Diffamation : décision du 22 septembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/01978

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Diffamation : décision du 22 septembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/01978
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 SEPTEMBRE 2022

N° RG 20/01978 – N° Portalis DBV3-V-B7E-UB3B

AFFAIRE :

[F] [P]

C/

S.A.S. LEON VINCENT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Août 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG : F 19/00035

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELEURL CABINET GILLES

la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [F] [P]

né le 08 Février 1977 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Jean-marie GILLES de la SELEURL CABINET GILLES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0024

APPELANT

****************

S.A.S. LEON VINCENT

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 561 750 845

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

Représentant : Me Nelly COUPAT-WAWRZYNIAK de la SELARL CABINET NELLY COUPAT, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, vestiaire : 139

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 30 Mai 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Odile CRIQ, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU,

FAITS ET PROCÉDURE

M. [P] a été engagé à compter du 12 mars 2007 en qualité d’agent de transit qualifié, par la société Léon Vincent, selon contrat de travail à durée indéterminée.

L’entreprise, qui exerce son activité sous l’enseigne commerciale LV Overseas est principalement spécialisée dans l’affrètement et l’organisation de transports terrestres, maritimes, fluviaux et aériens, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective des transports routiers et des activités auxiliaires du transport.

M. [P] était affecté à l’agence de [Localité 6].

Convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 5 novembre suivant, M. [P] a été licencié par lettre datée du 9 novembre 2018 énonçant une cause réelle et sérieuse avec dispense d’exécuter le préavis.

Contestant son licenciement, M. [P] a saisi, le 25 janvier 2019, le conseil de prud’hommes de Montmorency aux fins d’entendre juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société au paiement des sommes de 4 000 euros d’indemnité au titre du harcèlement, 4 000 euros d’indemnité au titre du manquement à l’obligation de sécurité, 60 000 euros d’indemnité au titre du licenciement abusif et 2 000 euros d’article 700 du code de procédure civile.

La société s’est opposée aux demandes du requérant et a sollicité sa condamnation au paiement d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 17 août 2020, notifié le 24 août 2020, le conseil a statué comme suit :

Dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;

Déboute M. [P] de l’intégralité de ses demandes ;

Déboute la société Léon Vincent de sa demande reconventionnelle ;

Met les éventuels dépens de l’instance à la charge de M. [P].

Le 23 septembre 2020, M. [P] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Par ordonnance rendue le 20 avril 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 30 mai 2022.

‘ Selon ses dernières conclusions notifiées le 29 juin 2021, M. [P] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile mais de l’infirmer en ce qu’il a dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, en ce qu’il l’a débouté de l’intégralité de ses demandes et mis les éventuels dépens de l’instance à sa charge, et statuant à nouveau de :

Ecarter des débats les pièces n° 15, 16 et 22 produites par la société ;

Condamner la société à lui verser, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes, les sommes suivantes:

– Au titre du harcèlement moral et de l’exécution déloyale du contrat de travail : 4 000 euros

– Au titre du manquement à l’obligation de sécurité : 4 000 euros

– Au titre du licenciement nul, et en tous cas sans cause réelle et sérieuse : 60 000 euros,

Condamner la société à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société aux entiers dépens ;

Débouter la société de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

‘ Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 12 mars 2021, la société Léon Vincent demande à la cour de :

Confirmer le jugement entreprise en ce qu’il a :

– dit et jugé que M. [P] ne rapporte pas la preuve d’avoir subi un harcèlement moral,

– constaté que la société n’a pas failli à son obligation de sécurité, qui est une obligation de moyen,

– constaté que le licenciement pour cause réelle et sérieuse prononcé à l’encontre de M. [P] est parfaitement régulier et justifié,

– constaté également que M. [P], qui a immédiatement retrouvé un emploi, ne rapporte pas la preuve qui lui incombe du préjudice subi du fait de son éviction de l’entreprise,

En conséquence :

Débouter M. [P] de l’ensemble de ses demandes,

Infirmer sur le surplus

Condamner à titre reconventionnel M. [P] à la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS

I – Sur le rejet des pièces n°15, 16 et 22

Aux termes du dispositif de ses conclusions, M. [P] demande que soient écartées des débats les pièces n°15, 16 et 22 produites par la société Léon Vincent, à savoir les deux attestations de M. [A] et celle de Mme [E].

