Diffamation : décision du 25 septembre 2019 Cour d’appel de Paris RG n° 17/15889

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Diffamation : décision du 25 septembre 2019 Cour d’appel de Paris RG n° 17/15889
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRÊT DU 25 SEPTEMBRE 2019

(n°451, 21 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 17/15889 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B35WC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Juillet 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – 9ème chambre 1ère section – RG n°14/00009

APPELANTS

Maître [L] [B]

De nationalité française

Exerçant la profession de notaire

Domicilié [Adresse 5]

S.C.P. [D] [R] DELEGLISE-HAUTEFEUILLE MOGA, anciennement dénommée [B] [D] [R], agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 4]

[Localité 3]

Immatriculée au RCS de Bordeaux sous le numéro 320 254 030

Représentés par Me Valérie TOUTAIN DE HAUTECLOCQUE, avocat au barreau de PARIS, toque D 0848

Assistés de Me Marie CASANOVA, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES

Madame [I] [S] [A] [Z]

née le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 8] (Togo)

Sans profession

Demeurant [Adresse 7]

Représentée par Me Arnaud MÉTAYER-MATHIEU de la SELARL DILLENSCHNEIDER – FAVARO & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque A 0866

S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT, venant aux droits de la S.A.CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE ILE DE FRANCE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Localité 6]

Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 379 502 644

Représentée par Me Henri DE LANGLE, avocat au barreau de PARIS, toque B 0663

Assistée de Me Delphine DURANCEAU plaidant pour la SELARL DURANCEAU- PATENAIRES & ASSOCIES, avocat au barreau de GRASSE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 11 Juin 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Françoise CHANDELON, Présidente de chambre

M. Marc BAILLY, Conseiller

Mme Pascale LIEGEOIS, Conseillère

qui en ont délibéré,

un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Anaïs CRUZ

ARRÊT :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Françoise CHANDELON, Présidente de chambre et par Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

La société PLS, dont M [G] [H] était le dirigeant de fait, avait comme activité le conseil patrimonial.

Elle a proposé à Mme [I] [Z] des investissements immobiliers locatifs financés par des crédits bancaires.

Les projets d’investissements consistaient à acquérir des terrains pour y construire des maisons individuelles éligibles au dispositif de défiscalisation « de Robien ».

C’est dans ce contexte que :

par acte sous seing privé du 5 septembre 2007, Mme [Z] a accepté une promesse de vente d’un terrain à bâtir au prix de 47 000 euros, sous condition suspensive de l’octroi d’un prêt immobilier au taux maximal de 5,5 % l’an dans les 60 jours,

le 10 décembre 2007 selon le contrat remis à la banque ou le 1er septembre de la même année selon celui qu’elle verse aux débats, elle a signé un contrat de construction de maisons individuelles avec fourniture de plan avec la société Maison de la Côte Atlantique (ci-après « MCA »), pour l’édification de deux maisons sur le lot n°13 du lotissement « domaine du Martine » à [Localité 12] (Gironde), moyennant un prix de 173.771 euros chacune, sous condition suspensive de l’achat du terrain, de l’octroi du permis de construire et de l’obtention du prêt immobilier dans un délai de 12 mois,

le 10 décembre 2008 elle a accepté l’offre de prêt émise le 17 novembre précédent par le Crédit Immobilier de France Île de France (CIF) aux droits duquel vient aujourd’hui le Crédit Immobilier de France Développement (CIFD).

Le concours bancaire était de 393 525 euros, d’une durée de 33 ans, à taux révisable, sur la base de l’Euribor à 3 mois majoré de 1,60 point, d’un montant initial de 5,80 % l’an.

L’acte authentique de vente du terrain était conclu le 5 février 2009, par devant maître [L] [B], membre de la société civile professionnelle [L] [B], [T] [D] et [G] [R] (ci-après « la SCP »), l’acte de prêt étant réitéré à la même date.

Mme [Z] avait par ailleurs souscrit, par l’intermédiaire du même conseil en patrimoine et l’intervention de M° [B] :

Un contrat de construction d’une maison individuelle à [Localité 14] (Gironde) sur un terrain acquis le 20 juin 2008, projet financé par un prêt souscrit auprès du Crédit agricole.

Un contrat de construction d’une maison individuelle à [Localité 9] (Gironde) sur un terrain acquis le 24 juin 2008, projet financé par un prêt souscrit auprès du Crédit foncier de France.

Ayant constaté des malfaçons et non façons affectant les maisons sises à [Localité 12], Mme [Z] a obtenu du juge des référé du tribunal de Libourne, le 10 mars 2011, la désignation d’un expert, lequel a chiffré, le 19 septembre 2012, les travaux de reprise à 268 579 euros.

Mme [Z] a alors saisi le juge du fond et par jugement du 20 septembre 2016, qui serait pendant devant la cour, M°[B], et la SCP ont été condamnés au paiement de la somme principale de 49 084 euros.

Par jugement du 11 juin 2015, le tribunal correctionnel de Bordeaux a déclaré M. [H], coupable des délits d’escroquerie, de banqueroute, d’abus de biens sociaux et d’abus de confiance M. [X], commercial de la société PLS, M. [N] courtier en charge de d’obtenir les financements et M. [P], dirigeant d’une société ayant émis des fausses factures étant reconnus complices de ces faits.

Par exploits des 9 et 17 décembre 2013, Mme [Z] engageait cette procédure.

Par jugement du 5 juillet 2017, le tribunal de grande instance de Paris a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

condamné solidairement M° [B] et la SCP [L] [B], [T] [D] et [G] [R] à payer à Mme [Z] 30 000 euros en réparation de sa perte de chance de n’avoir pas contracté,

ordonné la reprise des relations contractuelles entre Mme [Z] et la société CIFD s’agissant du contrat de prêt conclu le 10 décembre 2008, réitéré par acte authentique du 5 février 2009, à compter de la signification de ce jugement,

condamné in solidum M° [B] et la SCP [L] [B], [T] [D] et [G] [R] à payer à Mme [Z] 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné Mme [Z] à payer à la société CIFD 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

Selon le CIFD, ce jugement aurait fait l’objet d’une rectification matérielle le 31 octobre suivant.

La teneur de la rectification n’est cependant pas indiquée ni la décision rectificative produite.

Par déclaration en date du 3 août 2017, M° [B] et la SCP [B] [D] [R] ont fait appel de la décision rendue le 5 juillet 2017.

Dans leurs dernières conclusions du 12 février 2018, Maître [B] et la SCP [D] [R] DELEGLISE-HAUTEFEUILLE MOGA, anciennement dénommée SCP [B] [D] [R], demandent à la cour de :

– Débouter Mme [Z] de son appel incident portant sur les condamnations prononcées en première instance à leur encontre et de ses demandes à leur endroit,

– Condamner Mme [Z] ou toute partie succombante à payer à leur verser une indemnité de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile

Au soutien de leurs prétentions Maître [B] et la SCP rappellent en premier lieu que si Messieurs [H], [N], [Y] et [P], ont été condamnés par le Tribunal correctionnel de BORDEAUX à de lourdes peines, notamment d’emprisonnement, Maître [B] n’a pas fit l’objet de poursuites pénales.

Ils contestent avoir commis une faute civile et soutiennent qu’en toute hypothèse, l’indemnisation réclamée est sans lien de causalité avec les manquements reprochés à Maître [B].

Sur l’absence de faute

au titre des commissions versées aux sociétés PLS et ECI

Mme [Z] a déjà saisi le tribunal de grande instance de Bordeaux de demandes relatives à ces commissions, lequel n’a relevé aucune irrégularité, de sorte que la responsabilité de Maître [B] n’est pas engagée à ce titre.

