les dispositions des articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, énoncée dans une lettre notifiée au salarié. Cette lettre, qui fixe les limites du litige doit exposer des motifs précis et matériellement vérifiables, permettant au juge d’en apprécier la réalité et le sérieux.

Il résulte des articles’L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

En l’espèce, s’agissant du grief du départ en stage de Mme [I] en formation pendant une semaine du 20 au 27 Février 2012, l’employeur argue d’une absence d’autorisation. Ce point est démenti par la signature de la convention de formation le 15 Janvier 2012 par le président et d’un chèque signé à l’ordre de l’Hôtel du Roi soleil pour un montant de 850 euros (hébergement durant la formation) dont copie est jointe aux pièces sans que l’association BIEN CHEZ SOI n’argue d’un faux. Ce grief n’est pas établi.

S’agissant du fait que la période de cette formation était cruciale, puisque correspondant à celle de l’établissement du bilan comptable 2011 et le fait que Mme [I] qui a été sollicitée par mail du 14 février 2012 par le président aux fin de lui donner tout renseignement préalable à son départ en formation, cette sollicitation par mail n’est pas contestée par Mme [I].

Malgré les termes clairs du mail du 14 février et les questions légitimes du président, qui sollicite des informations rapides sur le coût de la formation, il est établi que Mme [I] n’a pas répondu immédiatement, sa réponse intervenant le 22 février. Pour autant, l’employeur ne lui interdit pas dans ce mail de se rendre à la formation, il a été constaté que la salariée y était autorisée et il n’est pas démenti qu’elle demeurait joignable par téléphone. Ce grief n’est pas établi.

Sur le fait que Mme [V], secrétaire comptable de l’association, a participé à cette formation sans y être autorisée, la convention de formation de cette salariée n’est pas produite par Mme [I]. Dès lors, en l’absence d’élément venant contredire l’argument selon lequel Mme [V] n’était pas autorisée par l’association à participer à cette formation, ceci pouvant désorganiser le service administratif et comptable de l’association, ce fait est établi.

Sur le refus allégué de Mme [I], malgré la demande expresse du président, de laisser un double des clés des locaux de l’association et en particulier de son bureau, il est constant que la salariée est clairement avisée dans le mail du 14 février du fait que son absence et celui de la secrétaire, posait la difficulté de l’accès à son bureau. Sans avoir à se prononcer sur la question de savoir ce que contenait ou non ce bureau, il est acquis que malgré cette demande expresse, Mme [I] n’a pas laissé ses clés ni ne justifie avoir avisé quiconque des possibilités d’en récupérer un double auprès d’un tiers. Il est encore acquis que cette difficulté lui avait pourtant déjà été signalée précédemment, par l’ancien président en juillet 2009. Ce comportement a été en conséquence qualifié à bon droit d’insubordination par l’employeur et Mme [I] ne peut lui faire grief d’avoir procédé au changement de la serrure étant dans l’impossibilité d’accéder au bureau.

Sur le grief d’avoir transféré à Mme [V] le mail du 14 Février 2012, Mme [I] ne le conteste pas. Il est acquis que Mme [V] s’est sentie concernée, en sa qualité de comptable, le mail posant des questions sur la formation mais encore sur le budget de l’association. Cette transmission de mail à Mme [V], personne à même d’apporter des éléments de réponse, ne peut être qualifié d’insubordination ou de volonté de déstabiliser l’association.

En revanche, s’agissant du transfert, non contesté,par Mme [I] du mail de Mme [V] à l’ancien président de l’association (M. [L]), à la médecine du travail ou encore à des membres du CA ou de l’ARS, alors que dans ce courriel Mme [V] y réagit vivement, faisant état de mensonges, de tensions, de la mythomanie de certaines salariées et que «’un président doit présider et un directeur doit diriger et là on dirait que la directrice n’existe plus », il n’est justifié par aucune explication objective par Mme Mme [I]. Celle-ci n’apporte aucun élément permettant à la cour de céans de relever qu’il s’agirait d’une «’procédure d’information des plus normales’». Il est donc établi que Mme [I] a montré par là une volonté de dénigrement envers son employeur et eu une attitude incompatible avec ses fonctions de directrice.