Le salarié explique que l’attestation de M. [A] (pièce n°15) est manifestement un faux puisqu’il soutient démontrer que c’est bien M. [C], et lui seul, qui se chargeait de la validation des absences du salarié et affirme que Mme [E] (pièce n°16) ne peut légalement témoigner en des termes aussi péremptoires. M. [P] ajoute que l’attestation de M. [A] (pièce n°22), ne fournit aucune date précise alors que M. [A] n’a jamais formulé la moindre remarque envers lui et que la société ‘ne peut produire des attestations dans le cadre d’une procédure prud’homale destinées à combler l’insuffisance de motifs entachant la lettre de licenciement’.

Dans l’exercice de son pouvoir souverain, il appartient au juge du fond, d’apprécier la force probante des éléments qui lui sont soumis.

Les règles édictées par l’article 202 du code de procédure civile, relatives à la forme des attestations en justice, ne sont pas prescrites à peine de nullité. Il appartient au juge d’en apprécier la valeur probante.

Il n’y a pas lieu d’écarter des débats les attestations susvisées au seul motif affirmé par M. [P] qu’elles seraient imprécises ou excessivement péremptoires, en l’absence d’élément objectif permettant de suspecter de leur sincérité. Par ailleurs, M. [P] n’a déposé aucune plainte pour faux témoignage contre M. [A] ou Mme [E], de sorte que les témoignages produits par l’employeur présentent des garanties suffisantes pour ne pas être écartés des débats.

La valeur probante des dites attestations sera appréciée au fil de la motivation de la présente décision.

La demande de M. [P] d’écarter les attestations produites sera rejetée.

II – Sur le harcèlement moral

Le salarié soutient qu’il a fait l’objet de harcèlement moral au sein de l’entreprise, perpétré par M. [C], son supérieur hiérarchique direct, arrivé en 2013. Il invoque à ce titre :

– une modification intempestive des congés par M. [C] et une validation de ceux-ci a posteriori,

– une rémunération quasiment inchangée en 11 ans de travail sans aucune évolution de coefficient,

– un climat délétère au sein de la société instauré par M. [C],

– une exécution déloyale du contrat de travail,

Il sollicite, à ce titre, une somme de 4 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral et exécution déloyale du contrat de travail.

La société conteste tout harcèlement moral.

En application de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon les dispositions de l’article L. 1154-1 du même code, dans sa version issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, du code du travail, lorsque le salarié présente des éléments de fait, précis et concordants, constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si le salarié invoque, au titre des faits réitérés ayant concouru au harcèlement moral dénoncé, une exécution déloyale du contrat de travail, force est de constater qu’il se borne dans ses conclusions à rappeler les textes applicables et une jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation, sans établir aucun fait ni argumenter ses allégations sur ce point.

S’agissant de la gestion de ses congés par M. [C], M. [P] expose que les modifications intempestives ou validations a posteriori participent ‘évidemment’ au harcèlement moral dont il a été victime.

Le salarié verse aux débats 28 feuilles d’avis d’autorisation de congés qui font état des mentions suivantes :

– ‘[C] a modifié votre demande d’absence (n°)’,

– suivie des dates demandées, du motif et de l’état : ‘Accord’,

– les dates étant validées le jour même du départ en congé ou ultérieurement.

Sur la matérialité du fait allégué, l’employeur justifie en premier lieu que la gestion des absences était confiée à M. [A], responsable export (N+1), et non à M. [C], directeur d’agence, qui se contentait de valider automatiquement l’organisation mise en place par ce dernier.

En second lieu, la société objective que la mention ‘a modifié votre demande d’absence’ censée avoir été apportée par M. [C] correspond au simple traitement de la demande. Elle en rapporte la preuve par les attestations de M. [H], directeur informatique de la société et de M. [S], responsable QSSE, qui indiquent que cette mention ‘signifie que le responsable de la validation est intervenu sur le statut de la demande noté après le terme ‘Etat’ et non sur la durée ou les dates de la demande d’absence’, ajoutant que ‘en aucun cas, le directeur a la possibilité de modifier les dates’.

Soulignant que M. [C] a systématiquement accordé les congés demandés, il en ressort que l’allégation de M. [P] selon laquelle ses congés ont été modifiés de manière intempestive par le directeur n’est pas justifiée.

En revanche, le salarié établit le fait que ses congés n’étaient validés par M. [C] qu’au premier jour des dits congés ou ultérieurement, sans qu’il ne soit néanmoins invoqué par l’intéressé que cette pratique l’ait empêchée de prendre ses congés ou de s’organiser.

S’agissant de l’absence d’évolution de sa rémunération et de son coefficient, le salarié qui soutient n’avoir été augmenté que de 472 euros en onze ans et qu’entre juin 2013 et novembre 2018 cette augmentation s’est limitée à 30,77 euros ainsi qu’il ressort des bulletins de salaire communiqués par l’employeur. En réponse aux objections de l’employeur, le salarié affirme, sans communiquer le moindre élément au soutien de ses allégations, que les ‘primes exceptionnelles’ qu’il a pu percevoir rémunéraient l’accomplissement d’heures supplémentaires.

Le salarié justifie que son coefficient de 157,5 n’a effectivement pas évolué durant les onze années considérées et que son salaire de base mensuel n’a augmenté que de 30,77 euros de la date d’embauche de M. [C] au mois de novembre 2018.

En dernier lieu, le salarié affirme qu’il existait un climat délétère au sein de la société. Il se prévaut sur ce point de ce qu’il présente comme étant un ‘rapport’ établi par l’AMETIF Santé au travail produit par l’employeur (pièce n°9), qui a selon lui révélé des risques d’atteinte à la santé des salariés, des risques psychosociaux, des situations stressantes et des tensions.

Toutefois, il ressort simplement de cette ‘fiche entreprise’, qui ne fait état d’aucun fait précis, a fortiori concernant M. [P], que Mme [B], infirmière en santé au travail, relève que ‘l’activité peut générer diverses contraintes (charges mentales, gestion de conflit avec les clients et différents intervenants, travail dans l’urgence…) susceptibles d’être à l’origine de risques psycho-sociaux qu’il serait pertinent d’évaluer’, l’association précisant à son affilié qu’elle ‘pouvait l’accompagner dans ce travail’. Il n’y est fait état d’aucun constat d’atteintes effectives à la santé, de stress et de tensions.

La note de service édictée par M. [C] limitant le nombre de pause cigarette à 2 par jour ne démontre pas de l’impossibilité de prendre les pauses, tel que s’en prévaut le salarié.

M. [P] indique également que M. [C] faisait régner un climat ‘lourd et insupportable’. Il communique quatre attestations de ses collègues, qui ne sont pas critiquées par l’employeur, dont il ressort notamment ceci :

– Mme [R] relate que : ‘Je voudrais témoigner des problèmes que j’ai rencontré avec M. [C]. J’ai travaillé au sein de la société Léon Vincent de 2003 à 2015 comme technico-commercial. […] Malheureusement, en 2014, notre directeur d’agence est parti et a été remplacé par M. [C]. Les premiers mois, il s’est montré cordial, nous laissait travailler et nous demandait de traiter ses dossiers.[…]. Mais cela n’a pas duré. Au fil des mois, il a dévoilé sa vraie personnalité. Il devenait autoritaire, lunatique, colérique, il avait des paroles désobligeantes, menaçait de virer un tel. Nous rabâchait qu’il était le chef et avait tous les pouvoirs. Pour ma part, il a commencé par ne pas accepter mes RTT ou me les accepter la veille. […]. Je l’ai vu faire pleurer des collègues, parler méchamment, être très incorrect dans ses paroles. Il avait un comportement abject. Pour ma part, je n’en pouvais plus, je partais le matin au travail avec la boule au ventre et cela ne m’était jamais arrivé depuis que je travaillais […]’,

– M. [W], qui indique que son attestation est faite ‘à la demande de [K] [Z]’, témoigne que : ‘Je n’ai jamais constaté un comportement excessif voire agressif de la part de mon ancien collègue [K] [Z], et ce envers quiconque. Contrairement au directeur d’agence, M. [C], que j’ai souvent observé lors d’échanges verbaux houleux. Ces méthodes et prises de position entraînent régulièrement des tensions passagères voire des situations conflictuelles durables. Les multiples départs de collaborateurs, d’avantage ces deux dernières années et souvent en mauvais termes, depuis sa prise de poste en font le constat évident’,

– M. [O] qui précise également avoir établi son attestation à la demande de [K] [Z] atteste que : ‘en aucun cas M. [Z] n’a manqué de respect ou eu une attitude agressive envers M. [C] (directeur d’agence) en revanche, celui-ci se permettait régulièrement de menacer certains employés soit de licenciement, soit de proposer des ruptures conventionnelles en cas de désaccord avec lui. Il faisait régner une ambiance délétère dans l’agence. […]’

– M. [Y] explique quant à lui dans son attestation datée du 23 mars 2021 que : ‘notre directeur d’agence, M. [C] est irrespectueux envers les salariés. Il répond aux ‘bonjour’ quand il veut. Quelqu’un de très lunatique et colérique. Il avait un problème avec les demandes de congés car il était très menaçant et nous faisait du chantage au licenciement’.

Ces attestations, certes concordantes, décrivent un comportement général de M. [C] à leur égard ou à l’égard ‘d’autres collaborateurs’ de l’entreprise, sans aucune indication du nom des collaborateurs concernés, mais ne font état d’aucun fait précis et/ou circonstancié concernant M. [P], qui n’est jamais cité personnellement dans ces attestations comme ayant eu à subir de tels comportements.

Enfin, il ressort du livre d’entrée et sorties du personnel qu’au jour de son licenciement et depuis l’arrivée de M. [C] en 2013, la société avait enregistré 7 démissions, 4 ruptures conventionnelles, 4 licenciements et de 2 ‘fins de contrat’, sans autre détail.

En l’état de ces éléments, le salarié établit un climat professionnel tendu lié à l’autoritarisme dont pouvait faire preuve M. [C] à l’égard de certains de ses collaborateurs, mais aucun fait qu’il aurait personnellement subi.

Par ailleurs, le salarié qui invoque une dégradation de son état de santé psychique, communique simplement une prescription de Prazépam (benzodiazépine) datée du 19 septembre 2018 et de l’attestation de son épouse, qui témoigne de la dégradation de l’état de santé de son mari à l’arrivée de M. [C] et indique qu’il ‘ne dormait plus, ne partageait plus les repas, les moments familiaux’ ajoutant que ‘cette période a été difficile à vivre pour moi ainsi que pour nos enfants, jusqu’en fin 2018, où il était dans un état dépressif, ne sortant plus les week-ends’ ; cette attestation est manque de force probante compte tenu du lien de proximité et du défaut de témoignage direct sur les conditions de travail.

Pris dans leur ensemble, les seuls faits identifiés ci-avant comme étant établis ne font pas présumer l’existence d’un harcèlement moral.

Le jugement du conseil de prud’hommes est donc confirmé en ce qu’il a écarté le harcèlement moral, et débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Il ne résulte pas de ces éléments, ci-avant analysés, qu’examinés sous le prisme de l’exécution déloyale du contrat de travail, M. [P] rapporte la preuve qui lui incombe à ce titre.

III – Sur le manquement à l’obligation de sécurité

Le salarié fait valoir que le fait qu’il ait subi des agissements de harcèlement moral qui ont considérablement altéré son état de santé montre que l’employeur a failli à son obligation de sécurité. Il affirme qu’il est patent que la société n’a pas pris les mesures nécessaires pour assurer la protection de sa santé et de sa sécurité et sollicite en conséquence, une somme de 4 000 euros de dommages et intérêts.

La société conclut au rejet de la demande, dès lors qu’aucun acte de harcèlement moral n’est démontré. Elle ajoute qu’au sein de l’entreprise, toutes les mesures ont été prises pour protéger la santé et la sécurité des salariés, avec la désignation d’un représentant QSSE (qualité, sécurité, santé et environnement) en la personne de M. [S], que le salarié n’a jamais saisi pour lui faire part d’une quelconque difficulté, et l’association étroite des services de médecine du travail au développement de la société.

En vertu de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Selon l’article L.1152-4 du même code, il doit prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.

Sans développer davantage ses explications quant aux manquements imputables à l’employeur, le salarié déduit le manquement de celui-ci à son obligation de sécurité du constat qu’il a été victime de harcèlement moral, lequel est toutefois écarté par la cour.

Le salarié n’allègue pas, ni a fortiori ne justifie, de dénonciations d’agissements de harcèlement moral ou de comportements répréhensibles auxquelles la société serait restée sourde.

En revanche, l’employeur démontre par la communication des fiches entreprise établies par l’AMETIF, déjà évoquées, que des visites de l’entreprise ont été effectuées par le service de santé au travail. Il établit en outre que suite à des difficultés apparues dans l’entreprise (en l’espèce un courrier anonyme avait été adressé au service des ressources humaines le 15 octobre 2018 pour dénoncer le comportement de M. [C]), une enquête a été diligentée auprès des salariés de l’agence et un compte rendu a été dressé par le CHSCT, le 13 novembre 2018, qui a conclu en ces termes : ‘au vu des éléments constatés, le courrier présente un caractère diffamatoire. La direction s’est assurée du bien-être de ses salariés et des bonnes relations de travail de ces derniers avec leur Directeur. La Direction se tient à la disposition pour échanger en cas de problèmes mais pour que ce soit constructif et possible, cela ne peut être fait de façon anonyme’.

Il s’en déduit que l’employeur a satisfait à son obligation de sécurité. En conséquence, le jugement du conseil de prud’hommes est confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

IV – Sur le licenciement

IV) – a) Sur la nullité du licenciement

Le salarié fait valoir, à titre principal, que son licenciement est nul puisqu’il a été victime d’agissements constitutifs de harcèlement moral.

Tant le harcèlement moral que le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité sont écartés par la cour. En conséquence, le moyen principal de M. [P] ne peut prospérer.

IV) – b) Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée :

‘Nous faisons suite à notre entretien du 05 novembre 2018.

Après réexamen de votre dossier, nous avons pris la décision de vous licencier pour faute disciplinaire.

En effet, vous avez été embauché le 12 mars 2007, en qualité d’Agent de transit qualifié et deviez à ce titre prendre en charge la gestion de dossiers de transport de marchandises organisés par notre société, au plan opérationnel et administratif.

Vos onze années d’ancienneté en tant qu’Agent de transit qualifié vous assure une expérience significative dans la société. Votre poste et la confiance qui vous a été accordée auraient dû faire de vous un salarié irréprochable.

Or, au cours des derniers mois, nous avons pu constater nombre d’agissements qui vont à l’encontre de la confiance qui vous avait été accordée.

‘ Par le lien de subordination qui unit l’employeur à son salarié, ce dernier accepte le pouvoir de Direction de l’employeur

Depuis le mois de septembre, Monsieur [C], Directeur de l’agence de [Localité 6] a pu constater un changement dans votre comportement. En effet, vous ne lui adressez plus la parole. A titre d’exemple, vous ne le saluez plus et répondez à peine à ses questions et directives.

De tels agissements ont un impact sur l’ambiance au travail, sur l’esprit d’équipe et la relation de confiance que la société s’applique à mettre en place dans ses différentes agences. Votre attitude irrespectueuse envers votre employeur constitue une faute de votre part et va à l’encontre du principe du lien de subordination et du respect que vous devez à votre employeur ainsi qu’à l’ensemble du personnel.

Un salarié, avec une ancienneté aussi importante que la vôtre, se doit de montrer l’exemple et ce n’est pas cette attitude que nous souhaitons montrer aux nouveaux collaborateurs rejoignant l’agence de [Localité 6].

‘ Le salarié doit exécuter son contrat de travail de bonne foi et de manière loyale. Il ne doit pas adopter de comportement répréhensible, commettre des agissements sanctionnables, nuire ou accomplir des actes contraires à l’intérêt de l’entreprise.

Votre poste d’Agent de Transit qualifié prévoit d’établir des cotations à la demande des clients. Jusqu’à présent vous aviez toujours répondu aux cotations, tout comme le font vos collègues car cela fait partie des tâches qui vous incombent.

Dernièrement, nous avons pu constater que vous ne répondiez plus à ce genre de demandes et les transfériez à vos responsables afin qu’ils y répondent. Ce comportement, une fois de plus, donne un mauvais exemple à vos collaborateurs et ajoute une charge de travail non justifiée à vos responsables. Vous ne pouvez pas décider de ne plus accomplir une tâche qui ne vous plaît pas.

‘ Tout salarié de l’agence de Léon Vincent [Localité 6] doit relater à son Directeur, monsieur [J] [C], l’existence d’une avarie sur les dossiers d’exploitation qu’il gère.

Malgré cette directive que vous connaissez et respectiez depuis de nombreuses années, vous avez choisi d’accompagner votre mutisme d’actes contraires aux directives et à l’organisation mises en place par Monsieur [C] en la matière au sein de l’agence.

A titre d’exemple, dans le dossier n° 623993 ‘ LTA 69348845, la compagnie aérienne AIR France avait perdu la marchandise expédiée le 28/09/2018. Vous avez alors préparé une réclamation à adresser à leur service contentieux sans avoir préalablement demandé l’autorisation de votre hiérarchie et sans lui avoir présenté les éléments de ce dossier.

Votre responsable d’exploitation, Monsieur [A] ayant été informé de ce litige, en a référé au Directeur d’agence, Monsieur [C], qui vous a demandé de lui montrer le dossier en question, chose que vous n’avez jamais faite. Il a fallu que Monsieur [A] prenne votre dossier d’exploitation et le présente à Monsieur [C] qui a alors constaté des erreurs sur le courrier que vous aviez préparé. Ce document allait à l’encontre de la réglementation aérienne et a dû être modifié par votre Direction. Une fois de plus, vous avez choisi le silence dans cette situation.

‘ L’obligation de loyauté envers son employeur impose au salarié de ne pas commettre des agissements sanctionnables. A titre d’exemple, les propos préjudiciables à la société formulés auprès d’une tierce personne doivent être exclus afin de ne pas nuire à la réputation et au bon fonctionnement de la société employeur durant l’exécution du contrat de travail.

La Direction a été informé (sic) à de nombreuses reprises par l’intermédiaire de tierces personnes que vous dénigriez la société Léon Vincent mais également le Directeur qui la représente sur [Localité 6]. Là encore, votre attitude porte préjudice à la société et à l’un de ses représentants.

Ceci est fortement dommageable pour notre société qui s’applique constamment à mettre en place une dynamique et une organisation sérieuse afin que chaque salarié se sente investi, épanoui et à l’aise dans son travail. La bonne image de la Société Léon Vincent ne saurait être ternie par de tels agissements qui sont contre productifs, impactant à la fois l’activité de la société mais aussi la quiétude de vos collègues dans leur travail.

Il ne nous est pas possible de laisser perdurer une telle situation, qui s’avère préjudiciable au bon fonctionnement de notre société et à son image.

Votre préavis, d’une durée de deux mois, débutera dès la première présentation de cette lettre.

Nous vous dispensons de l’effectuer et il vous sera rémunéré aux échéances habituelles de paye.

A l’issue de celui-ci, nous tiendrons à votre disposition votre certificat de travail, solde de tout compte et attestation pour le Pôle Emploi.

Vous pouvez faire une demande de précision des motifs du licenciement, énoncés dans la présente lettre, dans les quinze jours suivant sa notification, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous avons la faculté d’y donner suite dans un délai de quinze jours après réception de votre demande, par lettre recommandée avec avis

de réception ou remise contre récépissé. Nous pouvons également, le cas échéant et dans les mêmes formes, prendre l’initiative d’apporter des précisions à ces motifs dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement. ‘.

M. [P] considère que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Il soutient que la lettre de licenciement est insuffisamment motivée, en raison de l’imprécision des griefs qui lui sont opposés. Le salarié conteste les griefs et affirme que les faits reprochés dans la lettre de licenciement, à supposer qu’ils soient établis, ne sauraient justifier un licenciement pour faute, a fortiori au regard de son ancienneté de 11 ans.

La société fait valoir que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement constituent des motifs de licenciement matériellement vérifiables et étayés, de sorte que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

Sur la motivation de la lettre de licenciement :

Est suffisamment motivée la lettre qui énonce des griefs matériellement vérifiables, peu important qu’ils ne soient pas datés, ni détaillés de façon exhaustive, dès lors qu’ils peuvent être précisés et discutés devant les juges du fond. L’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier des motifs énoncés.

En l’espèce, la lettre de licenciement énonce des griefs matériellement vérifiables, à savoir des une attitude irrespectueuse envers M. [C], un refus d’exécuter certaines tâches, un silence gardé sur un dossier d’exploitation et un dénigrement de la société auprès de tierces personnes, lesquels sont susceptibles d’être précisés et discutés devant le juge du fond. Dès lors, la lettre de licenciement est suffisamment motivée.

Sur le bien fondé du licenciement :

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

S’agissant de l’attitude irrespectueuse de M. [P] envers M. [C], la société verse aux débats l’attestation de Mme [E], agent de transit, qui témoigne que : ‘J’ai assisté à l’altercation entre M. [P] et M. [C]. M. [P] est entré brusquement dans le bureau de M. [C], a tapé sur une chaise, parlé très fort et l’a menacé de choisir entre lui et un autre collègue. Cette situation s’est déjà répétée plusieurs fois. Pour ma part, à chaque fois que M. [A] était en congé, M. [P] se prenait pour le ‘chef’ et m’agressait verbalement. M. [C] n’a jamais agressé verbalement, ni moralement M. [P]’.

Le salarié en conteste la valeur probante.

Force est de constater qu’alors que l’employeur invoque dans la lettre de licenciement l’existence d’un comportement inadapté envers M. [C], précisément désigné, il n’est communiqué aucun témoignage de la part de ce dernier. La seule attestation produite, imprécise et non circonstanciée émanant de Mme [E], qui témoigne d’une ‘altercation’ non visée par la lettre de licenciement, n’est corroborée par aucun élément objectif, de sorte qu’elle ne saurait établir, à elle-seule, que le salarié aurait adopté une ‘attitude irrespectueuse envers l’employeur’.

Le grief visé dans la lettre de licenciement n’est pas établi.

S’agissant du refus d’exécuter certaines tâches, la société explique que M. [P] avait en charge d’acheminer les marchandises en validant un parcours légal mais aussi tarifaire et que le salarié a décidé unilatéralement de délaisser une partie de ses fonctions au début de l’été 2018 en faisant supporter une charge de travail supplémentaire à ses collègues de travail.

Pour en justifier, l’employeur verse aux débats l’attestation de M. [A] qui relate que : ‘M. [P] nous a refusé d’établir des tarifications clients du jour au lendemain et le traitement de certains dossiers pendant les 5 derniers mois de son contrat au sein de [L] Vincent sans nous donner la moindre explication’.

Le salarié conteste avoir refusé d’exécuter des tâches et estime que l’attestation ne revêt aucune force probante.

Cet élément probatoire isolé, rédigé en termes vagues et non circonstanciée, qui n’est pas corroboré par d’autres éléments objectifs, ne suffit pas à démontrer que le salarié aurait refusé d’exécuter la tâche relative aux ‘cotations à la demande des clients’ telle que mentionnée dans la lettre de licenciement, dont il n’est, au surplus, pas justifié qu’elle soit inhérente à ses fonctions d’agent de transit.

Le doute bénéficiant au salarié, ce grief ne sera pas retenu comme établi.

Sur le silence gardé quant au litige du dossier n° 623993 ‘ LTA 69348845, la société expose qu’un colis d’une valeur de 9 482,12 euros dont M. [P] était le responsable d’expédition, a été égaré par la société Air France Cargo fin septembre 2018 mais que le salarié n’a pas pris la peine d’en référer à sa direction, de sorte que c’est par le ‘plus grand des hasards’ que le 15 octobre 2018 le responsable d’exploitation a eu accès au courrier que l’appelant avait préparé à l’attention d’Air France. L’employeur explique que le courrier préparé par M. [P] ne faisait pas mention de ce que la société souhaitait obtenir un certificat de perte, ce qui aurait été très préjudiciable à l’employeur s’il ne s’en était pas rendu compte.

Le salarié réplique que M. [A] était en copie de l’email qu’il a adressé le 4 octobre 2018 concernant le dossier LTA 69348845 et que c’est son supérieur hiérarchique qui lui a demandé oralement de rédiger ce courrier et de le mettre en copie de l’email.

En l’espèce, ainsi que s’en prévaut l’employeur, la société a bien établi une note de service datée du 15 décembre 2017 rappelant qu’il revient aux salariés d’informer la direction lorsqu’ils ont connaissance d’un litige ou d’une avarie sur la marchandise dans leurs dossiers.

Il ressort de l’email daté du 4 octobre 2018 envoyé par M. [P] à Mme [I], avec en copie M. [A], son supérieur hiérarchique, que M. [P] a joint à ce courriel une pièce jointe, intitulée ‘lettre de réserve suite à la perte du colis de la LTA 69348845″.

Si la comparaison entre les lettres de réserve établies au nom de M. [P] et à celui de M. [C] produites aux débats par l’employeur, qui ne sont pas datées, montre effectivement une différence, le directeur ayant ajouté la mention selon laquelle la société souhaitait obtenir un certificat de perte lorsque le délai de 120 jours sera écoulé, il n’en demeure pas moins que compte tenu des éléments versés aux débats, l’employeur ne peut sérieusement reprocher au salarié d’avoir fait preuve de mutisme sur le dossier n° 623993 ‘ LTA 69348845.

Le grief n’est pas établi.

La société, qui affirme par ailleurs qu’elle ‘a été informée à de nombreuses reprises par l’intermédiaire de tierces personnes que vous dénigriez la société Léon Vincent mais également le Directeur qui la représente sur [Localité 6]’, n’apporte aucun élément concret de nature à établir ce fait.

En conséquence, ce grief n’est pas établi.

En définitive, aucun des griefs reprochés au salarié n’est établi, observation faite que M. [P] produit de nombreux messages de remerciements de la part des clients de la société jusqu’en octobre 2018.

Compte tenu des éléments versés aux débats, par infirmation du jugement, il convient de dire que le licenciement litigieux est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

V – Sur les conséquences financières du licenciement

Au jour de la rupture, M. [P] âgé de 41 ans bénéficiait d’une ancienneté de 11 ans et 7 mois au sein de la société Léon Vincent qui employait plus de dix salariés. Il percevait un salaire de base de 3 100,28 euros (référence de 3 379,31 euros).

Le salarié est fondé en sa demande de dommages-intérêts au titre de la perte injustifiée de son licenciement.

Alors que la société affirme que M. [P] a rejoint immédiatement après son préavis un nouvel employeur, la société Savino del Bene, le salarié se contente d’alléguer qu’il a subi une perte de son salaire net imposable.

Il ressort des bulletins de paie communiqués que, d’une part, M. [P] a bien été embauché par la société Savino del Bene le 14 janvier 2019 et que, d’autre part, si le salarié touchait un salaire brut de base de 3 100,28 euros lorsqu’il travaillait pour la société Léon Vincent et il a touché un salaire brut de base de 3 146,50 euros au mois de décembre 2020 auprès de la société Savino del Bene et ce, pour un même nombre d’heures de base de 151,67.

En vertu de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, le salarié peut prétendre au paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un montant minimal de 3 mois de salaire brut et un montant maximal de 10,5 mois de salaire brut.

Les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et les dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne révisée ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

Les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail. Elles ne sont pas non plus contraires aux dispositions de l’article 4 de cette même Convention, qui prévoit qu’un travailleur ne devra pas être licencié sans qu’il existe un motif valable de licenciement lié à l’aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service, puisque précisément l’article L.1253-3 sanctionne l’absence de motif valable de licenciement.

En conséquence, il n’y a pas lieu d’écarter l’application de l’article L. 1235-3 du code du travail.

Compte tenu des éléments dont dispose la cour, et notamment de l’âge du salarié au moment du licenciement, et des perspectives professionnelles qui en découlent, le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être évalué à la somme de 15 000 euros bruts.

Compte tenu de l’ancienneté et de l’effectif de la société, il sera fait application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et débouté M. [P] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Rejette la demande de retrait des débats des pièces n°15, 16 et 22 de la société Léon Vincent,

Dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Léon Vincent à payer à M. [P] la somme de 15 000 euros au titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Vu les dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail,

Ordonne le remboursement par l’employeur aux organismes concernés de tout ou partie des éventuelles indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage, et dit qu’une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes,

Confirme le jugement pour le surplus,

Rejette les demandes plus amples ou contraires des parties,

Condamne la société Léon Vincent à payer à M. [P] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Léon Vincent aux dépens d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Monsieur EL GOUZI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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