Diffamation : décision du 26 avril 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 19/01753

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Diffamation : décision du 26 avril 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 19/01753
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ARRÊT N°

N° RG 19/01753 – N° Portalis DBVH-V-B7D-HKYD

GLG/ID

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AVIGNON

03 avril 2019

RG :17/00224

S.A.R.L. CITYA L’HORLOGE

C/

[I]

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 26 AVRIL 2022

APPELANTE :

S.A.R.L. CITYA L’HORLOGE

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Florence ROCHELEMAGNE de la SELARL ROCHELEMAGNE-GREGORI-HUC.BEAUCHAMPS,avocat au barreau D’AVIGNON

Représentée par Me Pierre GEORGET de la selarl ENVERGURE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS

INTIMÉE :

Madame [R] [I]

née le 24 Mai 1972

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Julien SEMMEL de la SELARL CLERGERIE SEMMEL SALAÜN, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 28 Janvier 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Monsieur Guénaël LE GALLO, Magistrat honoraire juridictionnel, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

M. Michel SORIANO, Conseiller

Monsieur Guénaël LE GALLO, Magistrat honoraire juridictionnel

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

À l’audience publique du 11 Février 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 12 Avril 2022 prorogé à ce jour,

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 26 Avril 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [R] [I] a été embauchée par la SARL Citya L’Horloge en qualité de comptable copropriété, niveau E3, suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 7 janvier 2013, soumis à la convention collective nationale de l’immobilier.

Placée en arrêt de travail pour maladie du 5 au 24 septembre 2016, puis à compter du 29 septembre 2016, suite à la notification le même jour d’une mesure de mise à pied à titre conservatoire, elle a été licenciée pour faute grave par lettre du 17 octobre 2016.

Saisi par la salariée, le 5 mai 2017, de diverses demandes au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail, le conseil de prud’hommes d’Avignon a statué en ces termes :

‘Dit que le licenciement de Mme [R] [I] en date du 17 octobre 2016 est intervenu sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence,

Condamne la SARL Citya L’Horloge prise en la personne de son représentant légal en exercice à payer à Mme [R] [I] les sommes suivantes :

‘ 9 423,00 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

‘ 3 141,00 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

‘ 1 095,00 euros net au titre de l’indemnité légale

‘ 750 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile

Rappelle que le présent jugement, en application des dispositions de l’article R. 1454-28 du code du travail, bénéficie de l’exécution provisoire de droit dans les limites définies par ce texte.

Constate que la moyenne des trois derniers mois de salaire s’élève à la somme de 1 570,00 euros.

Dit que les sommes à caractère alimentaire allouées au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l’article R. 1454-14 et 15 du Code du Travail porteront intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2017 (date du récépissé de la convocation au bureau de conciliation).

Dit que les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.

Déboute Mme [R] [I] du surplus de ses demandes.

Déboute la SARL Citya L’Horloge de l’ensemble de sa demande reconventionnelle de 2 000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Met les dépens de l’instance ainsi que les éventuels frais d’exécution à la charge de la SARL Citya L’Horloge.’

La société Citya l’Horloge a interjeté appel de cette décision par déclaration du 26 avril 2019.

‘ L’appelante présente à la cour les demandes suivantes au dispositif de ses dernières conclusions du 27 décembre 2019 :

‘Dire et juger que l’appel principal de la société Citya L’Horloge est recevable et bien fondé ;

Débouter, en revanche, Madame [I] de son appel incident ;

A titre principal,

Dire et juger que le licenciement de Madame [I] repose sur une faute grave ;

En conséquence,

Débouter Madame [I] de toutes ses demandes ;

Reconventionnellement,

Condamner Madame [I] à payer à la société Citya L’Horloge une indemnité de 2 000 euros en application de l’article 700 du CPC ;

A titre subsidiaire,

Dire et juger que le licenciement de Madame [I] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

Statuer ce que de droit dans cette hypothèse subsidiaire sur le montant de l’indemnité compensatrice de préavis ;

Débouter, en revanche, Madame [I] de ses autres demandes ;

Condamner, enfin, Madame [I] aux entiers dépens.’

