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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 8
ARRET DU 30 JUIN 2022
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/04721 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCEH5
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Juin 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/03234
APPELANTE
Madame [I] [O]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Ghislain DADI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0257
INTIMÉE
S.A.S. PRINTEMPS
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Agnès VIOTTOLO, avocat au barreau de PARIS, toque : R011
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente, rédactrice
Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère
Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée
Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Sonia BERKANE, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [I] [O] (la salariée), a été engagée le 1er septembre 2010, en qualité de conseiller clientèle et services personnalités, (ou ‘personnal shopper’), par la société Printemps (la société).
La convention collective applicable à la relation de travail est celle relative aux grands magasins populaires.
Le 22 décembre 2017, lui était notifiée une sanction disciplinaire, qualifiée de ‘note professionnelle’.
Le 7 novembre 2018, la salariée était convoquée à un entretien préalable fixé au 19 novembre suivant et le 30 novembre 2018, elle était licenciée, la société la dispensant d’exécuter le préavis de deux mois dont elle bénéficiait.
Contestant le bien fondé des mesures prises à son encontre et estimant que lui restait notamment dû un rappel de salaire sur rémunération variable, Mme [O] saisissait le conseil des prud’hommes de Paris le 17 avril 2019 pour faire valoir ses droits.
Par jugement du 10 juin 2020, notifié aux parties le 25 juin suivant, cette juridiction a :
– débouté Mme [O] de l’ensemble de ses demandes
– débouté la SAS Printemps de sa demande reconventionnelle – condamné Mme [O] aux dépens de l’instance.
Par déclaration du 17 juillet 2020, Mme [O] a interjeté appel.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 24 février 2022, elle demande à la Cour :
– d’infirmer le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
A titre principal
– de fixer le salaire mensuel brut Mme [O] à 6 567,24 euros
– de dire et juger le licenciement nul (à titre principal),
– de dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse (à titre subsidiaire),
– de condamner la société Printemps au paiement des sommes de :
– 2 081,46 euros au titre du reliquat de l’indemnité de licenciement,
– 157 613,76 euros au titre de l’indemnité de licenciement nul (à titre principal)
– 157 613,76 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse (à titre subsidiaire),
– 55 821,54 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse (à titre infiniment subsidiaire),
A titre subsidiaire
– de fixer le salaire mensuel brut de Mme [O] à 5 877,76 euros
– de dire et juger le licenciement nul (à titre principal)
– de dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse (à titre subsidiaire)
– de condamner la société Printemps au paiement des sommes de :
– 141 066,24 euros au titre de l’indemnité de licenciement nul (à titre principal)
– 141 066,24 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse (à titre subsidiaire),
– 49 960,96 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse (à titre infiniment subsidiaire),
En tout état de cause,
– d’annuler la sanction disciplinaire du 22 décembre 2017,
– d’ordonner à la société Printemps de communiquer :
– l’accord d’entreprise France Printemps sur l’aménagement et la réduction du temps de travail du 29 janvier 2001,
– des documents sur le chiffre d’affaire de la société Printemps des années 2016, 2017 et 2018,
– de condamner la société Printemps au paiement des sommes de :
-142 000 euros au titre du rappel des salaires sur la rémunération variable,
-14 200 euros au titre des congés payés afférents,
– 67 886,64 euros au titre du rappel des salaires sur les heures supplémentaires,
– 6 788,66 euros de congés payés afférents,
– 39 403,44 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé à titre principal (si prise en compte du salaire à titre principal à hauteur de 6 567,24 euros)
– 35 266,56 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé à titre subsidiaire (si prise en compte du salaire à titre subsidiaire à hauteur de 5 877,76 euros)
– 1 000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat
– 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
– de dire que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le conseil de prud’hommes tandis que les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonné conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil, devenant l’article 1343-2 du code civil.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 18 novembre 2020, la société demande au contraire à la Cour :
– de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris en date du 10 juin 2020 en ce qu’il a débouté Madame [O] de l’ensemble de ses demandes et condamné Madame [O] aux dépens de l’instance ;
– d’infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris en date du 10 juin 2020 en ce qu’il a débouté la SAS Printemps de sa demande reconventionnelle ;
Dès lors,
– de condamner Madame [O] à payer la somme de :
-1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 8 mars 2022 et l’affaire a été appelée à l’audience du 19 avril 2022 pour y être plaidée.
Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.
MOTIFS
I- sur l’exécution du contrat de travail,
A- sur la rémunération variable,
Aux termes de l’article 7 du contrat de travail, intitulé ‘rémunération et avantages’, il est stipulé que la salariée percevra dans le cadre de son activité :
– une rémunération brute mensuelle fixe de 2 400 euros,
– une prime de fin d ‘année selon les modalités en vigueur au sein de la société,
Il est encore précisé qu’elle est éligible ‘au versement d’une part variable dans les conditions prévues par les règles et usages applicables dans l’entreprises. Les modalités de calcul et de paiement résultent des pratiques et décisions de l’entreprise et n’ont pas de valeur contractuelle.
Chaque année les modalités de calcul de cette rémunération variable basée sur des objectifs ainsi que la fixation de vos objectifs seront précisés dans une note d’information.
Il est expressément convenu qu’il sera déduit du montant de cette rémunération variable basée sur des objectifs le montant qui vous serait éventuellement dû au titre de la prime de résultat ayant le même objet, telle que prévue à l’article. 10.1 de l’accord sur l’aménagement et la réduction du temps de travail en vigueur au sein de la société Printemps.
Vous bénéficiez en outre des congés payés en fonction des dispositions législatives, réglementaires, conventionnelles applicables dans la société’.
Constatant que lors de son entretien annuel de 2017, il avait été relevé par l’évaluateur qu’elle avait développé de façon croissante son chiffre d’affaire à hauteur de 4,9 millions d’euros soit 7% de plus qu’en 2016, la salariée fait observer qu’elle a pourtant perçu chaque mois une rémunération variable fixe à hauteur de 2 200 euros soit 26 400 euros et donc à peine 0,5% du chiffre d’affaire individuel, ce qui ne coïncidait pas avec la note d’information sur la rémunération variable 2010-2011 fixant à 1% du chiffre d’affaire individuel réalisé le montant de cette rémunération variable, ni avec le taux fixé en 2012 à hauteur de 1,5%.
Elle constate un différentiel de 47 100 euros par an, soit 141 300 euros pour les années 2016, 2017 et 2018.
Conformément aux dispositions contractuelles ci-dessus rappelées la société démontre avoir dans une note établie pour l’année 2014-2015, fixé la rémunération variable à 1,5% du chiffre d’affaire individuel dans la limite d’un plafond de 2 200 euros.
A défaut de toute autre note postérieure et de contestation par la salariée de ce que qu’elle en ait eu connaissance, ce sont les éléments qui y sont définis qui doivent être retenus, en particulier s’agissant du plafond applicable.
Il ne peut donc être fait grief à l’employeur d’avoir limité au plafond de 2 200 euros le montant versé au titre de la rémunération variable.
Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a rejeté la demande formée de ce chef.
S’agissant de la rémunération variable trimestrielle indexée sur l’excellence de la relation client, la même note précise qu’elle est de 400 euros pour un objectif atteint et de 700 euros pour un objectif dépassé, l’évaluation de la contribution du salarié à l’excellence de la relation client étant prévue trimestriellement.
Pour limiter la somme reçue en janvier 2018 à 400 euros, l’employeur fait référence à l’entretien annuel tenu le 23 juin 2018.
Cependant ce document ne démontre pas l’effectivité d’une évaluation trimestrielle conforme aux modalités prévues par la note et constatant l’atteinte de l’objectif et non son dépassement pour la période ayant donné lieu au versement de janvier 2018.
Sans autre élément permettant de justifier la limitation ainsi imposée à la salariée, il y a lieu de faire droit à sa demande et de lui allouer de ce chef la somme de 300 euros.
Le jugement entrepris doit être infirmé de ce chef.
B- sur les heures supplémentaires,
1) sur la convention de forfait en heures,
En vertu de l’article L. 3121-42 du code du travail dans sa rédaction applicable à l’espèce, ‘peuvent conclure une convention individuelle de forfait en heures sur l’année dans la limite de la durée annuelle de travail applicable aux conventions individuelles de forfait fixée par l’accord collectif :
– les cadres (…),
– les salariés qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps.
