Diffamation : décision du 26 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/10696

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Diffamation : décision du 26 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/10696
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 7

ARRET DU 26 OCTOBRE 2022

(n° 27/2022, 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/10696 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD2MD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 5 octobre 2017 – Tribunal de grande instance de DOUAI RG n° 14/00195

Sur renvoi après cassation d’un arrêt du 13 juin 2019 – Cour d’appel de DOUAI

APPELANT

Monsieur [N] [D]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Maître Marion LAROCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2507, avocat postulant

Assisté de Maître Julie GLIKSMAN, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat plaidant

INTIMEES

S.A. METROPOLE TELEVISION à directoire et conseil de surveillance, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Localité 6]

N° SIRET : 339 .01 2.4 52

Représentée par Maître Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant

Assistée de Maître Pierre DEPREZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P221, substitué par Maître Aurélie BREGOU, avocat au barreau de PARIS, toque : P221, avocat plaidant

S.A.S. PRODUCTIONS TONY COMITI société par actions simplifiée au capital de 951 680,00 euros immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 390 940 674, dont le siège social est sis [Adresse 3], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

N° SIRET : 390 94 0 6 74

Représentée par Maître Sandra OHANA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050, avocat postulant

Assistée de Maître Richard MALKA, avocat au barreau de PARIS, toque : C593, substitué par Maître Lorraine GAY, avocat au barreau de PARIS, toque : C593, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 28 septembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Jean-Michel AUBAC, Président

Mme Anne RIVIERE, Assesseur

Mme Anne CHAPLY, Assesseur

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par M. [B] dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Margaux MORA

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Jean-Michel AUBAC, Président, et par Margaux MORA, Greffier, présente lors de la mise à disposition.

LES FAITS’:

1. Le 1er’avril 2012, la chaîne de télévision M6 a diffusé un reportage intitulé «’L’énigme [N] [D]’» réalisé et produit par la société Productions Tony Comiti, ayant pour objet les faits commis en mars’2012 par [N] [D], qui a tué sept personnes dont trois enfants, avant d’être abattu le 22’mars 2012.

2. Le 7’novembre 2013, M. [N] [D], homonyme de l’auteur des faits et dont la photographie avait été diffusée par erreur lors de ce reportage, invoquant une violation de sa vie privée et du droit dont il dispose sur son image, a assigné en indemnisation la société Métropole Télévision, éditrice de la chaîne de télévision M6, sur le fondement de l’article 9 du code civil et de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La société Productions Tony Comiti est intervenue volontairement à l’instance.

3. Par jugement du 5’octobre 2017, le tribunal de grande instance de Douai a,

dit que l’action en réparation de l’atteinte à son droit à l’image et à sa vie privée engagée par M. [N] [D] ne s’analyse pas en une action en réparation pour diffamation au sens de l’article 29 de la loi du 29’juillet 1881 sur la liberté de la presse mais en une action en réparation de droit commun’;

débouté la société Métropole Télévision et la société Productions Tony Comiti de leur demande en nullité de l’acte introductif d’instance et de leur demande tendant à voir déclarer l’action prescrite ;

déclaré recevable l’action de M. [N] [D]’;

condamné la société Métropole Télévision prise en la personne de son représentant légal à payer à M. [N] [D] la somme de 10’000’euros en réparation de l’atteinte à son droit à l’image’;

condamné la société Productions Tony Comiti prise en la personne de son représentant légal à garantir la société Métropole Télévision prise en la personne de son représentant légal de la condamnation ainsi prononcée à son encontre’;

4. M. [D] puis les sociétés défenderesses ont fait appel de ce jugement et, par arrêt du 13’juin 2019, la cour d’appel de Douai a’:

infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Douai’;

requalifié l’action de M. [N] [D] en une action en diffamation’;

prononcé la nullité de l’assignation délivrée à la société Métropole Télévision le 7’novembre 2013′;

débouté les parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;

condamné M. [N] [D] aux dépens de première instance et d’appel.

5. Sur pourvoi formé par M. [D], la Cour de cassation, par arrêt du 8’avril 2021, a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu par la cour d’appel de Douai et renvoyé les parties devant la présente cour.

Devant la cour,

6. L’ordonnance de clôture a été prononcée le 26’janvier 2022.

7. Par conclusions notifiées le 12’juillet 2021, M. [D] a demandé à la cour de confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne les montants alloués au titre des dommages-intérêts, ainsi que des frais irrépétibles et, statuant à nouveau, de condamner les sociétés Métropole Télévision et Production Tony Comiti à lui payer solidairement la somme de 100’000’euros à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice, et de celle de 5’000’euros, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

8. Par conclusions signifiées par RPVA, le 6’septembre 2021, la société Métropole Télévision a demandé à la cour, à titre principal, de déqualifier l’action de M. [D] en une action pour diffamation et de l’annuler pour non-respect des dispositions de l’article 53 de la loi du 29’juillet 1881.