Sur le grief d’absence d’information du président, du bureau ou du CA sur l’état catastrophique des comptes de l’association, la modification du statut et de la qualification de Mme [V] (passage d’un coefficient 439 à 547) entraînant un rattrapage de salaire sans l’avoir fait valider par le conseil d’administration ni le montant de la dépense annuelle supplémentaire engendrée, il est tout d’abord établi que ces constats vont être opérés fin janvier 2012 / début février 2012, soit à la période à laquelle Mme [I] se rendra en formation en ne laissant pas les clés permettant l’accès à son bureau.

Le fait que la procédure pénale pour faux, escroquerie et abus de confiance diligentée à l’encontre de Mme [I] a fait l’objet d’un non-lieu est acquis mais n’interdit pas à l’employeur d’arguer d’une mauvaise gestion des fonds de l’association par la salariée ou encore d’une défaillance dans l’exécution du contrat de travail. La chambre de l’instruction a d’ailleurs indiqué dans sa décision que certains faits relevaient de la compétence de la juridiction prud’homale.

Il est constant que les fonctions de Mme [I], en sa qualité de directrice, consistaient notamment, en liaison avec le conseil d’administration, à assurer la responsabilité générale du bon fonctionnement de l’établissement, la gestion des ressources humaines, financières et économiques de l’établissement.

L’association BIEN CHEZ SOI justifie s’agissant de ce grief, que lors du bilan de l’année 2011 début 2012, est relevé un déficit de 163’348 €. L’ancien président M [L] indique à l’expert-comptable le 25 janvier 2012 dans un mail que «’Suite aux graves problèmes de disfonctionnement relatifs au conflit avec la Directrice, le Bureau peut connaître la réalité comptable et financière de l’Association, d’autant que l’année 2010 s’était soldée par une perte ! Qu’en est-il de l’année 2011 ”». Le trésorier, M. [S] écrit le 12 février 2012 au président et préconise un audit externe. Il relève le 12 Mars 2012 que «’Le déficit d’exploitation de 2011 remet en cause le principe de continuité d’exploitation de l’association pour son avenir’».

L’association BIEN CHEZ SOI produit un rapport d’inspection réalisé par l’ARS qui constate, s’agissant du compte administratif 2010 de l’association, que la consultation des bulletins de salaire de l’année 2010 met en évidence des «’avantages non conventionnels dénommés «’rappels sur salaire’» concernant Mme [I] et Mme [V]’» et le fait qu’au vu du «’montant significatif de ces rappels sur salaire sans l’autorisation de la tutelle, cette somme de 16’865 € ne sera pas reprise dans le compte administratif de 2010’».

Un autre rapport d’inspection est réalisé par l’ARS et remis le 6 septembre 2012 et note de nouveau des indus pour Mme [I] (29’924 €), Mme [V] (24’424 €), Mme [G] (6’766 €). L’ARS souligne que «’tout rappel ou toute prime versée en sus de ce qui est prévu par la convention collective doit au préalable avoir reçu l’approbation de la tutelle’».

L’audit des comptes de l’association relève une perte de 41’390 € en 2010 et une perte de 209’468 € en 2011. Cette perte qui s’explique tout d’abord, selon cet audit, par une augmentation des dépenses afférentes à l’exploitation courante est aussi liée à l’augmentation des dépenses afférentes au personnel qui ont augmenté de 99’823 €, les salaires de Mme [I] et de Mme [V] ayant connu une majoration «’non budgétée’».

S’agissant du salaire de Mme [I], le rapport relève qu’elle a bénéficié d’un changement de coefficient et d’un rappel de salaire à ce titre de 34’305 € entre février 2008 et février 2011, l’audit indiquant que la révision du coefficient aurait dû en réalité entraîner un rappel de 5’426,55 €. Le rapport note encore que Mme [I] ne pouvait prétendre au paiement d’heures supplémentaires en application de la convention collective.