Selon l’article 6 du contrat de travail, la salariée devait effectuer 1607 heures de travail dans l’année soit 35 heures en moyennes par semaine.
Il était également précisé qu’en raison de la finalité de sa fonction, elle serait amenée à être présente aux côtés de la clientèle au sein du magasin aux moments de fermetures (quotidiennes ou nocturnes exceptionnelles), les samedis, ainsi que potentiellement les jours fériés et dimanches pendant lesquels le magasin serait ouvert, selon un calendrier de travail qui lui sera communiqué par sa hiérarchie, et dans le respect de la législation en vigueur, ainsi que des conventions et accords qui s’appliquent à la société.
La salariée conteste en premier lieu le fait qu’elle puisse être soumise à une convention de forfait en heures dès lors qu’elle n’appartient pas à la catégorie des cadres mais à celle des agents de maîtrise (ETAM).
Cependant de ce qui précède, il résulte que les salariés autres que cadres peuvent être soumis à une convention de forfait en heures.
En deuxième lieu, la salariée soutient qu’il n’est pas démontré que sa catégorie d’emploi nécessitait la conclusion d’un forfait, ce dont il faut déduire qu’elle considère ne pas avoir l’autonomie requise dans l’organisation de son emploi du temps, tirant de l’obligation de badger et des relevés de ses états de présence la preuve de cet état de fait.
Cependant le fait de conclure une convention forfait ne soustrait pas l’employeur à son obligation de contrôle du temps de travail effectif , l’utilisation d’un compteur pour ce faire ne démontrant pas l’absence d’autonomie de la salariée dans l’organisation de son emploi du temps.
Cette absence d’autonomie n’est pas autrement caractérisée, le rejet de la demande tendant à la remise en cause à ce titre de la convention de forfait devant être confirmé.
En troisième lieu et bien que sollicitant la nullité de la convention de forfait à laquelle elle était soumise, la salariée invoque à ce titre l’absence d’entretien annuel dédié au temps de travail, sans se référer à l’éventuelle insuffisance de l’accord collectif la sous tendant.
Sur ce point, l’employeur verse aux débats un état de présence de la salariée sur une période courant du 1er octobre 2018 au 4 février 2019, document qui démontre la réalité d’un comptage mais non d’un suivi effectif de la charge de travail de sa salariée ni de son adéquation avec sa vie personnelle.
A ce titre la convention de forfait est inopposable à Mme [O] qui peut dès lors prétendre au paiement d’heures supplémentaires.
2) sur les rappels de salaires pour heures supplémentaires,
En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, en vertu de l’article L. 3171-4 du Code du Travail, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires.
A l’appui de sa demande, la salariée fait référence à ses bulletins de salaire et à une moyenne de 20 heures supplémentaires par semaine.
Ces éléments ne sont pas suffisamment précis quant aux heures qu’elle prétend avoir effectuées sans en être rémunérée, observation étant faite qu’apparaissent sur ses bulletins de salaire des absences autorisées rémunérées et une mention ‘droit RCD en heures’ sur les états de pointages confortant l’évocation par l’employeur des repos compensateurs alloués.
Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a rejeté la demande formée de ce chef.
Il doit également l’être en conséquence s’agissant de la demande afférente à l’indemnité pour travail dissimulé.
C- sur la sanction du 22 décembre 2017,
La salariée conteste le bien fondé de la sanction en faisant valoir qu’elle avait usé de sa liberté d’expression en communiquant sur les lacunes de son manager afin qu’il puisse s’améliorer, mais sans le dénigrer ni l’avoir mis en cause publiquement, soulignant que l’intéressé auquel elle avait rappelé une simple règle de savoir-vivre et de bon sens n’avait pas été retenu par l’employeur à l’issue de la période d’essai.
Aux termes de l’article L. 1331-1 du Code du Travail, constitue une sanction toute mesure autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
L’employeur doit fournir les éléments retenus pour prendre la sanction.
Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, la juridiction forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin, toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Par ailleurs, en référence à l’article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 11 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le salarié jouit dans l’entreprise et hors de celle-ci de sa liberté d’expression, sous réserve de respecter ses obligations de discrétion et de loyauté.
Cette liberté l’autorise à tenir des propos sur l’organisation et le fonctionnement de l’entreprise.
