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N° RG 19/06959 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MUCB
N° RG 19/07077 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MUK7
Décision du
Tribunal de Grande Instance de Villefranche-sur-Saône
Au fond
du 09 juillet 2019
RG : 17/01100
[J]
C/
SCI EVANNA
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 22 Novembre 2022
APPELANT ET INTIMÉ :
M. [P] [J]
né le 18 Janvier 1944 à [Localité 10] (69)
[Adresse 9]
[Localité 3]
Représenté par Me Charles LAGIER, avocat au barreau de LYON, toque : 372
INTIMÉE ET APPELANTE :
La SCI EVANNA
[Adresse 1]
[Localité 10]
[Localité 4]
Représentée par la SCP DESILETS ROBBE ROQUEL AXIOJURIS, avocats au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 02 Septembre 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 04 Octobre 2022
Date de mise à disposition : 22 Novembre 2022
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Olivier GOURSAUD, président
– Stéphanie LEMOINE, conseiller
– Bénédicte LECHARNY, conseiller
assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier
A l’audience, Bénédicte LECHARNY a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DE L’AFFAIRE
Les parcelles cadastrées section [Cadastre 5] et [Cadastre 7], situées sur la commune de [Localité 10], lieudit [Adresse 8], sont issues de la division de la parcelle [Cadastre 6] de 3 ha 56a 72ca, propriété de Mme [H] veuve [J].
Le 22 janvier 2010, la SCI Evanna a acquis la parcelle [Cadastre 5].
M. [P] [J] est propriétaire de la parcelle cadastrée [Cadastre 7] sur laquelle se trouve une plantation de pins Douglas. Il a effectué une coupe rase en 2016 afin de replanter.
Par lettre recommandée du 5 octobre 2016, le gérant de la SCI Evanna a demandé à M. [J] d’appliquer, s’agissant des distances de plantation, les dispositions des articles 671 et suivants du code civil et celles d’un arrêté préfectoral du 3 août 1964, afin de lui permettre de gagner des heures d’ensoleillement, et lui a rappelé sa suggestion que soient replantés des feuillus en bordure des habitations en lieu et place des pins Douglas.
Par un nouveau courrier recommandé du 9 février 2017, la SCI Evanna a sommé M. [J] «de respecter une plantation à 2 mètres des limites dans la zone basse de [son] terrain […] ainsi que sur le bord de [son] chemin […], de faire en sorte qu’à l’avenir, [ses] branches ne dépassent pas sur [ses] limites […et] d’évacuer [ses] encombrants (troncs et divers branchages) du bord de [son] chemin».
Par courrier du 15 février 2017, M. [J] a exposé les motifs justifiant son refus de faire droit aux demandes de la SCI Evanna.
Par une nouvelle lettre recommandée du 4 mars 2017, la SCI Evanna a demandé à M. [J] de procéder à un recul de plantation suffisant sur toutes ses limites, un élagage des branches pour ne pas gêner l’accès à sa propriété, l’enlèvement de la souche située sur le bas de sa propriété et la remise en place d’une chaîne identique à celle posée et volée.
M. [J] a répondu à ce courrier par une lettre du 18 mars 2017, renvoyant la SCI Evanna aux titres de propriété relatifs aux parcelles et se déclarant disposer à trouver un accord.
Le 13 décembre 2017, la SCI Evanna a fait assigner M. [J] et Mme [F] [V] épouse [J] devant le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône.
Par jugement du 9 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône a :
– mis hors de cause Mme [J],
– débouté cette dernière de sa demande d’indemnisation,
– condamné sous astreinte M. [J] à mettre en ‘uvre une entrée sur sa parcelle à un endroit autre qu’au droit des bornes posées, dans un délai de 30 jours passés la signification du jugement,
– condamné sous astreinte M. [J] à procéder au retrait de l’implantation des pins Douglas à 15 mètres de la limite séparative de propriété fixée strictement par les lignes droites tirées entre les bornes posées, dans un délai de 30 jours à compter de la signification du jugement,
– débouté la SCI Evanna de ses plus amples demandes au fond,
– débouté M. [J] de l’intégralité de ses demandes,
– condamné M. [J] à payer à la SCI Evanna la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [J] aux entiers dépens d’instance,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.