Ils ont fait appel de ce jugement en ce qu’il a retenu leur responsabilité pour ne pas avoir vérifié l’existence du mandat confié à la société PLS après avoir jugé que son activité relevait de la loi HOGUET.

La question du paiement indu de commissions n’a ainsi pas vocation à être examinée dans le cadre de cette instance.

Au titre d’une irrégularité de la vente

Les contrats de construction de maisons individuelles (CCMI) ainsi que la promesse unilatérale de vente n’étaient pas caduques lorsque l’offre de prêt a été adressée par le CIF Île de France.

En effet, les contrats de construction de maisons individuelles sont datés du 10 décembre 2007 et comportent une condition suspensive d’obtention d’un prêt dans un délai de 12 mois.

Le CIF ILE DE France a transmis à Mme [Z] une offre de crédit détaillée le 17 novembre 2008, réceptionnée le 20 novembre 2008 et acceptée le 10 décembre 2008, étant encore observé qu’ils n’avaient pas à vérifier la conformité de ces contrats pour lesquels ils ne sont pas intervenus.

Il importe peu que les promesses de vente aient été caduques au moment de la réitération par acte authentique, l’existence d’un avant-contrat quelle que soit sa forme n’étant pas un préalable requis pour conclure un acte de vente.

L’acquéreur ne peut valablement se prévaloir à l’égard du vendeur de la caducité de la promesse du seul fait de la tardiveté de l’obtention de l’offre de prêt, laquelle traduit sa seule défaillance au regard des engagements qu’il a lui-même pris en termes de diligences pour l’obtention du financement.

Le vendeur n’a jamais entendu remettre en cause la promesse de vente, au motif que l’offre de prêt aurait été tardive ou que la date de signature initialement prévue était expirée, dès lors Maître [B] n’avait pas à relever une quelconque difficulté à ce titre.

Mme [Z] a poursuivi tout à fait volontairement la vente et ne peut reprocher aux défendeurs de ne pas l’avoir informée d’une éventuelle caducité de la promesse unilatérale de vente, comme l’a jugé le tribunal de grande instance de Bordeaux en ces termes: « Il est indifférent que les promesses de vente intervenues aux mois d’août et septembre 2007 aient été caduques aux dates auxquelles Maître [B] a dressé les actes authentiques de vente, dans la mesure où la volonté des parties était de poursuivre la vente, Madame [Z] ne soutenant pas en l’espèce avoir avisé le notaire de son intention de renoncer à ses projets d’acquisition postérieurement au délai imparti pour la levée d’option.

Mme [Z] ne rapporte pas la preuve qu’informée de la caducité de la promesse, elle aurait décidé de ne pas poursuivre l’opération immobilière.

Pour non-respect prétendu des dispositions de l’article L. 312-6 du Code de la consommation

L’offre a été acceptée le 10 décembre 2008 par l’acquéreur, soit 23 jours après son émission et 20 jours après sa réception. Le délai de 10 jours a donc été parfaitement respecté entre la réception de l’offre et son acceptation.

Il est ainsi indifférent que la procuration ait été signée le 28 novembre 2008.

Au titre d’un manquement de Maître [B] à son obligation de conseil

Il est de jurisprudence constante que le notaire n’a pas à conseiller ses clients quant à l’opportunité économique de l’opération envisagée et n’a pas à s’immiscer dans la négociation et la transaction immobilière en elle-même, n’étant tenu qu’à s’assurer de l’efficacité de l’acte juridique de vente.

Ainsi le notaire n’avait pas à vérifier l’adéquation entre ses objectifs et les ressources dont elle disposait, une telle intrusion violant le devoir de neutralité que lui impose sa qualité d’officier ministériel.

Mme [Z] ayant obtenu une offre de prêt du CIFD pour financer son achat, Maître [B] n’avait pas à douter de la régularité des justificatifs fournis à la banque, et n’avait aucune raison de soupçonner une quelconque difficulté quant à la solvabilité de l’intimée.

C’est à tort que le tribunal a considéré que Maître [B] avait commis un manquement en ne retenant pas que l’apport personnel de 12 162 euros qui conditionnait la délivrance des fonds n’était pas payé.

D’une part Mme [Z] ne démontre pas qu’elle ne pouvait pas réaliser cet apport, et d’autre part cette question ne concernait que les relations de la banque avec sa cliente, la somme de 12.162 € apportée par Mme [Z] ne transitant pas par sa comptabilité.

Sur des demandes injustifiées dans leur principe et leur quantum

L’origine des difficultés dont se prévaut Mme [Z] réside uniquement dans le fait que les constructions sont affectées de malfaçons et de désordres, difficultés étant postérieures à l’intervention du notaire.

Mme [Z] n’a jamais entendu remettre en cause les ventes, puisqu’aucune procédure d’annulation ou de résolution n’a été entreprise de sorte que malgré les agissements frauduleux de Monsieur [H], elle entend bel et bien conserver la propriété des immeubles acquis par son entremise.

La demande indemnitaire de Mme [Z] correspondrait à la « différence entre le montant de la créance de la banque et la valeur réelle des biens immobiliers » soit la somme de 465 238,51 euros.

L’on ne voit pas à quel titre le coût total du crédit pourrait être rapproché de la valeur vénale de chaque immeuble s’agissant de valeurs indépendantes.

Enfin, la somme réclamée concerne la valeur de l’ensemble des biens immobiliers acquis par Mme [Z], alors que la présente instance ne porte que sur les manquements reprochés à Maître [B] dans le cadre de l’acquisition de [Localité 13].

Surtout, Mme [Z] sollicite l’annulation du crédit souscrit et la restitution de l’intégralité des sommes versées au CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE. Dès lors, faire droit aux demandes de Madame [Z] permettrait à cette dernière de récupérer deux fois les sommes empruntées tout en restant propriétaire des immeubles financés, à l’origine d’un enrichissement sans cause manifeste.

Dans ses dernières conclusions du 20 décembre 2017 Mme [Z] demande à la cour de :

confirmer le jugement en ce qu’il a reconnu la responsabilité de Me [B] et de la SCP [B] [D] [R],

le réformer pour le surplus et, statuant à nouveau :

Sur la responsabilité de la banque du fait des fautes de son intermédiaire en opérations de banque (IOB) :

Dire et juger qu’elle a été démarchée en violation des règles régissant le démarchage bancaire et financier,

Prononcer en conséquence la nullité du crédit souscrit et ordonner la restitution des versements opérés outre la perte par CIFD de son droit à la restitution du capital emprunté.