La lettre aux termes de laquelle la salariée a été sanctionnée et dont les termes fixent les limites du litige lui fait grief d’avoir, le 23 novembre 2017, adressé, à destination de son manager, mais sur un groupe commun de communication de l’équipe ‘Shopping personnalisé’, un message lui demandant de ne pas rentrer sans frapper dans les cabines, cette mise en cause publique de sa hiérarchie ayant été suivie d’une entrevue avec l’intéressé, au cours de laquelle la salariée s’est ’emportée, hurlant et tenant sur un ton agressif des propos menaçants et déplacés’ à son encontre.
L’employeur relève que la salariée a ‘notamment indiqué à son manager, parlant au nom de l’équipe, ‘qu’il n’était pas apprécié, ni considéré’, précisant ‘que Mme P.de B., était sa seule manager’ (…) , indiquant qu’elle ‘comprenait son stress du fait de sa situation en période d’essai’ et enfin qu’elle avait ‘fait allusion à sa ‘sensibilité homosexuelle’ avant de quitter le bureau’ sur l’invitation de son manager ‘très affecté par cet échange’, puis de revenir présenter ses excuses en le prenant dans ses bras.
La lettre précise que la salariée a ‘reconnu pendant l’entretien n’avoir pas initialement compris le positionnement de M O’., en qualité de manager et admis que sa réaction ‘n’était pas adaptée mais qu’elle n’emportait aucune intention de nuire’ de sa part ‘compte tenu de l’esprit familial existant au sein de l’équipe’.
L’employeur verse aux débats le message adressé par la salariée sur la conversation commune aux membres du service auquel elle appartenait, dont rien ne caractérise l’aspect injurieux, diffamatoire ou excessif, alors par ailleurs qu’aucun élément ne met la cour en mesure de retenir la réalité des faits relevés durant l’entrevue qui a suivi la diffusion du message litigieux, et tenant à une agressivité, à des propos menaçants voire à une allusion sur la ‘sensibilité homosexuelle’ de son interlocuteur.
En revanche, il doit être retenu que Mme [O] a violé son obligation de discrétion et de loyauté vis à vis de son supérieur hiérarchique dès lors qu’ainsi que la lettre le stigmatise expressément, elle a donné à son message une publicité en le diffusant non seulement à son manager, mais sur le groupe commun de l’équipe shopping et dont tous les membres ont dès lors eu connaissance, ce que la réponse que lui a apportée son destinataire direct personnellement mis en cause démontre puisqu’il y invite la salariée, si elle veut le ‘contacter personnellement’, à lui envoyer un message, un mail ou à ‘prendre la peine de décrocher’ son téléphone.
Le bien fondé de la sanction prise est en conséquence établi, ce d’autant que la salariée ne remet pas en cause les précédentes sanctions dont elle a fait l’objet et tenant toutes à des comportements du même ordre.
Le jugement ayant rejeté la demande d’annulation de la sanction doit donc être confirmé.
II- sur la rupture du contrat de travail,
La lettre de licenciement dont les termes fixent les limites du litige fait grief à la salariée d’avoir adopté un comportement et eu des propos inappropriés à l’encontre d’une cliente Mme G., dans le cadre d’un échange téléphonique sur l’application Whatsapp, la cliente ayant dans un premier temps montré ce message à un conseiller clientèle et service personnalisé en lui indiquant qu’elle ne souhaitait plus venir à l’espace mode femme craignant de croiser la salariée.
L’employeur rappelle qu’ensuite la cliente a informé la responsable adjointe de la direction du service shopping personnalisé en lui transmettant le message en cause.
Il souligne que le message ‘dans son intégralité, tant pas vos propos, votre ton, le contenu, le manque de distance à l’égard de la cliente, l’absence de respect à l’égard de cette dernière mais aussi envers vos collègues est en totale contradiction avec ce que nous attendons d’un conseiller clientèle et service personnalisé au sein du printemps.
L’employeur relève encore que si la salariée a, via son métier, un rapport privilégié avec les clients, il ne lui autorise à aucun moment à adopter une telle attitude ou à tenir de tels propos quelles que soient les circonstances quand bien même aurait elle l’habitude de travailler avec cette cliente depuis plusieurs années.