Sur le fait que Mme [I] n’aurait pas avisé les organes de l’association des difficultés financières et des dépenses salariales susvisées, il convient tout d’abord de relever qu’il n’est pas contesté que l’association avait recours à un expert-comptable et que l’association BIEN CHEZ SOI n’a pas été alertée par ce dernier avant la révélation des difficultés pour le budget 2011, alors même que le budget 2010 était déficitaire et que le budget de l’association a été présenté lors du CA de février 2011.

Cependant, il n’est pas non plus contesté que ce comptable procédait en fonction des pièces ou éléments fournis par Mme [I] ou Mme [V] et que c’est Mme [I] qui a accordé, seule, à Mme [V] le changement de classification.

S’il est établi qu’en sa qualité de directrice Mme [I] avait la charge de la gestion de l’association, l’existence d’une délégation de pouvoir à son profit spécifiant qu’elle «’ordonne le paiement des salaires, l’expert-comptable assure la conformité des paies en lien avec la directrice’» n’est pas établie puisque Mme [I] ne produit qu’un projet de DUD portant la mention «’à finaliser avant validation par M. [L]’».

Il ne ressort en tout état de cause pas des pièces versées que Mme [I] aurait avisé les membres de l’association de ce changement de classification pour Mme [V] ou encore du fait que cela entraînerait une augmentation conséquente des charges salariales. Ainsi, il n’est tout d’abord pas démontré que le prédécesseur de M. [O], M. [L] ait autorisé ce changement de classification, Mme [V] indiquant d’ailleurs lors de la procédure pénale que ce point a été validé par la directrice.

Alors que Mme [I] argue du fait que les membres du CA en étaient avisés et étaient informés des rappels de salaires, ceux-ci figurant dans les documents établis par le comptable et soumis aux CA, il convient tout d’abord de relever qu’aucun avenant n’a été signé par Mme [V] s’agissant d’un changement de classification. En outre, alors que cette demande de revalorisation de Mme [V] daterait de 2009, la classification et le rattrapage de salaire ne vont débuter qu’en septembre 2011 sans qu’aucun des procès-verbaux de CA produits ne mentionnent ce point. Ainsi, celui du 3 novembre 2011, au cours duquel ce point aurait été abordé, selon Mme [I], n’évoque pas la situation de Mme [V] et l’association verse des attestations de membres du CA qui indiquent que la situation de cette salariée n’a jamais fait l’objet d’un vote.

Par ailleurs, s’agissant du fait conclu par Mme [I] selon lequel l’association BIEN CHEZ SOI était pleinement avisée des budgets et des rappels de salaires en raison de notes établies par le comptable, celle-ci produit le budget prévisionnel de 2012 qui aurait été examiné lors du CA du 3 novembre 2011 et qui comporte un état prévisionnel des effectifs sur lequel figure un poste de cadre administratif de niveau 2 correspondant à celui de Mme [V].

S’il est exact que lors de la confrontation devant le magistrat instructeur, M. [O] a admis que ce poste figure sur le document en question, il est allégué dans la présente instance qu’il ne s’agirait pas de celui qui aurait été présenté au CA le 3 novembre 2011.

Surtout, l’association BIEN CHEZ SOI se fonde sur le fait, non contesté, que cette pièce porte une date d’édition du 4 novembre 2011 mais encore produit une copie d’écran ordinateur montrant que ce fichier aurait été modifié ce jour-là.

Enfin, il convient de relever que sur le compte administratif produit aux débats pour l’année 2010, édité le 30 mars 2011 soit postérieurement à la mise en place du rattrapage du salaire de Mme [V] et avant le CA de novembre 2011, le tableau des effectifs ne comportait pas de poste de cadre administratif de niveau 2 mais uniquement celui d’employée d’accueil.

Il convient donc de juger que ce grief est établi, Mme [I] n’ayant tout d’abord pas valablement informé son employeur des difficultés budgétaires de l’association mais encore ayant procuré un avantage à une autre salariée ou ayant mis en ‘uvre un rattrapage de salaire pour elle-même et cette salariée, dans un contexte financier fragile, sans recueillir l’approbation du CA.

