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C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE – A –
Section 1
PRUD’HOMMES
Exp +GROSSES le 28 AVRIL 2022 à
Me RISSE
Me LEPAGE
M [Z]
AD
ARRÊT du : 28 AVRIL 2022
MINUTE N° : – 22
N° RG 18/00168 – N° Portalis DBVN-V-B7C-FTTG
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE TOURS en date du 13 Décembre 2017 – Section : INDUSTRIE
APPELANT :
Monsieur [I] [H]
né le 12 Avril 1978 à TUBINGEN (ALLEMAGNE)
4 rue du Professeur Guillaume Louis
37250 MONTBAZON
représenté par M. [M] [Z], défenseur syndical
ET
INTIMÉS :
Madame [G] [U] es-qualité de liquidateur judiciaire de la SAS METAL INNOVE
26 rue Jules Favre CS 94312
CS 94312
37043 TOURS CEDEX
représentée par Me Sophie RISSE de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS
CGEA CENTRE OUEST RENNES
4 cours Raphaël BINET Cité notariale, CS 96925
35069 RENNES CEDEX
représenté par Me Alexis LEPAGE de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS
Ordonnance de clôture : 8 février 2022
Audience publique du 22 Février 2022 tenue par M. Alexandre DAVID, Président de chambre, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assisté lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier.
Après délibéré au cours duquel M. Alexandre DAVID, Président de chambre a rendu compte des débats à la Cour composée de :
Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité,
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre,
Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller
Puis le 28 Avril 2022 (délibéré prorogé, initialement fixé au 26 avril 2022), Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
La SAS Métal Innove exerce une activité dans le secteur du bâtiment et emploie 14 salariés. Elle applique la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment.
Elle a engagé M. [I] [H] en qualité de chef de pose, selon contrat à durée indéterminée du 6 septembre 2013, prenant effet le 9 septembre 2013, pour une durée hebdomadaire de travail de 39 heures et un salaire horaire de 11,50 €.
Au cours de l’été 2014, le salarié a souhaité réduire ses déplacements et se cantonner à un poste en atelier, en sorte qu’à partir du 20 octobre 2014, l’employeur l’a affecté à l’atelier, en qualité de métallier- menuisier.
Le salarié a fait l’objet de deux avertissements :
– le 28 octobre 2014, pour retard à l’embauche,
– le 4 novembre 2014, pour refus d’exécuter des heures supplémentaires.
Le 21 novembre 2014, il a été convoqué à un entretien préalable avec mise à pied conservatoire et son licenciement pour faute grave lui a été notifié le 4 décembre suivant pour refus d’exécuter des heures supplémentaires.
Le 23 décembre 2014, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Tours, en sa section de l’industrie, d’une action contre la SAS Métal Innove pour que :
– les deux avertissements précités soient annulés,
– son licenciement soit également annulé et que la société soit condamnée à lui verser les sommes de :
– 3000 € de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,
– 5000 € de dommages-intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail,
– 884,79 € de rappel d’indemnité conventionnelle de trajet et 88,48 € de congés payés afférents,
-15’000 € de dommages intérêts pour harcèlement moral pour les sanctions disciplinaires injustifiées,
– 15’000 € de dommages-intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement pour licenciement abusif,
– 714,89 € de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et 71,49 € de congés payés afférents,
– 2120,55 € d’indemnité de préavis et 212,06 € de congés payés afférents,
– 619,74 € d’indemnité de licenciement,
– 3000 € de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire et manquement à l’obligation de loyauté,
– 800 € d’indemnité pour perte de chance d’utiliser le DIF pendant le préavis,
– 1500 € de dommages intérêts pour non conformité des documents sociaux,
– 1191,25 € de dommages-intérêts pour défaut d’information sur la contrepartie obligatoire en repos,
– 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, toutes ces sommes devant être assorties des intérêts moratoires et de la capitalisation annuelle.