Sont rappelés des extraits du message adressé et le fait que la salariée a ainsi reproché à la cliente d’avoir sollicité les services de l’un de ses collègues et tenu des propos la rabaissant en lui indiquant que sans elle, elle n’aurait pas eu connaissance de certains services proposés, tel que le salon.
En conclusion de ce premier fait, il est constaté que cette attitude est la preuve d’un manque de distance avec ses clients, la salariée étant incapable de faire la différence entre les relations professionnelles et les relations personnelles et se permettant de s’adresser à ses clients avec familiarité, agressivité voire vulgarité sans jamais prendre conscience qu’elle représente le Printemps et qu’il ne s’agit nullement de relations personnelles.
Il lui est par ailleurs reproché d’avoir fait preuve dans ce même message d’un dénigrement ouvert de ses collègues, à l’encontre desquels la salariée s’est montrée déloyale et vulgaire ou insultante, l’employeur soulignant qu’à plusieurs reprises la salariée avait déjà été alertée sur sa communication et la nécessaire distance par rapport à son métier.
En premier lieu, Mme [O] conteste être l’auteur du message incriminé adressé le 24 octobre 2018 à Mme [W].
Cependant elle verse en pièce N° 42 la copie d’un échange qu’elle reconnaît avoir eu avec la cliente en cause concernant une invitation qu’elle lui a faite le 17 octobre 2018 pour un événement particulier, ce document comportant en pied de page, sous la date du 24 octobre 2018, le début du message incriminé dans la lettre de licenciement et reproduit in extenso dans le signalement formalisé auprès de la supérieure hiérarchique du service, Mme de B., (P. 12 de l’employeur), aucun élément ne permettant de remettre en cause l’attribution qui lui a été faite des propos ainsi adressés.
Par ailleurs, la salariée soutient que le message adressé s’inscrit dans le cadre de sa vie privée dès lors qu’elle avait développé avec la destinataire des liens d’amitié étroits, leur collaboration professionnelle datant de plus de sept ans.
De l’article 9 du code civil aux termes duquel la loi garantit à chacun le respect de sa vie privée, il résulte que l’employeur ne peut s’immiscer dans les affaires personnelles de ses salariés.
Cependant, quand bien même des échanges de messages de type SMS démontrent-ils une certaine proximité entre la salariée et Mme [W]., la qualité de cliente de cette dernière résulte de ces mêmes échanges tels que reproduits dans les pièces 34 et 35 de la salariée et dans lesquels il est fait référence de manière récurrente, au milieu d’autres considérations plus personnelles, à tel ou tel produit disponible ou non ou à telle marque de vêtements sur lesquels sont portés des appréciations.
Les termes du message litigieux du 24 octobre 2018, ne sont pas davantage éloignés de la vie professionnelle de la salariée puisque cette dernière invite la destinataire ‘à revenir travailler avec [elle]’, après avoir ‘apprécié tout ce qu’elle a fait pour [elle] pendant sept ans, la référence à l’activité de ‘personnal shopper’ étant évidente .
Mme [O] fait ainsi référence expressément à son travail reprochant aussi à sa cliente ‘de partir et de travailler’ avec deux autres ‘personnal shoppers’ ([F] et [U]).
Ainsi ne peut -il être considéré que le message adressé à Mme G. s’inscrivait dans le cadre de la vie privée, son contenu démontrant au contraire qu’il était en rapport avec la vie professionnelle de son expéditrice.
Il ne peut être davantage retenu comme le soutient la salariée que ce message restait dans les limites de sa liberté d’expression.
Ainsi qu’il a été rappelé ci-dessus, le salarié bénéficie de sa liberté d’expression dès lors que les propos qui lui sont attribués ne sont ni injurieux, ni diffamatoires ou excessifs.
Il résulte de ce qui précède que le message a été adressé dans le cadre professionnel à une cliente du Printemps dont Mme [O] était depuis plusieurs années le ‘personnal shopper’.
En exposant à cette dernière qu’au moment de leur rencontre ‘elle ne savait rien de la mode, du luxe, du style’ , en lui reprochant ouvertement de travailler malgré leur longue collaboration avec deux autres collaborateurs qu’elle lui avait précédemment présentés, en écrivant et en ponctuant ses mots de points d’exclamation ou interrogeant la destinataire sous la forme suivante: ‘et le résultat’ Tu pars et tu travailles avec [F] avec [U], et maintenant je découvre que tu viens au salon travailler avec [P]!! tu as pas honte” , ou encore ‘c’est comme ça que tu montres le respect et la reconnaissance!”, ‘ alors explique moi POURQUOI (sic) tu as besoin de [P] maintenant”’ Pourquoi il mérite de travailler avec toi et moi non alors ”!! Il a fait quoi pour toi”!!’, il doit être considéré que la salariée a tenu des propos excessifs dépassant la liberté d’expression à laquelle elle a droit.
Ce d’autant que le message contient in fine des propos s’analysant en une menace puisque la salariée précise ‘alors: où vous payez avec moi comme avant si vous avez besoin d’un ‘personal shopper’, ou tu me dis pourquoi tu veux plus travailler avec moi et tu veux qqun d’autre parce qu’il est mieux mais tu peux pas continuer à te cacher et payer avec stéphane sur les stands au 2ème étage ou quand je suis pas là!!! c’est vraiment n’importe quoi’.
La réalité des propos inappropriés est donc établie, le premier grief stigmatisé devant être retenu.
Quant au dénigrement de ses collègues il est également contenu dans le message litigieux dans lequel la salariée traite l’un d’entre eux de petit chien ou relate des propos prétendument tenus par un autre sur la destinataire (‘ lui, il voulait même prendre toi et [F] quand je suis partie en vacances parce qu’il a trouvé que vous faites les manipulations et vous avez aucun respect et (…) Rentrez au salon comme chez vous(…)’, ou bien [F] est devenue manipulatrice pour montrer son pouvoir , venger, être méchante, je sais pas pourquoi elle adore manipuler les gens (…).
Le deuxième grief est également établi.
Au regard des précédentes mesures disciplinaires dont l’employeur justifie la réalité, en ce compris celle dont la demande d’annulation a été rejetée et des mises en garde reçues à ces occasions répétées par la salariée relativement à la façon dont elle communiquait avec les membres de son équipe et ses supérieurs hiérarchiques, il y a lieu de considérer que le licenciement prononcé pour faute est bien fondé, aucune prescription des fautes retenues ne pouvant être opposée à l’employeur , le message constituant le fait fautif ayant été adressé le 24 octobre 2018 et le licenciement ayant été prononcé le 30 novembre suivant.
III- sur le salaire de référence,
La salariée fait référence relativement à cette demande à l’article R 1234-4 du code du travail renvoyant aux modalités de calcul de l’indemnité de licenciement, soutenant que le salaire de référence à prendre en considération est de 6 567,24 euros sur la base des douze derniers mois de salaire et non 5 877,76 euros comme l’a retenu le conseil des prud’hommes qui a rejeté la demande ainsi formée.
Cependant l’addition des sommes perçues à titre de salaire sur les douze derniers mois avant le licenciement ne permet pas de retenir le salaire de référence sollicité.
La demande a donc été à juste titre rejetée.
IV- sur les autres demandes,
Mme [O] forme une demande de dommages-intérêts au titre de la violation de l’obligation de loyauté de son employeur sans aucunement fonder ni expliciter la demande ainsi formée, laquelle a été à juste titre rejetée.
Il en est de même de la demande, non autrement explicitée, tendant à la communication de l’accord d’entreprise France Printemps.
En raison des circonstances de l’espèce, il apparaît équitable d’allouer à Mme [O] une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement entrepris SAUF en ce qu’il a rejeté la demande de rappel de salaire au titre de la prime en ce qu’il a rejeté la demande tenant à un rappel de salaire sur la rémunération variable trimestrielle indexée sur l’excellence de la relation commerciale.
INFIRME de ce seul chef, statuant à nouveau du chef infirmé,
CONDAMNE la société Le Printemps à verser à Mme [O] la somme de 300 euros à titre de rappel sur la rémunération variable trimestrielle indexée sur l’excellence de la relation commerciale,
DIT que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation en conciliation,
CONDAMNE la société Le printemps à verser à mme [O], 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés tant en première instance qu’en cause d’appel,
CONDAMNE Mme [O] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE