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COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 24 Novembre 2022
N° RG 22/00264 – N° Portalis DBVY-V-B7G-G5JI
Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l’exécution de CHAMBERY en date du 07 Février 2022, RG 21/01510
Appelant
M. [D], [F] [P]
né le [Date naissance 3] 1966 à [Localité 5], demeurant [Adresse 4]
Représenté par la SELARL CABINET ALCALEX, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et Me Mathilde VILLARD, avocat plaidant au barreau de GRENOBLE
Intimées
Société SCCV LES 2 ANGES dont le siège social est sis [Adresse 2] prise en la personne de son représentant légal
S.A.R.L. ALEXO dont le siège social est sis [Adresse 2] prise en la personne de son représentant légal
Représentés par a SCP LE RAY BELLINA DOYEN, avocat postulant au barreau de CHAMBERY prise en la personne de son représentant légal et la SELARL CONTI & SCEG, avocat plaidant au barreau de PARIS
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l’audience publique des débats, tenue le 20 septembre 2022 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,
Et lors du délibéré, par :
– Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
– Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
– Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [D] [P] est propriétaire de deux appartements au sein de la copropriété ‘[Adresse 7]. Cette copropriété est située au sein d’un lotissement dénommé le ‘Mas du Coulet’.
Le 7 octobre 2016, la commune d'[Localité 6] a délivré un permis de construire autorisant la copropriété Le Chalet Les 2 Anges (bâtiment A), située au sein du même lotissement, à procéder à la surélévation de son bien.
Par acte authentique du 30 juillet 2019, la société civile de construction-vente Les 2 Anges s’est portée acquéreur du lot n°18 de la copropriété contenant le droit de surélévation.
Un contentieux étant né concernant la conformité des travaux au cahier des charges du lotissement et sur l’impact qui en résulte quant à la vue sur les massifs montagneux, Monsieur [P] a, par acte du 9 décembre 2020, fait assigner la copropriété Le Chalet Les 2 Anges en vue d’obtenir, à titre principal, la démolition de la surélévation.
Le 28 janvier 2021, un protocole d’accord a été régularisé entre Monsieur [P], la copropriété Le Chalet Les 2 Anges et la SCCV Les 2 Anges aux termes duquel la SCCV précitée s’est engagée, sous conditions, à verser à Monsieur [P] une indemnité forfaitaire de 55 000 euros.
La SCCV Les 2 Anges n’a toutefois pas versé la somme de 55 000 euros revendiquée par Monsieur [P].
A la demande de Monsieur [P], le président du tribunal judiciaire de Grenoble a, par ordonnance du 29 juillet 2021, conféré force exécutoire au protocole d’accord. Cette ordonnance a été signifiée à la SCCV Les 2 Anges par acte du 12 août 2021.
Postérieurement, selon ordonnance du 11 août 2021, Monsieur [P] a été autorisé par le juge de l’exécution de Grenoble à pratiquer une mesure de saisie-conservatoire sur les comptes détenus par la SARL Alexo, associée majoritaire de la société Les 2 Anges.
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1. Consécutivement, le 12 août 2021, Monsieur [P] a fait pratiquer une saisie-conservatoire entre les mains de la Banque Palatine, Groupe BPCE, pour un montant de 55 000 euros sur le compte ouvert dans ses livres par la SARL Alexo. La mesure a été dénoncée à la SARL Alexo le 19 août 2021.
2. De façon concurrente, se fondant sur l’ordonnance du 29 juillet 2021, Monsieur [P] a fait délivrer, par acte du 12 août 2021, un commandement de payer avant saisie-vente à la SCCV Les 2 Anges pour un montant de 61 178,72 euros.
3. En outre, par acte du 12 août 2021, Monsieur [P] a fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains de la Banque Palatine, Groupe BPCE, pour un montant de 62 090,96 euros, sur les comptes bancaires ouverts dans ses livres par la SCCV Les 2 Anges.