Elle soutient que :

‘ le licenciement de Mme [I] repose sur une faute grave caractérisée par ses propos tenus auprès de clients en vue de dénigrer la société, son attitude agressive envers ses collègues de travail, son comportement inadmissible avec la clientèle, les fautes commises dans son travail, ainsi que son refus de se remettre en cause et de communiquer sur ses erreurs ;

‘ la salariée n’a subi aucun harcèlement moral et sa demande de dommages et intérêts pour production de fausses attestations n’est aucunement justifiée.

‘ Aux termes de ses conclusions du 10 octobre 2019, l’intimée demande à la cour de :

‘Confirmer le jugement rendu le 3 avril 2019 par le Conseil de Prud’hommes d’Avignon en ce qu’il a :

‘ Dit que le licenciement de Madame [I] en date du 17 octobre 2016 est intervenu sans cause réelle et sérieuse ;

‘ Condamné la société Citya L’Horloge à payer à Madame [I] la somme de 1 095 euros au titre de l’indemnité de licenciement ;

‘ Condamné la société Citya L’Horloge à payer à Madame [I] la somme de 750 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;

Le réformer pour le surplus,

Dire et juger l’appel incident de Madame [I] régulier en la forme et justifié au fond.

Et statuant de nouveau :

Vu l’article L. 1232-1 du Code du travail, dans sa rédaction applicable à la date des faits de l’espèce ;

Vu les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du Code du travail dans leur rédaction applicable à la date des faits de l’espèce ;

Vu l’article 1382 du Code Civil dans sa rédaction applicable à la date des faits de l’espèce ;

Dire et juger que la moyenne des 12 mois de salaire brut de Madame [I] est d’un montant de 2 051,93 euros ;

Condamner la société Citya L’Horloge à payer à Madame [I] les sommes suivantes :

‘ 4 103,86 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

‘ 12 311,58 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

‘ 1 570 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

‘ 5 000 euros à titre de dommages et intérêts réparant le préjudice moral cause par la production de fausses attestations.

Condamner enfin la société Citya L’Horloge à payer à Madame [I] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, s’agissant des frais irrépétibles d’appel ;

Débouter en tout état de cause la société Citya L’Horloge de ses demandes plus amples ou contraires ;

La condamner aux dépens d’appel.’

Elle réplique que :

‘ son licenciement repose sur des griefs fallacieux et cette mesure est d’autant plus injustifiée qu’elle venait d’être remerciée pour la qualité de son travail et son investissement ;

‘ à partir de janvier 2016, elle a subi une dégradation de ses conditions de travail s’apparentant à un harcèlement moral ;

‘ l’employeur a fondé son licenciement sur un faux témoignage sans avoir pris la peine d’en vérifier la véracité, ce qui engage sa responsabilité.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 24 décembre 2021, à effet au 28 janvier 2022, l’audience de plaidoiries étant fixée au 11 février 2022.