Par déclaration du 9 octobre 2019 (RG 19/06959), M. [J] a relevé appel du jugement en ce qu’il l’a condamné à mettre en ‘uvre une entrée sur sa parcelle à un endroit autre qu’au droit des bornes posées et à procéder au retrait de l’implantation des pins Douglas à 15 mètres de la limite séparative de propriété fixée strictement par les lignes droites tirées entre les bornes posées, en ce qu’il l’a débouté de l’intégralité de ses demandes et en ce qu’il l’a condamné à payer à la SCI Evanna la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Par déclaration du 15 octobre 2019 (RG 19/07077), la SCI Evanna a également relevé appel du jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes d’abstention par M. [J] de tout acte portant entrave au respect de la servitude sous peine d’astreinte, de respect des limites de bornage, d’interdiction de passer sur la pointe de la parcelle [Cadastre 7] lors des opérations de débardage et de nettoyage, de condamnation de M. [J] à remettre en état le chemin desservant la parcelle [Cadastre 7], de coupe des branches dépassant sur sa propriété, de paiement des bois lui appartenant enlevés par M. [J] et de dommages-intérêts.
Par ses conclusions notifiées les 9 avril et 23 juin 2021, M. [J] demande à la cour de :
Dans le dossier RG 19/06959 :
– déclarer son appel recevable et bien fondé,
– débouter la SCI Evanna de toutes ses demandes, fins et prétentions,
– réformer le jugement déféré en ce qu’il l’a :
* condamné sous astreinte à mettre en ‘uvre une entrée sur sa parcelle à un endroit autre qu’au droit des bornes posées,
* condamné sous astreinte à procéder au retrait de l’implantation des pins Douglas à 15 mètres de la limite séparative de propriété fixée strictement par les lignes droites tirées entre les bornes posées,
* débouté de l’intégralité de ses demandes,
* condamné à payer à la SCI Evanna la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 euros du code de procédure civile, outre les entiers dépens d’instance,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la SCI Evanna de ses autres demandes au fond,
– condamner la SCI Evanna à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la même aux entiers dépens d’instance.
Dans le dossier RG 19/07077 :
– débouter la SCI Evanna de toutes ses demandes, fins et prétentions,
Sur le fond,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la SCI Evanna de ses demandes au fond visant à obtenir sa condamnation sous astreinte d’avoir à :
* s’abstenir de tout acte restreignant ou empêchant l’exercice de la servitude de passage sur le fonds [Cadastre 7] au bénéfice du fonds [Cadastre 5] relatif au chemin d’accès à l’habitation de la SCI Evanna,
* établir l’entrée de la parcelle [Cadastre 7] à un autre endroit que celui actuellement utilisé situé au droit de l’implantation d’une borne qui a été déplacée, et procéder par un géomètre expert au repositionnement de ladite borne à son emplacement,
* ôter les souches situées sur la propriété de la SCI Evanna afin de lui permettre de planter sa clôture en ligne droite,
* s’abstenir de passer à l’occasion de l’entretien, du débardage des bois et à tout moment sur la pointe de la parcelle [Cadastre 7], aucun droit de passage n’existant à cet endroit,
* procéder à la remise en état du chemin desservant le fonds AR [Cadastre 7] dégradé par la coupe et l’évacuation des Douglas sur la parcelle [Cadastre 7] et l’enlèvement des grumes,
* reculer l’implantation des Douglas nouvellement plantés à une distance de 15 mètres du chemin et/ou de la propriété de la SCI Evanna,
* en tant que de besoin veiller à couper les branches qui viendraient à dépasser sa limite de propriété et déborder sur le fonds de la SCI Evanna,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la SCI Evanna de sa demande visant à obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en compensation de la valeur des 5 arbres situés sur la parcelle [Cadastre 5] coupés par erreur par M. [J],
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la SCI Evanna de sa demande visant à le condamner à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour avoir tenu des propos erronés, mensongers et diffamatoires à son encontre,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la SCI Evanna de sa demande de le voir condamné à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– réformer le jugement pour le surplus,
– débouter la SCI Evanna de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SCI Evanna à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la même aux entiers dépens d’instance.
Par ses conclusions notifiées les 22 février et 17 mai 2021 2021, la SCI Evanna demande à la cour de :
Dans le dossier RG 19/07077 :
Déboutant M. [J] de son appel,
Sur la forme,
– dire irrecevable la demande de nullité de la déclaration d’appel effectuée par M. [J], celle-ci n’étant pas présentée liminairement devant le conseiller de la mise en état,
– dire que l’éventuelle nullité de forme a été régularisée par le dépôt des conclusions d’appelant dans le délai imparti,
– débouter M. [J] de sa demande de nullité de la déclaration d’appel,
Dans les deux dossiers :
Déboutant M. [J] de toutes conclusions contraires,
Sur le fond,
– prononcer la jonction des procédures inscrites sous les numéros de rôle 19/06959 et 19/07077,
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. [J], sous astreinte passé le délai de trente jours de la signification de la décision, astreinte prononcée pour une période de six mois, sauf à la porter à 500 euros par jour de retard, à :
* mettre en ‘uvre une entrée sur sa parcelle à un endroit autre que celui actuellement utilisé, situé au droit de l’implantation d’une borne qui a été déplacée, et procéder par un géomètre expert au repositionnement de ladite borne à son emplacement initial suivant le plan de M. [C] géomètre au frais exclusifs de M. [J],
* procéder au retrait de l’implantation des pins Douglas sur la parcelle [Cadastre 7] à 15 mètres de toute limite séparative de propriété avec la parcelle [Cadastre 5] commune de [Localité 10], fixée strictement par les lignes droites tirées sur les bornes existantes,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [J] de l’intégralité de ses demandes,
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. [J] à lui régler la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Faisant droit à l’appel incident, réformant le jugement pour le surplus, et statuant à nouveau,
A titre principal,
– condamner M. [J] sous astreinte de 500 euros par infraction constatée passé le délai de trente jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, d’avoir à :
* s’abstenir de tout acte restreignant ou empêchant l’exercice de la servitude de passage sur le fonds AR [Cadastre 7] au bénéfice du fonds AR [Cadastre 5] commune de [Localité 10], relatif au chemin d’accès à l’habitation de la SCI Evanna,
* respecter les limites de la parcelle [Cadastre 5] commune de [Localité 10] en tenant compte du bornage existant,
* enlever les souches situées sur la propriété de la SCI Evanna afin de lui permettre l’édification d’une clôture en ligne droite,
* s’abstenir de passer à l’occasion de l’entretien, du débardage des bois et à tout moment sur la pointe de la parcelle [Cadastre 5], aucun droit de passage n’existant à cet endroit,
* procéder à la remise en état du chemin desservant le fonds [Cadastre 7] dégradé par la coupe et l’évacuation des Douglas sur la parcelle [Cadastre 7] et l’enlèvement des grumes,
* veiller à ce que le virage en angle aigu soit en permanence dégagé de toute branche en hauteur, de toutes racines au sol,
– condamner M. [J] à lui régler une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi pour appropriation de bois et atteinte à sa propriété, sauf à apprécier ce préjudice à une somme comprise entre 338 euros et 5 000 euros que la cour arbitrera,
A titre subsidiaire, si la Cour ne croyait pas pouvoir enjoindre à M. [J] de reculer la plantation de ses arbres de 15 mètres,
– condamner M. [J] à respecter une implantation à 6 mètres des limites séparatives de la parcelle [Cadastre 5] commune de [Localité 10] avec obligation chaque année d’élaguer ses arbres pour qu’ils ne débordent pas sur le fonds de la SCI Evanna, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé le délai de trente jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,
A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire, il devait être retenu que les règles du code civil s’appliquent,
– condamner M. [J] sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé le délai de trente jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, à élaguer ses arbres pour qu’ils ne débordent jamais sur le fonds de la SCI Evanna AR [Cadastre 5] commune de [Localité 10],
En toute hypothèse,
– condamner M. [J] à lui régler une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts aux regard de l’ensemble des gênes et nuisances endurées,
– condamner M. [J] à lui régler une somme de 5 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [J] aux entiers dépens.