*
Le 26 août 2021, Monsieur [P] a par ailleurs fait assigner au fond la SCCV Les 2 Anges et ses deux associés, la SARL Alexo et Monsieur [B] [N], devant le tribunal judiciaire de Chambéry aux fins notamment de voir :
constater l’existence de vaines poursuites à l’encontre de la SCCV Les 2 Anges,
condamner en conséquence la SARL Alexo à lui payer la somme de 59 991,80 euros, outre intérêts au taux de 10% l’an à compter du 28 juillet 2021,
condamner Monsieur [N] à lui payer la somme de 508,20 euros, outre intérêts au taux de 10% l’an à compter du 28 juillet 2021,
condamner in solidum la SCCV Les 2 Anges et Monsieur [N] à lui payer la somme de 15 000 euros à titre d’indemnité en réparation du préjudice moral subi.
*
Contestant la validité du protocole d’accord du 28 janvier 2021, les sociétés Les 2 Anges et Alexo ont quant à elles, par acte du 28 septembre 2021, fait assigner Monsieur [P] devant le juge de l’exécution en vue d’obtenir la mainlevée des voies d’exécution exercées à leur préjudice.
Par jugement contradictoire du 7 février 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Chambéry s’est déclaré territorialement compétent pour connaître du litige puis a :
– rejeté la demande de Monsieur [P] tendant à ce qu’il soit fait droit à l’exception de litispendance et de connexité,
– rejeté la demande de Monsieur [P] tendant à ce que le juge de l’exécution se dessaisisse du litige au profit du tribunal judiciaire de Chambéry,
– rejeté la demande de la société Les 2 Anges et de la société Alexo tendant à voir juger que le protocole d’accord signé le 28 janvier 2021 est affecté de deux causes cumulatives de nullité,
– rejeté la demande de la société Les 2 Anges et de la société Alexo tendant à voir annuler le commandement aux fins de saisie-vente délivré le 12 août 2021,
– rejeté la demande de la société Les 2 Anges et de la société Alexo tendant à voir ordonner la nullité et la mainlevée du procès-verbal de saisie-attribution notifié le 12 août 2021 à l’encontre de la société Les 2 Anges,
– ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire du 12 août 2021 pratiquée par l’Étude N’Kaoua et Calas, huissiers de justice à [Localité 5], au nom et pour le compte de Monsieur [P] sur le compte de la société Alexo ouvert auprès de la banque Palatine, groupe BPCE sous le n°[XXXXXXXXXX01],
– rejeté la demande de la société Les 2 Anges et de la société Alexo tendant à la condamnation de Monsieur [P] à leur payer la somme de 55 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– rejeté la demande de Monsieur [P] tendant à la condamnation de la société Les 2 Anges et de la société Alexo à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
– condamné Monsieur [P] à payer à la société Les 2 Anges et à la société Alexo la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles,
– condamné Monsieur [P] aux dépens, avec distraction au profit de la SCP Le Ray-Bellina-Doyen.
Par acte du 15 février 2021, Monsieur [P] a interjeté appel du jugement.
Relevant l’existence de moyens sérieux de réformation, la première présidente de la cour d’appel de Chambéry, saisie par assignation en référé délivrée à l’initiative de Monsieur [P], a, par ordonnance du 26 avril 2022, ordonné le sursis à exécution du jugement contesté en ce qu’il a fait droit à la demande de mainlevée de la saisie-conservatoire du 12 août 2021.
*
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 1er juin 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Monsieur [P] demande à la cour de :
– ordonner que l’attestation de Monsieur [V] soit écartée des débats,
– réformer le jugement querellé en ce qu’il a :
ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire du 12 août 2021 pratiquée par l’étude N’Kaoua et Calas, huissiers de justice à [Localité 5], au nom et pour le compte de Monsieur [P] sur le compte de la SARL Alexo ouvert auprès de la banque Palatine, groupe BPCE sous le numéro [XXXXXXXXXX01],
rejeté la demande de Monsieur [P] tendant à la condamnation de la société Les 2 Anges et de la société Alexo à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
condamné Monsieur [P] à payer à la société Les 2 Anges et à la société Alexo la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Sur ces points, statuant à nouveau,
– débouter la société Les 2 Anges et la société Alexo de leur demande de mainlevée de la saisie-conservatoire du 12 août 2021,
– condamner la société Les 2 Anges et la société Alexo à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait des propos diffamatoires contenus dans les écritures de la procédure,
– condamner la société Les 2 Anges et la société Alexo à lui payer la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance,
– confirmer le jugement querellé sur les autres points et notamment sur le rejet de la demande visant à voir juger que le protocole transactionnel serait affecté d’une cause de nullité,
– débouter les intimés de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions contraires.
En réplique, dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 5 avril 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société Les 2 Anges et la SARL Alexo demandent à la cour de :
Au principal,
– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a refusé de tenir pour nul le protocole signé le 21 janvier 2021 entre Monsieur [P] et la société Les 2 Anges et sur ce fondement d’ordonner la mainlevée de la saisie-conservatoire pratiquée le 12 août à l’encontre de la SARL Alexo,
Et statuant à nouveau,
– juger que la délivrance d’une assignation en démolition des deux appartements construits par la société Les 2 Anges et qui venaient d’être achevés, était illégitime dès lors que la voie de droit choisie pour y parvenir fondée sur la seule et soi-disant violation des règles d’urbanisme du cahier des charges du règlement du lotissement de ‘Mas du Coulet’ situé sur la commune d'[Localité 6], telles que visées dans l’assignation, était dénuée de toute chance de succès,
– juger en effet que ‘l’arrêté municipal’ édicté le 6 mars 1987 par le Maire de la commune de l’Alpes d'[Localité 6] a mis en concordance le règlement du lotissement du ‘Mas du Coulet’ avec les dispositions du plan d’occupation des sols approuvé le 20 février 1987 et cela en application de l’article L.315-4 ancien du code de l’urbanisme, de telle sorte que les règles d’urbanisme de ce cahier des charges concernant notamment les hauteurs de construction et sur lesquelles se fondait exclusivement l’assignation en démolition des appartements litigieux construits, n’étaient plus applicables,
– juger que la délivrance d’une assignation en démolition a eu ipso facto pour conséquence de paralyser la commercialisation qui était déjà acquise d’au moins l’un des deux appartements achevés aucune action judiciaire en défense ne permettant immédiatement de mettre en échec la procédure frauduleuse en démolition et aucun acheteur n’étant susceptible d’acheter et de verser un prix de vente en présence d’une action en démolition,
– juger par conséquent que la cause et l’objet du protocole d’accord signé le 28 janvier 2021 entre Monsieur [P] et la société Les 2 Anges visant au retrait de l’assignation en démolition des deux appartements construits par cette société contre le versement d’une indemnité de 55 000 euros, était illégitime, dès lors que cette voie de droit était dénuée de tout chance de succès comme résultant, notamment, des décisions définitives rendues tant par la cour d’appel de Grenoble que par la cour de Cassation ayant rejeté les recours similaires portant sur la caducité des règles d’urbanisme du cahier des charges du ‘Mas du Coulet’ situé sur la commune d’Huez, ce qui a acquis autorité de chose jugée,
– juger que le protocole d’accord signé le 21 janvier 2021 est ainsi affecté d’une cause majeure de nullité sur le fondement des articles 1140 à 1143 du code civil pour n’avoir été signé que sous la contrainte économique conduite dolosivement par Monsieur [P] pour obliger la société Les 2 Anges à lui verser une indemnité transactionnelle aussi importante qu’indue,
En conséquence,
– juger qu’il échet de tirer les conséquences de la cause de nullité affectant le protocole d’accord signé le 28 janvier 2021 entre Monsieur [P] et la société Les 2 Anges (avec l’intervention de la copropriété Les 2 Anges),
– ordonner la mainlevée :
du procès-verbal de saisie-attribution notifié le 12 août 2021 à la requête de Monsieur [P] entre les mains de la banque Palatine, groupe BPCE, du chef des fonds détenus par cette banque au profit de la société Les 2 Anges pour un montant total de 62 090,96 euros,
du procès-verbal de saisie-conservatoire notifié le 12 août 2021 entre les mains de la banque Palatine, groupe BPCE, du chef des fonds détenus par cet établissement bancaire au profit de la société Alexo étant bloquée une somme provisoirement évaluée à la somme de 55 000 euros,
Infiniment subsidiairement, à titre principal,
– juger que Monsieur [P] en violation de l’article L.511-1 du code des procédures civiles d’exécution n’a pas justifié des circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance à l’égard de la société Alexo, ni prouvé que les capacités financières et patrimoniales de la société Alexo ne lui permettaient pas de faire face à ses engagements en qualité d’associé-garant de la société Les 2 Anges,
– juger qu’en outre le montant des actifs bancaires de la société Alexo confirmaient clairement ses capacités financières à l’égard de la société Les 2 Anges,
À titre subsidiaire,
– juger qu’aucune démonstration n’a été faite par Monsieur [P] de l’état d’insolvabilité de la société Les 2 Anges que ne permettait pas d’établir la délivrance sans effet d’un commandement de payer interdisant ce faisant toute mesure de saisie-conservatoire à l’encontre de l’associée de la société Les 2 Anges,
En conséquence,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné la mainlevée de la mesure de saisie-conservatoire pratiquée à la requête de Monsieur [P] à l’encontre de la société Alexo, associée de la société Les 2 Anges suivant procès-verbal notifié le 12 août 2021,
En tout état de cause,
– condamner Monsieur [P] à verser à la société Les 2 Anges et à la société Alexo :
une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
une somme de 5 000 euros sauf à parfaire sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– condamner Monsieur [P] aux dépens de l’instance dont distraction au profit de la société Le Ray-Bellina-Doyen.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 juillet 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande visant à ce que l’attestation de Monsieur [V] soit écartée des débats
Conformément à l’article 202 du code de procédure civile, une attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu’il a personnellement constatés. Elle mentionne les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur ainsi que, s’il y a lieu, son lien de parenté ou d’alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d’intérêts avec elles. Elle indique en outre qu’elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu’une fausse attestation de sa part l’expose à des sanctions pénales. L’attestation est écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature.
Concernant la régularité formelle de l’attestation contestée, trois éléments sont critiqués par l’appelant à savoir :
– qu’elle n’émanerait pas de son auteur en ce qu’elle aurait été préparée par le conseil des sociétés Les 2 Anges et Alexo,
– qu’il existe une communauté d’intérêts entre Monsieur [V] et les sociétés intimées,
– que Monsieur [V] a également signé, en sa qualité de gérant de la société Altitude Immobilier choisie comme syndic par la copropriété Le Chalet Les 2 Anges, le protocole du 28 janvier 2021 servant de fondement aux poursuites.
Or, il doit être observé que l’allégation selon laquelle l’attestation de Monsieur [V] aurait été rédigée ou préparée par le conseil des intimées n’est corroborée par aucun élément factuel, étant rappelé que l’attestant a mentionné de façon manuscrite, avant de dater et de signer le document, délivrer ‘la présente attestation [en] sachant qu’elle sera utilisée en justice et [en] ayant connaissance des dispositions de l’article 441-7 du code pénal réprimant l’établissement d’attestation faisant état de faits inexacts’.
En outre, il n’est pas contestable à la lecture de l’attestation que Monsieur [V] relate être le gérant d’une agence immobilière ayant, d’une part, assuré les fonctions de syndic de la copropriété Le Chalet Les 2 Anges et, d’autre part, obtenu un mandat de vente pour l’un des appartements réalisés par la SCCV Les 2 Anges de sorte que ces circonstances n’ont pas été éludées par le signataire de l’attestation.
Enfin, s’il s’avère exact que Monsieur [V] a ratifié le protocole transactionnel du 28 janvier 2021 pour le compte du syndic de copropriété de l’immeuble, cet élément ne saurait ipso facto disqualifier l’attestant pour apporter l’éclairage qui est le sien sur les circonstances ayant entouré la signature de ce dernier.
Pour autant, il appartient à la cour de fonder son analyse sur l’ensemble des éléments qui lui sont soumis en évaluant leur pertinence, la force probante de la pièce ainsi communiquée étant à observer à la lumière des autres éléments communiqués par les parties.
En ce sens, l’attestation contestée, régulièrement versée aux débats pour être soumise à la contradiction, ne saurait être écartée.
Sur le protocole d’accord du 28 janvier 2021 et la demande de mainlevée des mesures d’exécution dirigées contre la SCCV Les 2 Anges
Il résulte du protocole d’accord signé le 28 janvier 2021 entre Monsieur [P], la copropriété Le Chalet Les 2 Anges et la SCCV Les 2 Anges que le premier s’est engagé à se désister de l’instance engagée à l’encontre de la copropriété suivant assignation délivrée le 9 décembre 2021 et, d’une façon générale, à n’élever aucune action ultérieure à l’encontre de la SCCV Les 2 Anges concernant le non-respect du cahier des charges du lotissement du ‘Mas du Coulet’ notamment en ce qui concerne la hauteur du bâtiment, moyennant règlement par la SCCV Les 2 Anges de la somme forfaitaire, définitive et transactionnelle de 55 000 euros.
Ledit protocole précise à ce titre que :
cette somme sera exigible soit à l’occasion de la première mutation par la SCCV Les 2 Anges d’un lot lui appartenant au sein de la copropriété ‘Le Chalet Les Deux Anges’, soit au plus tard dans le délai de six mois de la signature du protocole,
à défaut de paiement dans ce délai, le protocole ne deviendra pas pour autant caduc mais pourra être exécuté par toutes voies de droit,
dans l’hypothèse où le délai de paiement devrait ne pas être respecté, la somme de 55 000 euros produirait automatiquement et sans formalité préalable intérêts au taux contractuel de 10% l’an, outre le versement par la SCCV Les 2 Anges d’une indemnité de 5 500 euros soit 10% à titre de clause pénale.
Sans qu’il appartienne à la cour de se prononcer sur le bien fondé ou les perspectives de succès de l’assignation en démolition introduite par Monsieur [P] puis sur l’existence d’un trouble anormal du voisinage, il importe de relever que :
Monsieur [P] est propriétaire depuis plusieurs années de deux appartements situés à proximité immédiate de la construction édifiée par la SCCV Les 2 Anges,
la vue, dont bénéficiaient les biens dont il est propriétaire, a été substantiellement modifiée par la construction réalisée par la SCCV Les 2 Anges de sorte que son intérêt à agir n’est pas sérieusement contestable,
un recours argumenté a été introduit en contestation de la régularité de la construction et en reconnaissance de l’existence d’un trouble anormal du voisinage,
consécutivement, un protocole d’accord a été, fût-ce partiellement, élaboré par le conseil de la SCCV Les 2 Anges lequel a assisté sa cliente, professionnelle de la construction disposant d’une expérience significative en matière de droits à construire, lors de négociation, de la formalisation puis de la signature du protocole transactionnel qui se sont déroulés entre le 17 décembre 2020 et le 28 janvier 2021, soit sur une période d’un mois et demi ayant permis à chacun de s’interroger sur le sens et la portée de son engagement,
le protocole signé entre les parties prévoit des concessions réelles et réciproques entre les parties en ce que Monsieur [P] a accepté de se désister de son action et s’interdit tout recours ultérieur concernant le non-respect du cahier des charges du lotissement du ‘Mas du Coulet’ et notamment en ce qui concerne la hauteur du bâtiment construit par la SCCV Les 2 Anges tandis que cette dernière a consenti à lui verser une somme transactionnelle de 55 000 euros selon un échéancier contractuellement défini,
la validité dudit protocole n’a pas été contestée en justice par la SCCV Les 2 Anges avant l’exercice des voies d’exécution aujourd’hui discutées,
les lots construits par la SCCV Les 2 Anges ont tous deux été commercialisés puis cédés.
Il en résulte que la SCCV Les 2 Anges ne saurait valablement exciper, après le désistement d’instance et d’action de l’appelant puis la vente des lots construits, que la menace de l’exercice d’une voie de droit aurait procuré un ‘avantage manifestement excessif’ à Monsieur [P] en ce que son action était dénuée de fondement et vouée à l’échec, alors-même, d’une part, qu’elle était assistée et conseillée par un professionnel du droit qualifié pour évaluer les perspectives de succès d’une telle action et, d’autre part, qu’il lui appartenait de contester juridiquement l’action introduite par Monsieur [P] si elle l’estimait infondée, étant relevé par ailleurs que la démonstration de l’existence d’un quelconque péril économique pour la SCCV Les 2 Anges ou ses actionnaires, dans l’hypothèse où l’action en justice aurait été maintenue, ne saurait être rapportée par la seule production de la convention de prêt signée entre la SCCV Les 2 Anges et la banque de Savoie, ne mentionnant ni la date de libération des fonds ni une échéance datée pour le remboursement du concours, laquelle ne suffit à caractériser l’existence d’une contrainte économique d’une telle ampleur que la SCCV aurait été placée dans une situation ‘[d’]urgence absolue’ l’obligeant à signer le protocole litigieux.
En ce sens, si, en cas de maintien de l’assignation, les conséquences sur la commercialisation étaient réelles pour la SCCV Les 2 Anges, il doit être relevé qu’il n’était pas impossible pour cette société de négocier avec la Banque de Savoie (laquelle disposait par ailleurs de garanties réelle et personnelle pour le remboursement du financement) un remboursement différé du prêt, quitte à en imputer reconventionnellement le coût à Monsieur [P], à titre de dommages et intérêts, dans l’hypothèse où ce dernier aurait maintenu une action téméraire en démolition ou en trouble anormal du voisinage. Aussi, en faisant le choix de privilégier une solution pragmatique et rapide au moyen d’une transaction lui permettant de céder les lots à court terme, en évitant tout aléa judiciaire, la SCCV Les 2 Anges a opté pour une solution qu’elle ne saurait efficacement remettre en cause au stade de l’exécution d’un protocole judiciairement homologué.
Dans ces conditions, la cour ne peut que débouter la SCCV Les 2 Anges de sa demande visant à constater l’illicéité du protocole d’accord signé le 28 janvier 2021, comme affecté d’une cause de nullité, pour avoir été signé sous la contrainte économique imposée par Monsieur [P].
Dès lors, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de mainlevée visant les mesures d’exécution dirigées contre la SCCV Les 2 Anges.
Sur la saisie-conservatoire dirigée contre la Sarl Alexo
Conformément à l’article L.511-1 du code des procédures civiles d’exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. La mesure conservatoire prend la forme d’une saisie conservatoire ou d’une sûreté judiciaire.
Il n’est pas contesté en l’espèce que :
la SCCV Les 2 Anges a cédé les deux biens issus du projet de promotion puis a fait clôturer le compte bancaire ouvert à son bénéfice pour le projet de construction,
le capital social de la SCCV Les 2 Anges est détenu par Monsieur [B] [N] et la SARL Alexo, étant rappelé, aux termes de l’article 1857 du code civil, que les associés d’une société civile répondent indéfiniment, à l’égard des tiers, des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social,
la SARL Alexo (détenue par Monsieur [N]) est l’associé majoritaire et, par voie de conséquence, le bénéficiaire économique principal de la SCCV Les 2 Anges.
S’il ne peut être davantage contesté que, lors de la saisie, le compte bancaire de la SARL Alexo était approvisionné dans des proportions permettant au saisissant d’assurer la conservation de la somme de 55 000 euros autorisée par le juge de l’exécution, force est de constater que les deux associés de la société Les 2 Anges se sont, simultanément à la signature du protocole d’accord, opposés à son exécution comme le confirment le rapport de gérance de la SCCV Les 2 Anges du 8 janvier 2021 et le procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire de la SCCV Les 2 Anges en date du 12 janvier 2021 autorisant Monsieur [N] à ratifier le protocole d’accord (première résolution) et lui conférant dans la résolution suivante ‘tous pouvoirs en sa qualité de gérant de la SCCV Les 2 Anges pour mettre en ‘uvre :
– toute procédure déontologique auprès de l’ordre des avocats du barreau de Grenoble tant à l’encontre de Mme [T] [W] que de Me [D] [P] qui exerce également le métier d’avocat et inscrit au barreau de Grenoble,
– et toutes autres procédures civile et pénale à l’effet de récupérer le montant de la transaction versée sous la contrainte économique’ (seconde résolution).
La cour observe alors que postérieurement au vote de ces deux résolutions, le gérant de la SCCV Les 2 anges, par ailleurs gérant et associé de la SARL Alexo, a maintenu Monsieur [P] et son conseil dans l’illusion qu’il allait honorer son engagement comme en attestent les courriels adressés par Monsieur [P] au conseil des sociétés intimées les 9 et 17 mars 2021 pour, in fine, introduire une plainte déontologique contre Monsieur [P] et Madame [W], exerçant la profession d’avocat au barreau de Grenoble, ainsi qu’une plainte pour extorsion laquelle a été classée sans suite par le procureur de la République de Grenoble conformément à l’avis délivré à Monsieur [P] le 27 janvier 2022.
Il en résulte que, si un risque de recouvrement ne saurait se caractériser en l’espèce d’un point de vue financier au regard de la trésorerie dont disposait la SARL Alexo au jour de la saisie-conservatoire du 12 août 2021, il importe néanmoins de retenir que la stratégie assumée de la SCCV Les 2 Anges et de ses associés en leur opposition résolue à exécuter le protocole, alors-même que Monsieur [P] s’est pour sa part désisté de son action en démolition, démontre une résistance déterminée et constante justifiant un risque manifeste dans le recouvrement d’une créance paraissant fondée en son principe, étant rappelé que la SCCV Les 2 Anges a fait clôturer son compte bancaire et que la SARL Alexo détient la majorité du capital social de cette société.
Dans ces conditions, il y a lieu de réformer le jugement déféré ayant ordonné la mainlevée de la mesure de saisie-conservatoire initiée contre la SARL Alexo.
En outre, les sociétés Les 2 Anges et Alexo étant déboutées de leurs demandes principales, leur demande indemnitaire dirigée contre Monsieur [P] pour procédure abusive doit être rejetée.
Sur la demande indemnitaire présentée par Monsieur [P]
Or les cas visés aux articles L.213-6 du code de l’organisation judiciaire puis L.121-3 et L.512-2 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution ne saurait, sans excéder les pouvoirs qui lui sont dévolus, se prononcer sur une demande indemnitaire fondée sur la nature diffamatoire des propos tenus par l’autre partie.
En ce sens, la demande de dommages et intérêts formée par Monsieur [P] au titre du préjudice moral qu’il allègue ne peut qu’être rejetée, la cour saisie en appel d’un jugement du juge de l’exécution ne disposant que des pouvoirs dévolus au premier juge et rappelés aux articles susvisés.
Sur les demandes annexes
La SCCV Les 2 Anges et à la SARL Alexo, qui succombent à l’instance, sont condamnées à payer à Monsieur [P] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Elles sont en outre condamnées aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a :
ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire du 12 août 2021 pratiquée par l’Étude N’Kaoua et Calas, huissiers de justice à [Localité 5], au nom et pour le compte de Monsieur [D] [P] sur le compte de la SARL Alexo ouvert auprès de la banque Palatine, groupe BPCE sous le n°[XXXXXXXXXX01],
condamné Monsieur [D] [P] à payer à la SCCV Les 2 Anges et à la SARL Alexo la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles,
condamné Monsieur [D] [P] aux dépens, avec distraction au profit de la SCP Le Ray-Bellina-Doyen,
Statuant à nouveau sur ces points,
Déboute la SARL Alexo de sa demande de mainlevée visant la saisie conservatoire du 12 août 2021 pratiquée par l’Étude N’Kaoua et Calas, huissiers de justice à [Localité 5], au nom et pour le compte de Monsieur [D] [P] sur le compte détenu par elle dans les livres de la banque Palatine, groupe BPCE sous le n°[XXXXXXXXXX01],
Déboute la SCCV Les 2 Anges et la SARL Alexo de leur de mande de confirmation du jugement déféré ayant condamné Monsieur [D] [P] aux dépens, avec distraction au profit de la SCP Le Ray-Bellina-Doyen puis à leur payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles,
Condamne la SCCV Les 2 Anges et la SARL Alexo aux dépens de première instance,
Y ajoutant,
Condamne la SCCV Les 2 Anges et la SARL Alexo à payer la somme de 3 000 euros à Monsieur [D] [P] au titre des frais irrépétibles,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne la SCCV Les 2 Anges et la SARL Alexo aux dépens d’appel.
Ainsi prononcé publiquement le 24 novembre 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente