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N° M 19-83.553 F-D
N° 336
CK
24 MARS 2020
CASSATION PARTIELLE
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 24 MARS 2020
M. L… S… a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Cayenne, chambre correctionnelle, en date du 18 avril 2019, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de diffamation publique envers un particulier, a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire personnel et un mémoire en défense ont été produits.
Sur le rapport de M. Bonnal, conseiller, et les conclusions de M. Croizier, avocat général, et les observations de la société civile professionnelle Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. E… C…, après débats en l’audience publique du 4 février 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. E… C… a fait citer M. S…, maire de la commune de […] (Guyane), du chef précité, pour avoir affirmé, dans un article publié par le journal France-Guyane le 4 juillet 2016 : « Avec cette décision, les juges octroient la moitié du bourg historique à E… C…. Cette décision est étrange et injuste pour les habitants de […]. Les juges se sont basés sur un faux titre de propriété et en appel, nous allons le démontrer […] Nous cherchons comment le tribunal a pu trouver un titre de propriété à M. C…. Ce sont les services de France Domaine qui ont écrit qu’il n’y avait pas de titre de propriété sur les parcelles que nous avons dénoncées ».
3. Estimant que ces propos ne comportaient pas, même par insinuation, l’imputation d’un fait diffamatoire, le tribunal correctionnel a relaxé le prévenu.
4. La partie civile a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen est pris de la violation des articles 29, 32 et 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, 551, 591 et 593 du code de procédure pénale, 1240 du code civil.
6. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a constaté l’existence d’une faute civile imputable à M. S…, alors que la cour d’appel s’est basée sur l’analyse des termes employés, sans dire lesquels, pour retenir que ceux-ci contenaient l’imputation à M. C… d’utiliser un moyen déloyal, voire malhonnête, pour obtenir gain de cause, et donc d’avoir commis une faute, quoique des déclarations de M. S…, il ne puisse être exclu que M. C… a fait usage de l’acte faux en toute bonne foi.
Réponse de la Cour
7. Pour infirmer le jugement et dire établie une faute civile à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, l’arrêt attaqué énonce que les propos poursuivis renferment l’allégation que, dans le cadre d’une procédure, un faux a été utilisé, faux certes non commis par M. C…, mais produit par lui devant la juridiction appelée à statuer, et dont la fausseté sera démontrée en appel, de sorte que M. S… affirme ainsi en termes non équivoques que son unique adversaire a utilisé un moyen déloyal, voire malhonnête, pour obtenir gain de cause.
8. En se déterminant ainsi, et dès lors que, sans toutefois l’affirmer avec certitude, le propos incriminé insinue que ce pourrait être en toute connaissance de cause que la partie civile a produit un faux document devant une juridiction, la cour d’appel a fait l’exacte application de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dans les prévisions duquel entre l’imputation ou l’allégation d’un fait déterminé portant atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d’insinuation.
9. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
10. Le moyen est pris de la violation des articles 10 à 13 de la loi des 16-24 août 1790, du décret du 16 fructidor an III, du principe de la séparation des pouvoirs, des articles 29, 32 et 48 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, 1382 (devenu 1240) du code civil, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale.
11. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a retenu sa compétence pour statuer sur les demandes civiles de la partie civile, alors que les tribunaux répressifs de l’ordre judiciaire sont incompétents pour statuer sur la responsabilité d’une administration ou d’un service public en raison du fait dommageable commis par un de leurs agents, lesdits agents n’étant personnellement responsables des conséquences dommageables de l’acte délictueux que si celui-ci constitue une faute détachable de leurs fonctions, et qu’il appartenait à la cour d’appel de rechercher, même d’office, si la faute imputée à M. S… présentait le caractère d’une faute personnelle détachable du service.