Subsidiairement,

Dire et juger que le CIFD a commis une faute en mettant en place un prêt dont il ne pouvait ignorer le vice,

Le condamner au paiement d’une indemnité égale à la créance de restitution liée à la nullité du prêt,

Dire et juger que les prêts ont été obtenus par l’usage de faux commis par l’IOB de la banque et la condamner au paiement d’ une indemnité d’un montant de 237.499,08 euros,

Lui octroyer les plus larges délais de paiement pour s’acquitter des sommes qui pourraient être mises à sa charge ;

Sur la responsabilité de la banque de son fait personnel :

Dire et juger, que CIFD a commis une faute en s’abstenant de lui délivrer la moindre mise en garde ou information et la condamner au paiement d’ une indemnité d’un montant de 237.499,08 euros,

Le dire et juger déchu de son droit aux intérêts pour l’avenir,

Le condamner en conséquence à lui rembourser les intérêts conventionnels indûment versés ;

Lui ordonner, sous astreinte de 1000 euros par jour à compter du jugement (sic) à intervenir en s’en réservant la liquidation, de produire l’historique des échéances de remboursements du crédit souscrit distinguant les sommes perçues au titre du capital et celles perçues au titre des intérêts ;

Dire et juger que CIFD ne sera plus autorisé pour l’avenir à percevoir d’intérêts au titre du contrat de prêt conclu avec Mme [Z],

à défaut de nullité du prêt, d’ordonner la reprise des relations contractuelles selon les termes et conditions figurant dans l’offre de prêt et JUGER que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit ;

Sur la responsabilité de Me [L] [B] :

Dire et juger que Me [L] [B] a commis des fautes en méconnaissant les dispositions du Code de la consommation, en manquant à son obligation de conseil, ainsi qu’en ne respectant pas les règles professionnelles déontologiques interdisant l’apport d’affaires et réglementant les conditions d’exercice des notaires,

Condamner en conséquence solidairement Me [L] [B] et la SCP [B] [D] [R] à lui verser la somme de 465.238,51 euros au titre du préjudice financier.

Sur la réparation du préjudice moral :

Condamner le CIFD à lui verser la somme de 20.000 euros en réparation du préjudice moral subi.

En toute hypothèse :

Débouter le CIFD de ses demandes reconventionnelles ;

Condamner in solidum le CIFD, la SCP [L] [B], [T] [D] et [G] [R] et Maître [L] [B] à verser chacun à Mme [Z] la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner le CIFD, la SCP [B] [D] et [R] et Me [L] [B] aux entiers dépens.

A titre liminaire Mme [Z] conteste une demande de 10 000 euros de dommages-intérêts qui ne figure pas dans le dispositif des dernières écritures du Crédit immobilier de sorte que les moyens développés à son propos sont sans objet.

Au soutien de ses autres prétentions Madame [I] [Z] fait valoir que :

I’ A titre principal : sur la responsabilité de la banque du fait de son IOB

1.1. ECI est un IOB

Le prêt a été proposé par monsieur [N], au nom de la société ECI liée à la banque par une convention d’intermédiation expressément soumise aux articles L519-1 du Code monétaire et financier laquelle servira en fait, selon les termes du jugement du tribunal correctionnel de Bordeaux, de « société écran ».

1.2. ECI est le mandataire de la banque

A l’époque des faits, l’IOB agissait exclusivement en qualité de mandataire de la banque conformément aux termes de l’article L 519-2 du Code monétaire et financier.

En l’espèce, lorsque ECI a proposé le crédit litigieux à Mme [Z], il agissait nécessairement en qualité de mandataire du Crédit Immobilier de France puisque la loi de 2010 n’était pas encore entrée en vigueur. De plus, une convention de courtage liait à ce titre la banque à son courtier pour son rôle d’intermédiation, ainsi que la loi le requiert.

1.3. La banque est responsable de ECI

1.3.1. Responsabilité du mandant du fait du mandataire

Le mandant est responsable vis-à-vis des tiers des fautes commises par le mandataire.

1.3.2. L’obligation de contrôle de l’IOB

Le Crédit Immobilier de France aurait dû contrôler ECI et ses gérants et salariés pour s’assurer qu’ils respectent bien les obligations légales à leur charge, ce qu’il n’a pas fait.

En effet, la banque ne s’est pas inquiétée que l’un des deux associés ait à peine 18 ans au moment de l’opération (le fils de monsieur [N]), et que la convention liant ECI à la banque n’ait pas été signée par la fille de M. [N], gérante de ECI, mais par son père.

De plus, le Crédit Immobilier de France ne produit pas les compte-rendus de l’activité de l’ECI et ne justifie pas s’être enquis des compétences et de la souscription de l’assurance responsabilité civile professionnelle de l’IOB (article L341-4 et suivants du CMF), privant Mme [Z] d’éventuels recours contre l’organisme d’assurance.

1.3.3. Responsabilité sans faute

L’article L 519-3-4 du Code monétaire et financier et L’article L.311-51 du code de la consommation, consacrent le principe général selon lequel la banque répond des fautes de l’IOB.

2. La banque est comptable du démarchage dont a été victime Mme [Z]

2.2. Violation des règles du démarchage

En vertu de l’article L 511-1 du CMF alors en vigueur, « lorsque les intermédiaires en opérations de banque se livrent à une activité de démarchage au sens de l’article L. 341-1, ils sont soumis aux dispositions des articles L. 341-4 à L. 341-17 et L. 353-1 à L. 353-5. »

Or, ces articles ont été méthodiquement violés :

Parmi toutes les activités du conseiller en investissement financier (article L 541-1 I du CMF), seules celles relatives à une prestation de conseil en investissement peuvent faire l’objet d’un démarchage, à l’exclusion d’une opération de banque.

En l’espèce, Mme [Z] a été démarchée sur son lieu de travail, si bien que l’article L. 341-3 du Code monétaire et financier a été violé.

2.2.1. Personne non habilitée à procéder au démarchage

L’article L 341-6 du Code monétaire et financier alors en vigueur prescrit que tout démarcheur doit être enregistré au fichier centralisé des démarcheurs auprès de l’Autorité des marchés financiers et de l’Autorité de contrôle prudentiel par les personnes pour lesquelles elle agit. En l’espèce, le Crédit Immobilier de France n’a jamais pris la peine de faire enregistrer le courtier que ce soit ECI, M. [N] ou M. [Y] en qualité de démarcheur.

2.2.3. Non-respect de l’obligation de s’enquérir de l’expérience et des besoins de l’investisseur

Madame [Z] n’a pas été destinataire d’informations utiles relativement au prêt prévues par l’article L.311-41 du CMF.

2.2.4. Absence d’écrit informatif

Madame [Z] n’a pas reçu les informations écrits prévues par l’article L.341-12 du CMF.

2.2.5. Les produits interdits au démarchage

Un crédit bancaire est un produit.

L’article L.341-10 du CMF interdit le démarchage de produit à risque lorsque le risque maximum n’est pas connu, ce que constitue le crédit bancaire, conformément à ce qu’indique le rapport de la commission des finances du sénat.

En l’espèce, Mme [Z] a été démarchée en vue de contracter un emprunt dont le risque maximum n’est pas connu dans la mesure où l’emprunt est stipulé à taux variable.

2.3 Conséquences des manquements commis

a) Nullité du crédit

En vertu de l’article L 341-17 du CMF, tout manquement au corpus de règles régissant le démarchage bancaire est pénalement sanctionné, et encourt donc la nullité conformément à l’article 6 du code civil car contraire à l’ordre public.

La nullité des actes issus du démarchage est également confirmée par la Cour suprême qui énonce que «les conventions conclues à la suite de démarchages prohibés et sanctionnés pénalement » sont nulles, dans la mesure où elles sont « illicites comme contraires à l’ordre public ».

Quelle que puisse être la part de responsabilité du Crédit Immobilier de France dans l’opération de démarchage et quelle que puisse être la connaissance par la banque de ces actes de démarchage, le seul fait que Mme [Z] ait été démarchée en violation des prescriptions du Code monétaire et financier lui ouvre droit à obtenir l’annulation du crédit.

b) Absence de créance de restitution

Les fautes de la banque privent la banque de sa créance de restitution, comme le rappelle la jurisprudence.

La banque a commis des fautes en ne contrôlant pas ECI. En tant qu’établissement bancaire elle est tenue de répondre de ses fautes en sa qualité de mandant du démarcheur.

Conformément à la jurisprudence, en mettant en place un prêt que la banque savait irrégulier, la banque ne peut réclamer restitution des sommes prêtées. En effet, les turpitudes de la banque lui font perdre le droit à obtenir restitution en vertu de l’adage nemo auditur.

c) Indemnité à la charge de la banque

Si la Cour refusait de faire application de l’adage nemo auditur, les fautes de la banque n’emporteraient pas moins réparation du préjudice en résultant pour l’emprunteur.

3. La banque est responsable des faux commis par l’IOB

3.1. Les faux

Le Tribunal correctionnel de Bordeaux a reconnu l’existence de faux et a condamné à ce titre MM. [N], [Y] et [H].

La banque aurait pu s’interroger sur le fait qu’un inspecteur en assurance chez AVIVA puisse gagner un salaire mensuel net de 6.982 euros, et aurait pu noter les discordances entre certains documents : la demande d’assurance mentionne par exemple que Mme [Z] est commercial en assurance et non inspecteur en assurance’

De plus des incohérences entachaient la demande de prêt entre les dates de déclaration d’impôt et les salaires. Pour déceler les faux, il suffisait simplement pour la banque d’interroger directement Mme [Z], son client, pour connaître ses véritables revenus. Mme [Z] n’a en effet jamais cherché à travestir ou maquiller la réalité.

3.2. Le préjudice

Sans ces faux qui ont accru fictivement les revenus de Mme [Z], le prêt litigieux n’aurait pas pu être signé car il exposait Mme [Z] à un surendettement massif, le tribunal de grande instance de Bordeaux ayant d’ailleurs reconnu la disproportion.

Mme [Z], avait à l’époque comme revenus la somme de 3.247 euros, 52 ans, vivait seule avec un enfant à charge et payait un loyer de 606 euros par mois.

Elle avait déjà contracté deux crédits immobiliers : l’un auprès du Crédit Foncier avec des échéances mensuelles de 1.791 euros, le second prêt auprès du Crédit Agricole avec des échéances mensuelles de 1.240 euros. Ainsi, le montant cumulé des échéances des prêts souscrits s’élevait à 5.480 euros.

La banque doit donc supporter toutes les conséquences financières liées à l’opération en réparant l’entier dommage en résultant. Aujourd’hui la banque réclame le paiement d’une créance de 412.499,08 euros.

Ce crédit a permis le financement de deux maisons dont la valeur vénale est estimée à 87.500 euros par pavillon. La perte de Mme [Z] dans cette opération est égale à 412.499,08 euros ‘ (87.500 x 2) euros = 237.499,08 euros.

II – sur la responsabilité de la banque du fait de ses propres fautes

3.1 Mme [Z] est un emprunteur non averti

Le Crédit Immobilier de France ne peut prétendre que Mme [Z] serait un emprunteur averti au motif que 6 mois avant l’acceptation de l’offre litigieuse, elle s’était endettée au prêt du Crédit Foncier et auprès du Crédit Agricole.

D’ailleurs il est à préciser que Madame [Z] n’avait jamais souscrit d’emprunt et n’était pas propriétaire de son domicile avant de rencontrer monsieur [H].

3.2 Une offre de crédit complexe

L’offre de crédit est d’une particulière complexité, notamment sur les modalités de révision du taux qui prévoient qu’après une période de 121 mois, il serait ensuite stipulé variable et serait alors égal à la somme de l’index EURIBOR 3 mois majoré d’une partie fixe de 1,60 points. Pourtant, aucun éclairage ne lui sera apporté, ni par la banque, ni par le notaire.

3.3 L’absence de mise en garde et d’information

La banque et le notaire auraient dû alerter madame [Z] sur les risques de l’opération, à savoir ;

le risque de construire des maisons individuelles et de les louer,

le fait que le contrat de construction de maison individuelle et la promesse d’acquisition étaient caducs,

l’offre de prêt prévoyait des travaux réservés à seulement 57.881 euros, alors qu’ils s’élèvent aux termes des deux contrats à 90.000 euros,

l’opération reposait sur un apport personnel de Mme [Z], rappelé dans l’offre de crédit d’un montant de 12 162 euros qui n’a pas été payé,

le crédit immobilier de France n’a pas interrogé madame [Z] sur ses objectifs.

4. Un endettement excessif

La banque prétend que Mme [Z] ne saurait exciper d’un endettement excessif car elle aurait caché l’existence d’autres emprunts et que les documents transmis par la banque révéleraient un revenu bien supérieur à celui invoqué dans le cadre de la présente instance.

Or, les documents que la banque versent aux débats sont des faux, ainsi que l’a reconnu le tribunal correctionnel de Bordeaux pour lesquels MM. [H], [Y] et [N] ont été condamnés.

5. Les irrégularités affectant les contrats de construction de maison individuelle

Plusieurs des obligations requises par l’article L.231-2 du code de la construction et de l’habitation n’ont pas été respectées, à savoir :

La désignation du terrain destiné à l’implantation de la construction et la mention du titre de propriété du maître de l’ouvrage ou des droits réels lui permettant de construire,

L’indication que le maître de l’ouvrage pourra se faire assister par un professionnel habilité lors de la réception,

Le coût des travaux dont le maître de l’ouvrage se réserve l’exécution, lesquels doivent être décrits et chiffrés par le constructeur.

6. Préjudice subi par Mme [Z]

L’indemnité mise à la charge de la banque s’élève à la somme de 237.499,08 euros, qui correspond à la perte nette subie par Mme [Z] du fait de l’opération réalisée. Il sera en outre octroyé à Mme [Z] un délai de deux ans pour s’acquitter du solde restant dû.

7. Arguments de défense inopérants

Mme [Z] a obtenu le statut de partie civile et a donc été reconnue victime de l’escroquerie. Il est fallacieux et diffamatoire de prétendre qu’elle aurait été informée de l’opération et aurait été complice de ce projet.

Il est à rappeler Mme [Z] doit rembourser les sommes dues avec un taux d’intérêt de 5,80%, et n’a donc pas constitué « un trésor de guerre » contrairement à ce que prétend la partie adverse.

III – A titre subsidiaire seulement s’il n’est pas fait droit à la demande de nullité : Sur la déchéance pour la banque du droit de percevoir les intérêts conventionnels

1 Les exigences impératives de la loi Scrivener violées

L’ offre de prêt fait référence aux dispositions du Code de la consommation relatives aux crédits immobiliers. L’offre préalable de crédit immobilier doit satisfaire à de strictes conditions de forme prévues par L. 312-8 du Code de la consommation qui n’ont pas été respectées :

a) Frais de dossier

l’offre de prêt tout comme l’acte authentique mentionne des frais de dossier à hauteur de 800 euros sans que l’on ne sache à quoi cette somme correspond.

b) Acceptation de l’offre par courrier

Le délai de réflexion de 10 jours minimum n’a pas été respectée. Mme [Z] n’a pas souvenir d’avoir accepté l’offre par courrier, il échoit donc à la banque d’en administrer la preuve.

c) Taux effectif global

Il résulte des conditions particulières de l’offre de prêt que le TEG a été calculé sur une période de 362 mois en tenant compte que l’emprunteur aurait fait option de choisir un taux variable. Pourtant, à la date de l’offre, le seul taux assuré était celui du taux nominal applicable sur 336 mois.

Le Crédit immobilier de France annexe à l’offre de prêt un tableau d’amortissement calculé cette fois par rapport au seul taux fixe.

De plus, le TEG est erroné en ce qu’il n’intègre pas une partie des primes d’assurances pendant la période d’anticipation.

3. La sanction de ces manquements : la déchéance du droit aux intérêts

Le Crédit Immobilier de France est donc déchu de son droit aux intérêts contractuels, échus comme à venir. Ainsi, Mme [Z] n’est tenue qu’au remboursement du seul capital prêté, après déduction des sommes déjà réglées.

IV ‘ A titre principal : sur la responsabilité du notaire

1. Fautes commises

a) Versement indu de commissions

Maître [B] a versé des commissions indues, à PLS mais aussi à des créanciers de M. [H], sans recueillir l’accord de Mme [Z], et a donc été condamné par le TGI de Bordeaux.

b) Irrégularités des opérations

La promesse de vente du terrain a été signée le 5 septembre 2007 et prévoit que la réitération, par acte authentique, se fera avant le 30 septembre 2007. L’acte authentique a été signé le 5 février 2009, soit un an et demi après l’expiration de la promesse de vente, ainsi que le reconnaît Me [B].

La promesse de vente prévoit encore une condition suspensive de l’obtention d’un prêt dans un délai de 60 jours. Or l’offre de prêt n’a été éditée que le 17 novembre 2008 de sorte qu’elle était caduque.

Par ailleurs le règlement de lotissement interdisait la construction de plusieurs logements par lots de terrain à bâtir, ce qu’a décelé un confrère de Me [B] alors que Maître [B] n’a pas pris le soin de le vérifier et a laissé Mme [Z] faire construire deux pavillons sur le terrain acquis.

Enfin, l’offre de prêt mentionnait un apport personnel de 12.162 euros, qui n’a jamais été versé. Le notaire aurait dû vérifier l’existence de cette somme, qui n’apparaît dans aucun des états de frais.

c) Méconnaissance des dispositions du Code de la consommation

Me [B] n’a pas respecté les dispositions de l’article L.312-6 du code de la consommation.

En effet, l’offre a été réceptionnée le 20 novembre 2008, le délai de dix jours commence donc à courir le lendemain de la date de réception de l’offre, soit, en l’espèce, le 21 novembre 2008 et expire dix jours après, soit le 1er décembre 2008.

Pourtant les procurations ont signées le 28 novembre 2008 soit douze jours avant la date d’acceptation du prêt et alors même que le délai de dix jours n’était pas écoulé soit avant même l’expiration du délai légal de réflexion.

d) Rémunération de l’apporteur d’affaires

Maître [B] a offert plusieurs cadeaux à monsieur [H] comme il l’a déclaré à la police, et ce contrairement au règlement national du notariat, manifestant ainsi un conflit d’intérêt qui l’a empêché d’exercer correctement sa mission et d’apporter les conseils requis à Mme [Z].

e) Conditions d’exercice

Conformément à l’article 12-1 du règlement intérieur du notariat et de la déontologie, le notaire ne peut réaliser des actes en dehors de son officine sauf cas exceptionnel, ce qui n’a pas été le cas, puisqu’il est démontré que monsieur [B] réalisait des actes dans des lieux atypiques comme l’indique l’enquête de police et le TGI de Bordeaux.

f) Défaut de conseil sur l’opération

Le notaire n’a pas vérifié l’adéquation entre les objectifs de Mme [Z] et les ressources dont elle disposait.

La concomitance de ces opérations aurait dû susciter la curiosité du notaire et l’inciter à prendre contact avec sa cliente, pour vérifier que celle-ci était bien en mesure de faire face à tous les engagements auxquels elle souscrivait.

2. Préjudice subi par Mme [Z]

2.1 Versement indu de commissions d’agence

Ce poste de préjudice sera indemnisé dans le cadre de l’action pendante devant le Tribunal de grande instance de Bordeaux.

2.2 Perte de chance de ne pas contracter

La perte nette pour Mme [Z] correspond à la différence entre le montant de la créance de la

banque et la valeur réelle des biens immobiliers soit :

– la somme de (412.499,08 ‘ 87.500*2=) 237.499,08 euros pour [Localité 11] ;

– la somme de (400.239,43 ‘ 172.500=) 227.739,43 euros pour [Localité 9].

Le montant total du préjudice s’élève donc à la somme de 465.238,51 euros.

V – Préjudice moral

Le tribunal de grande instance de Bordeaux ayant déjà statué sur ce chef de demande, la concluante n’entend pas maintenir sa demande à l’encontre de Me [B], mais uniquement à l’égard de la banque.

VI’ Rejet des demandes reconventionnelles

Le Crédit Immobilier de France entend demander la fixation de sa créance à la somme de 420.087,26 euros, selon décompte produit. Il apparaît donc que le décompte produit par la banque est manifestement inexact.

Il est demandé à la Cour de débouter le Crédit Immobilier de France de toutes ses demandes reconventionnelles.

VII ‘Reprise des relations

Si la nullité du prêt n’est pas prononcée, il sera demandé la reprise des relations contractuelles, selon les termes et conditions figurant dans l’offre de prêt et conformément à l’article 1344-1 du Code civil, il sera demandé que les sommes correspondant aux échéances reportées portent intérêt à un taux réduit.

Dans ses dernières conclusions du 20 février 2018, le Crédit immobilier de France développement demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu le 5 juillet 2017, rectifié par jugement du 31 octobre 2017 Subsidiairement,

– Dire et juger que Mme [Z] ne rapporte pas la preuve d’un quelconque démarchage bancaire effectué par le CREDIT IMMOBILIER DE France ou par un mandataire de celui-ci.

– Dire et juger que le CREDIT IMMOBILIER DE France n’a commis aucune faute ni négligence dans le contrôle de la conformité du Contrat de Construction de Maison Individuelle avec fourniture de plans ainsi que dans la vérification de l’existence de la garantie de livraison lors de l’octroi du crédit.

– Dire et juger que Mme [Z] a la qualité d’emprunteur averti, et qu’elle a omis de déclarer la réalité de sa situation, ces fautes excluant tout devoir de mise en garde de la part du CREDIT IMMOBILIER DE France.

– Dire et juger qu’en tout état de cause le CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE a parfaitement rempli son devoir de mise en garde alors même qu’il n’y était pas soumis au regard de la qualité d’emprunteur averti de Mme [Z].

– Débouter en conséquence Mme [Z] de sa demande au titre de la nullité du prêt ainsi que sa demande en dommage et intérêts à hauteur des sommes empruntées,

– La débouter de ses arguments relatifs aux dispositions du code de la consommation sur le TEG.

– Dire et juger que Mme [Z] ne justifie d’aucun préjudice lié à l’intervention du CREDIT IMMOBILIER DE France.

– Débouter Mme [Z] de l’intégralité de ses prétentions,

– Ordonner le paiement de l’intégralité des échéances reportées depuis l’ordonnance de référé en date du 12 mai 2011, et ce au jour de la signification du jugement rendu,

– Dire et juger que Madame [Z] sera tenue de reprendre l’exécution du prêt qui lui avait été consenti,.

– A titre reconventionnel, et sans novation :

– Fixer la créance du CREDIT IMMOBILIER DE France à l’encontre de Madame [Z] ou de tout succombant condamné à sa place et au besoin, condamner solidairement tant Mme [Z] que les autres intervenants fautifs à lui payer la somme totale de 420 087,26 € au titre du prêt litigieux outre intérêts conventionnels postérieurs au 27 février 2015 et jusqu’à complet règlement.

A titre tout à fait subsidiaire,

– Si la cour décidait d’annuler le contrat de prêt, condamner Mme [Z] à restituer au CIFD le capital prêté déduction des échéances réglées, en deniers ou quittance.

– Dire et Juger que les garanties hypothécaires seront maintenues jusqu’au règlement intégral de la créance du CIFD.

– Ordonner la publication du jugement à intervenir à la conservation des hypothèques.

En tout état de cause :

– Condamner Mme [Z] ou tout succombant au paiement de la somme de 10 000 € en remboursement des frais irrépétibles.

– Condamner Mme [Z] ou tout succombant aux entiers dépens de l’instance distraits au profit de Maître Henri DE LANGLE, avocat postulant aux offres de droit.

A titre liminaire : sur l’instance pénale et la régularité contestée des documents produits

C’est monsieur [H] qui a falsifié les faux documents, et pas monsieur [N].

Si les établissements bancaires ont été reconnus comme victimes, les investisseurs dont Madame [Z] étaient accusés d’escroquerie comme le démontre la synthèse du procès-verbal.

De plus, un système de fausses factures était organisé pour permettre le déblocage de fonds au profit des investisseurs leur permettant ainsi de constituer un « trésor de guerre ».

I – Sur le démarchage illicite

Les témoignages adverses prouvent que les personnes qui ont démarché Mme [Z] sont MM. [Y] et [H], or le CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE ne connaît pas Monsieur [H] mais comprend que c’est lui qui a été le donneur d’ordre pour réaliser l’escroquerie, comme le tribunal correctionnel l’a retenu.

C’est M. [H] qui a réalisé le montage de l’opération par l’intermédiaire des sociétés PLS et PGL et qui a fait transmettre, et non transmis directement, les dossiers de financement à l’établissement prêteur comme le démontrent les pièces produites et notamment le dossier pénal.

Conformément à l’article L.341-1 du CMF la condition première du démarchage bancaire et financier est une prise de contact non sollicitée, ce que n’a jamais fait le Crédit foncier immobilier qui n’a jamais donné mandat pour démarcher.

Mme [Z] aura probablement été démarchée par Messieurs [Y], [N] ou [H] mais en aucun cas par le CIF IDF ou sur ses instructions.

De plus, il est reconnu que ce n’est pas le CIF qui a démarché Mme [Z] mais que c’est au contraire elle qui a sollicité les financements auprès de différentes banques.

La convention IOB consiste simplement en la présentation de clientèle par le dépôt en agence de dossiers de demande de financement. La clause 1.2 de la convention exclue expressément le démarchage et ne prévoit donc aucun mandat de démarchage (clause 1.2 ‘ paragraphe 3 ‘ page 2), il est donc inexact de prétendre que le Crédit foncier immobilier a mandaté la société ECI pour démarcher des clients.

Il est important de noter que le dossier pénal ne révèle aucune responsabilité imputable à la société ECI qui n’est ni inquiétée, ni même stigmatisée dans le cadre de l’escroquerie dévoilée.

Mme [Z] ne peut engager la responsabilité du Crédit foncier immobilier :

En expliquant qu’il aurait était le mandant du démarcheur : La banque ne connaissait ni monsieur [H] ni monsieur [Y] qui l’ont approchée,

En expliquant qu’il n’a pas contrôlé la société ECI : les conventions IOB sont signées avec la Société ECI (et non PGL ou PLS qu’il ne connaît pas), excluant expressément tout démarchage.

En expliquant que la banque savait que les prêts étaient irréguliers : Le prêt consenti est parfaitement régulier.

Le Crédit foncier immobilier n’a pas fait de démarchage bancaire, et le préjudice de Mme [Z] n’a aucun lien de causalité avec une quelconque prétendue faute commise lors de l’octroi du crédit, Madame [Z] sera déboutée de l’intégralité de ses demandes à l’encontre de la banque sur ce point.

II – Sur le respect par l’établissement prêteur de ses obligations au titre de ses devoirs d’information, de conseil et de mise en garde

A – Sur l’absence de défaillance de l’établissement prêteur dans le respect des obligations lui incombant au titre du devoir de mise en garde.

Au moment de l’offre de prêt Mme [Z] avait déjà signé deux actes authentiques réitérant deux offres de prêt, permettant ainsi de considérer que Mme [Z], était un emprunteur averti à la date d’octroi du financement des constructions litigieuses.

Si par extraordinaire la cour considérait que Mme [Z] n’était pas un emprunteur averti, elle ne pourra que constater que la banque n’a pas manqué à son devoir de mise en garde compte tenu de la situation de Madame [Z] au moment du prêt, puisqu’elle déclarait un revenu de 6 023 euros par mois, un livret d’épargne de 14 721,89 € et d’un compte au titre d’une participation aux bénéfices crédité d’un montant de 41 933 €.

En somme, Mme [Z] présentait ainsi des garanties financières mensuelles à hauteur de 8 226,14 € (revenus professionnels + loyers prévisibles). Il est à préciser qu’elle n’avait pas informé la banque de ses précédents prêts.

L’enquête pénale a démontré que les établissements prêteurs étaient dans l’impossibilité manifeste de connaître le taux d’endettement réel des postulants au financement, du fait du montage délictueux mis en place mais aussi du silence des emprunteurs, qui se sont bien gardés de faire état de prêts ou d’opérations immobilières en cours.

Les faux allégués n’avaient pas un caractère apparent, comme l’a relevé le TGI de Bordeaux, qui a considéré dans le jugement concernant d’autres emprunteurs en date du 8 avril 2014 que la banque n’est pas tenue d’exiger la communication de toutes les pièces en original ni de vérifier l’authenticité des documents, en l’absence d’irrégularités patentes.

La banque ne pouvait donc pas déceler que les documents étaient des faux et n’avait pas à demander à Madame [Z] des informations complémentaires sur ces documents.

Le défaut de collaboration et de loyauté de l’emprunteur ainsi que la dissimulation des nombreux prêts en cours conclus antérieurement excluent le devoir de mise en garde dont serait éventuellement débiteur l’établissement prêteur à son égard.

B – Sur la prétendue complexité de l’offre de prêt alléguée par Madame [Z]

Les stipulations relatives à la révision du taux d’intérêts ne sont pas compliquées. En effet, l’offre ne qualifie à aucun moment le taux nominal initial de « fixe » contrairement à ce que prétend la partie adverse.

De plus, Madame [Z] a paraphé, daté et signé une notice des conditions et modalités de révision du taux d’intérêt comprenant simulation de l’impact des variations de ce taux.

C – Sur les autres griefs formulés par Madame [Z] au titre du prétendu non- respect des devoirs de mise en garde, d’information et de conseil

a – Sur le caractère non rentable de l’opération :

La banque n’avait pas à immiscer dans le projet, et n’avait pas à la rencontrer dès lors qu’elle avait les justificatifs sur sa situation financière.

b – Sur la caducité des CCMI faute de réalisation de la condition suspensive d’obtention du prêt dans un délai de 12 mois à compter de leur signature.

Les Contrats de Construction de maison individuelles remis au CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE – ILE DE FRANCE à l’appui de la demande de financement sont datés, non pas du 1er septembre 2007, comme indiqué dans les exemplaires versés aux débats par Mme [Z], mais du 10 décembre 2007.

c – Le montant emprunté ne correspondrait pas au coût réel de l’opération.

Le crédit n’était pas proportionné à son besoin de financement, plus important que la somme allouée, propos en contradiction avec la position de Mme [Z] sur la disproportion de son engagement.

d – Mme [Z] n’aurait jamais effectué d’apport personnel.

Madame [Z] n’aurait jamais effectué l’apport personnel indiqué dans l’offre à hauteur de 12 162 € car elle n’en aurait pas eu les moyen. Pourtant elle disposait d’une épargne suffisante pour le faire.

e – Le CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE – ILE DE FRANCE n’aurait pas interrogé Madame [Z] sur ses objectifs.

La banque a un devoir de non-immixion.

De plus, elle n’était pas le chargé d’affaire de madame [Z].

D – Sur les irrégularités affectant le CCMI

En ce qui concerne la vérification du CCMI, la banque n’est tenue que d’un simple contrôle formel des énonciations de ce contrat, sans appréciation de nature technique. Dès lors elle n’avait pas à vérifier les irrégularités invoquées par madame [Z].

III ‘ Subsidiairement sur la demande de madame [Z] au titre de la déchéance pour irrégularité du TEG

A – Sur les frais de dossiers à hauteur de 800 €

Madame [Z] ne peut ignorer ces frais étant donné qu’elle avait déjà souscrit deux prêts, et que ces frais de dossiers sont intégrés au calcul du TEG.

B – Sur la justification de l’envoi par courrier de l’acception de l’offre par l’emprunteur

Madame [Z] prétend ne pas se souvenir avoir accepté l’offre par courrier, pourtant la copie de l’enveloppe reçue par le CREDIT IMMOBILIER De France est communiquée et indique la date du 12 décembre 2008.

C – Sur le taux effectif global

Les assurances facultatives et les sommes dues au titre de la période d’anticipation ne sont pas prises en compte dans le calcul du TEG conformément à la loi.

Concernant les frais liés à la période d’anticipation, ils n’entrent pas dans le TEG. L’établissement financier ne doit pas intégrer dans les « frais rendus obligatoires pour l’octroi du crédit » des frais qui représentent une option qui n’a rien à voir avec l’octroi du crédit.

IV ‘ Sur les demandes formulées par madame [Z] à titre de dommages et intérêts

a ‘ Les demandes formulées, à titre principal, sur la nullité du prêt et les dommages et intérêts à hauteur du capital emprunté.

Madame [Z] n’établit pas le préjudice de la perte de chance. De plus, ses demandes dans les instances parallèles à l’encontre des autres intervenants sont inconnues.

b – Les demandes formulées, à titre subsidiaire, sur les prétendues irrégularités au titre du TEG

La demande de déchéance des intérêts conventionnels fondée sur une irrégularité du TEG est infondée d’autant que madame [Z] ne rapporte pas la preuve d’un préjudice corrélatif.

V – A titre reconventionnel, le Crédit Immobilier de France sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a ordonné la reprise du règlement des échéances du contrat de prêt

Il conviendra de confirmer que Madame [Z] sera tenue de reprendre l’exécution du prêt qui lui avait été consenti, sauf si d’ici là, la déchéance du terme est prononcée pour non-exécution du jugement exécutoire.

VI – A titre reconventionnel, sur la fixation de la créance du Crédit Immobilier de France

Selon décompte en date du 27 février 2015 la créance du CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE – ILE DE FRANCE à l’égard de Madame [Z] est de 420 087,26 €, outre intérêts postérieurs.

Si le capital restant dû est aujourd’hui supérieur au capital initial, c’est qu’elle a bénéficié d’une faculté de ne pas payer les intérêts intercalaires au fur et à mesure et de les intégrer au capital à rembourser lors du passage du prêt en amortissement.

A titre tout à fait subsidiaire,

Si la Cour décidait d’annuler le contrat de prêt, il conviendrait de condamner Madame [Z] à restituer le capital prêté déduction des échéances qu’elle a réglées, en deniers ou quittance.

De plus, les garanties hypothécaires seraient maintenues jusqu’au règlement intégral de la créance du CIF.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 avril 2019.

CELA ETANT EXPOSE

LA COUR

Sur le contexte du dossierIl résulte des pièces produites que M. [H], après avoir commercialisé des fruits et légumes puis des produits surgelés est devenu marchands de biens dans le cadre d’une société [G] et [E] [H] (PGL).

Les difficultés financières ayant entraîné la perte de son assurance obligatoire indispensable à l’exercice de son activité, il a créé, en janvier 2006, la société PLS dans les locaux de la société PGL, laquelle était une coquille vide se bornant à percevoir les commissions sur les ventes réalisées par M. [H], que le notaire instrumentaire mentionnait comme créance de PLS, jusqu’à sa liquidation judiciaire en 2010.

Ne pouvant assumer la direction de droit de PLS à la suite de la perte de sa carte d’agent immobilier, M. [H] la confiait à Mme [V] -laquelle n’a pas fait l’objet de poursuites pénales- mais en conservait la gestion de fait.

Cette structure proposait à des investisseurs démarchés, notamment par M. [Y], commercial salarié opérant en région parisienne, des acquisitions de maisons individuelles, sur les départements de Gironde et de Dordogne éligibles à la défiscalisation.

Elle prenait en charge toute l’opération, de l’achat du terrain à la construction, la location et la gestion locative, complétant le dispositif par l’intervention d’une association dénommée « Location Sérénité », non déclarée, également dirigée par M. [H], son siège étant fixé à son domicile, prenant en charge tant la vacance des lieux que les dégradations des locataires.

Cette garantie était un argument de poids pour les clients de la société PLS, encore assurés qu’ils pouvaient se constituer un patrimoine sans bourse délier, les loyers étant supposés couvrir les échéances de remboursement de prêt.

Invités à passer une journée à [Localité 10] qu’ils rejoignaient par avion, ils étaient mis en confiance par la visite des locaux spacieux de la société PLS et par le repas gastronomique qui leur était offert dans un château de la région.

Pour permettre aux investisseurs d’acquérir plusieurs lots, la société PLS présentait des demandes de prêts simultanées à des établissements différents, n’hésitant pas à falsifier des documents pour que le dossier soit accepté.

M. [H] avait encore imaginé de constituer à ses clients un « trésor de guerre », le procédé consistant soit à majorer le coût de la construction financée, le surcoût étant cédé par le constructeur à l’investisseur, soit à prévoir des travaux réservés dont le financement était assuré par un établissement bancaire grâce à la complicité d’un constructeur ayant accepté d’émettre de fausses factures à cet effet, la société ARCS, gérée par M. [P] dont M. [H] avait financé la création en 2008 et qui assumait par ailleurs la maintenance des 700 maisons gérés par PLS.

Elle a été placée le 23 février 2011 en redressement judiciaire.

Mme [Z] a ainsi perçu la somme de 24 385 € correspondant à deux fausses factures.

[O] [N], infirmier de profession, avait créé la société Européenne de Crédits et d’Investissements (ECI) sur la demande de M. [Y] et présentait les dossiers aux banques sans avoir la moindre compétence en matière financière. Les pièces pénales démontrent qu’il n’est pas l’auteur des faux documents que lui remettait M. [H] après examen du dossier de l’emprunteur constitué par ses soins.

La liquidation judiciaire de cette société a été prononcée le 10 décembre 2010.

Sur l’appel principal

Rappelant que le notaire doit assurer l’efficacité juridique et pratique des actes, c’est à bon droit que le tribunal a rejeté l’argument de Mme [Z] lui reprochant de ne pas l’avoir informée de l’absence de rentabilité de son projet, un telle mission ne relevant pas de son office.

C’est encore à bon droit que les premiers juges ont constaté qu’il n’était pas démontré que le règlement du lotissement interdit de construire deux maisons sur le même lot, les pièces produites ne rapportant pas davantage cette preuve devant la cour.

L’argument tiré de la date de la procuration ou de son lieu n’est pas plus probant dès lors qu’une procuration peut être librement révoqué de sorte d’une part qu’elle ne s’analyse pas comme une acceptation d’offre ne pouvant intervenir qu’aux termes d’un délai de réflexion de 8 jours, d’autre part que si le notaire ne peut la recevoir dans des lieux inadaptés, cette règle relève de la seule déontologie de son ordre et ne saurait porter préjudice à Mme [Z].

Pour juger le notaire fautif et allouer à Mme [Z] 30 000 € de dommages-intérêts, le tribunal a considéré qu’il lui appartenait de relever les incohérences de la promesse de vente du terrain laquelle comportait un délai de 25 jours pour conclure la vente et de 60 jours pour obtenir un prêt, sans prévoir d’indemnité d’immobilisation.

Il lui reproche encore de ne pas avoir attiré son attention sur les incidences économiques des opérations envisagées alors qu’il avait reçu deux actes de même nature six mois auparavant.

Si les incohérences de la promesse n’imposaient pas au notaire d’alerter Mme [Z] dès lors que les deux parties au contrat souhaitaient conclure la vente du terrain litigieux, le notaire ne pouvait ignorer pour avoir enregistré, comme partenaire habituel du conseiller financier (qui lui a confié entre 100 et 150 ventes par an pendant une dizaine d’années de sorte qu’il entretenait avec M. [H] des relations privilégiées), deux actes de même nature, six mois auparavant qu’il s’agissait, en l’espace de quelques mois du 3ème investissement de Mme [Z] à l’origine d’un endettement de nature à dépasser les capacités financières d’une personne exerçant la profession de commerciale avec un risque de non remboursement en cas de crise du marché locatif local.

Au regard de ces éléments et même si le notaire n’a pas d’obligation générale de conseil ou de mise en garde concernant l’opportunité économique de l’opération, il ne peut s’abstenir d’alerter un investisseur lorsqu’il a connaissance d’un comportement inhabituel et à risque dans le cadre d’une opération de défiscalisation ne correspondant, d’évidence, ni à ses besoins ni à ses capacités financières.

Le jugement sera donc confirmé pour avoir estimé à 30 000 € la perte de chance d’avoir pu, dûment alertée, renoncer à ce 3ème projet.

Sur l’appel incident de Mme [Z]

Si Mme [Z] démontre avoir été démarchée, sur son lieu de travail par M. [Y], elle ne prétend pas l’avoir été par la société ECI, IOB du CIF aux termes d’un contrat signé le 9 septembre 2008.

Il résulte au contraire des pièces produites que dans le cadre de la fourniture d’un bien « clés en mains » la société PLS se chargeait notamment de l’obtention du prêt finançant le bien vendu.

En toute hypothèse, le contrat liant la banque à ECI lui interdisant tout démarchage, le CIFD ne saurait être engagé par un agissement de son intermédiaire contrevenant aux obligations qu’il lui avait imposées.

La même observation s’impose pour les faux documents produits, à supposer qu’ils aient été confectionnés par ECI, ce que démentent les pièces produites.

En l’absence de responsabilité générale du fait d’autrui ou de lien de subordination de la société ECI au CIFD, étant encore observé que son obligation de contrôle des IOB résulte de la loi du 22 octobre 2010 et du décret du 26 janvier 2012, inapplicables aux faits de l’espèce, la responsabilité de la banque ne saurait être engagée par les agissements de ECI, à les supposer fautifs, démonstration qui n’est pas apportée.

Sa demande de nullité du contrat ne peut ainsi prospérer.

Mme [Z] reproche encore à la banque un manquement à ses obligations de mise en garde et d’information.

Si elle ne peut être qualifiée d’emprunteur averti comme le soutient la banque en raison des deux prêts obtenus six mois plus tôt, elle ne saurait prétendre à un manquement de la banque à son devoir de mise en garde qui suppose un risque d’endettement, inexistant en l’espèce au regard des revenus déclarés de 7 212 €, des charges limitées à un loyer de 529 €, des revenus fonciers liés à l’acquisition estimés à 1 200 € lui permettant de régler sans difficulté une échéance mensuelle de 2 449 €.

Son endettement est en réalité lié à la souscription de deux précédents emprunts auprès du Crédit Agricole et du CFF qu’elle n’a pas estimé devoir déclarer au CIFD de sorte que ce dernier ne pouvait les connaître.

Tenue à un devoir d’information, la banque doit donner à ses clients toutes les caractéristiques du prêt.

Tel est le cas en l’espèce, l’offre répondant à toutes les exigences légales allant même jusqu’à donner des simulations de l’impact des variations du taux, alors non obligatoires.

Le taux étant indexé sur un indice publié et Mme [Z] pouvant solliciter un passage à taux fixe, elle ne saurait faire état de la complexité du prêt au seul motif qu’il serait à taux variable.

La banque n’avait pas davantage à vérifier la réalité de l’apport personnel annoncé par Mme [Z] ni à s’assurer que les travaux réservés étaient du montant précisé dans le CCMI, lequel comporte, contrairement à ce qu’elle soutient encore toutes les mentions exigées par l’article L231-2 du code de la construction.

Tenue à un devoir d’immixtion la banque n’a cependant pas, en sa qualité de prêteur de deniers, à conseiller la banque sur l’opportunité de son investissement ni à vérifier la rentabilité annoncée par son client, supposé préserver se intérêts notamment lorsqu’il acquiert un produit de défiscalisation.

Aucune disposition ne lui impose de rencontrer l’emprunteur et le recours à un IOB rémunéré à cet effet l’autorise à se fier aux éléments qu’il produit.

La déchéance des intérêts conventionnels suppose une violation des dispositions de l’article L312-8 ancien du code de la consommation.

La circonstance que la banque perçoive des frais de dossiers n’étant pas prohibée par ce texte, Mme [Z] ne peut utilement se prévaloir de son ignorance de leur objet.

La banque justifiant que le délai de 10 jours a été respecté, en produisant l’enveloppe de retour, aucune violation de la loi Scrivener n’est démontrée.

L’irrégularité du taux effectif global (TEG) qu’elle revendique, au motif que ne serait pas inclues dans son assiette les primes d’assurances afférentes à la période d’anticipation, suppose que le taux réel revendiqué soit supérieur à celui annoncé par la banque.

Or Mme [Z] ne précise pas le taux considéré exact et il est manifeste que si l’assiette du TEG prenait en compte les frais d’assurance de la période d’anticipation, il devrait également retenir la durée de cette période entraînant mécaniquement un TEG inférieur à celui annoncé, ne reflétant donc pas le coût réel du prêt.

Aucune déchéance n’est ainsi davantage encourue à ce titre.

Sur les demandes de la banque

Aux termes du dispositif de la banque auquel la cour doit seul répondre, le CIFD demande principalement de confirmer le jugement.

Sous un paragraphe intitulé « A titre reconventionnel et sans novation » il souhaite voir fixer sa créance et condamner Mme [Z] au paiement de 420 087,26 € au titre du prêt accepté le 25 septembre 2008 et régularisé par acte authentique du 9 décembre 2008 outre intérêts postérieurs au 27 février 2015.

Or le prêt litigieux a été accepté le 10 décembre 2008 et réitéré par acte authentique du 5 février 2009 tandis que le seul décompte produit est du 24 mai 2013 mentionnant une créance de 418 138,33 € arrêtée à cette date.

Seule peut donc être accueillie la partie du dispositif sollicitant la confirmation du jugement lequel a ordonné la reprise des relations contractuelles à compter de sa signification.

Le jugement sera ainsi confirmé en toutes ses dispositions sans que l’équité ne commande l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ;

Condamne in solidum Mme [Z], Maître [B] et la SCP [D] [R] DELEGLISE-HAUTEFEUILLE MOGA aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente

 


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