À titre subsidiaire, elle a conclu au rejet des demandes de M. [D], en l’absence de préjudice consécutif à la diffusion de l’émission.

À titre plus subsidiaire, elle a conclu à la confirmation du jugement et au rejet des demandes plus amples ou contraires de M. [D].

En tout état de cause, elle a sollicité la condamnation de M. [D] au paiement de la somme de 5’000’euros à titre de dommages-intérêts, avec distraction au profit de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat.

9. Par conclusions notifiées par RPVA, le 17’novembre 2021, la société Productions Tony Comiti a demandé à la cour, à titre principal, de dire que l’action de M. [D] s’analyse en une action en diffamation et de constater qu’elle est prescrite.

À titre subsidiaire, elle a conclu au rejet des demandes, M. [D] ne démontrant pas l’existence d’un préjudice.

En tout état de cause, elle a sollicité la condamnation de M. [D] au paiement de la somme de 5’000’euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur la qualification de l’action’:

10. Il se déduit des dispositions des articles’9 du code civil et 29 de la loi du 29’juillet 1881 sur la liberté de la presse que la diffamation visant une personne ne peut rejaillir sur une autre que dans la mesure où les imputations diffamatoires lui sont étendues, fût-ce de manière déguisée ou dubitative.

11. En l’espèce, par des motifs pertinents que la cour adopte, le tribunal a exactement retenu que l’action de M. [D] ne s’analyse pas en une action en réparation pour diffamation au sens de l’article 29 de la loi du 29’juillet 1881, mais en une action en réparation d’une atteinte au droit à la personne, fondée sur les dispositions de l’article 9 du code civil.

12. En effet, il est constant que le reportage diffusé sur la chaîne de télévision M6 concerne exclusivement l’auteur des faits commis en mars’2012 par le nommé [N] [D], qui a tué sept personnes, dont trois enfants, avant d’être abattu le 22’mars 2012.

13. C’est uniquement en raison d’une erreur commise par les auteurs du reportage que la photographie de l’appelant a été diffusée dans le reportage.

14. Il s’ensuit qu’aucune imputation diffamatoire ne lui a été étendue, fût-ce de manière déguisée ou dubitative et que c’est à tort que les sociétés intimées soutiennent que l’action relève des dispositions de la loi sur la presse.

15. Le jugement sera donc confirmé sur la qualification de l’action.

Sur la réparation du préjudice’:

16. Par des motifs pertinents que la cour adopte, le tribunal a exactement retenu, d’une part, que la diffusion de la photographie est fautive et a nécessairement porté atteinte au droit à l’image de M. [D] et, d’autre part, qu’il n’est pas justifié d’une atteinte à sa réputation en lien avec cette diffusion.

17. En effet, la diffusion, sur une chaîne de télévision nationale, de l’image de M. [D] dans un reportage consacré à l’auteur d’attentats est source d’un préjudice certain que le tribunal a exactement évalué à la somme de 10’000’euros.

18. En revanche, si les attestations, ainsi que les messages de menaces ou d’injures produits établissent que M. [D] a subi un préjudice consécutif à son homonymie avec l’auteur d’actes de terrorismes, il n’est nullement établi que ce préjudice serait en tout ou partie consécutif à la diffusion du reportage litigieux sur la chaîne de télévision M6.

19. C’est donc à bon droit que le tribunal a condamné la société Métropole Télévision au paiement de la somme de 10’000’euros à titre de dommages-intérêts et a condamné la SAS Productions Tony Comiti à la garantir de cette condamnation, en application des dispositions du contrat-cadre liant ces deux sociétés stipulant que cette dernière est tenue de garantir la première «’contre tous recours ou actions qui pourrait former toute personne physique ou morale qui estimerait avoir subi un dommage à l’occasion de l’exercice de ses droits par M6’».

20. Le jugement sera donc confirmé tant sur l’évaluation du préjudice que sur l’obligation de garantie pesant sur la société Productions Tony Comiti.

Sur les demandes accessoires’:

21. Il est équitable de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné in solidum les sociétés intimées aux entiers dépens et à payer à l’appelant une somme de 3’000’euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

22. En revanche, il est équitable de rejeter les demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et de compenser les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement entrepris’;

Déboute les parties de leurs autres demandes’;

Compense les dépens d’appel.

LE PRÉSIDENTLE GREFFIER

 


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