Diffamation : décision du 6 mars 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 17-21.936

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Diffamation : décision du 6 mars 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 17-21.936
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SOC.

LG

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 6 mars 2019

Rejet

M. CHAUVET, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 331 F-D

Pourvoi n° V 17-21.936

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. F… C…, domicilié […] ,

contre l’arrêt rendu le 24 mai 2017 par la cour d’appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l’opposant à la société Y… La Grande Marque, société anonyme, dont le siège est […] ,

défenderesse à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 29 janvier 2019, où étaient présents : M. Chauvet, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Barbé, conseiller référendaire rapporteur, M. Maron, conseiller, Mme Jouanneau, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Barbé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. C…, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Y… La Grande Marque, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué ( Bordeaux, 24 mai 2017), que M. C…, engagé le 3 octobre 2005 par la société Y… La Grande Marque en qualité de directeur commercial de la région ouest, a été licencié le 14 janvier 2014 ;

Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de juger que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi, l’employeur ne pouvant licencier un salarié en lui reprochant un comportement qu’il a toléré, encouragé ou provoqué ; que la cour d’appel a considéré que le licenciement était fondé en raison de l’envoi par le salarié d’un courriel début novembre 2013 alors qu’il avait déjà été avisé en juin et juillet 2013 de la nécessité de modérer ses propos ; qu’en se déterminant au vu d’entretiens de juin-juillet 2013 avec des personnes autres que l’employeur et d’un courrier du 3 juillet 2013 mentionnant expressément qu’il ne s’agissait pas d’un avertissement, sans s’expliquer sur les courriels de l’employeur des 1er et 4 novembre 2013 dans lesquels celui-ci, loin de s’offusquer des critiques et de la façon de s’exprimer du salarié, l’avait encore remercié pour sa franchise, en indiquant qu’il respectait le courage dont il faisait preuve en disant ce que beaucoup n’oseraient pas dire, en reconnaissant le caractère pertinent de ses réflexions et en l’encourageant à continuer à s’exprimer, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard des articles L. 1121-1, L. 1235-1, L. 1235-3 du code du travail ;

2°/ que sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise de sa liberté d’expression ; qu’il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ; qu’en considérant le licenciement justifié au vu du courriel du salarié du 2 novembre 2013 (daté par erreur du 4 novembre 2013), quand ledit courriel, envoyé uniquement à l’employeur, avec copie au directeur des ressources humaines et d’un directeur général, et qui ne comportait aucun propos injurieux, diffamatoire ou excessif, ne caractérisait pas un abus de la liberté d’expression, la cour d’appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1235-1, L. 1235-3 du code du travail, ensemble l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

3°/ que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu’en se référant à des courriels des 4 et 5 juillet 2013 qui n’étaient pas visés dans la lettre de licenciement et à de « nombreux mails », sans préciser sur quels documents elle se fondait, quand, dans la lettre de licenciement, l’employeur avait uniquement fait état de courriels des 29 octobre, 2 novembre et 10 novembre 2013, lesquels ne caractérisaient pas un abus de la liberté d’expression, la cour d’appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1232-6, L. 1235-1, L. 1235-3 du code du travail, ensemble l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

4°/ qu’il appartient aux juges d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur ; que la cour d’appel a retenu que le procès-verbal de la réunion extraordinaire du comité d’éthique du 9 janvier 2014 attestait que les propos du salarié étaient incompatibles avec les valeurs essentielles contenues dans le code éthique de CLGM, qu’il avait remis en cause les compétences, l’honnêteté et l’intégrité de certains de ses collègues, et qu’il avait porté des accusations graves vis-à-vis de son supérieur hiérarchique ; qu’en se déterminant de la sorte, quand il appartient au juge de rechercher et de caractériser lui-même si le salarié a adopté un comportement fautif, la cour d’appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1235-1, L. 1235-3 du code du travail, ensemble l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

5°/ que les propos tenus par le salarié doivent être appréciés en fonction du contexte et du but poursuivi par le salarié ; que le salarié, en sa qualité de directeur commercial, s’était impliqué inconditionnellement dans la réussite de la mission qui lui était confiée en consacrant tout son temps et son énergie à la stratégie de développement de l’entreprise mais certains comportements, choix et orientations adoptés par la direction et par certains salariés compromettaient tous ces efforts et avaient pour conséquence de réduire considérablement le budget de l’équipe commerciale qu’il dirigeait, motivant des courriels dans lesquels il exprimait son mécontentement, ses préoccupations et réflexions au vu d’anomalies et de dysfonctionnements qu’il avait constatés ; qu’en considérant que le licenciement était justifié, sans tenir compte du contexte dans lequel le salarié avait envoyé ces courriels, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard des articles L. 1121-1, L. 1235-1, L. 1235-3 du code du travail, ensemble l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

6°/ qu’aucun salarié ne peut être licencié pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ; qu’en se fondant sur la circonstance que le salarié avait proféré des accusations et que le risque pénal pour la société avait été relevé, la cour d’appel a violé l’article 10, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu’ayant constaté que le salarié a adressé à son employeur, en le communiquant au directeur des ressources humaines et à un directeur général, un courriel, rédigé dans des termes outranciers, en utilisant des insinuations, mettant en cause la compétence et l’intégrité de son supérieur hiérarchique, de l’actionnaire, des membres du conseil de surveillance, du directeur financier et d’un partenaire commercial et de nature à le faire apparaître aux yeux des autres salariés comme le véritable dirigeant de la société, la cour d’appel a pu en déduire, après avoir relevé que le salarié avait reçu un avertissement pour des propos de même nature tenus peu de temps avant, qu’il caractérisait un abus dans l’exercice de sa liberté d’expression ; qu’exerçant les pouvoirs qu’elle tient de l’article L. 1235-1 du code du travail, elle a décidé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse ; que le moyen n’est pas fondé ;

 


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