Diffamation : décision du 3 mars 2020 Cour d’appel de Paris RG n° 19/12564

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Diffamation : décision du 3 mars 2020 Cour d’appel de Paris RG n° 19/12564
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 16

ARRÊT DU 03 MARS 2020

APPEL D’UNE ORDONNANCE DE REFERE

(n° 13 /2020, 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/12564 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAFQH

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Mars 2019 -Président du TC de PARIS – RG n° 2019012152

APPELANTE :

Société MANITOU B , SA

Immatriculée au registre des sociétés de Nantes sous le numéro: 857 802 508

Ayant son siège social : [Adresse 1]

Prise en la personne de ses représentants légaux,

Représentée par Me Michel ABELLO de la SELARL LOYER & ABELLO, avocat au barreau de PARIS, toque : J049, substitué à l’audience par Me Marie LIENS, avocate au barreau de Paris de la SELARL LOYER & ABELLO

INTIMÉE :

Société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED, de droit anglais

Immatriculée au registre des sociétés du Pays de Galles sous le numéro: 561597

Ayant son siège social:[Adresse 2]P -[Localité 3]- ROYAUME-UNI

Prise en la personne de ses représentants légaux,

Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125, ayant pour avocat plaidant Me Marina COUSTE du LLP SIMMONS & SIMMONS LLP, avocate au barreau de PARIS, toque : J097

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 27 Janvier 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. François ANCEL, Président

Mme Fabienne SCHALLER, Conseillère

Mme Laure ALDEBERT, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur François ANCEL dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Clémentine GLEMET

ARRÊT :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par François ANCEL, Président et par Clémentine GLEMET, Greffière à qui à été remise la minute de la décision par le magistrat signataire.

I- FAITS

1. La société Manitou BF (ci-dessous désignée « la société Manitou ») se présente comme une société française créée en 1957 ayant pour activité la fabrication, la vente de machines industrielles, de travaux publics et de levages agricoles.

2. La société J.C. Bamford Excavators Limited (ci-dessous désignée la société « JCB ») est une société de droit anglais qui se présente comme ayant une activité de conception et de fabrication d’engins de type pelles mécaniques, tracteurs ou chargeurs compacts, utilisés pour les travaux publics ou agricoles. Elle est titulaire de plusieurs brevets d’invention dont notamment un brevet portant sur un système de commande pour un appareil de manipulation de charge (brevet européen n°1 532 065) et un brevet portant sur un procédé pour la commande d’une machine de travail (brevet européen n°2 263 965).

3. Le 5 mai 2017, la société JCB a engagé une action en contrefaçon de ses brevets contre la société Manitou, dans le cadre de laquelle le 31 janvier 2019 une ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris, après avoir admis la vraisemblance d’une contrefaçon de brevet, a prononcé une interdiction provisoire envers la société Manitou de fabriquer et de commercialiser certaines machines (celles comportant le dispositif LLMC dans sa « Configuration 1 ») susceptibles de contrefaire son brevet EP 965.

4. Le 22 février 2019, à la veille du Salon International du Machinisme Agricole (SIMA) qui s’est tenu en France, la société JCB a publié sur son site internet, Linkedin et Twitter, un communiqué de presse, en langue anglaise, faisant état de la mesure d’interdiction provisoire visant la société Manitou et résultant de cette décision de justice.

5. Saisie d’un recours en annulation contre l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état, la cour d’appel de Paris a, par arrêt rendu le 13 décembre 2019, après avoir constaté qu’il n’était pas discuté que seule la voie de l’appel-nullité permettrait de faire échec à l’irrecevabilité de l’appel immédiat à l’encontre de la décision qui a prononcé une mesure d’interdiction, déclaré irrecevable la société Manitou en son appel-nullité estimant que l’appréciation faite par le premier juge de l’existence d’une atteinte au titre de propriété industrielle susceptible de justifier la mesure d’interdiction provisoire ne saurait suffire à caractériser un excès de pouvoir et permettre l’ouverture d’un appel normalement différé.

II- PROCÉDURE

6. Estimant que le communiqué de presse publié par la société JCB constituait un acte de dénigrement, la société Manitou a, par assignation en référé du 26 février 2019, saisi le Président du Tribunal de Commerce de Paris pour solliciter des mesures conservatoires à l’encontre de la première et faire cesser le trouble qu’elle estime avoir subi au titre de la concurrence déloyale.

