Diffamation : décision du 28 mars 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 21/01982

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Diffamation : décision du 28 mars 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 21/01982

ARRÊT N°

FD/XD

COUR D’APPEL DE BESANÇON

ARRÊT DU 28 MARS 2023

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 24 janvier 2023

N° de rôle : N° RG 21/01982 – N° Portalis DBVG-V-B7F-EOEJ

S/appel d’une décision

du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BESANCON

en date du 05 octobre 2021

Code affaire : 80A

Demande d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

APPELANTE

Association CAEM (CARREFOUR D’ANIMATIONS ET D’EXPRESSION MUSICALES), sise [Adresse 1],

représentée par Me Florence ROBERT, avocat au barreau de BESANCON

INTIME

Monsieur [M] [V], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Isabelle TOURNIER, avocat au barreau de BESANCON

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats du 24 Janvier 2023 :

Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre

Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller

Mme Florence DOMENEGO, Conseiller

qui en ont délibéré,

M. [P], Directeur de Greffe lors des débats et Mme MERSON GREDLER, Greffière lors de la mise à disposition

Les parties ont été avisées de ce que l’arrêt sera rendu le 28 Mars 2023 par mise à disposition au greffe.

**************

Statuant sur l’appel interjeté le 4 novembre 2021 par l’association Carrefour d’Animation et d’Expressions Musicales (CAEM) du jugement rendu le 5 octobre 2021 par le conseil de prud’hommes de Besançon qui, dans le cadre du litige l’opposant à M. [M] [V] , a :

– dit que la mise à pied dont avait fait l’objet M. [V] avait un caractère disciplinaire

– dit que le licenciement de M. [V] était sans cause réelle et sérieuse

– dit que le salaire mensuel moyen de M. [V] s’élèvait à la somme de l766,10 euros brut

– condamné l’association CAEM à verser à M. [V] les sommes suivantes :

– 10.596,60 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 1 000 euros au titre des dommages et interêts pour préjudice moral lié à la perte subite d’emploi

– 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– débouté M. [V] du surplus de ses demandes

– débouté l’association CAEM de ses demandes

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire

-dit que les sommes accordées sont assorties des interêts au taux légal à compter de la date de

saisine du conseil de prud’hommes

– condamné l’association CAEM aux dépens ;

Vu les dernières conclusions transmises le 13 juillet 2022, aux termes desquelles l’association CAEM, appelante, demande à la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

‘ dit que la mise à pied dont avait fait l’objet M. [V] avait un caractère disciplinaire ;

‘ dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse

‘ condamné l’association CAEM à verser à M. [M] [V] les sommes suivantes, assorties des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes :

– 10 596,60 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 1 000 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral lié à la perte subite d’emploi ;

– 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

‘ débouté l’association CAEM de ses demandes

‘ condamné l’association CAEM aux entiers dépens

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M.[M] [V] du surplus de ses demandes

– débouter M. [V] de l’intégralité de ses demandes ;

– condamner M. [V] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, comprenant les frais irrépétibles de première instance et d’appel

– le condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

Vu les dernières conclusions transmises le 27 avril 2022, aux termes desquelles M. [M] [V], intimé et appelant incident, demande à la cour de :

– juger que la mise à pied infligée a un caractère disciplinaire et confirmer ainsi le jugement sur ce point,

– confirmer le jugement en ce qu’il a dit le licenciement de M. [M] [V] sans cause réelle et sérieuse,

– infirmer le jugement s’agissant de l’exécution déloyale du contrat de travail et l’obligation de sécurité,

– juger que l’association CAEM est coupable d’une exécution déloyale du contrat de travail à son détriment

– juger que l’association CAEM a violé l’obligation de sécurité dont elle était débitrice à son égard

– condamner l’association CAEM à lui verser les sommes suivantes :

– dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (correspondant à 12 mois de salaire brut) : 21 193,20 euros

– dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 3 000 euros

– dommages-intérêts en raison de la violation de l’obligation de sécurité : 10 000 euros

– article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros

– subsidiairement, condamner l’association CAEM à lui verser les sommes suivantes :

– dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :10596,60 euros

– dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 3 000 euros

– dommages-intérêts en raison de la violation de l’obligation de sécurité : 10 000 euros

– dommages-intérêts au titre des conséquences financières de la perte injustifiée de l’emploi : 4 000 euros

– sur la perte du niveau de vie : 4 000 euros

– sur l’humiliation du chômage : 2 000 euros

– article 700 du code de procedure civile : 2 000 euros

– débouter l’association CAEM de l’intégralité de ses demandes

– assortir l’ensemble des sommes accordées par jugement des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes ;

– condamner l’association CAEM aux entiers dépens de l’instance ;

Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ;

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 12 janvier 2023 ;

SUR CE ;

EXPOSE DU LITIGE :

Selon contrat à durée déterminée en date du 16 août 2013, M. [M] [V] a été embauché par l’association Carrefour d’Animation et d’Expressions Musicales en qualité de professeur pour une durée hebdomadaire de 20 heures durant 9 mois, contrat qui est devenu à durée indéterminée à compter du 16 novembre 2014 et à temps plein à compter du 16 novembre 2017.

Par courriel en date du 29 avril 2019, l’association CAEM a notifié à M. [V] une ‘mise à pied à titre conservatoire’.

Le 6 mai 2019, le conseil d’administration a convoqué M. [V] à un entretien préalable organisé le 14 mai 2019 au cours duquel une rupture conventionnelle lui a été proposée et a été acceptée verbalement par le salarié avant que ce dernier ne se rétracte le 28 mai 2019.

Le 31 mai 2019, M. [V] a été convoqué à un entretien préalable prévu le 13 juin 2019, auquel il ne s’est pas rendu.

M. [M] [V] a été licencié pour faute grave le 20 juin 2019, l’employeur lui reprochant des absences et retards injustifiés, le non-respect des consignes de travail, des manquements à son obligation de loyauté dans l’exercice des missions prévues par son contrat de travail et des accusations mensongères et calomnieuses dans le cadre d’un courrier reçu par l’employeur le 6 juin 2019, co-signé avec trois autres salariés.

Contestant les conditions et les motifs de la rupture de son contrat de travail, M. [M] [V] a saisi le 30 décembre 2019 le conseil de prud’hommes de Besançon aux fins de voir reconnaître son licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’obtenir le paiement de diverses indemnités, saisine qui a donné lieu au jugement entrepris.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

I – Sur la rupture du contrat de travail :

Aux termes de l’article L 1232-1 du code du travail, tout licenciement doit avoir une cause réelle et sérieuse et il appartient à l’employeur de rapporter la preuve du motif l’ayant conduit à se séparer du salarié.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

En l’espèce, la lettre de licenciement du 20 juin 2019, à laquelle la cour se réfère pour un plus ample exposé de sa teneur et qui fixe les limites du litige, reproche à M. [V] :

– d’avoir changé d’attitude à l’encontre de la direction et de ses collègues à compter du mois de mars 2019, attitude devenue incompatible avec les valeurs de respect et de partage que portait l’association

– de n’avoir ainsi pas respecté les consignes données par la direction dans le cadre du stage IDENCITÉ qui s’est déroulé du 15 au 19 avril 2019 au sein du Bastion à [Localité 3], en sa qualité de coordinateur de ce stage, pour encadrer des jeunes mineurs hors du CAEM

– d’être arrivé le mercredi 17 avril 2019 à 10h10 au lieu de 10h, puis d’avoir quitté le lieu du stage pour chercher du matériel de musique chez lui, pour ne revenir qu’à 11h45, contrevenant aux instructions qui lui avaient été données d’encadrer le stage Idencité

– d’avoir autorisé deux jeunes mineurs à se rendre en ville à la pause déjeuner sans être accompagnés d’un adulte, alors que les instructions données par le directeur étaient des plus claires sur ce point et spécifiaient « présence au Bastion durant toute la journée ‘ pas d’autorisation de circuler en ville non accompagné »

– d’avoir insisté pour faire enregistrer un morceau à un jeune majeur qu’il connaissait mais qui n’était pas adhérent du CAEM , en dépit des consignes données et des orientations fixées pour les partenaires au cours de ce stage

– d’avoir le vendredi 19 avril tenté d’interrompre de manière agressive le travail des jeunes stagiaires Idencité et des étudiants du DMA, en adoptant une attitude totalement déplacée et irrespectueuse du travail de ces stagiaires

– d’avoir quitté le Bastion vers 12h ce jour-là avec un joint à la main et de s’être emporté lorsque le directeur lui a demandé de ne pas fumer des joints devant les stagiaires et étudiants mineurs le menaçant de : « on va bientôt s’expliquer tous les deux, entre hommes »

– d’avoir adopté durant le reste de l’après-midi une attitude irrespectueuse et d’avoir finalement quitté le stage à 15h45 alors que celui-ci se terminait à 17h00, obligeant le directeur à ramener le matériel au CAEM

– de s’être présenté le 24 mai 2019 à 13 heures 30 [en fait le 24 avril 2019], alors que le directeur était en congé, à son domicile personnel avec la volonté d’en découdre et de l’avoir violemment pris à partie devant son épouse

– de ne pas s’être présenté le lundi 29 avril alors qu’il devait assurer une formation jazz aux salariés du CAEM concernés, sans justifications, et d’avoir au contraire informé la veille au soir les trois salariés présents pour assister à cette formation, en les invitant à le rejoindre dans sa cave pour jouer de la musique en indiquant dans son message « y’a que le patron qui coince, il vous fera un chantage à la paie »

– d’avoir par ces faits gravement désorganisé le fonctionnement de l’association et témoigné de son insubordination à l’égard des consignes qui lui étaient données, d’autant plus que le directeur avait déjà exposé clairement à l’ensemble des salariés que les formations internes mises en place devaient se dérouler exclusivement au CAEM

– d’avoir adressé le 6 juin 2019 au médecin du travail, à la DIRRECTE, à la CAGB et à la Ville de [Localité 3] un courrier mettant gravement en cause le directeur par des accusations mensongères et calomnieuses et portant gravement atteinte à l’image de l’association, notamment auprès des financeurs

– d’avoir adressé aux parents d’élèves de l’école de [Localité 4] un courrier en son nom et celui de l’association EXIR afin de poursuivre ses activités musicales au sein de l’école sous cette identité, manquant ainsi à son obligation de loyauté,

faits caractérisant selon l’employeur une faute grave.

a – sur l’épuisement par l’employeur de son pouvoir disciplinaire :

Aux termes des articles L 1331-1 et suivants du code du travail, l’employeur dispose à l’égard de ses salariés d’un pouvoir disciplinaire, pour sanctionner les comportements fautifs des salariés.

Selon le principe « non bis in idem », une même faute commise par un salarié ne peut pas faire l’objet de deux sanctions successives. (Cass soc. -12 mars 1981, n° 79-41.110)

En l’espèce, l’appelante fait grief aux premiers juges d’avoir retenu que la mise à pied avait été en fait prise ‘antérieurement au 6 avril 2019″ ; qu’elle ne précisait pas être à titre conservatoire et s’avérait être au contraire une sanction en elle-même et que le non-cumul des sanctions pour les mêmes faits ne permettait pas à l’employeur de procéder au licenciement de M. [V] le 20 juin 2019.

Comme le soulève à raison l’appelante, la mise à pied à titre conservatoire n’est soumise à aucun formalisme et ressort en l’état comme ayant été prise non pas le 6 avril 2019, comme retenu improprement par les premiers juges, mais le 29 avril 2019.

En témoignent ainsi d’une part, les activités que M. [V] a poursuivies au sein de l’association jusqu’au 19 avril 2019, et sa programmation pour la formation de jazz du 29 avril 2019, où son absence constitue un des griefs de la faute grave invoquée dans le licenciement, et d’autre part, le courriel du 29 avril 2019 lequel portait pour objet ‘mise à pied conservatoire à effet immédiat’ et mentionnait expressément ‘nous avons décidé d’une mise à pied à titre conservatoire à effet immédiat jusqu’à l’entretien qui se tiendra au CAEM’ (pièce 5).

Aucun élément ne vient démontrer que cette mise à pied aurait commencé ‘bien avant le 6 avril 2019″ et aurait constitué une sanction en elle-même, en l’absence d’une part de fautes précises correspondant au mois de mars 2019, d’autre part d’un entretien préalable réalisé à cette fin et enfin, de tout écrit matérialisant une telle sanction conformément à l’article L 1332-1 du code du travail.

Tout autant, M. [V] a été convoqué à un entretien le 6 mai 2019, soit 6 jours après sa mise à pied, dans un délai suffisamment proche pour confirmer le caractère provisoire de la mise à pied et l’intention de l’employeur de mener une procédure disciplinaire à son encontre devant le conseil d’administration.

Enfin, si l’employeur a reconvoqué M. [V] le 31 mai 2019, cette reconvocation s’est justifiée en raison de l’échec de la rupture conventionnelle sur le principe de laquelle l’employeur et le salarié s’étaient accordés lors de l’entretien du 14 mai 2019 et que M. [V] a refusée dans son courrier du 28 mai 2019.

En aucune façon, en choisissant la voie transactionnelle, l’employeur n’ a épuisé son pouvoir disciplinaire, dès lors que la rupture conventionnelle ne constitue pas une sanction au sens de l’article L 1331-1 du code du travail. L’employeur n’a pas plus abandonné l’exercice de ce pouvoir à défaut pour cette démarche amiable d’avoir abouti.

Enfin, il convient de relever que la lettre de licenciement visait des faits supplémentaires relatifs à l’envoi d’un courrier le 6 juin 2019 et à un acte de concurrence déloyale, faits qui n’étaient pas mis à jour lors de la mise à pied du 29 avril 2019 et qui ne pouvaient en conséquence avoir d’ores et déjà été sanctionnés.

C’est donc à tort que les premiers juges ont retenu que l’employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire et qu’il ne pouvait en conséquence licencier M. [V].

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé de ce chef.

b – sur les griefs invoqués :

Contrairement à ce que soutient l’intimé, les faits reprochés à M. [V] dans la lettre de licenciement sont précis et circonstanciés.

Ces faits ne sont par ailleurs pas prescrits dès lors que l’employeur a manifestement engagé les poursuites disciplinaires dans le délai de deux mois à compter du jour où il en a eu connaissance, dans le respect des dispositions de l’article L 1332-4 du code du travail.

Pour en justifier, l’association CAEM se prévaut du courriel du 8 avril 2019 et du courrier du 13 juin 2019 de M. [D] [U], coordinateur de la formation régie de spectacle du lycée [5], desquels il ressort ‘le manque de sérieux et d’exigence’ de M. [V], sa rapidité à ‘ouvrir une bière et à s’allumer un joint lors des bilans des journées de projets, ce qui les rend peu constructives’ durant la semaine du 18 au 23 février 2019, sa ‘virulence’ le 5 avril 2019, lors de la préparation du projet au Bastion, ‘son attitude agressive et incohérente’ durant la semaine du 15 au 19 avril 2019, son départ anticipé sans avoir participé à l’organisation précise de l’encadrement des jeunes , ‘sa remise en cause du projet, en imposant la présence d’un jeune ne dépendant pas du programme Idencité’, son attitude faisant ‘ scandale devant les étudiants’ et ‘son absence de comportement professionnel’, notamment au regard de ‘la consommation régulière d’alcool et de cannabis ayant conduit l’établissement scolaire à envisager une rupture de collaboration’.

M. [K], professeur au CAEM, a confirmé l’ambiance délétère induite par l’attitude de M. [V] et de M. [Y], et sa décision non concertée de faire enregistrer un musicien qui ne faisait pas partie du stage Idencité du 15 au 19 avril 2019.

Mme [Z] a également attesté que le 24 avril 2019, M. [V] s’était présenté au domicile qu’elle partageait avec M. [H], directeur du CAEM, et qu’il avait tenu des propos violents et agressifs, ‘voulant manifestement en découdre’, venue que M. [H] a rapportée à M. [O], Mme [A], Mme [J], Mme [C], Mme [T], M. [A] et M. [U] par courriels du même jour et qui avait été préméditée par M. [V], comme en témoigne son message Facebook.

M. [G], maire de [Localité 4], a quant à lui mis en avant la désinvolture de M. [V], soulignant ses défections, ses retards, son manque d’encadrement et de responsabilité dans la prise en charge des enfants, dans son courriel du 10 juin 2019.

Si M. [V] conteste la matérialité de tels faits, il n’apporte cependant aucun élément pour remettre en cause les comportements inappropriés décrits par M. [U] à l’occasion des deux stages organisés en février et en avril 2019, par M. [G] et par Mme [Z].

S’il conteste également tout comportement vindicatif ou agressif, ‘les différends de nature professionnelle’ qui selon lui l’auraient opposés à son employeur s’avèrent néanmoins insuffisants pour justifier sa visite inopinée et violente au domicile du directeur comme les propos virulents tenus lors des stages à l’encontre de participants et des autres encadrants.

Le fait que M. [E] ait déjà participé à un précédent stage Idencité n’autorisait pas par ailleurs M. [V] à s’affranchir des règles d’organisation posées par la direction et à l’intégrer au stage organisé en avril 2019. Tout autant, aucun élément ne permet d’établir que M. [V] pouvait d’autorité, sans en référer au directeur du CAEM, procéder au changement du lieu de la formation du 29 avril 2019 et l’organiser en dehors de la structure, à son domicile. Cette ‘délocalisation’ ressort au contraire comme ayant eu vocation manifestement à contrer le directeur, comme en témoigne son courriel mentionnant ‘ ya que le patron qui coince – il vous fera un chantage à la paye’ dans son courriel du 28 avril 2019. ( pièce 15)

M. [V] ne s’explique pas plus sur la consommation de toxiques qui lui est reprochée et impute au contraire la procédure de licenciement à la seule réception de son courrier du 6 juin 2019, par lequel il avait informé avec trois collègues les membres du conseil d’administration, la médecine du travail, l’inspection du travail et la Ville de [Localité 3] de l’existence de risques psycho-sociaux et avait dénoncé la mauvaise gestion des ressources humaines par le directeur.

Contrairement à ce que soutient l’intimé, ce courrier a été adressé après la réception de sa convocation à l’entretien préalable du 13 juin 2019 ( postée le 31 mai 2019), de telle sorte qu’il n’est en conséquence nullement à l’origine du licenciement.

Par ailleurs, ce courrier, qui conteste les compétences managériales du directeur du CAEM, a été envoyé par M. [V] aux financeurs et organismes de contrôle aux fins manifestement de discréditer publiquement M. [H] désigné comme ‘autocratique’ et d’affaiblir sa gouvernance qualifée de ‘désastreuse’ en visant des faits que les très nombreuses attestations produites par l’appelante ont contredits (pièces 10, 18 à 26). Ce courrier présente en conséquence manifestement un caractère excessif et diffamatoire, qui dépasse l’expression d’un simple désaccord sur la politique salariale de l’entreprise, de telle sorte que le grief est pleinement caractérisé.

Enfin, quant à l’acte de concurrence déloyale, M. [V] ne conteste pas avoir diffusé le tract litigieux (pièce 28) le 24 mai 2019, mais invoque que sa proposition d’ ‘une intervention sous une forme un peu différente à la rentrée prochaine’ n’avait pas pour objectif de remplacer le CAEM auprès de la commune de [Localité 4]. Les termes du courriel du maire de cette commune (pièce 27) n’augurent pas par ailleurs d’une telle modification en faveur de M. [V], ce dernier en sollicitant au contraire expressément le remplacement.

Ce fait n’est en conséquence pas démontré par l’employeur.

Il se déduit de l’ensemble de ces éléments qu’à l’exception de l’acte de concurrence déloyale, les faits reprochés à M. [V] sont établis et témoignent de l’insubordination de ce salarié à l’égard des consignes données par le CAEM et de ses comportements agressifs et inapropriés avec certains de ses interlocuteurs, quand bien même ses compétences techniques sont louées par les attestations qu’il produit.

Ces faits revêtent le caractère d’une faute grave, rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise

C’est donc à tort que les premiers juges ont déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [V] et ont fait droit à sa demande indemnitaire.

Le jugement sera en conséquence infirmé et M. [V] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts présentée de ce chef là.

II – Sur l’exécution déloyale du contrat de travail :

Aux termes de l’article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi, ce qui implique une obligation de loyauté du salarié à l’égard de son employeur.

En l’espèce, M. [V] reproche à l’employeur d’avoir engagé la procédure de licenciement dès réception de son courrier du 6 juin 2019 sans mener une enquête et sans mettre en oeuvre de mesures pour prendre en charge la souffrance des salariés.

Les motifs ci-dessus détaillés mettent cependant en exergue d’une part que la procédure de licenciement a été initiée bien avant la réception par le directeur de cette lettre et d’autre part, que le licenciement présentait une cause réelle et sérieuse en raison des comportements agressifs, indisciplinés et répréhensibles adoptés par M. [V] au cours des mois de février et avril 2019.

La procédure de licenciement ne saurait en conséquence caractériser un comportement déloyal de l’employeur à l’égard de M. [V]. Ce dernier ne développe par ailleurs dans ses conclusions aucune autre argumentation pour étayer l’exécution déloyale du contrat de travail qu’il impute à l’association CAEM.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté M. [V] de sa demande de dommages et intérêts.

Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef.

III – Sur la violation de l’obligation de sécurité :

Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, en organisant des actions de prévention des risques professionnels, en prévoyant des actions d’information et de formation et en s’assurant de la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

L’obligation de sécurité est une obligation de moyens. (Cass soc 14 novembre 2018 n° 17-18 890)

En l’espèce, M. [V] reproche à l’employeur de ne pas avoir répondu à l’épuisement qu’il avait exprimé avec trois autres salariés dans son courrier du 6 juin 2019 et d’avoir préféré enclencher une procédure de licenciement.

Les motifs ci-dessus détaillés mettent cependant en exergue que la procédure de licenciement a été initiée bien avant la réception par le directeur de cette lettre et au regard de comportements agressifs, indisciplinés et répréhensibles adoptés par M. [V] au cours des mois de février et avril 2019.

Il ne saurait en conséquence être déduit de l’absence de mise en place d’une enquête interne dans le bref délai de six jours un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, alors même que M. [V] était mis à pied et convoqué pour s’en expliquer le 13 juin 2019.

Aucun élément ne vient au surplus démontrer que préalablement à cette lettre, M. [V] aurait alerté son employeur sur ses conditions de travail ‘désastreuses’, la situation de ‘danger’ connue et l”épuisement’ dont il était victime, ni qu’il aurait pu en saisir la médecine du travail et l’inspection du travail. Il n’illustre pas plus dans ses conclusions, par des faits précis et circonstanciés, ses allégations selon lesquelles l’employeur aurait manqué aux obligations posées par l’article susvisé.

De tels manquements ne sauraient en aucune façon se déduire du seul courrier du 6 juin 2019, dès lors que sa première partie concerne des manquements présumés à la convention collective (financement, recrutement, avenants aux contrats), dont la méconnaissance ne relève pas de l’obligation de sécurité, et que sa seconde partie concerne le caractère décrété ‘autocratique’ de M. [H], directeur, du fait ‘d’ agressions verbales régulières’ et de ‘la non-transparence de l’information et de la communication interne’, allégations qui ont été démenties par les très nombreuses attestations réunies par l’employeur ( pièces 10, 18 à 26), dont aucun élément ne permet d’établir qu’elles auraient été obtenues ‘sous la contrainte psychologique’.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté M. [V] de sa demande de dommages et intérêts.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef.

IV- Sur le caractère vexatoire du licenciement :

Les circonstances vexatoires dans lesquelles un licenciement a été prononcé peuvent ouvrir droit à une indemnisation du préjudice ainsi subi, indépendamment du caractère fondé ou non du licenciement (Cass soc 16 décembre 2020 n° 18-23 966).

En l’espèce, M. [V] soutient avoir fait l’objet d’un ‘licenciement humiliant’ compte-tenu de la situation de chômage subie.

Il résulte cependant des motifs ci-dessus développés que la faute reprochée à M. [V] était caractérisée et que lui notifier dans un tel contexte son licenciement, quand bien même il avait 7 ans d’ancienneté et était âgé de 50 ans, ne constitue pas un abus par l’employeur de la procédure disciplinaire, qu’il a au surplus parfaitement respectée en convoquant régulièrement le salarié à un entretien préalable et en le mettant dans la possibilité de faire valoir ses observations.

M. [V] ne rapporte en conséquence pas la preuve de la faute qu’aurait commise son employeur à son égard en prononçant la mesure de licenciement. La situation de chômage subie, si elle peut effectivement être mal vécue par le salarié, ne présente par ailleurs aucun caractère infamant, humiliant ou déshonorant.

C’est donc à tort que les premiers juges ont alloué la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts à M. [V] au titre d’un préjudice moral.

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé de ce chef et M. [V] sera débouté de sa demande de dommages-intérêts au titre de l’humiliation du chômage.

V – Sur les autres demandes indemnitaires :

M. [V] ne rapporte pas la preuve de la faute qu’aurait commise son employeur à son égard en prononçant la mesure de licenciement.

Il n’y a dès lors pas lieu de lui allouer une quelconque somme au titre de la perte de niveau de vie induite par la rupture de son contrat de travail et au titre des conséquences financières de la perte injustifiée d’emploi.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté M. [V] de ces chefs de demandes.

VI – sur les autres demandes :

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

Partie perdante, M. [V] sera condamné aux dépens de première instance et d’appel et à payer à l’association CAEM la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. M.[V] sera débouté de la demande présentée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

– Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Besançon en date du 5 octobre 2021 en ce qu’il a débouté M. [V] de ses demandes présentées au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail, au titre de la violation de l’obligation de sécurité, au titre de la perte injustifiée de l’emploi et au titre de la perte de niveau de vie

– Infirme le jugement pour le surplus

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

– Dit que M. [M] [V] a fait l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire le 29 avril 2019

– Dit que le licenciement pour faute grave de M. [M] [V] prononcé le 20 juin 2019 est justifié

– Déboute en conséquence M. [V] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– Déboute M. [V] de sa demande de dommages et intérêts en reparation du préjudice subi pour l’humiliation du chômage

– Condamne M. [M] [V] aux dépens de premiere instance et d’appel

– et vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne M. [V] à payer à l’association l’association Carrefour d’Animation et d’Expressions Musicales la somme de 1 500 euros et le déboute de sa demande présentée sur le même fondement.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le vingt huit mars deux mille vingt trois et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,

 


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