Sur le grief portant sur l’intégration aux éléments comptables par Mme [I] d’une recette inexistante de 46 119 € qui modifiait et faussait le résultat comptable de l’association, l’employeur produit une note du comptable du 31 décembre 2011 et le dossier financier pour la période de janvier à décembre 2011. Sur cette dernière pièce figure la somme de 46’119 € en «’subvention d’exploitation’». Ces seules pièces sont insuffisantes pour considérer que Mme [I] serait à l’origine de cette erreur alors même qu’il n’est pas contesté que le comptable procédait en fonction des pièces bancaires remises. Ce grief n’est pas établi.

Sur le grief de harcèlement moral par Mme [I] envers d’autres salariées, l’association BIEN CHEZ SOI produit les attestations de Mme [A], Mme [J] faisant état de comportements qu’elles qualifient de harcèlement moral à leur égard par Mme [I]. Les deux salariées en question ont effectivement déposé plainte et l’association justifie du fait que la décision de classement par le procureur de la république de ces procédures a été prononcé au vu d’une mesure décidée par une autre administration et non parce que les faits dénoncés n’étaient pas établis.

Il est en outre versé de nombreuses attestations de salariées qui soulignent des propos injurieux de Mme [I] sur d’autres salariées (particulièrement sur Mme [G] et son poids), sur M. [O] («’coco et sa bobonne’») ou sur des patients, une mauvaise gestion des contrats et des plannings entraînant des conflits entre les salariés.

Il est ainsi établi que 2 salariées ont dénoncé en février 2012 des agissements à leur égard de la part de Mme [I], auprès du procureur de la république de GAP et que dans la présente procédure, sans qu’il ne soit versé de signalements antérieurs, des salariées dénoncent un mauvais management de Mme [I].

Sur l’utilisation qualifiée d’excessive du téléphone portable par Mme [I], l’association BIEN CHEZ SOI produit pour en justifier des factures de «’téléphone’» pour 2009, 2010 et 2011 sur lesquelles il n’est pas possible d’isoler la consommation de la salariée. Sont en outre produites les factures de la ligne utilisée par la salariée qui oscillent entre 219 et 618 € par mois de février à décembre 2011 ainsi que l’audit des comptes 2010,2011 et 2012 qui relèvent pour cette ligne une dépense en 2011 de 5470 €. Il convient de relever que les factures antérieures ne sont pas produites, ce qui ne permet pas de procéder à une comparaison. Surtout aucun élément n’est versé pour démontrer que cette consommation ne serait pas en lien avec les tâches de la salariée. Ce grief n’est pas établi.

Au vu de ce qui précède et des griefs multiples jugés établis, parmi lesquels figurent celui d’une insubordination en février 2012 et d’un départ en formation à cette même période en ne laissant pas l’accès à son bureau alors que l’association était en grande difficulté financière mais encore des difficultés relationnelles de la salariée avec une partie de ses subordonnées, il convient de juger que ces faits présentaient un degré de gravité tel qu’ils rendaient impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise et que le licenciement pour faute grave est fondé.

Mme [I], par voie de confirmation de la décision déférée, doit donc être déboutée de ses demandes d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité de licenciement et d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la concurrence déloyale :

Mme [I] expose que’:

– Le principe de liberté du travail et de libre établissement permet au salarié qui n’est pas lié par une clause de non concurrence d’occuper un emploi dans une entreprise concurrente ou de créer lui-même une telle entreprise après l’expiration de son contrat de travail sous réserve d’exercer cette activité dans des conditions loyales’;

– L’association [I]-LYDIA’S [V] SERVICES POLYVALENTS D’AIDES n’avait pas la même fonction que l’association BIEN CHEZ SOI qui est un Service de Soins Infirmiers à Domicile (SSIAD) financé par l’ARS alors que l’association [I]-LYDIA’S [V] SERVICES POLYVALENTS D’AIDES propose des Services Polyvalents d’Aides (accueil de jour) financée par le Conseil Général, les deux associations ne visent pas les mêmes catégories de personnes et enfin elle n’a pas fonctionné ;

– L’association BIEN CHEZ SOI ne rapporte pas la preuve de quelconques agissements entrainant la désorganisation de l’entreprise de l’ancien employeur, de trouble commercial ou d’une confusion dans l’esprit de la clientèle.

L’association BIEN CHEZ SOI expose que dès le 27 janvier 2012, Mme [I] a, avec deux autres salariées, créé une association déclarée en préfecture des Hautes-Alpes ayant pour raison sociale : « ASSOCIATION [I]-LYDIA’S [V] SERVICES POLYVALENTS D’AIDES ». Cette association a fait l’objet d’une parution dans le journal officiel (JO) le 18 février 2012. Son objet social est identique à celui de l’association BIEN CHEZ SOI et son siège social se situe dans le ressort des activités de son ancien employeur.

Réponse de la Cour,

En l’espèce il est constant que la salariée n’a signé aucune clause de non concurrence et qu’une «’ASSOCIATION [I]-LYDIA’S [V] SERVICES POLYVALENTS D’AIDES’» a été créée avec deux autres salariées (Mme [G] et Mme [V]) le 27 janvier 2012 (JO du 18 février 2012).

Cette association, «’loi de 1901’», propose des «’Services Polyvalents d’Aides’», accueil de jour, et est financée par le Conseil Général tandis que l’association BIEN CHEZ SOI propose un Service de Soins Infirmiers à Domicile (SSIAD) et est financée par l’ARS.

Il n’est tout d’abord pas démontré que le public concerné soit le même que celui visé par l’association BIEN CHEZ SOI. Il n’est en outre pas démontré de la réalité de la désorganisation de l’association, du trouble commercial ou d’une confusion dans l’esprit de la clientèle.

Au surplus, s’il est constant que cette association a été créée avec deux autres salariées se trouvant elles aussi en contentieux avec l’employeur, Mme [I] affirme, sans être démentie, que l’association n’a pas fonctionné et qu’elle n’a reçu aucune rémunération. L’existence d’un préjudice n’est enfin pas démontrée par l’association BIEN CHEZ SOI.

L’existence d’une concurrence et donc de l’exécution déloyale du contrat de travail n’étant pas démontrée, la demande reconventionnelle de l’association BIEN CHEZ SOI doit être rejetée par voie d’infirmation de la décision déférée.

Sur la demande reconventionnelle formulée par l’association BIEN CHEZ SOI de remboursement des trop perçus de salaires :

Mme [I] fait valoir que cette demande est partiellement prescrite en ce qu’elle a été formulée pour la première fois en aout 2012 et que la condamnation éventuelle ne pourra pas concerner les années de 2005 à 2008. En outre, l’association qui avait connaissance de ce prétendu indu a persisté dans le règlement des salaires jusqu’à son départ.

Concernant la prescription de la demande pour la période de 2005 à 2008, l’association BIEN CHEZ SOI fait valoir que Mme [I] admet que les conclusions du 13 août 2012 ont interrompu le délai de prescription qui était, en 2012, de 5 ans. La demande la plus ancienne porte sur un trop-perçu de juin à juillet 2008, il n’y a donc pas prescription. Sur le fond, suite à l’ampleur du déficit 2011 et suite au départ de Mme [I], des irrégularités financières ont été mises à jour ainsi que des trop-perçus. Mme [I] ne pouvait ainsi prétendre au paiement d’heures supplémentaires et d’astreintes et il y a eu une régulation de salaire indue résultant de l’incidence de l’attribution d’un coefficient erroné s’agissant de la rémunération de Mme [I] à compter d’octobre 2010 de 691 au lieu de 635.

Réponse de la Cour,

Il résulte de l’article L. 3245-l du code du travail dans sa version applicable avant le 17 juin 2013 que l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par cinq ans conformément à l’article 2224 du code civil.

Sur la prescription de la demande reconventionnelle formulée par l’association BIEN CHEZ SOI, il convient de rappeler que conformément aux dispositions de l’article L. 3245-1 du code du travail dans sa version en vigueur à la présente espèce, l ‘action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l’exercer. A compter de l’entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013, l’action se prescrit par trois ans mais dans la limite du délai initial s’agissant des prescriptions en cours.

En l’espèce, lors de l’introduction de l’instance, la prescription était de 5 ans et cette demande reconventionnelle ayant été formulée par conclusions en date du 13 août 2012, le point de départ de l’action partait en conséquence du 13 août 2007.

L’instance devant le conseil de prud’hommes de Gap s’est poursuivie, le tribunal ayant ordonné un sursis à statuer le 29 avril 2013, puis un deuxième le 3 Novembre 2014. Ces sursis à statuer entraînent, en application des dispositions de l’article 378 du code de procédure civile, un effet suspensif de toutes les actions. L’action n’est en conséquence pas prescrite et au surplus, il n’est sollicité aucune demande de remboursement concernant une période antérieure au mois d’août 2007.

Sur le fond de la demande de remboursement des sommes perçues au titre des heures supplémentaires, il a été jugé que Mme [I], cadre dirigeant, ne pouvait prétendre au paiement d’heures supplémentaires et la demande formulée à ce titre a été rejetée ainsi que celle au titre des astreintes.

L’URIOPSS et l’ARS relèvent que Mme [I] a perçu des sommes indues durant la relation contractuelle au titre d’heures supplémentaires, des astreintes mais encore en raison d’une application erronée du coefficient de classification et de régularisations de salaires non justifiées.

Il convient de relever que Mme [I] est taisante sur ce dernier point et n’objecte aucun moyen quant à cette erreur de calcul.

En conséquence, par voie de confirmation de la décision déférée Mme [I] est condamnée à rembourser à l’association BIEN CHEZ SOI les sommes suivantes’:

– 14 773,95 € au titre de l’indu de salaire pour heures supplémentaires,

– 3’068,40 € au titre de l’indu de salaire pour astreintes,

– 29’467 € au titre de l’indu de salaire pour trop-perçu.

Sur les demandes accessoires :

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.

Il convient de condamner Mme [I], partie perdante, aux entiers dépens et à la somme de’1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE Mme [I] recevable en son appel,

CONFIRME le jugement du’25 mai 2020 rendu par le conseil des prud’hommes de Gap ce qu’il a’:

– Débouté Mme [I] de sa demande de résolution judiciaire de son contrat de travail.

– Débouté Mme [I] de sa demande de dommages et intérêts pour 111 145 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– Débouté Mme [I] de sa demande de dommages et intérêts pour 50 000 euros pour harcèlement moral.

– Débouté Mme [I] de sa demande de 74 095.56 euros au titre d’indemnité de licenciement.

– Débouté Mme [I] de sa demande de 37 047.78 euros à titre d’indemnité compensatoire de préavis et de la somme de 3 704.77 euros au titre des congés payés y afférents.

– Dit que l’association BIEN CHEZ SOI n’a pas manqué à son obligation de sécurité et débouté Mme [I] de sa demande de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

– Débouté Mme [I] de l’ensemble de ses demandes à titres subsidiaire et infiniment subsidiaire.

– Condamné Mme [I] à rembourser à l’association BIEN CHEZ SOI les sommes de :

– 14 793.95 euros au titre des heures supplémentaires

– 3 068.40 euros au titre des astreintes

– 29 467 euros au titre des salaires indûment payés

– Condamné Mme [I] à payer 1 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile à l’association BIEN CHEZ SOI.

– Ordonné l’exécution provisoire pour le recouvrement des sommes que Mme [I] est condamnée à payer à l’association BIEN CHEZ SOI.

– Condamné Mme [I] aux entiers dépens de l’instance.

– Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

L’INFIRME pour le surplus,

STATUANT à nouveau sur les chefs d’infirmation,

REJETTE la demande formulée par l’association BIEN CHEZ SOI au titre de la concurrence déloyale,

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme [I] à payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens en cause d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry CHARBONNIER, conseillère faisant fonction de présidente, et par Madame Mériem CASTE-BELKADI, greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La greffière La présidente

 


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