7. Par ordonnance rendue en référé le 21 mars 2019, le Président du Tribunal de commerce s’est déclaré compétent, a déclaré les demandes des parties infondées et les a rejetées.

8. Par une déclaration en date du 21 juin 2019, la société Manitou a interjeté un appel limité de cette ordonnance aux chefs suivants du dispositif, à savoir ceux par lesquels le Président du Tribunal de Commerce de Paris a :

– Dit que les demandes de la SA MANITOU BF sont infondées et les a rejetées,

– Condamné la SA MANITOU BF aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 44,07 euros TTC dont 7,13 euros de TVA.

Et, précisément en ce qu’il n’a pas fait droit aux demandes suivantes de la SA MANITOU BF :

– Dire que le communiqué de presse du 22 février 2019 de la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED est constitutif d’un acte de concurrence déloyale par dénigrement à l’égard de la société MANITOU BF ;

– Prononcer les mesures provisoires suivantes:

* l’interdiction de diffuser et de mettre en ligne le communiqué de presse de la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED publié le 22 février 2019 sur son site, sur sa page Linkedin, son compte Twitter, et sur tout autre support de communication,

* la publication par la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED du dispositif de l’ordonnance à intervenir sur le site de JCB et sa page Linkedin, et sur tout autre de ses supports de communication.

– Dire que ces mesures provisoires devront être exécutées dans un délai de 24 h à compter du prononcé de la décision à intervenir et sous astreinte provisoire de 10.000 euros par infraction et par jour, l’astreinte courant sur 6 mois.

– Ordonner le versement d’une provision par la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED à la société MANITOU BF à hauteur de 200.000 euros à valoir sur la réparation du préjudice subi par l’effet de dénigrement.

– Condamner la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED à verser à la société MANITOU BF la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 CPC, outre le remboursement des frais de constats de l’huissier.

– Condamner la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED en tous les dépens de l’instance.

9. Le 30 octobre 2019, la société JCB a formé un appel incident.

III- PRÉTENTIONS DES PARTIES

10. Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 22 janvier 2020, la société Manitou demande à la Cour de:

– DIRE ET JUGER la société Manitou BF recevable et bien fondée en son appel ;

– CONFIRMER l’ordonnance de référé du Président du Tribunal de Commerce de Paris en date du 21 mars 2019 en ce qu’elle a jugé que le Président du Tribunal de Commerce de Paris était compétent pour statuer sur les demandes de la société Manitou BF ;

– DIRE ET JUGER la société JC. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED irrecevable ou à tout le moins mal fondée en ses demandes, fins et conclusions ;

– CONFIRMER l’ordonnance de référé du Président du Tribunal de Commerce de Paris en date du 21 mars 2019 en ce qu’elle a dit que la demande reconventionnelle de la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED était mal fondée et l’a rejetée ;

– INFIRMER l’ordonnance de référé du Président du Tribunal de Commerce de Paris en date du 21 mars 2019 en ce qu’elle a dit les demandes de la société Manitou BF infondées et les a rejetées ;

Et statuant à nouveau sur ce point :

– DIRE ET JUGER que la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED a commis des actes de concurrence déloyale par dénigrement à l’égard de la société Manitou BF constituant un trouble manifestement illicite ;

En conséquence :

– INTERDIRE à la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED de diffuser et de mettre en ligne le communiqué de presse de la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED publié le 22 février 2019 sur son site, sur sa page LinkedIn, son compte Twitter, et sur tout autre support de communication ;

– ORDONNER à la société J.C BAMFORD EXAVATORS LIMITED de publier le dispositif de l’arrêt à intervenir sur son site Internet, sur sa page LinkedIn, et sur tout autre de ses supports de communication, pendant une durée de trois mois passé un délai de 24h à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir ;

– DIRE ET JUGER que ces mesures devront être exécutées dans un délai de 24h à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir et sous astreinte de 10.000 euros par infraction et par jour, l’astreinte courant sur 6 mois ;

– ORDONNER le versement d’une provision par la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED à la société Manitou BF à hauteur de 200.000 € à valoir sur la réparation du préjudice subi par l’effet du dénigrement ;

– CONDAMNER la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED à verser à la société Manitou BF la somme de 15.000 € au titre de l’article 700 code de procédure civile, outre le remboursement des frais de constats d’huissier.