MOTIFS DE L’ARRÊT

‘ sur le harcèlement moral

Selon l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aux termes de l’article L. 1152-2, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L’article L. 1154-1 du même code, dans sa version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, dispose qu’en cas de litige, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Dans sa rédaction postérieure, cet article prévoit que le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, Mme [I] expose qu’à partir du mois de janvier 2016, elle a subi une dégradation de ses conditions de travail, particulièrement lorsqu’elle a commencé à intervenir ponctuellement afin de pallier les absences répétées pour maladie de M. [G], lequel a quitté l’entreprise en raison de ses mauvaises conditions de travail, le 20 mai 2016 ; que le ‘coup de pouce’ qui lui avait été demandé s’est prolongé, d’autant qu’elle a récupéré une partie de l’activité de Mme [J] censée remplacer M. [G] ; que la directrice de l’agence, Mme [N], a tenté de lui imputer injustement, en janvier et avril 2016, des fautes commises par d’autres collaborateurs ; que non seulement elle n’a pas tenu sa promesse de lui octroyer des primes, mais qu’en outre elle lui a annoncé à son retour de congés, le 5 septembre 2016, que certaines tâches pour lesquelles elle percevait une rémunération variable lui étaient retirées, ce qui entraînait une diminution conséquente de ses revenus, tout en lui confiant la gestion comptable de la totalité du portefeuille à l’exception de trois copropriétés, sans aucune contrepartie financière ni avenant ; qu’elle a découvert le même jour que son armoire contenant l’ensemble de ses dossiers contentieux avait été vidée sans qu’elle en ait été préalablement informée ; qu’au bout d’une semaine d’arrêt de travail, elle a subi un contrôle demandé par l’employeur en vue de vérifier si son arrêt était médicalement justifié ; que le 26 septembre 2016, la directrice lui a présenté sa mère à laquelle elle a confié le traitement des dossiers contentieux ; que les éléments relatifs à sa rémunération variable du mois de juillet 2016 ne lui ont pas été communiqués ; qu’elle a reçu, le 29 septembre 2016, une lettre de mise à pied conservatoire alors qu’elle avait simplement demandé le respect de ses droits et de son travail ; que l’accueil de l’agence a également connu des difficultés ; qu’il n’existait aucun délégué du personnel dans l’entreprise susceptible d’assister les salariés depuis la prise de fonction de Mme [N] en juin 2015 ; que la pression ainsi exercée à son encontre a entraîné une dégradation de son état de santé, d’autant qu’elle est atteinte de la maladie de Crohn.

Le courrier d’un médecin généraliste, daté du 15 février 2016, qu’elle verse aux débats, confirme que M. [G] a présenté un burn-out.

Sa collègue de travail, Mme [P], atteste par ailleurs ‘qu’elle a été très blessée lors de son retour de congés lorsqu’elle a découvert que tous les contentieux dont elle avait la responsabilité avaient disparu de son placard’. Une photographie de son armoire, prise le 5 septembre 2016, fait ressortir qu’une étagère est quasiment vide de dossiers.

Mme [I] justifie en outre que son arrêt de travail pour maladie a été contrôlé à la demande de l’employeur, ce qui lui a été annoncé par courrier du 12 septembre 2016, et que le rapport établi le lendemain a conclu que cet arrêt était médicalement justifié.

Elle produit également des extraits de compte ‘suivi dossier avocat’ du 01/12/2016 au 31/12/2016, ainsi que son courrier du 26 août 2016, dans lequel elle se plaint notamment de ce que ses ‘variables de juillet restent inexpliquées et fausses à ce jour’, mais ne présente aucune demande de rappel de salaire à ce titre.

Divers courriels échangés au sein de l’agence, courant novembre 2015, confirment la réalité de la ‘problématique de l’accueil’.

Pour preuve de la dégradation de son état de santé, Mme [I] communique les éléments suivants : un courrier de l’assurance maladie et une prescription médicale en lien avec son affection de longue durée du 30/08/2006 au 04/07/2019 ; des certificats d’arrêt de travail pour maladie (burn-out) du 5 au 24 septembre 2016 et du 29 septembre 2016 au 26 novembre 2016 ; un certificat médical du 29 août 2017, indiquant qu’à partir du mois mars 2016, elle a présenté un état anxio-dépressif réactionnel ‘lié à des problèmes à son travail’, et qu’elle a poursuivi l’exercice de son activité malgré son état de santé jusqu’à son nouvel arrêt de travail du mois de septembre 2016.

Mme [Y], sa mère, atteste qu’elle a subi le harcèlement moral de sa direction, courant 2016, ce qui a nui à son état de santé.

Par lettre motivée du 20 septembre 2016, Mme [I] a reproché à Mme [N] sa ‘méthode non louable’ de management et ses ‘atttitudes vexantes’ à son égard, s’apparentant selon elle à du harcèlement à l’origine d’une dégradation de ses conditions de travail préjudiciable à son état de santé. Disant ne pouvoir accepter une perte de salaire et réclamant à nouveau le paiement de la prime annoncée, elle proposait à la directrice de la rencontrer pour en discuter.

Dans sa réponse du 29 septembre 2016, réfutant chacun des griefs invoqués par la salariée, la directrice a répliqué que le changement et l’aménagement de ses tâches n’emportait aucune modification de son contrat de travail, que sa rémunération ne comprenait aucune part variable, que l’attribution d’une prime exceptionnelle relevait du pouvoir d’appréciation de l’employeur, que les dossiers contentieux avaient simplement été déplacés en vue de la refonte récemment annoncée, que les audits et remontées sur son travail confirmaient les nombreux exemples d’insatisfaction dans le traitement de ses dossiers, et que le médecin du travail n’avait fait état d’aucune restriction particulière ni d’aucune demande d’aménagement de son poste.

Ajoutant que des éléments récemment portés à sa connaissance l’amenaient à envisager une mesure de licenciement, Mme [N] a notifié à Mme [I] sa mise à pied conservatoire et sa convocation à un entretien préable.

S’il apparaît ainsi que l’employeur a engagé la procédure de licenciement après réception de la lettre de la salariée dans laquelle celle-ci formulait divers griefs et réclamations et se plaignait du comportement de la directrice, s’apparentant selon elle à un harcèlement moral, les éléments de fait ainsi établis ou présentés ne permettent pas de présumer ni ne laissent supposer l’existence d’un tel harcèlement.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

‘ sur le licenciement

* sur sa cause

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui rend immédiatement impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il incombe à l’employeur qui l’invoque d’en apporter la preuve.

En l’espèce, Mme [I] a été licenciée par lettre du 17 octobre 2016, ainsi motivée :

‘Lors de notre entretien du 6 octobre 2016 au cours duquel vous étiez accompagnée d’un conseiller du salarié, nous vous avons exposé les motifs qui nous amenaient à envisager votre licenciement.

En dépit de vos explications, nous sommes au regret de vous informer que nous avons pris la décision de vous licencier pour les motifs décrits ci-après.

Nous déplorons depuis plusieurs mois une dégradation manifeste de votre comportement, tant en interne que vis-à-vis de nos clients, ainsi que la tranmission d’une image négative et dénigrante de la société qui vous emploie.

Pour exemple, nous avons été alertés le 22 septembre 2016 des propos que vous aviez tenus auprès d’un copropriétaire de la Résidence [Adresse 3] à déprécier l’agence et le service syndic en particulier.

De même, l’une de nos anciennes collaboratrices, ayant quitté nos effectifs en août 2016, a tenu à nous faire part des plus grandes difficultés qu’elle avait eues à travailler avec vous, de votre attitude souvent blessante et agressive ayant contribué à son départ de l’agence. Nous avons ainsi appris votre refus, à plusieurs reprises, de rencontrer les membres de conseils syndicaux, ou de recevoir des clients présents dans l’agence sous seul prétexte qu’ils n’avaient pris aucun rendez-vous, ou encore de votre propension à décrocher régulièrement votre téléphone pour ne pas avoir à traiter d’appels téléphoniques.

Egalement, nous avons eu des échanges récents s’agissant de nombreuses erreurs et insuffisances professionnelles constatées, à la fois par mes soins, et par la réalisation d’audits externes. Malgré nos entretiens, nos échanges mails, et la réorganisation de vos tâches pour vous permettre une meilleure gestion de vos dossiers et de vos priorités, vous vous en êtes tenue à une attitude de déni, refusant de vous remettre en cause et d’oeuvrer conjointement à l’amélioration de vos pratiques.

Nous n’avons alors pu que déplorer de votre part un refus de communiquer, autrement que par écrit, une remise en cause systématique des décisions prises et une surenchère croissante dans nos échanges générant un climat de tension que vous avez, seule, contribué à créer.

Enfin, nous avons constaté un réel manque d’implication et de courtoisie dans l’intégration de notre nouvelle Responsable Administrative et Financière ; votre mésentente aussi soudaine qu’inexpliquée venant perturber encore davantage les relations professionnelles au sein de l’agence.

Cette attitude ne peut être tolérée car les conséquences sont particulièrement préjudiciables tant en terme d’image vis-à-vis de nos clients, qu’en raison du climat délétère que votre comportement génère au sein même de l’agence.

Au-delà de ces faits fautifs, nous constatons un ensemble de manquements qui ne sont pas acceptables compte tenu de votre fonction et de votre ancienneté, et pour lesquels nous aurions apprécié une réelle remise en question :

‘ contentieux mal tenu

‘ erreurs comptables

‘ relances et mises en demeure inexpliquées aux copropriétaires

‘ mauvaise imputation comptable de chèques

‘ factures saisies deux fois ou payées deux fois

‘ etc…

Lors de l’entretien préalable, vous n’avez pas su nous apporter d’explications satisfaisantes ni de garanties sur votre volonté de vous remettre en question.

Par conséquent, nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement. S’agissant d’un licenciement pour faute grave, vous n’effectuerez pas le préavis habituellement prévu. Vous ne bénéficierez pas d’indemnité compensatrice de préavis, ni d’indemnité de licenciement.

De même, nous vous précisions que la période de mise à pied conservatoire ne vous sera pas rémunérée.

Conformément à l’article 11 de votre contrat, nous vous libérons de votre obligation de non-concurrence (…/…)’

Au soutien du premier grief concernant les propos prétendument tenus par la salariée auprès d’un copropriétaire, visant à dépréciser l’agence et plus particulièrement le service syndic, ainsi que des autres faits également portés à la connaissance de la direction par une ancienne collaboratrice se plaignant de l’attitude ‘blessante et agressive’ de Mme [I] qui aurait contribué à son départ, l’employeur produit le courriel qui lui a été adressé, le 22 septembre 2013, par Mme [Z], gestionnaire de copropriétés, démissionnaire en août 2016, disant avoir rencontré ‘ dans des circonstances non précisées ‘ ‘un ancien copriétaire’ ‘ dont l’identité n’est pas communiquée ‘ d’un immeuble qu’elle avait géré pour le compte de Cytia ‘ la résidence de la [6], selon la lettre de licenciement ‘ lequel lui aurait rappporté avoir reçu un appel téléphonique de Mme [I] ‘dans le but de déprécier l’agence et le syndic en particulier.’

Ce courriel imprécis, qui n’a été suivi d’aucune attestation établie dans les formes de l’article 202 du code de procédure civile, ne peut suffire à faire la preuve du grief allégué ni des autres faits évoqués par Mme [Z] et repris dans la lettre de licenciement, d’autant que Mme [I] communique les attestations du président et d’un membre du conseil syndical de la résidence concernée, ainsi que de plusieurs autres copriétaires et de Mme [P], ancienne collaboratrice de la société, assurant qu’elle n’a jamais dénigré l’agence ni le service syndic en particulier.

Au demeurant, Mme [W], ancienne assistante au sein de l’agence pendant la période du 5 janvier 2015 au 30 avril 2015, atteste que Mme [Z], alors gestionnaire junior, ‘a bénéficié du professionnalisme de Mme [I] qui n’hésitait pas à l’épauler’. Elle ajoute que Mme [Z] envisageait déjà de quitter l’agence à la fois pour se rapprocher de son domicile et parce que la société ne lui convenait pas, comme le déclare également le président du conseil syndical de la résidence de la [6].

Il est ensuite reproché à la salariée d’avoir commis ‘de nombreuses erreurs et insuffisances professionnelles’, constatées tant par la directrice que par des audits externes, tel celui du 4 juillet 2016, suivi d’un courriel de Mme [B], auditrice, du 21 octobre 2016, listant ‘un échantillon d’anomalies sur le portefeuille de [R] [I]’.

Outre qu’il ne résulte pas de ces éléments la preuve suffisante que les erreurs litigieuses sont imputables à Mme [I] qui aurait refusé de les reconnaître et de modifier ses pratiques, ce que celle-ci conteste de manière très précise, pièces à l’appui, il est constant que l’insuffisance professionnelle n’est pas fautive, sauf lorsqu’elle procède d’une abstention volontaire ou d’une mauvaise volontée délibérée, ce qui n’est nullement établi en l’espèce.

Enfin, la lettre de Mme [J], responsable administrative et financière, datée du 31 août 2016, rapportant les difficultés rencontrées depuis son arrivée avec Mme [I], laquelle aurait, aux termes de la lettre de licenciement, manifesté ‘un réel manque d’implication et de courtoisie’ à son égard, contribuant par son comportement à perturber les relations professionnelles et à entretenir un ‘climat délétère’ au sein de l’agence, n’est pas probante de la réalité de ce grief dans la mesure où cette responsable a assisté l’employeur au cours de l’entretien préalable au licenciement, comme le mentionne le compte-rendu établi par M. [D], conseiller de la salariée, le 14 octobre 2016.

La preuve des faits reprochés, constitutifs selon l’employeur d’une faute grave, n’est donc pas rapportée, d’autant que la salariée, contestant l’ensemble de ces éléments et relevant pertinemment que sa mise à pied conservatoire lui a été notifiée et la procédure de licenciement engagée après réception de sa lettre du 20 septembre 2016, produit :

‘ les attestations de plusieurs anciens collègues de travail témoignant de leurs excellentes relations professionnelles ;

‘ le compte-rendu de son entretien annuel d’évaluation du 2 mars 2016, dont il ressort que la directrice avait alors formulé des appréciations très favorables à son égard, telles que : ‘maintien de la relation de confiance établie’, ‘charge de travail plus importante mais effectuée malgré tout’, ‘objectifs réalisés’, ‘tous les indicateurs sont au vert pour permettre à [R] une évolution dans le sens souhaité’, ‘échanges cordiaux. Comme à son habitude, [R] a été très directe dans ses propos’ ;

‘ le courriel de la directrice du 19 juillet 2016, la remerciant pour son ‘coup de pouce’ qui se prolongeait, mais qui était ‘vital pour la bonne marche du service’.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit ce licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

* sur l’indemnisation

Alors âgée de 44 ans, titulaire d’une ancienneté de plus de deux ans dans l’entreprise employant au moins onze salariés, Mme [I] percevait un salaire mensuel brut de 2 051,93 euros, comme en convient subsidiairement l’employeur.

Conformément à la demande, l’indemnité compensatrice de préavis sera plus exactement fixée à 4 103,86 euros brut et le montant des dommages-intérêts à la somme de 12 311,58 euros net en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable.

Le jugement sera ainsi réformé de ces chefs, mais confirmé sur l’indemnité de licenciement dont le montant réévalué par l’intimée dans le corps de ses conclusions n’a pas été repris au dispositif.

‘ sur la production de fausses attestations

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts à ce titre, Mme [I] fait valoir que la société Citya L’Horloge a fondé son licenciement sur de faux témoignages, s’abstenant notamment de vérifier la véracité du courriel de Mme [Z].

Déboutée en première instance aux motifs qu’elle n’établissait pas avoir déposé plainte pour faux et qu’elle ne rapportait pas la preuve de son préjudice, elle communique le procès-verbal de sa plainte déposée auprès des services de police de Tarascon, le 12 décembre 2017, visant le courriel ‘diffamatoire’ de Mme [Z] produit par l’employeur devant le conseil de prud’hommes.

Si elle soutient à juste titre que cette pièce ne peut fonder son licenciement, force est de constater d’une part, qu’il ne s’agit pas d’une attestation destinée à être produite en justice, et d’autre part, qu’elle n’établit pas, par la seule production de cette plainte, que l’employeur a commis une faute en communiquant ce courriel et les autres pièces versées aux débats, ni qu’elle a subi un préjudice distinct de celui réparé par l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud’homale, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré, sauf sur les montants de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

Condamne la SARL Citya L’Horloge à payer à Mme [I] les sommes suivantes :

‘ indemnité compensatrice de préavis brut 4 103,86 euros

‘ licenciement sans cause réelle et sérieuse net 12 311,58 euros

‘ frais irrépétibles d’appel (art. 700 CPC) 1 500,00 euros

La condamne aux dépens d’appel.

Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame DELOR, Greffière.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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