Diffamation : décision du 25 janvier 2024 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 22/00975

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Diffamation : décision du 25 janvier 2024 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 22/00975
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AFFAIRE : N° RG 22/00975 – N° Portalis DBWB-V-B7G-FWSX

 Code Aff. :C.J

ARRÊT N°

ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT-DENIS en date du 31 Mai 2022, rg n° 21/00330

COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS

DE LA RÉUNION

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 25 JANVIER 2024

APPELANTE :

Madame [R] [T]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Asma DODAT AKHOUN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉE :

S.A.S. CENTRE DE REEDUCATION FONCTIONNELLE [4] représentée par son représentant légal en exercice

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentant : Me Alain RAPADY, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Clôture : 05 juin 2023

DÉBATS : En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 novembre 2023 en audience publique, devant Corinne JACQUEMIN, présidente de chambre chargée d’instruire l’affaire, assistée de Monique LEBRUN, greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 25 janvier 2024 ;

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Corinne JACQUEMIN

Conseiller : Agathe ALIAMUS

Conseiller : Aurélie POLICE

Qui en ont délibéré

ARRÊT : mis à disposition des parties le 25 JANVIER 2024

* *

*

LA COUR :

Madame [R] [T], embauchée suivant contrat à durée indéterminée à temps complet le 17 janvier 2018 en qualité de cadre de santé de l’unité de réadaptation cardio-respiratoire par le centre de réadaptation fonctionnelle [4] [6] (CRF).

La salariée est promue à compter du 1er juin 2019 pour un temps estimé à deux jours par semaine en qualité de cadre coordinateur établissement.

Le 10 octobre 2020, une nouvelle responsabilité lui a été confiée, celle de la mise en oeuvre et du déploiement d’un logiciel.

Le 9 février 2021, Mme [F], directrice des ressources humaines, propose à la salariée une rupture conventionnelle, qu’elle accepte.

Le 15 février 2021 elle est convoquée à un entretien préalable avec mise à pied conservatoire, puis licenciée le 12 mars 2021 pour cause réelle et sérieuse.

Afin de faire valoir ses droits, Mme [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Denis le 26 août 2021, qui, par jugement rendu le 31 mai 2022, a partiellement fait droit à ses demandes en :

– jugeant que son licenciement a une cause réelle et sérieuse ;

– condamnant la société CRF [4] à lui payer les sommes suivantes :

* 16 133,49 € à titre d’indemnité de préavis,

* 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– déboutant Mme [T] du surplus de ses demandes ;

– déboutant le CRF [4] de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamnant le CRF [4] aux dépens de l’instance.

Mme [T] a interjeté appel de cette décision le 29 juin 2022.

L’affaire a été clôturée le 5 juin 2023 et renvoyée pour plaidoirie à l’audience du 13 novembre 2023.

Par conclusions communiquées par voie électronique le 19 septembre 2022, l’appelante requiert de la cour d’infirmer le jugement querellé en ce qu’il a :

– dit et jugé que le licenciement de Mme [T] a une cause réelle et sérieuse ;

– débouté Madame [R] [T] du surplus de ses demandes, à savoir :

‘ condamner le CRF [4] à verser à Mme [T] la somme de 36 600,00 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

‘ condamner le CRF [4] à verser à Mme [T] la somme de 5.000,00€ au titre du licenciement vexatoire ;

‘ condamner le CRF [4] à verser à Mme [T] la somme de 10.000,00 € au titre du préjudice moral subi ;

et de statuer à nouveau :

– juger que le licenciement de Mme [T] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

– condamner le CRF [4] à verser à Mme [T] la somme de 36 600 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– condamner le CRF [4] à verser à Mme [T] la somme de 5 000€ au titre du licenciement vexatoire ;

– condamner le CRF [4] à verser à Mme [T] la somme de 20 000 € au titre du préjudice moral subi ;

– condamner le CRF [4] à verser à Mme [T] la somme de 5 000 € de frais irrépétibles, outre les entiers dépens de l’instance.

Par conclusions communiquées par voie électronique le 26 mai 2022, la société requiert de la cour de :

– confirmer le jugement du 31 mai 2022 en ce qu’il a dit et jugé que le licenciement de Mme [T] a une cause réelle et sérieuse ;

– confirmer le jugement du 31 mai 2022 en ce qu’il a débouté Mme [T] du surplus de ses demandes ;

– infirmer le jugement du 31 mai 2022 en ce qu’il a débouté le CRF [4] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– infirmer le jugement du 31 mai 2022 en ce qu’il a condamné le CRF [4] aux dépens.

En tout état de cause :

– débouter Mme [T] de ses demandes, fins et conclusions ;

– condamner Mme [T] à verser au CRF [4] la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– condamner Mme [T] aux entiers dépens.

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu’aux développements infra.

SUR QUOI

Sur le licenciement :

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

L’administration de la preuve, en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement, n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables, qu’il doit reprendre dans la lettre de licenciement prévue par l’article L. 1232-6 du code du travail, cette lettre fixant ainsi les limites du litige.