– CONDAMNER la société J.. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED aux entiers dépens d’appel, dont distraction au profit de Me Michel ABELLO.

11. Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 20 janvier 2020, la société JCB demande à la Cour, au visa des articles 46, 873, 700 du code de procédure civile et de l’article 1240 du Code civil, de :

– DIRE ET JUGER la société MANITOU BF SA irrecevable ou à tout le moins mal fondée en son appel ;

– DIRE ET JUGER la société JC BAMFORD Excavators Ltd recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions ;

– In limine litis et à titre principal :

INFIRMER l’ordonnance du Président du Tribunal de Commerce de Paris du 21 mars 2019 en ce qu’elle a considéré que le Président du Tribunal de Commerce de Paris était compétent pour statuer sur les demandes de la société Manitou BF et, en conséquence, renvoyer la société Manitou devant les juridictions anglaises compétentes.

– A titre subsidiaire :

CONFIRMER l’ordonnance du Président du Tribunal de Commerce de Paris du 21 mars 2019 en ce qu’elle a dit que les demandes de la société Manitou BF étaient infondées ;

INFIRMER l’ordonnance du Président du Tribunal de Commerce de Paris du 21 mars 2019 en ce qu’elle a dit que les demandes de la société JC BAMFORD EXCAVATORS Limited étaient infondées.

En conséquence :

– DIRE ET JUGER que la réponse au communiqué de presse de JCB du 22 février 2019 de la société Manitou BF est constitutive d’un acte de concurrence déloyale par dénigrement à l’égard de la société JC BAMFORD EXCAVATORS Limited et constitutive d’un trouble manifestement illicite ;

– PRONONCER les mesures provisoires suivantes :

– L’interdiction de diffuser et mettre en ligne la réponse au communiqué de presse de JCB construite par Manitou et publiée le 22 février 2019 sur son site Internet www.Manitou.com et sur tout support de communication, en France et à l’étranger, à compter du prononcé de l’ordonnance à intervenir ;

-La publication par la société Manitou BF au début de la page d’accueil du site Internet de Manitou www.Manitou.com de la mention rectificative suivante :

« JCB a communiqué le 22 février 2019 sur la mesure provisoire d’interdiction qui a été prononcée par le Tribunal de Grande Instance de Paris ordonnant à Manitou de cesser toute fabrication, offre en vente, location, détention et utilisation de ses machines pourvues de la fonctionnalité couverte par le brevet EP 2 263 965 dont JCB est la propriétaire.

Cette décision provisoire du Tribunal de Grande Instance de Paris s’applique jusqu’à ce qu’intervienne la décision sur le fond et elle n’est pas susceptible d’appel avant ladite décision sur le fond, contrairement à ce que nous avons écrit dans notre réponse au communiqué de presse de JCB le 22 février 2019 ».

– DIRE ET JUGER que ces mesures provisoires devront être exécutées dans un délai de 24 heures à compter du prononcé de la décision à intervenir et sous astreinte provisoire de 10.000 euros par infraction et par jour, l’astreinte courant sur 6 mois ;

– ORDONNER le versement d’une provision par la société Manitou BF à la société JC BAMFORD EXCAVATORS Ltd. à hauteur de 200.000 euros à valoir sur la réparation du préjudice subi par l’effet du dénigrement ;

– CONDAMNER la société Manitou BF à verser à la société JC BAMFORD EXCAVATORS Ltd. la somme de 30.000 euros, au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, outre le remboursement des frais de constats d’huissier ;

– CONDAMNER la société Manitou BF aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître François TEYTAUD dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

IV ‘ MOYENS DES PARTIES

12. La société Manitou sollicite la confirmation de l’ordonnance en ce que le président du tribunal de commerce s’est déclaré territorialement compétent pour statuer sur sa demande. Elle fait valoir qu’en application de l’article 5.3 du règlement CE n°44/2001 et de l’article 46 du code de procédure civile en matière délictuelle, le demandeur peut saisir à son choix la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle du ressort dans laquelle le dommage a été subi et qu’en matière de dommages causés via internet relevant du domaine de la responsabilité délictuelle générale (hors la contrefaçon), le critère de l’accessibilité du site en France suffit à conférer une compétence territoriale au tribunal de commerce de Paris lorsque conformément au critère posé par l’arrêt de la CJUE du 21 décembre 2016 la violation alléguée est protégée dans l’État de la juridiction saisie, et que les faits reprochés entraînent ou risque d’entraîner le dommage allégué dans le ressort de la juridiction saisie.

13. Elle précise que ces conditions sont en l’espèce réunies dès lors qu’elle reproche à la société JCB d’avoir commis un acte de concurrence déloyale par dénigrement en diffusant son communiqué sur des sites internet accessibles en France tels que jcb.com et Linkedin, tous accessibles en France, et que ce communiqué nuit à sa réputation, son image et ses produits ce qui engage sa responsabilité civile sur le fondement de l’article 1240 du Code civil.

14. Elle ajoute que même si l’on devait retenir le critère de la focalisation, les conditions sont réunies dès lors que de nombreux éléments confirment que le public et le marché français étaient visés par le communiqué de la société JCB, tels que le fait qu’il vise une société française, leader en France dans le domaine des chariots télescopiques ; qu’il ait pour objet d’informer les lecteurs sur le contenu de la décision rendue par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris le 31 janvier 2019, décision uniquement applicable en France ; et qu’il a été diffusé concomitamment au Salon International du Machinisme Agricole qui s’est tenu en région parisienne entre le 24 et le 28 février 2019.

15. Sur le fond, la société Manitou fait valoir que le communiqué de presse de JCB, qui ne porte pas sur un sujet d’un intérêt général, est dénigrant à son égard en ce que notamment il fait état d’une décision non définitive, sans mentionner les voies de recours, que la dénonciation qu’il comporte est partielle et biaisée en ce qu’elle omet notamment de préciser que les demandes sur la base d’un autre brevet (EP 065) qu’elle invoquait ont été rejetées par le juge de la mise en état, et que ce communiqué est trompeur sur la nature de la décision rendue et a été largement relayé par des tiers.

16. Elle s’estime ce faisant fondée à obtenir sur le fondement des articles 872 et 873 du code de procédure civile des mesures propres à faire cesser le trouble manifestement illicite ainsi causé et qui n’a pas cessé, ainsi que le versement d’une provision au titre du préjudice subi faisant valoir notamment qu’il s’infère nécessairement d’actes de dénigrement constitutifs de concurrence déloyale un trouble commercial générant un préjudice, fût-il seulement moral et que compte tenu du l’étroitesse du marché, le communiqué de la société JCB nuit à sa réputation et diminue ses capacités de concurrence et son pouvoir attractif, le risque de voir de nombreux clients se détourner de ses produits pour éviter tout risque de procédure n’étant pas négligeable et son préjudice étant amplifié dans le contexte de la tenue du Salon International du Machinisme Agricole.

17. Enfin, la société Manitou conclut au rejet de la demande reconventionnelle faisant notamment valoir que son communiqué n’est nullement dénigrant et n’a eu pour seul but de rétablir la vérité sur l’auteur de la décision de justice et de préciser qu’elle en avait fait appel.

18. En réponse, la société JCB fait valoir que Président du Tribunal de Commerce de Paris n’est pas compétent pour statuer en référé dans l’affaire en cause dès lors que le critère de la focalisation, qui est seul applicable, n’est pas rempli et que le seul critère de l’accessibilité du site en France est insuffisant. La société JCB soutient que les éléments retenus par le Président du Tribunal de commerce, tels que la nature de la juridiction qui a rendu la décision commentée ainsi que le fait que le Salon International du Machinisme Agricole se tenait en France, sont inopérants, et que le juge aurait uniquement dû rechercher si le site Internet sur lequel était publié le communiqué de presse de JCB visait ou non le public français, ce qui n’est pas le cas au regard de l’utilisation exclusive de la langue anglaise, de l’extension « .com » et du fait que le communiqué de presse émane de la société anglaise JCB, domiciliée en Angleterre, et non de la société JCB France.

19. La société JCB conclut sur le fond à l’absence de trouble manifestement illicite au sens de l’article 873 du code de procédure civile, la violation devant « sauter aux yeux » et justifier « sans contestation possible » qu’il soit mis fin à l’acte perturbateur étant précisé qu’il n’y a en l’espèce ni faute, ni lien de causalité ni de préjudice. Elle conteste l’analyse de la société Manitou selon laquelle seule une décision de justice définitive pourrait faire l’objet d’un commentaire, alors que cette exigence est contraire au principe de publicité des décisions de justice et ne correspond pas à l’état de la jurisprudence qui ne fait pas cette distinction.

20. Elle soutient en outre que le communiqué publié en Grande Bretagne et en anglais ne peut constituer un quelconque abus car il est neutre et loyal dès lors qu’il mentionne dès la première ligne le caractère provisoire de l’interdiction dont la société Manitou fait l’objet et précise l’objet de l’interdiction, à savoir, la référence au numéro du brevet concerné par l’interdiction et l’explication détaillée de la fonctionnalité couverte par ce brevet de sorte que les professionnels peuvent en comprendre la portée.

21. La société JCB considère qu’il n’y a aucune démonstration d’un préjudice ni d’un lien de causalité avec la prétendue faute, la société Manitou ayant elle-même fait paraître un communiqué de presse le même jour en informant le marché sur les conséquences de l’ordonnance. Elle ajoute qu’elle ne peut être responsable des articles publiés par des sites tiers, dont elle n’a pas le contrôle.

22. La société JCB conclut enfin à l’infirmation de l’ordonnance du 21 mars 2019 en ce qu’elle considère sa demande reconventionnelle en dénigrement infondée alors qu’elle soutient avoir subi un dénigrement du fait de la divulgation du communiqué de presse par la société Manitou. Elle précise que le communiqué en réponse de la société Manitou est publié sur le site internet de cette société en langue française, est amplement relayé par des professionnels et que cette réponse est déloyale et mensongère, en ce qu’elle nie l’autorité du juge qui a rendu l’ordonnance, mentionne à tort qu’un appel a été interjeté contre cette ordonnance (un tel recours étant impossible) et affirme faussement qu’elle a cessé la commercialisation des machines arguées de contrefaçon.

23. La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision entreprise et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

V ‘ MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la compétence du président du tribunal de commerce de Paris ;

24. Le présent litige opposant deux sociétés ayant leur siège social dans deux Etats membres de l’Union européenne, l’une en France et l’autre à Lakeside Works au Royaume-Uni, la compétence juridictionnelle doit être déterminée en application du Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 (ci-après désigné le Règlement Bruxelles I bis), concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

25. Conformément à l’article 7 § 2 de ce règlement ayant remplacé l’article 5, point 3, du règlement (CE) nº 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000 « une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre : (…) 2) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ».

26. Cette règle de compétence spéciale est fondée sur l’existence d’un lien de rattachement particulièrement étroit entre la contestation et les juridictions autres que celles du domicile du défendeur, lequel lien justifie une attribution de compétence à ces juridictions pour des raisons de bonne administration de la justice et d’organisation utile du procès.

27. Ainsi, dans un arrêt du 7 mars 1995 (C-68/93 Shevill e.a. / Presse Alliance), portant sur l’interprétation de l’article 5, point 3, de la convention du 27 septembre 1968 à propos de la détermination des juridictions compétentes pour connaître d’une action en réparation du préjudice résultant de la publication d’un article de presse diffamatoire (article paru dans France soir) diffusé dans plusieurs Etats contractants, la Cour de justice (CJCE) a dit pour droit que l’expression « lieu où le fait dommageable s’est produit », utilisée à l’article 5, point 3, de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale doit, en cas de diffamation au moyen d’un article de presse diffusé dans plusieurs États contractants, « être interprétée en ce sens que la victime peut intenter contre l’éditeur une action en réparation soit devant les juridictions de l’État contractant du lieu d’établissement de l’éditeur de la publication diffamatoire, compétentes pour réparer l’intégralité des dommages résultant de la diffamation, soit devant les juridictions de chaque État contractant dans lequel la publication a été diffusée et où la victime prétend avoir subi une atteinte à sa réputation, compétentes pour connaître des seuls dommages causés dans l’État de la juridiction saisie ».

28. En outre, dans une affaire portant sur une action en responsabilité pour violation de vente en dehors d’un réseau de distribution sélective (C-618/15 21 décembre 2016), la CJUE a dit pour droit que l’article 5, point 3, du règlement n° 44/2001 doit être interprété, aux fins d’attribuer la compétence judiciaire conférée par cette disposition pour connaître d’une action en responsabilité pour violation de l’interdiction de vente en dehors d’un réseau de distribution sélective résultant de l’offre, sur des sites Internet opérant dans différents États membres, de produits faisant l’objet dudit réseau, en ce sens que le lieu où le dommage s’est produit doit être considéré comme étant le territoire de l’État membre qui protège ladite interdiction de vente au moyen de l’action en question, territoire sur lequel le demandeur prétend avoir subi une réduction de ses ventes.

29. En l’espèce, il ressort du procès verbal dressé à Paris le 22 février 2019 que l’huissier de justice a constaté qu’à l’adresse URL https:/www.jcb.com, correspondant au site internet de la société JCB, était publié le communiqué litigieux émanant de la société JCB en langue anglaise intitulé « JCB Wins court injunction to stop patent infringement » (« JCB gagne une injonction du tribunal pour arrêter une contrefaçon de brevet »), ce communiqué étant aussi accessible via l’adresse https:/www.linkedin.com, ainsi que sur le compte Twitter de cette société.

30. Il résulte en outre des circonstances de l’espèce que ce communiqué fait état d’une procédure judiciaire en cours en France, engagée par la société JCB en contrefaçon d’un brevet européen dont elle est titulaire, contre la société Manitou, société ayant son siège en France et dont l’objet est de lui interdire de commercialiser en France certaines machines comme intégrant un dispositif allégué comme contrefaisant.

31. L’ensemble de ces éléments atteste non seulement de l’accessibilité en France du site internet sur lequel le communiqué litigieux a été publié, dont la société Manitou soutient qu’il caractérise un acte de dénigrement à son encontre et qui fonde son action devant la juridiction française, mais aussi d’un lien de rattachement particulièrement étroit avec cette dernière juridiction.

32. A cet égard, le seul fait que le communiqué soit rédigé en langue anglaise sur le site de la société JCB, société de droit anglais, n’est pas de nature à priver la juridiction française de sa compétence alors qu’au regard de son objet, il avait aussi vocation à s’adresser potentiellement à tous les acheteurs du secteur, en ce compris ceux opérant sur le marché français étant observé au surplus que ce communiqué a été diffusé quelques jours avant le Salon International du Machinisme Agricole (SIMA) qui s’est tenu à [Localité 4] entre le 24 et le 28 février 2019 qui regroupe les acteurs principaux du secteur d’activité dans lequel évolue les parties au présent litige, lesquelles se présentent aussi chacune comme étant les leaders mondiaux du secteur.

33. Dès lors, l’action qui vise à réparer le préjudice subi par une société française du fait de la diffusion d’un communiqué susceptible de porter atteinte à son image et aux produits qu’elle commercialise en France et qui donc est susceptible d’affecter ledit marché, pouvait être portée devant le tribunal de commerce de Paris, pris comme la juridiction du lieu de la matérialisation du dommage allégué, de sorte que l’ordonnance rendue sera sur ce point confirmée.

Sur les demandes de la société Manitou fondées sur le dénigrement ;

34. Il convient d’observer que si la société Manitou renvoie de manière générale aux dispositions des articles 872 et 873 du code de procédure civile pour envisager les mesures que le juge des référés est susceptible de prendre, elle fonde plus précisément ses demandes en alléguant être victime d’un trouble manifestement illicite dont elle demande la cessation.

35. En application de l’article 873 du code de procédure civile, le président peut, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

36. Il est admis que toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit peut constituer un trouble manifestement illicite. Tel peut être le cas du dénigrement par la divulgation d’une information qui est de nature à jeter le discrédit sur un concurrent.

37. En l’espèce, le trouble manifestement illicite résulterait de la publication par la société JCB sur son site internet d’un communiqué constitutif, selon la société Manitou, d’un acte de dénigrement à son égard et ce faisant caractérisant une faute susceptible d’engager la responsabilité civile de son auteur.

38. Le communiqué litigieux, rédigée en langue anglaise, peut-être traduit comme suit :

« JCB remporte une injonction du tribunal d’arrêter une contrefaçon de brevet.

JCB a obtenu une interdiction provisoire d’un tribunal de justice français contre la société Manitou lui interdisant de produire des chariots télescopiques incluant un dispositif breveté par JCB visant à améliorer la productivité.

La décision du juge du Tribunal de Grande Instance de Paris signifie que la société, basée près de Nantes, ne peut pas fabriquer, vendre ou louer des chariots télescopiques équipés de ce système breveté.