En cours de procédure, la SAS Métal Innove a été placée en redressement judiciaire par jugement du 2 février 2016 puis en liquidation judiciaire par jugement du16 février 2016, Maître [G] [U] étant désignée en qualité de mandataire liquidateur.
Par jugement du 13 décembre 2017, le conseil de prud’hommes de Tours, en sa formation de départage, a :
-débouté M. [H] de ses demandes visant à l’annulation du licenciement, comme celles relatives à sa requalification en licenciement abusif ainsi que celle de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire,
-dit que ce licenciement ne présentait cependant pas le caractère de gravité invoqué par la SAS Métal Innove,
-fixé la créance de M. [H] à l’encontre de la liquidation de la SAS Métal Innove et ordonné à Maître [U], ès qualités de mandataire liquidateur, d’inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société les sommes suivantes :
– 619,74 € à titre d’indemnité de licenciement,
– 714,89 € à titre de rappel de salaire pour la période de la mise à pied,
– 71,49 € au titre des congés payés afférents,
– 2120,55 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 212,06 € au titre des congés payés afférents,
– 884,79 € à titre de rappel d’indemnité conventionnelle de trajet, avec intérêts au taux légal sur les créances salariales du jour de la convocation de l’employeur à l’audience de conciliation jusqu’au jugement d’ouverture de la procédure collective,
-ordonné à Maître [U] ès qualités de liquidateur de la SAS Métal Innove de remettre à M. [H] un bulletin de salaire correspondant aux créances salariales ainsi définies, un certificat de travail rectifié et un certificat destiné à la caisse de congés payés du bâtiment et une attestation à Pôle emploi,
– dit que la présente décision était opposable au CGEA de Rennes, en qualité de gestionnaire de l’AGS, dans les limites prévues aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, et les plafonds prévus aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail,
– débouté M. [H] de ses demandes visant à contester les deux avertissements dont il a été l’objet,
– débouté M. [H] de l’ensemble de ses autres demandes,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile, ni à exécution provisoire, les créances salariales étant assorties de plein droit de l’exécution provisoire,
-dit que les dépens seraient inscrits au passif de la liquidation de la SAS Métal Innove.
Ce jugement a été notifié le 13 décembre 2017. Le 11 janvier 2018, M. [H] en a interjeté appel au greffe de cette cour.
Par lettre du 16 janvier 2018, le greffe a adressé aux parties intimées un exemplaire de la déclaration d’appel avec l’indication de l’obligation de constituer avocat ou de se faire représenter par un défenseur syndical.
Selon acte remis au greffe le 17 janvier 2018, la SELARL [J] et [Y] Avocats « représentée par Maître [D] [E] » s’est constituée pour Maître [G] [U], ès qualités de liquidateur judiciaire.
Selon acte remis au greffe le 26 janvier 2018, la SELARL [J] et [Y] Avocats « représentée par Maître [R] [F] » s’est constituée pour l’Unedic Délégation AGS-CGEA de Rennes.
Selon conclusions du 5 septembre 2018, M. [H] a saisi le conseiller de la mise en état d’un incident tendant à voir juger que son appel n’encourait aucune caducité, et déclarer irrecevables les conclusions de Maître [G] [U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Métal Innove, et de l’Unedic Délégation AGS-CGEA de Rennes .
Selon ordonnance du 27 mars 2019, le conseiller de la mise en état a débouté l’Unedic Délégation AGS-CGEA de Rennes de sa demande tendant à voir déclarer caduque la déclaration d’appel régularisée le 11 janvier 2018 au nom de M. [H]. Il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de la déclaration d’appel, dit qu’il n’entrait pas dans les pouvoirs du conseiller de la mise en état d’écarter des pièces des débats et déclaré irrecevables comme tardives les conclusions remises au greffe et notifiées par Maître [G] [U] prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Métal Innove le 18 juillet 2018.
Par arrêt du 25 septembre 2019, la chambre des déférés de la cour d’appel d’Orléans a confirmé cette ordonnance en toutes ses dispositions.
Un pourvoi a été formé contre cette décision par Maître [U] ès qualités.
Maître [U] ès qualités et le CGEA de Rennes ont sollicité du conseiller de la mise en état qu’il soit sursis à statuer, dans l’attente de l’arrêt à intervenir de la Cour de cassation.
Par ordonnance du 9 décembre 2020, le conseiller de la mise en état a ordonné qu’il soit sursis à statuer sur l’appel formé par M. [H] contre le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Tours le 13 décembre 2017, dans l’attente de l’arrêt à intervenir de la Cour de cassation.
La Cour de cassation (Soc., 20 octobre 2021, pourvoi n° 19-24.483, FR, P + B) a rejeté le pourvoi contre l’arrêt du 25 septembre 2019.
Elle a retenu que c’était à bon droit que la cour d’appel avait confirmé l’ordonnance du conseiller de la mise en état ayant rejeté la demande de caducité de la déclaration d’appel, après avoir relevé que le défenseur syndical avait notifié le 10 avril 2018 ses conclusions d’appel, par un seul pli recommandé avec demande d’avis de réception, à l’adresse de la société d’avocats [J] et [Y] représentant, par deux avocats distincts, associés au sein de cette structure, chacun des intimés (point 7 de l’arrêt).
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions adressées au greffe par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 13 octobre 2020 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [I] [H] conclut à :
– l’irrecevabilité des conclusions de Maître [U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Métal Innove, du CGEA de Rennes ou ,subsidiairement , à ce qu’il n’y ait lieu à sursis à statuer,
– l’irrecevabilité des pièces produites par Maître [U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Métal Innove, et le CGEA de Rennes,
-l’infirmation du jugement critiqué mais seulement en ce qu’il l’a débouté :
-de sa demande d’indemnisation du harcèlement moral,
-de ses demandes d’indemnisation pour licenciement nul et pour licenciement abusif, ainsi que pour licenciement vexatoire,
-de ses demandes d’indemnisation pour manquement à l’obligation de sécurité, pour modification unilatérale du contrat et pour défaut d’information sur la contrepartie obligatoire du repos,
-de sa contestation des deux avertissements dont il a été l’objet,
-de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
Et, statuant à nouveau de ces seuls chefs, à
– l’annulation des avertissements des 28 octobre et 4 novembre 2014,
– la nullité du licenciement ou, en tout cas, à son caractère dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– ce que soit ordonné l’inscription au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Métal Innove des créances suivantes :
-3000 € de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,
-5000 € de dommages-intérêts pour modification unilatérale du contrat,
-15’000 € de dommages intérêts pour harcèlement moral ou, subsidiairement, pour les sanctions disciplinaires injustifiées,
-15’000 € de dommages-intérêts pour licenciement nul ou, subsidiairement, pour licenciement abusif,
– 3 000 € de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire et manquement à l’obligation de loyauté,
– 800 € d’indemnité pour perte de chance d’utiliser le DIF pendant le préavis,
– 1 191,25 € de dommages-intérêts pour défaut d’information sur la contrepartie obligatoire en repos (heures supplémentaires exécutées au-delà du contingent annuel),
– 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– l’inscription des dépens d’appel en frais privilégiés de la procédure, avec droit de recouvrement direct, au profit de M. [Z], défenseur syndical, conformément à l’article 699 du code de procédure civile,
-l’opposabilité de l’arrêt au CGEA de Rennes qui devra sa garantie dans les limites du plafond 6,
-la condamnation du CGEA de Rennes à lui payer la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur le fond, M. [I] [H] reprend ses critiques des deux avertissements, estime qu’il a été victime de harcèlement moral par ses horaires de travail dépassant, à de nombreuses reprises, la durée maximale journalière de travail, par le refus de l’employeur de faire droit à ses réclamations légitimes.
Sur la rupture du contrat de travail, il souligne que, durant la période litigieuse, il quittait effectivement son travail à 17 heures, après avoir réalisé dans la journée un total de 8h15 de travail. S’il avait effectivement quitté son poste, chaque jour, à 19 heures, comme le voulait l’employeur, cela l’aurait conduit à travailler au-delà de la durée maximale du travail, soit 10h15 par jour, en sorte que l’employeur est mal fondé à invoquer une faute disciplinaire de sa part.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 février 2022 et a renvoyé la cause et les parties à l’audience des plaidoiries du 22 février 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le jugement du 13 décembre 2017 a été notifié aux parties le 13 décembre 2017 ,en sorte que l’appel régularisé par M. [H] le 11 janvier 2018, au greffe de cette cour dans le délai légal d’un mois, s’avère recevable en la forme.
L’ordonnance du conseiller de la mise en état du 27 mars 2019 a déclaré irrecevables les conclusions de Maître [U], ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS Métal Innove. L’arrêt de la chambre des déférés de cette cour du 25 septembre 2019 a confirmé cette irrecevabilité. La Cour de cassation, par arrêt du 20 octobre 2021, a rejeté le pourvoi de Maître [U], ès qualités.
En conséquence, les pièces déposées à l’appui des conclusions du mandataire liquidateur sont irrecevables.
Le CGEA de Rennes a constitué avocat mais n’a pas déposé de conclusions.
Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la cour d’appel qui n’est pas saisie de conclusions par l’intimé doit, pour statuer sur l’appel, examiner les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance (3ème Civ., 7 juillet 2015, n° 14-13.715).
Sur l’annulation de l’avertissement du 28 octobre 2014
La SAS Métal Innove a infligé le 28 octobre 2014 à M. [I] [H] un avertissement pour avoir pris l’initiative d’embaucher à 9 h le 17 octobre 2014 alors que son horaire de travail prévoyait que sa journée débuterait à 7 h 45.
Le salarié soutient avoir travaillé la veille durant 14 heures et terminé sa journée à 21 h. Il ressort cependant tant de la lettre d’avertissement que des conclusions du salarié qu’il est rentré à son domicile, situé à Montbazon (Indre et Loire) à 21 h le 16 octobre 2014 après avoir effectué un chantier à Nantes.
Il ne ressort d’aucun élément du dossier que le temps de trajet entre le chantier, situé à Nantes, et le domicile du salarié constituait un temps de travail effectif, même s’il était rémunéré comme tel (pièce n° 7). Par conséquent, il n’apparaît pas que l’amplitude maximale quotidienne de travail ait été dépassée le 16 octobre 2014.
En tout état de cause, comme l’a retenu le conseil de prud’hommes, le respect des dispositions relatives au repos quotidien minimal de 11 heures ne permet pas de justifier l’initiative du salarié de commencer sa journée de travail après 8 h.
Aucun élément du dossier ne permet d’établir le bien-fondé de l’affirmation du salarié selon laquelle il ne s’est pas réveillé à temps pour être au dépôt à 8 h.
Il n’est aucunement établi que l’avertissement infligé procédait d’une mesure de rétorsion de l’employeur. Au contraire, l’existence d’un retard le 17 octobre 2014 est avérée, le salarié revendiquant le droit à commencer sa journée de travail au-delà de l’horaire prévu, et il apparaît que l’employeur a entendu sanctionner les perturbations causées par ce retard.
La sanction de l’avertissement est proportionnée. Il y a lieu, par voie de confirmation du jugement, de dire que l’avertissement était justifié.
Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité
M. [I] [H] verse aux débats une copie de ses agendas, sur lesquels figurent pour chaque journée de travail le nombre d’heures qu’il prétend avoir accomplies. Il ressort des mentions apposées sur ces documents des dépassements ponctuels des durées quotidienne et hebdomadaire maximales de travail, par exemple 49 h 15 pour la semaine du 19 au 25 mai 2014 ou 51 h 15 pour la semaine du 20 au 26 octobre 2014, l’amplitude quotidienne de travail étant de 10 h 45 les 20, 21, 22 et 23 octobre.
En l’absence de pièces produites par l’employeur, sur lequel repose la preuve du respect des durées maximales de travail, pour contredire ces éléments, il y a lieu de retenir que la SAS Métal Innove a manqué à son obligation de sécurité. Par voie d’infirmation du jugement, il y a lieu de fixer au passif de la procédure collective de la société, au profit de M. [I] [H], une créance de dommages-intérêts de 1 000 euros à ce titre.
Sur l’avertissement du 4 novembre 2014
L’avertissement du 4 novembre 2014 sanctionne le refus du salarié d’exécuter les heures supplémentaires commandées par l’employeur, entre le 27 octobre et le 3 novembre 2014.
Ainsi que l’a retenu le conseil de prud’hommes, l’employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire en prononçant un avertissement le 28 octobre 2014. Le bien-fondé de l’avertissement du 4 novembre 2014 ne peut être examiné qu’au regard des faits postérieurs au 28 octobre 2014.
Le contingent annuel d’heures supplémentaires est de 180 heures. Il ressort des bulletins de paie et des relevés de contingent d’heures produits qu’il n’était pas dépassé au 4 novembre 2014, le nombre cumulé d’heures de travail dans l’année étant de 1671,28 heures selon le bulletin de paie d’octobre 2014 et de 1818,03 heures selon le bulletin de paie de novembre 2014. L’employeur était donc en droit de demander au salarié d’effectuer des heures supplémentaires. Il y a donc lieu, par voie de confirmation du jugement, de débouter M. [I] [H] de sa demande de dommages-intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail et pour non-respect du contingent d’heures supplémentaires. Il y a lieu également de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour défaut d’information sur la contrepartie obligatoire en repos, étant précisé que la SAS Métal Innove informait le salarié sur le solde d’heures de repos compensateur de remplacement.
Par écrit du 27 octobre 2014, l’employeur a informé le salarié qu’aucun repos compensateur de remplacement ne pourrait être pris avant la fin de l’année et lui a rappelé qu’il était d’usage dans l’entreprise que les heures supplémentaires non compensées soient payées en fin d’année sur la paie de décembre, même si des paiements anticipés partiels pouvaient être effectués en fonction notamment des possibilités de trésorerie de l’entreprise.
Il y a lieu de considérer que, dès lors qu’il avait décidé que les heures supplémentaires précédemment effectuées par le salarié – soit 36 h 95 au 17 octobre 2014 – ne donneraient pas lieu à une contrepartie en repos, l’employeur était tenu de les rémunérer avec le salaire du mois, et ce en application de l’article L. 3242-1 du code du travail. La pratique de différer le paiement des heures supplémentaires figurant sur les relevés de contingent d’heures ne pouvait être justifiée par les nécessités de l’organisation du service de la paie.
De plus, selon les mentions de son agenda, M. [I] [H] avait effectué 51 h 15 de travail au cours de la semaine du 20 au 26 octobre 2014, l’amplitude quotidienne de travail ayant étant dépassée à quatre reprises cette semaine là.
Dans ces conditions, le refus opposé par le salarié, après avoir avisé l’employeur de sa position, d’exécuter des heures supplémentaires ne peut être considéré comme fautif.
Il y a lieu, par voie d’infirmation du jugement, d’annuler l’avertissement prononcé le 4 novembre 2014.
Sur le bien-fondé du licenciement
Le conseil de prud’hommes a retenu que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse et a écarté toute faute grave. L’appel ne pouvant aboutir à aggraver la situation de l’appelant, l’existence d’une faute grave ne sera pas examinée.
La lettre de licenciement du 4 décembre 2014 énonce :
« Suite à l’entretien préalable que nous avons eu le 1er décembre dernier en présence d’un conseiller du salarié, j’ai le regret de vous signifier par la présente votre licenciement pour faute grave [‘]
Le 16 octobre dernier, vous m’avez adressé un courrier me demandant à vous absenter durant deux semaines d’ici à la fin de l’année et demandant, à défaut, le paiement de vos heures supplémentaires.
À la réception de ce courrier, je vous ai répondu sur le fait qu’il n’était pas envisageable de vous donner du repos compensateur d’ici la fin de l’année compte tenu de la surcharge de travail connue par l’entreprise sur cette période.
Je vous ai par ailleurs notifié un avertissement en raison du non-respect de vos horaires de travail puisque vous vous étiez permis de vous présenter de manière tardive à l’embauche le vendredi 17 octobre 2014.
Le 28 octobre 2014, j’ai affiché dans l’entreprise une note interne rappelant qu’il n’était pas envisageable d’accorder des congés jusqu’à fin décembre 2014 au vu de la charge de travail de l’entreprise et que de ce fait, il y aurait recours à des heures supplémentaires jusqu’à la fin de l’année.
Sur votre bulletin de salaire du mois d’octobre 2014, face au constat à l’époque de l’impossibilité de vous donner votre repos compensateur de remplacement, je vous ai réglé les heures supplémentaires qui avaient été effectuées jusqu’à la fin du mois d’août 2014.
Ne sont restées en compteur que les heures supplémentaires effectuées sur septembre et octobre 2014 puisque celles-ci pouvaient être légalement données en repos compensateur de remplacement courant novembre 2014.
Vous n’avez cependant pas daigné respecter cette note interne et respecter les horaires collectifs de travail, et j’ai dû vous notifier un deuxième avertissement le 4 novembre 2014 puisque jusqu’au 3 novembre inclus, vous vous êtes permis de quitter l’entreprise à 17 heures au lieu de 19 heures.
Malheureusement, depuis le 4 novembre 2014, votre attitude n’a fait que se confirmer. J’ai en effet constaté que vous quittiez chaque jour votre poste à 17 heures et cela malgré le rappel des horaires collectifs de travail qui imposaient que vous travailliez jusqu’à 19 heures.
Votre attitude a perduré jusqu’au 21 novembre 2014, à la suite de quoi votre contrat s’est trouvé suspendu du fait de votre mise à pied conservatoire.
Votre attitude délibérée du non-respect des horaires de travail malgré le fait que j’ai réglé les heures supplémentaires qui vous étaient dues, constitue un acte d’insubordination caractérisée.
Votre souhait de quitter l’entreprise est même devenu patent lorsque vous m’avez remis un courrier demandant de quitter rapidement l’entreprise dans le cadre d’une rupture conventionnelle du contrat de travail.
Malheureusement, votre comportement doit être à l’origine d’une sanction disciplinaire et non pas d’un départ négocié.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible y compris pendant la durée de votre préavis.
Votre licenciement prend donc effet immédiatement sans indemnité de préavis ni de licenciement. La période de mise à pied conservatoire qui a débuté le 24 novembre 2014 ne sera pas rémunérée’ ».
Sur la nullité du licenciement
Il ne ressort d’aucun élément du débat que le licenciement procéderait de la volonté de l’employeur de sanctionner l’exercice par le salarié de son droit à la liberté d’expression, que l’intéressé revendique avoir exercée par ses réclamations au titre des heures supplémentaires.
Ainsi qu’il a été précédemment exposé, le contingent annuel d’heures supplémentaires n’a pas été dépassé. La demande d’effectuer les heures supplémentaires litigieuses n’emportait pas modification du contrat de travail. Elle n’est donc pas constitutive de harcèlement moral.
Il ressort des pièces du dossier que l’employeur a entendu sanctionner un non-respect de l’horaire de travail et le refus par le salarié d’effectuer les heures supplémentaires qui lui étaient commandées.
Par voie de confirmation du jugement, il y a lieu de rejeter la demande tendant au prononcé de la nullité du licenciement.
Sur l’existence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement
Il ressort de la lettre d’avertissement du 4 novembre 2014, de la lettre de licenciement et des conclusions du salarié (p. 10) qu’à compter du 27 octobre 2014, M. [I] [H] a refusé d’accomplir les heures supplémentaires qui lui étaient demandées.
Les bulletins de paie de novembre et décembre 2014 mentionnent le paiement d’heures supplémentaires, ces paiements ayant été effectués par virement des 30 novembre 2014 et 31 décembre 2014. Il y a lieu d’en déduire que l’employeur n’avait pas rempli le salarié de ses droits au paiement des heures supplémentaires, 44 heures étant impayées au 4 novembre 2014.
Dans ces conditions, le refus du salarié d’accomplir des heures supplémentaires ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement. Il y a lieu d’infirmer le jugement sur ce point.
L’ancienneté du salarié au moment du licenciement étant inférieure à deux ans, il y a lieu de fixer le montant de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse en se fondant sur l’article L.1235-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail.
En considération de la situation particulière du salarié, notamment de son âge, de son ancienneté au moment de la rupture, des circonstances de celle-ci, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation, il y a lieu de fixer au passif de la procédure collective de la SAS Métal Innove une créance de M. [I] [H] à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant de 2000 euros net. Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur les demandes au titre du licenciement vexatoire et du manquement de l’employeur à son obligation de loyauté
Il résulte des pièces versées aux débats que les parties au contrat de travail ont engagé une négociation portant sur la conclusion d’une rupture conventionnelle.
Pour autant, l’employeur demeurait libre de rompre unilatéralement le contrat de travail.
L’exercice de cette faculté ne constitue pas une faute.
Il ne résulte pas des éléments du dossier que la rupture du contrat de travail se soit déroulée dans des conditions vexatoires.
Par voie de confirmation, il y a lieu de débouter M. [I] [H] de sa demande de dommages-intérêts.
Sur la perte de chance d’utiliser le DIF durant la période de préavis
En application de l’article L. 6323-17 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, en cas de licenciement non consécutif à une faute lourde, et si le salarié en fait la demande avant la fin du préavis, la somme correspondant au solde du nombre d’heures acquises au titre du droit individuel à la formation et non utilisées, multiplié par le montant forfaitaire visé au deuxième alinéa de l’article L. 6332-14, permet de financer tout ou partie d’une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l’expérience ou de formation.
En application de l’article L. 6323-19 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, l’employeur informe le salarié, s’il y a lieu, de ses droits en matière de droit individuel à la formation. Cette information comprend les droits visés à l’article L. 6323-17 et, dans les cas de licenciements visés à l’article L. 1233-66, les droits du salarié en matière de droit individuel à la formation définis par l’article L. 1233-67.
Contrairement à ce que soutient le salarié, la lettre de licenciement mentionne ses droits en matière de droit individuel à la formation.
Il est vrai que le licenciement pour faute grave privait le salarié du préavis. Pour autant, il ne faisait pas obstacle à ce que le salarié bénéficie d’une action de bilan de compétences, même si juridiquement celle-ci ne pouvait être effectuée sous le régime préavis.
Le salarié ne justifiant pas du préjudice qu’il invoque, il y a lieu, par voie de confirmation du jugement, de le débouter de sa demande de dommages-intérêts.
Sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l’article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
A l’appui de sa demande au titre du harcèlement moral, M. [I] [H] invoque :
– des horaires dépassant les durées maximales de travail ;
– le refus de l’employeur de faire droit à ses réclamations concernant les indemnités de trajet ;
– un avertissement disciplinaire infondé le 28 octobre 2014 ;
– un avertissement disciplinaire infondé le 4 novembre 2014 ;
– une mise à pied conservatoire infondée notifiée le 24 novembre 2014 ;
– le licenciement pour faute grave prononcé le 4 décembre 2014 ;
– la mention diffamatoire et calomnieuse d’une faute grave portée sur l’attestation Pôle emploi qui lui a été délivrée.
Ainsi qu’il a été précédemment exposé, l’avertissement du 28 octobre 2014 était justifié.
Les autres faits invoqués par le salarié sont de nature à laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral.
La cour a retenu que, de manière ponctuelle, les durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail avaient été dépassées. Pour autant, ainsi que l’expose l’employeur dans ses lettres des 27 octobre et 4 novembre 2014, la SAS Métal Innove, confrontée à un contexte économique difficile, connaissait une importante charge d’activité. Le dépassement de la durée maximale de travail, s’il constitue un manquement de l’employeur ayant donné lieu à indemnisation, est exclusif de tout harcèlement moral.
Le conseil de prud’hommes a fait droit à la demande de M. [I] [H] au titre des indemnités de trajet. Le refus opposé par l’employeur le 27 octobre 2014 à la demande du salarié sur ce point était motivé. Même si la position de l’employeur était juridiquement injustifiée, ce refus est exclusif de tout harcèlement moral.
La cour a annulé l’avertissement du 4 novembre 2014. Il ne résulte cependant pas des éléments du dossier que cette sanction disciplinaire procédait d’une volonté d’imposer au salarié l’exécution d’heures supplémentaires au-delà du contingent annuel. L’employeur ayant entendu sanctionner le refus par le salarié d’effectuer les heures de travail qui lui étaient demandées, l’avertissement infligé est exclusif de tout harcèlement moral.
La faute grave n’ayant pas été retenue et le licenciement ayant été considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse, la mise à pied conservatoire du 24 novembre 2014 n’est pas fondée. Il en est de même du licenciement prononcé le 4 décembre 2014. C’est à tort que l’employeur a mentionné sur l’attestation Pôle emploi « licenciement pour faute grave ». Pour autant, l’employeur a entendu tirer les conséquences du refus persistant du salarié d’accomplir les heures supplémentaires qui lui étaient demandées et son comportement consistant à cesser le travail sans en avoir l’autorisation. Le licenciement pour faute grave est exclusif de tout harcèlement moral.
Il y a lieu de relever que M. [I] [H] ne produit aucune pièce médicale qui permettrait de caractériser une altération de sa santé physique ou mentale.
Par conséquent, les éléments du dossier permettant de retenir que les agissements reprochés à la SAS Métal Innove procèdent de raisons étrangères à tout harcèlement moral, il y a lieu, par voie de confirmation du jugement, de débouter M. [I] [H] de sa demande de dommages-intérêts.
Le salarié ne justifiant pas du préjudice qu’il réclame au titre des sanctions injustifiées infligées par l’employeur, il y a lieu de le débouter de sa demande à ce titre.
Sur l’opposabilité de la décision à l’AGS
Le présent arrêt sera déclaré opposable à l’Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés intervenant par l’UNEDIC – CGEA de Rennes, laquelle ne sera tenue à garantir les sommes allouées à M. [I] [H] que dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail, le plafond applicable étant le plafond 6.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Les dépens d’appel seront inscrits au passif de la procédure collective de la SAS Métal Innove. M. [Z], défenseur syndical, ne peut bénéficier du droit de recouvrement direct prévu par l’article 699 du code de procédure civile.
L’équité ne recommande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :
Infirme le jugement rendu le 13 décembre 2017 entre les parties par le conseil de prud’hommes de Tours, mais seulement en ce qu’il a débouté M. [I] [H] de ses demandes tendant à l’annulation de l’avertissement du 4 novembre 2014, à l’allocation de dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Annule l’avertissement du 4 novembre 2014 ;
Fixe les créances de M. [I] [H] au passif de la procédure collective de la SAS Métal Innove aux sommes suivantes :
– 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité ;
– 2 000 euros net à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Dit que cet arrêt est opposable à l’Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés intervenant par l’UNEDIC – CGEA de Rennes, laquelle ne sera tenue à garantir les sommes allouées à M. [I] [H] que dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail, le plafond applicable étant le plafond 6 ;
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Dit que les dépens d’appel seront inscrits au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Métal Innove.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier
Karine DUPONT Alexandre DAVID