En l’espèce, la lettre de licenciement du 12 mars 2021, qui fixe les termes du litige, est ainsi rédigée : “Nous vous notifions par la présente votre licenciement pour les raisons suivantes :

‘ Insubordination caractérisée au regard de l’exécution de votre contrat de travail se traduisant par une décision intempestive et unilatérale de vous retirer des différentes missions de coordination sur les projets qui vous ont été confiés et qui étaient partie intégrante de votre contrat de travail.

Cette décision qui a fait suite à votre départ précipité et sans aucune explication d’une réunion du comité de pilotage du projet SI (systèmpe d’information) du vendredi 29 janvier 2021, s’est manifestée par toute une série de mails adressés de chez vous le dimanche 31 janvier 2021 à l’attention des cadres, médecins, référents, Direction.

Au-delà de cette décision intempestive et inacceptable tant sur la forme que sur le fond, vous avez accompagné cette décision de griefs infondés à l’encontre de la Direction et décidé de vous retirer là encore unilatéralement du CODIR.

Votre défiance vis-à-vis de la Direction et votre rejet de votre fonction de cadre coordinateur d’établissement ainsi exprimés et portés à la connaissance du personnel de l’établissement a créé un trouble dans l’ensemble de la structure, un climat délétère et jeté un discrédit sur la Direction.

Les différents entretiens qui ont suivi ces envois de mails inappropriés n’ont pas permis une prise de conscience de la situation créée par un tel comportement et vous avez persisté dans vos propos et dénigrements de la Direction rendant impossible votre maintien dans votre emploi.

Face à cette situation et à votre refus de vous inscrire dans une démarche de changement et de prise de conscience de la gravité du trouble ainsi crée au bon fonctionnement de l’établissement, des équipes et des différents projets dont vous aviez la charge, nous n’avons eu d’autre choix que de diligenter la présente procédure au regard de l’inexécution fautive de votre contrat de travail et de la défiance aux yeux de l’ensemble du personnelle, à votre Direction ” (pièce n° 18 du dossier du CRF [4]).

S’agissant du premier grief, il est reproché à la salariée une insubordination en prenant une décision intempestive et unilatérale de se retirer des différentes missions de coordination sur les projets qui lui ont été confiés.

La salariée conteste cette appréciation des faits et soutient qu’elle subissait une surcharge de travail, gérant trois fonctions en même temps (cadre coordonnateur, cadre du service cardiologie vasculaire et hopital manager) que bien qu’ayant alerté au préalable sa direction de ses difficultés, aucune réponse ni aucun soutien ne lui a été apporté.

Le CRF [4] rétorque n’avoir jamais été informé de ces difficultés avant le 31 janvier 2021.

Il résulte du dossier qu’au 1er juin 2019, Mme [T] exerçait deux postes de travail, ce qui n’est pas contesté par l’employeur : un poste de cadre de santé et un poste de cadre coordinateur alors que le contrat de travail initial de Mme [T] en date du 17 janvier 2018 était un contrat à temps plein pour lequel la salariée était soumise au forfait annuel en jours (213 jours travaillés par an) et qu’il prévoyait à l’article 4 que la salariée sera “chargée de :

– Promouvoir un service cohérent et efficient pour répondre à la satisfaction des patients, des personnels et des partenaires en coordination avec la politique de l’établissement ;

– Participer à l’élaboration du projet de soins en lien avec le projet d’établissement ;

– Assurer le management et l’organisation des équipes qui lui sont rattachées (notamment le suivi administratif : élaboration et gestion des plannings de travail et d’absence, transmission des données nécessaires à l’établissement de la paie) ;

– Veiller à l’adéquation des besoins en personnel en fonction de l’activité du service ;

– Assurer l’intégration des professionnels et stagiaires au sein de l’unité et participer au développement des compétences de ces derniers ;

– Contribuer au suivi économique des équipements et matériels nécessaires à l’activité ;

– Superviser l’organisation générale de l’admission des patients ;

– Encourager les équipes soignantes à participer au développement de la structure et entretenir auprès d’eux une dynamique de projet ;

– Participer activement au Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information ;

– Participer à la mise en place et à la dynamisation des réseaux et filières de soins, concernant les différentes activités de la société et, pour ce faire, entretiendra les relations nécessaires avec tous les acteurs de santé médico-psycho-sociaux, salariés et libéraux, engagés dans ces activités;

– S’engager dans la poursuite et le suivi de la démarche qualité au sein de la société;

– Participer activement à la mise en oeuvre de projets transversaux au sein de la société, tant dans la conception que dans la mise en oeuvre;

– Favoriser les relations inter-équipes et assurer l’interface entre les différents acteurs de la société ;

– Etablir un rapport d’activité annuel selon les indicateurs préalablement définis avec la Direction”.

De plus, à l’analyse de l’avenant d’évolution de Mme [T], en date du 13 mai 2019, au poste de Cadre coordinateur établissement (pièce n° 2 / intimée), il ressort de l’annexe que les missions de Mme [T] au poste de cadre de santé n’ont pas été allégées, au contraire six missions supplémentaires apparaissent, en plus de ces nouvelles missions en qualité de cadre coordinateur établissement pour lequel il est indiqué une “durée : 2 jours par semaine (lundi et vendredi)”, en plus de son temps plein initial (pièce n°3 / intimée).

En effet, il apparait dans le paragraphe “le rôle de la cadre de santé : Madame [R] [T]”, en plus de ces missions prévues initialement dans son contrat de travail, les missions de :

– “Recruter les équipes ;

– Fixer des objectifs, mesurer les résultats et évaluer les performances collectives et/ou individuelles ;

– Planifier, organiser, répartir la charge de travail et allouer les ressources pour leur réalisation;

– Traduire les orientations, plans d’actions et moyens de réalisation en activités quotidiennes ;

– Rendre compte, être force de propositions, communiquer ;

– Travailler en collaboration avec la coordination RCR”.

Le paragraphe “mission cadre coordinateur établissement” précise le rôle supplémentaire de Mme [T] en cette qualité :

” Fonction stratégique :

– Participer, en concertation, à la déclinaison du projet de service et de la stratégie opérationnelle de l’HC et de l’HDJ ;

– Participer à la mise en cohérence des orientations inter-sectorielles avec le reste de l’établissement et la stratégie de l’établissement ;

– Travailler avec les cadres de santé sur le déploiement ;

– Etre informée des enjeux stratégiques de l’établissement.

Fonction managériale :

– Manager, encadrer, animer les cadres de santé.

Fonction opérationnelle :

– Participer à la déclinaison opérationnelle du projet de soins, en interface avec les cadres de santé et les professionnels du service ;

– Mettre en place et animer les projets :

a. – Coordination des projets

i.Participer à la définition du contenu et des modalités de mise en oeuvre des projets

ii.Faciliter la préparation et l’animation de réunions et ateliers, suivre les groupes

iii.Produire des comptes rendus

iv.Faire avancer les projets

v.Construire des méthodologies, des outils de suivi et d’évaluation

vi.Promouvoir les projets

b. – Administration et gestion

i.Rendre compte

ii.Contribuer à la réflexion, à la mise en place, aux rapports d’activité et à l’évaluation des projets”.

La cour relève enfin qu’il n’est pas contesté que les durées du travail indiquées dans le contrat et l’avenant de Mme [T] ne correspondaient pas à la réalité des faits.

Aussi, l’intimé ne peut valablement pas soutenir ne pas avoir été au courant de la surcharge de travail de Mme [T] avant la date du 31 janvier 2021, dès lors qu’elle effectuait un poste à temps plein soumis au forfait annuel en jours auquel il a été ajouté 2 jours supplémentaires de travail par semaine. Le fait que la salariée soit autonome dans la gestion de son emploi du temps n’en enlève pas pour autant sa charge de travail.

Or, malgré l’accroissement important de la charge de travail ressortant du contrat de travail et de l’avenant de Mme [T], le CRF [4] ne démontre pas, dans le cadre de son obligation de sécurité, avoir mis en place un suivi effectif et régulier permettant de vérifier si la charge de travail de la salariée était compatible avec une durée de travail raisonnable et qu’elle ne portait pas atteinte à sa santé.

Le CRF [4] ne peut ainsi soutenir, pour se défendre, que la salariée dans son entretien d’évaluation du 1er octobre 2020 indiquait à :

– la question “Comment s’articule votre activité professionnelle, votre vie personnelle et familiale” : “très bien, marge de manoeuvre et autonomie permettant un confort psychologique entre activité professionnelle et vie perso”.

– la question “Qu’en est-il du soutien des collègues de travail dans l’établissement (solidarité métier, travail en équipe, échanges sur les pratiques, etc.)’” : “Les CODIR mis en place me permettent une vision plus large de mes missions de CE et une collaboration avec la Direction. Plus de freins au niveau de l’encadrement de proximité avec les autres cadres/vision collègue ou supérieur hiérarchique”’”

– la question : ” Autonomie dans le travail : avez-vous le pouvoir d’agir sur des éléments de votre activité (rythme, procédure, choix des moyens, accès aux ressources, outils, etc.)’” : “Oui, complète autonomie sur la gestion de mon temps de travail”.

Le seul entretien annuel étant à lui seul insuffisant à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables.

D’autant qu’il ressort de l’entretien d’évaluation de Mme [T] du 1er octobre 2020 que cette dernière relevait d’une part des “difficultés d’organisation et de répartition du temps de travail entre cardio et CEE” et d’autre part des difficultés dans l’exécution même de ses missions : “Quelques difficultés à appréhender mon niveau décisionnel” ou encore une “alliance cadres habituelle et prévisible mais qui reste toujours un frein au déploiement des projets” (pièce n° 5 / appelante).

Le CRF [4] reconnait lui-même dans ses conclusions que “ce compte-rendu évoquait des difficultés d’intégration et de reconnaissance de sa fonction par rapport aux cadres en poste”. Or, en réponse aux difficultés dont fait état la salariée, la Direction indique simplement dans l’entretien d’évaluation que “Le poste de CEE reste une nouveauté au sein du management de l’établissement. […] mais Mme [T] doit “faire son poste/trouver sa place et se faire accepter””.

De plus, une troisième fonction a été ajoutée à Mme [T] à compter du 10 décembre 2020.

Si le CRF [4] indique que s’est Mme [T] elle-même qui se serait proposée pour piloter ce projet, elle n’en rapporte pas la preuve, alors même que la salariée réfute ce fait. En effet, l’intimé vise à ce titre la pièce adverse n°6, or celle-ci est constituée d’un mail adressé à Mme [T] concernant le versement de sa prime d’objectif.

Il ressort toutefois de l’étude de la pièce 6 de l’intimé que Mme [T] a effectivement adressé un mail en date du 26 novembre à sa direction mais celui-ci ne rapporte pas la preuve que cette dernière se soit bien proposée d’elle-même pour piloter ce projet, le mail étant rédigé de cette façon : “Bonjour,

Ci-joint une proposition d’organisation.

Je reste disponible pour tout complément d’information”.

L’ajout d’une troisième fonction a eu pour conséquence d’accroitre significativement les missions de cette dernière, ce que ne pouvait méconnaitre le CRF [4], la Direction reconnaissant elle-même dans son communiqué du 10 décembre 2020 (pièce n° 8 / appelante) : “la mise en oeuvre et le déploiement de ce nouveau logiciel va générer un travail conséquent dans les mois à venir. C’est pourquoi Madame [T] à compter de ce jour et jusqu’à fin juin 2021, pilotera ce projet”.

D’autant que le CRF [4] ne peut nier avoir eu connaissance des difficultés de Mme [T] sans se contredire, dès lors qu’il reconnait dans ses conclusions que “pour la bonne exécution de cette mission ponctuelle, et soulager son quotidien (sur sa proposition également [de Mme [T]]), une salariée EAPA (enseignante en activité physique adaptée) a été nommée sur une fonction de référente à mi-temps pour assurer la gestion courante de l’unité cario-respiratoire”.

S’il n’est pas contesté qu’une aide à mi-temps a été mise en place pour retirer ponctuellement certaines missions à Mme [T], il n’est pas démontré que cette aide ait été suffisante. Là encore, le CRF [4] ne démontre pas avoir mis en place de moyens d’évaluation du temps de travail pour permettre de s’assurer de l’effectivité de cette mesure et d’une charge de travail normale pour la salariée, alors même que cette dernière l’avait alerté sur la nécessité de “soulager son travail au quotidien”.

Il ressort en effet de la pièce n° 7 de l’intimé, que Mme [T] a continué a alerté sa direction sur sa surcharge de travail. Ainsi, le docteur [K] [N] indique “Lors de la réunion du Codir du 28 janvier, Mme [T] a évoqué des difficultés de gestion de son planning, et nous a proposé de se consacrer principalemenet à sa mission d’encadrement d’Hopital Manager”.

En premier lieu, malgré ce que soutient le CRF [4], il n’apparait pas que Mme [T] n’était pas seule à assumer l’organisation de l’unité de réadaptation cardio respiratoire, et que le comité de direction, ainsi que M. [H] et le docteur [P] intervenaient également dans la coordination, pour aider Mme [T] dans certaines de ses missions.

En effet, la société ne produit à l’appui qu’un seul mail en pièce n° 19, insuffisant à démontrer les affirmations de l’intimé, dans lequel M. [H] écrit le 26 octobre 2020 : “Bonjour à tous,

Je vous propose de faire une session de travail demain après-midi vers 14h

Objet :

1. Retour sur le cahier des charges du dossier médical cario (ci-joint)

2. Inégration HM cardio, proposition de maquette niveau 1 et 2 (ci-joint)

3. Testou 2 mise en place ‘

Ci Joint les documents envoyés la semaine dernière suite a la demande de [L].”.

En deuxième lieu, il ajoute “avoir mis en place un comité de pilotage, une équipe pluridisciplinaire de pilotage (pour ceux formés aux paramétrages)”, “organiser une rencontre avec l’équipe d’Exodata (prestataire extérieur) pour accompagner la méthode de mise en oeuvre du projet” et “avoir proposé de reporter d’un mois le démarrage du projet HM”, sans en apporter la preuve de la mise en place de ces mesures, ni d’explication sur l’impact que ses mesures auraient eu ou auraient pu avoir pour diminuer significativement la charge de travail de Mme [T].

Notamment dans ses conclusions, l’intimé indique que le report d’un mois du démarrage du projet HM “avait pour objectif d’accorder à Madame [T] un temps complémentaire pour accompagner et répertorier – en sa fonction de pilote – les demandes des référents pour des modifications de paramétrage de dernières minutes”. Or, la cour relève que cette mesure n’avait pas pour objectif de permettre à Mme [T] de pouvoir exécuter ses missions au quotidien avec plus de souplesse mais simplement d’exécuter une tâche non plannifiée, s’agissant de répertorier les demandes de modifications de paramètrage de “dernières minutes”.

Par ailleurs, si l’intimé indique, concernant la durée de 6 mois du projet, que ce délai avait pour objectif de laisser le temps à Madame [T] pour un accompagnement de la dynamique d’utilisation de l’outil, il n’en rapporte pas la preuve. Au contraire, la cour relève que la direction, dans son communiqué du 10 décembre 2020, indiquait que “la mise en oeuvre et le déploiement de ce nouveau logiciel va générer un travail conséquent dans les mois à venir”.

Mme [T] affirme également que sa direction continuait à lui demander un travail important et conséquent tant concernant l’unité de réadaptation cardiovasculaire qu’au niveau de l’encadrement de proximité, en plus du pilotage du projet Hopital Manager.

À l’appui, elle verse au débat sa pièce n° 22, constituée d’un mail de sa directrice des ressources humaines du 31 décembre 2020 lui demandant : “En votre qualité de cadre coordonnateur d’établissements, vous avez notamment en charge le management des cadres de santé […].

Outre les entretiens d’évaluations réalisés récemment, pourriez vous pour chacun d’eux :

– établir un état des lieux, évènements marquants, forces/faiblesses

– et nous donner votre évaluation globale, avec des pistes pour optimiser l’avenir

Outre votre rapport d’activités 2020 (pour la partie concernant l’unité de RCV), nous vous laissons le soin de leur demander de nous fournir un rapport d’activités 2020 […].

Pour l’ensemble de ces sujets, nous vous propons d’organiser une réunion de préparation la semaine du 11 janvier 2021”.

Elle précise en complément qu’elle revenait de congé le 4 janvier 2021, que du 8 au 15 janvier elle devait effectuer un remplacement en cardiologie, que du 11 au 15 janvier elle devait également remplacer le binôme cadre de l’HC et vetyver pendant ses congés et du 18 au 22 janvier suivre une formation Hopital Manager, tous les jours, en distanciel.

Le CRF [4] n’apporte aucun élément de réponse sur ce point, se contentant d’affirmer, concernant la semaine de planning de Mme [T] du 25 au 29 janvier 2021 (pièce n° 9 / intimé), que Mme [T] avait des journées de travail courtes, commençant sa journée à 9 heures et la finissant à 16 heures et qu’il est donc étonnant qu’elle puisse arguer simultanément qu’elle manquerait de temps pour mener à bien ses projets. Il explique par ailleurs, que la majorité des réunions indiquées dans ce planning ne requiéraient pas sa présence et ne revêtaient pas de caractère urgent, sans toutefois citer de quelles réunions il s’agissait.

Mme [T] rétorque qu’il s’agit d’un planning dans lequel sont consignés les rendez-vous, les réunions… mais ne reflète pas la charge de travail réellement effectuée par elle et produit à l’appui une attestation d’un médecin cardiologue, Mme M. L. (pièce n° 20) qui atteste notamment que “cette dernière [Mme [T]] n’hésitait pas à rester tard le soir pour finir les dossiers urgent en cours quitte à ramener du travail à domicile”.

Cette attestation n’est pas contestée par l’intimé, qui indique en réponse que “Mme [T] est cadre au forfait jour et non au 35 heures” et que si cette dernière “estimait avoir travaillé plus de jours que ceux convenus dans son forfait, elle n’aurait, surement pas, manqué d’en demander le rappel à son employeur”. Ces éléments étant insuffisants à rapporter l’absence de surcharge de travail de Mme [T] au quotidien.

En troisième lieu, il produit un écrit daté du 3 mai 2021 du Docteur [J] indiquant “Lors de la réunion du Codir du 28 janvier, Mme [T] a évoqué des difficultés de gestion de son planning, et nous a proposé de se consacrer principalemenet à sa mission d’encadrement d’Hopital Manager.

Nous lui avons proposé de prendre le temps nécessaire à cette tâche jusqu’à 6 mois en fonction des besoins. Elle a écarté ce délai estimant que 15 jours seraient suffisants”.

Cette pièce ne fait que confirmer que Mme [T] ne s’en sortait plus dans ses différentes missions, quant bien même elle a refusé l’offre proposée par le Docteur [J] Cette demande de Mme [T] aurait dû alerter en pronfondeur sa Direction sur la charge de travail de cette dernière.

Les mails du Docteur [J] (Pièce n°8 / intimé) ainsi que du Docteur [A] (Pièce n° 23 / appelante), adressés suite au retrait de Mme [T] de ses missions de coordination, prouvent au surplus que la situation de Mme [T] était problématique et connue de tous, dès lors que les messages qui lui sont adressés sont des messages de sympathie et non d’étonnement, d’incompréhension ou de reproche.

Le Docteur [J], en date du 29 janvier 2021, répond ainsi à Mme [T] “Bonsoir [R],

Prenez le temps de vous occuper de vous et de votre famille. Nous en discuterons Lundi en CODIR.

Amicalement”.

Le Docteur [A], en date du 9 février 2021, lui écrit également “Je voulais te dire que je regrette que tu ne poursuives pas la coordination. J’espère que tu reviendras sur ta décision. J’aime beaucoup travailler avec toi et je suis sincère. Je ne vois pas qui peut reprendre cette coordination. J’ai conscience que ce n’est pas facile pour toi et que tu n’as pas tous les moyens mis à ta disposition pour le faire correctement. Mais tu es la seule qui a réellement une vision globale du projet. [K] est désormais bien loin du fonctionnement et de ce qu’est HM. J’aurais aimé qu’il en prenne conscience et qu’il te passe réellement la main. Je pense sincèrement que tu es la mieux placée”.

En conséquence, au regard de l’augmentation constante de la charge de travail de Mme [T] depuis son embauche, gérant trois fonctions cumulativement, surcharge de travail dont l’employeur avait connaissance, l’exécution du travail dans des conditions de surcharge permanente est déloyale et il ne peut donc être reproché à la salariée d’avoir décidé de se retirer unilatéralement de certaines de ses missions (pièce n° 9 / intimé), quand bien même elle avait accepté ses coordinations contre rémunération.

D’autant que, comme le soutient Mme [T], la cour ne peut que constater la précipitation dans laquelle a été prise la décision de la licencier alors même qu’elle avait alerté sa direction des difficultés ressenties dans l’exécution de ses missions et faisait même état dans son mail du 31 janvier d’un “appel à l’aide”.

À ce titre, la cour relève que la société ne justifie pas avoir adressé à la salariée une mise en demeure préalable de reprendre ou d’avoir tenté une véritable conciliation pour permettre à Mme [T] de reprendre plus sereinement ses missions. S’il est constant que deux réunions se sont tenues entre la direction et Mme [T] les 1er et 9 février 2021, les parties ne sont pas d’accord sur les propos tenus lors de ces entretiens. Il est toutefois constant qu’il ressort de ces échanges qu’une rupture conventionnelle a été proposé à la salariée, à défaut de quoi une procédure de licenciement pourrait être envisagée au regard de la situation de blocage, la direction indiquant dans la lettre de licenciement notamment que “les différents entretiens qui ont suivi ces envois de mails inappropriés n’ont pas permis une prise de conscience de la situation créée par un tel comportement et vous avez persisté dans vos propos et dénigrements de la Direction rendant impossible votre maintien dans votre emploi”.

A cela s’ajoute qu’aucun manquement antérieur n’est relevé à l’encontre de Mme [T] avant les faits litigieux. Bien au contraire, Mme [T] est décrite par son employeur comme une personne investite et impliquée dont les compétences sont louées et appréciées, l’amenant à avoir une promotion dès mai 2019. Le mail du 10 décembre 2020 de la directrice des ressources humaines (pièce n° 6 / appelante) le confirmant “la Direction se joint à moi pour vous remercier pour le travail, l’engagement, la participation active, l’implication et les efforts fournis et réalisés en cette année 2020 qui prend fin.

La réussite de notre établissement, c’est à des femmes et des hommes comme vous que nous la devons”.

Le grief tiré de l’insubordination de Mme [T] n’est en conséquence pas fondé.

S’agissant du deuxième grief, l’employeur reproche à la salariée d’avoir eu un comportement de défiance vis-à-vis de sa Direction en proférant des griefs infondés à son encontre et en se retirant unilatéralement du CODIR dont les faits ont été porté à la connaissance du personnel de l’établissement ce qui aurait créé un trouble dans l’ensemble de la structure, un climat délétère et jeté un discrédit sur la Direction.

L’employeur reproche à Mme [T], d’une part, de lui attribuer un comportement fautif en ce qu’il n’aurait pas mis en place d’aménagement, ni d’aide extérieure pour palier au manque de temps dont elle se plaignait et ne l’aurait pas soutenu. D’autre part, de s’être plainte d’une absence de reconnaissance salariale ainsi que de la nature du poste qu’elle occupait.

Sauf abus résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, ce qu’il appartient au juge de caractériser, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées.

Ainsi l’expression publique d’un désaccord avec l’employeur en des termes qui ne sont ni injurieux, ni diffamatoires ou excessifs, ne caractérise pas un abus dans la liberté d’expression du salarié.

L’abus s’apprécie notamment au regard de la teneur exacte des propos, de leur degré de diffusion, des fonctions exercées par le salarié et de l’activité de l’entreprise.

Il sera relevé que dans ce litige, le 29 janvier 2021, lors d’une réunion de travail, la salariée s’est levée soudainement et a quitté la pièce sans dire un mot.

Si la société indique que les “personnes autour de la table ont toutes été déstabilisées” et “s’en est suivi une sidération des membres du comité de pilotage et une Direction s’en retrouvant décrébilisée aux yeux de tous”, elle n’en apporte toutefois aucune preuve à l’appui de ces dires.

Au contraire, ainsi qu’il a été souligné supra les mails du Docteur [J] ainsi que du Docteur [A] adressés à Mme [T] suite au retrait de ses missions de coordination, révèlent de la sympathie et de la compassion à son égard et non un étonnement, une incompréhension ou des reproches.

Il n’est pas contesté que par la suite, la salariée a adressé un premier mail à sa sortie de la réunion indiquant “les médecins ayant du temps de travail supplémentaire pour travailler sur HM, je me retire de la coordination du projet et la leur laisse. Je reste bien entendu disponible en tant que référente du plan de soins et du dossier de soins pour le paramétrage. Merci d’en prendre note.”

Puis a adressé trois mails en date du 31 janvier 2021, rédigés en ces termes :

– “Bonjour à tous, Merci de bien vouloir trouver ci-joint le planning d’accompagnement au déploiement de HM (les remplacements sont prévus). Je laisse désormais la main concernant la coordination du projet à ceux qui savent faire”.

– “Bonjour, Merci de bien vouloir établir les contrats suivants pour les remplacements prévus pour l’accompagnement au déploiement d’HM : […]. Je laisse désormais la coordination HM aux personnes compétentes. Bonne semaine”.

– “Bonjour, comme en réunion, je ne suis ni écoutée ni même entendue et que mon niveau de tolérance est en effet très à la baisse (pour des raisons personnelles que vous connaissez), je vous écris donc ce messsage qui, si vous le souhaitez, peut faire l’objet d’un courrier officiel […] APPEL A L’AIDE : je n’ai pas de temps pour HM (demande de temps pour a minima organiser les sessions de formation” => refus.

Je n’avais même pas connaissance du temps médical MPR supplémentaire pour travailler sur HM – travail en quadrinôme le mercredi matin entre [D] [I] – [C] [X] – [M] [V] et [U] [S] (je n’en suis même pas informée) je ne parle donc même pas d’y être intégrée!

Quand [U] [S] me parle à la 3ème personne pendant la réunion, aucun soutien de ma Direction – c’est vrai que je ne suis pas médecin mais j’ai quand même connu des cardiologues reconnaître “qu’il vaut mieux un bon cadre qu’un mauvais médecin” ce n’est pas le cas au CRF, j’en prends note.

Il ne peut y avoir 2 poids – 2 mesures :

1 considération médicale et 1 considération CCE je rappelle quand même que ce n’est pas la 1ère fois que je m’inscris contre ce “statut” qui n’en est pas un!

1 considération “cadre avec ancienneté dans la structure” et “récente” cadre – ceux à qui il ne faut surtout rien dire et celle qui supporte tout y compris les réflexions notées sur son CR d’entretien annuel.

Il n’y a aucune considération pour ce poste “bâtard” : [C] lors de l’entretien annuel m’informe de son salaire net après impôt (hors astreinte) et il se trouve que nous avons 350 euros par mois d’écart pour des responsabilités (il me semblait en tout cas) un peu différentes et un investissement professionnel un peu plus important !

De même j’apprends en finalisant le poste d’IDE référent en HC, que la différence de prime mensuelle est de 480 euros par mois pour les IDE ref et 560 (soit 80 euros de +) pour le poste de CCE.

Je vais donc faire comme tout le monde : observer et être attentiste puisque je me rends bien compte qu’être force de propositions ne rapporte ni soutien, ni considération, ni reconnaissance salariale de la part de la Direction.

Je vous laisse débattre en CODIR, il se trouve que n’étant pas directrice, je n’y ai pas ma place.

Respectueusement”.

La possibilité pour la salariée d’exprimer une opinion et de tenir des propos sur ses conditions de travail, l’organisation et le fonctionnement de l’entreprise entre bien dans le champ de la liberté d’expression, dès lors que la critique n’est pas abusive.

Or, en l’espèce, les trois premiers mails précités ne font qu’informer que Mme [T] se retire du projet Hopital Manager. Ainsi qu’il a été jugé supra, Mme [T] il ne peut lui être reproché de s’être retiré unilatérament des projets de coordination.

Le dernier mail ne mentionne quant à lui pas de propos de nature à être considéré comme proférés de manière abusive telle qu’injurieuse ou diffamatoire de la part de Mme [T]. La cour relève par ailleurs qu’il n’a été adressé qu’aux seuls membres du comité de Direction : le Directeur de la structure, la DRH et le Directeur médical et non largement diffusé, contrairement à ce qu’affirme l’intimé.

D’autant que n’est pas rapporté la preuve que Mme [T] ait divulgué, comme le soutient l’intimé, à un public étendu le montant du salaire d’un de ses collègues afin d’opérer une comparaison avec le sien.

Peu important également que quatre mois auparavant la salariée ait pu tenir des propos contraires dans son entretien d’évaluation, cette dernière ayant le droit de changer d’opinion au regard notamment du ressenti vécu à ce moment là, ou qu’elle ait bénéficié d’une revalorisation salariale lors de sa prise de fonction sur le poste de CCE.

Enfin, comme le soutient à bon droit Mme [T], bien que le CRF [4] lui reproche que son comportement ait créé un trouble dans l’ensemble de la structure, un climat délétère et jeté un discrédit sur la Direction, elle n’en rapporte là encore pas la preuve.

Le CRF [4] reproche également à la salariée de s’être retirée unilatéralement du CODIR.

Dans ses conclusions, l’intimé indique “à sa prise de fonction CCE, il a été instauré un CODIR (comité de direction) hebdomadaire, composé des 3 membres de la Direction et d’elle-même. Il s’agit d’une instance décisionnaire, avec un rôle essentiel dans la déclinaison de la stratégie de l’établissement et du pilotage de son quotidien.

Elle y est force de proposition et participe aux décisions collégiales”.

Or, il ne ressort pas des missions de cadre coordinateur établissement, tel que précisé à l’annexe à l’avenant au contrat de travail de Mme [T], de faire partie du CODIR.

Cette tâche n’entrant pas dans les attributions de la salariée, il ne peut lui être reprochée de décider de ne plus s’y rendre.

Le dernier grief n’est en conséquence pas caractérisé.

Enfin, il convient de rappeler que la lettre de licenciement, qui fixe le périmètre du litige, vise deux griefs précis à l’encontre de Mme [T] et il n’est pas reproché à la salariée dans la lettre de licenciement d’éventuelle difficulté relationnelle avec ses collègues, des erreurs managériales ou d’avoir mal effectué son travail.

Aussi, s’agissant des faits décrits par l’employeur sur ces points, ces derniers ne doivent donc pas être pris en considération.

En conséquence, aucune faute n’étant établie à l’encontre de Mme [T], son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Il s’ensuit que le jugement sera dès lors infirmé.

Sur les demandes indemnitaires :

– Sur l’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse :

Aux termes de l’article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans un tableau qui constitue un barème.

Mme [T], âgé de 57 ans lors de son licenciement, avait entre 3 et 4 ans d’ancienneté au sein de la société. Elle peut prétendre à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au versement d’une indemntié dont le montant ne peut être inférieur à 3 mois et supérieur à 4 mois de salaire.

Eu égard aux faits de l’espèce, il sera fait une juste réparation de la rupture abusive de la relation de travail par la condamnation de la société à payer Mme [T] la somme de 18 000 euros.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

– Sur la demande de dommages et intérêts du fait des circonstances vexatoires du licenciement

À l’appui de cette demande, formée à hauteur de 5 000 euros, Mme [T] excipe que son licenciement présente un caractère vexatoire en s’inscrivant dans un contexte incohérent et délétère.

Mme [T] ne justifie toutefois d’aucun préjudice distinct de celui précédemment indemnisé.

Il n’est en outre pas démontré que la procédure de licenciement aurait été menée dans des conditions vexatoires ou humiliantes.

Mme [T] sera donc déboutée de sa demande indemnitaire à ce titre.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

– Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral :

À l’appui de cette demande, formée à hauteur de 10 000 euros, puis 20 000 euros en réparation de son préjudice moral, Mme [T] soutient que son licenciement lui a causé un préjudice psychologique important, nécessitant un suivi régulier par un médecin psychiatre.

Sans nier la difficulté d’avoir à subir une procédure de licenciement et les impacts d’une telle mesure disciplinaire sur la vie personnelle, il convient de relever que Mme [T] ne justifie toutefois pas d’un préjudice moral distinct de celui précédemment indemnisé.

La salariée ne peut utilement tirer argument du certificat médical du docteur [E] [G], médecin psychiatre (pièce n° 15 / appelant), indiquant « avoir constaté suite aux deux convocations par son employeur, le 1/2/21 et le 9/2/21, un fléchissement thymique majeur avec des éléments psycho-traumatiques puis après son licenciement, le 15/3/21, un effondrement anxiodépressif sévère avec majortion de la symptomatologie psycho traumatique ayant nécessité une intensification des sois médicaux spécialisés et psychothérapeutiques, jusqu’à ce jour », cet élément ne suffisant pas à établir un lien entre son état de santé et les conditions de travail, d’autant que l’écrit ne repose sur les déclarations de la salariée.

Il en est de même pour le certificat du docteur [O] [Z], docteur en psychologie (pièce n° 16 / appelant) qui atteste “avoir reçu Mme [T] pour un épisode dépressif post traumatique réactionnel. Elle est venue pour un suivi psychotérapeutique suite au licenciement qu’elle a vécu”, cet élément ne suffisant pas à établir un lien entre son état de santé et les conditions de travail, d’autant que l’écrit ne repose sur les déclarations de la salariée.

Mme [T] sera donc déboutée de sa demande indemnitaire à ce titre.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Compte tenu de la teneur de la présente décision, le jugement de première instance, qui a condamné le CRF [4] aux dépens, doit être confirmé de ces chefs.

Le CRF [4] sera condamnée aux dépens d’appel et à payer à la salariée la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et par voie de conséquence débouté de la demande présentée sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,

Infirme le jugement rendu le 31 mai 2022 par le conseil de prud’hommes de Saint-Denis de la Réunion en ce qu’il a jugé que le licenciement de Mme [T] avait une cause réelle et sérieuse et débouté Mme [T] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau des seuls chefs de jugement infirmés,

Dit le licenciement de Mme [T] abusif ;

Condamne la SAS centre de réadaptation fonctionnelle [4] [6] , prise en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [T] la somme de 18 000 € au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Ajoutant,

Condamne la SAS centre de réadaptation fonctionnelle [4] [6] , prise en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [T] la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS centre de réadaptation fonctionnelle [4] [6] , prise en la personne de son représentant légal, aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame Corinne JACQUEMIN, présidente de chambre, et par Madame Monique LEBRUN, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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