Graeme Macdonald, PDG de JCB a déclaré : « Nous investissons plusieurs millions de livres dans le développement et le brevetage de solutions d’ingénierie innovantes et sophistiquées qui bénéficient à nos clients partout dans le monde. Nous ne tolérerons aucune copie ou violation de nos droits de propriété intellectuelle partout dans le monde, où qu’ils se produisent ».

Lorsqu’on utilise un chariot télescopique JCB équipé avec le système de contrôle longitudinal au moment de chargement (Longitudinal Load Moment Control – LLMC) breveté par JCB, les capteurs contrôlent le poids retenu sur l’essieu arrière. Si les capteurs détectent que la charge sur l’essieu arrière diminue au-delà d’un seuil prédéfini, le système verrouille progressivement l’hydraulique pour éviter une surcharge de l’essieu arrière vers l’avant, évitant ainsi que la machine ne rebascule vers l’avant.

Pour permettre aux opérateurs de conduire sans perte de productivité, JCB a breveté une fonction sur son système LLMC qui désengage automatiquement le dispositif lors du déplacement de la machine (EP 2 263 965). Cette fonction empêche les chariots télescopiques JCB de neutraliser inutilement les fonctions hydrauliques donnant de fausses indications d’instabilité lorsque la machine effectue simplement des opérations de chargement ou se déplace sur un terrain accidenté. C’est l’utilisation de cette fonctionnalité que le Tribunal Français a ordonné à Manitou de cesser d’ici le 13 mars. Le Tribunal a également ordonné à Manitou de payer des frais de procédure ».

39. En dépit du titre volontairement simplificateur de ce communiqué, celui-ci ainsi que son contenu se contente, dans des termes dénués de tout caractère excessif, de faire connaître aux internautes l’existence d’une décision de justice rendue au profit de la société JCB quelques jours auparavant et ayant prononcé contre la société Manitou une mesure d’interdiction, dont le caractère provisoire est expressément rappelé dès la 2ème ligne du communiqué, de produire des chariots télescopiques incluant un dispositif breveté, étant observé que ce communiqué précise dans son dernier paragraphe le numéro du brevet concerné (EP 2 263 965) ainsi le système précisément visé par l’interdiction.

40. A cet égard, contrairement à ce que soutient la société Manitou, cette décision de justice étant publique, elle pouvait faire l’objet d’une publicité quand bien même cette mesure d’interdiction et donc la décision qui la prononce est « provisoire » et même si l’information en cause ne se rapporte pas à un sujet d’intérêt général, le communiqué litigieux ne mettant pas en cause en l’espèce un quelconque droit à la liberté d’expression mais simplement celui de rendre public une décision, fût-elle provisoire, rendue en sa faveur.

41. Le fait de n’avoir pas précisé dans ce communiqué que la décision émanait d’un juge « de la mise en état » alors qu’il est bien fait état d’une décision rendue, non par le tribunal, mais par un « juge du tribunal de grande instance de Paris » n’est pas de nature à conférer à ce communiqué un caractère trompeur sur la nature de la décision, un tel degré de précision ne pouvant avoir un intérêt que pour un lecteur averti et fin connaisseur de la procédure civile française, lequel n’était pas celui particulièrement visé par ce communiqué.

42. De même, le fait de n’avoir pas repris dans son intégralité le dispositif de cette décision, qui rejetait par ailleurs d’autres demandes de la société JCB et notamment celles portant sur un autre brevet, n’est pas de nature à rendre trompeuse l’information ainsi publiée, laquelle était ciblée sur le seul brevet EP 2 263 965 pour la protection duquel effectivement une mesure d’interdiction provisoire a bien été prononcée par le juge.

43. L’absence de précision sur les recours susceptibles d’être intentés contre cette décision, qui au demeurant étaient discutables dans la mesure où il s’agissait d’une ordonnance rendue par le juge de la mise en état, ne peut davantage contribuer à caractériser un acte de dénigrement alors au surplus qu’il est rappelé expressément que la mesure prononcée est « provisoire ».

44. Enfin, la société JCB ne peut être tenue pour responsable de la reprise de l’information ainsi délivrée ou sous une forme plus ou moins différente, et le cas échéant tronquée, sur d’autres sites et/ou support dont elle n’est pas l’auteur, et qui émanent de tiers.

45. Au regard de ces éléments, et en dépit de la date à laquelle ce communiqué a été publié, quelques jours avant la tenue d’un salon réunissant les professionnels du secteur, qui témoigne d’une stratégie commerciale volontairement offensive de la part de la société JCB, l’illicéité manifeste du trouble que ce communiqué a pu causer n’est pas suffisamment caractérisée.

46. En conséquence, l’ordonnance du tribunal de commerce sera confirmée.

Sur la demande reconventionnelle de la société JCB fondées sur le dénigrement ;

47. Il n’est pas contesté que le 22 février 2019, en réponse au communiqué publié par la société JCB sur son site internet, la société Manitou a publié en français sur son site internet le communiqué suivant :

« Réponse au communiqué de presse de JCB de ce jour.

A la suite du communiqué de la société J.C Bamford Excavators Limited (JCB) publié ce jour, Manitou BF souhaite apporter les corrections et précisions suivantes.

Tout d’abord, le juge a débouté la société JCB de sa demande en interdiction provisoire sur le premier brevet. S’agissant du deuxième brevet, la décision à laquelle se réfère le communiqué de JCB n’a aucune incidence sur l’activité de Manitou BF, de ses concessionnaires ou de ses utilisateurs de matériels.

Cette décision provisoire porte sur le système LLMC de certains modèles produits et vendus avant août 2017, qui ne sont donc plus fabriqués par Manitou BF à ce jour, ce qu’a souligné l’ordonnance. En effet, cette décision n’émane pas du tribunal de grande instance de Paris mais du juge de la mise en état. Elle ne préjuge donc en rien du sens de la décision qui sera rendue au fond.

Le communiqué de presse de JCB étant ainsi de nature à induire le public en erreur, Manitou BF se devait de rétablir la réalité.

Manitou BF a fait appel de l’interdiction provisoire à laquelle se réfère le communiqué de JCB ».

48. Il appartient à la société JCB de caractériser le trouble manifestement illicite qu’elle invoque du fait de ce communiqué.

49. A cet égard, il est constant que ce communiqué s’appuie aussi sur la décision de justice qui a été rendue le 31 janvier 2019 et qu’il entend compléter voir préciser le communiqué que la société JCB a publié.

50. Il ne résulte pas de ce communiqué en réponse, dont les termes ne sont pas non plus excessifs, des éléments suffisants pour caractériser un trouble manifestement illicite envers la société JCB alors même qu’il vise à rappeler que la décision de justice avait un objet plus large que celui relaté par la société JCB et qu’une partie des demandes portant sur un autre brevet de cette société avait été rejetée, que cette décision n’émane pas du tribunal de grande instance, qu’elle ne préjuge pas de la décision qui sera rendue sur le fond et qu’elle a fait appel de celle-ci.

51. De même, si l’affirmation selon laquelle « la décision à laquelle se réfère le communiqué de JCB n’a aucune incidence sur l’activité de Manitou BF, de ses concessionnaires ou de ses utilisateurs de matériels » est discutable, elle ne caractérise en tout état de cause pas un acte de dénigrement envers la société JCB, pas plus le fait d’affirmer que le communiqué de presse de cette société était « de nature à induire le public en erreur ».

52. En l’état de ces éléments, l’existence d’un trouble manifestement illicite subi par la société JCB n’est pas caractérisé de sorte que cette demande sera rejetée et que l’ordonnance du tribunal de commerce de paris sera confirmée sur ce point également.

Sur les frais et dépens ;

53. Le sort des dépens et de l’indemnité de procédure a été exactement réglé par le tribunal de commerce.

54. A hauteur de cour, il y a lieu de condamner la société Manitou, partie perdante, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

55. En revanche, chacune des parties ayant succombé partiellement, elles seront déboutées respectivement de leur demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce compris au titre du remboursement des frais de constat.

PAR CES MOTIFS

La cour,

1- Confirme l’ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Paris le 21 mars 2019 ;

Y ajoutant :

2- Déboute la société Manitou BF et la société J.C. Bamford Excavators Limited de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;

3- Condamne la société Manitou BF aux dépens de l’appel qui seront recouvrés conformément à l’article 700 du code de procédure civile

La greffière Le président

Clémentine GLEMET François ANCEL

 


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