Par arrêt du 22 juillet 2021, la cour d’appel, statuant sur le déféré d’une ordonnance du conseiller de la mise en état du 28 janvier 2021 ayant déclaré M. [J] irrecevable en sa demande de nullité de la déclaration d’appel de la SCI Evanna, a maintenu en toutes ses dispositions l’ordonnance attaquée, a rejeté la demande de jonction présentée par la SCI Evanna, a débouté M. [J] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamné à payer à la SCI Evanna une somme de 1 500 euros de ce chef.
Les ordonnances de clôture sont intervenues les 3 juin et 2 septembre 2021.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aucune partie ne sollicitant l’infirmation des chefs de dispositif ayant mis hors de cause Mme [J] et débouté cette dernière de sa demande d’indemnisation, ceux-ci sont définitifs.
1. Sur la jonction des procédures
La jonction des deux procédures enregistrées au répertoire général sous les numéros RG 19/06959 et RG 19/07077 étant conforme à une bonne administration de la justice, il convient de l’ordonner.
2. Sur la nullité de la déclaration d’appel
La cour constate que cette demande n’est pas reprise par M. [J] dans ses conclusions au fond devant la cour et qu’elle a été définitivement tranchée et rejetée par l’arrêt de la première chambre A de la cour d’appel du 22 juillet 2021 qui a maintenu en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 28 janvier 2021 par le conseiller de la mise en état de la première chambre B.
3. Sur la délimitation des propriétés
M. [J] fait valoir qu’il résulte de l’acte de vente, du témoignage du géomètre expert en charge du document d’arpentage et des attestations des anciens propriétaires de la parcelle [Cadastre 7] que le chemin privé qui mène au chemin départemental n° 43 constitue la limite sud-ouest de la parcelle [Cadastre 5] et que cette limite suit la courbe naturelle du chemin ; que les trois bornes posées en 1976 au moment de la division de la parcelle n’ont jamais été déplacées ; que les limites du bornage sont parfaitement conformes à celles établies en 1976, de sorte que la SCI Evanna ne peut en réclamer la modification ; qu’en conséquence, le talus du chemin n’appartient pas à la propriété de la SCI Evanna.
La SCI Evanna réplique que, contrairement à ce que soutient M. [J], la limite de propriété n’est pas en haut ou au pied du talus, lequel est par nature instable en raison de l’érosion et de la croissance des racines, mais bien au droit des bornes existantes, conformes de surcroît au plan du cadastre ; que les limites du terrain sont constituées par des lignes droites reliant les trois bornes posées lors de la précédente vente ; qu’ayant replanté de manière rectiligne, M. [J] admet que la limite de propriété est constituée par une droite et non par une courbe ; que les tolérances ou arrangements que de précédents propriétaires auraient consentis pour être agréables à M. [J] ne lui sont pas opposables.
Réponse de la cour
C’est à bon droit et par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont retenu, d’une part, que la lecture des actes et des plans du cadastre permet de déterminer que la propriété de chacune des parties est clairement délimitée par les bornes posées et trouvées, au nombre de trois, d’autre part, que des lignes droites doivent être tracées entre chaque borne pour établir les délimitations exactes des propriétés.
M. [J] n’est pas fondé à soutenir que la limite séparative suit la courbe naturelle du chemin alors que cette courbe est, ainsi que le fait justement observer la SCI Evanna, instable par nature, du fait de l’érosion du terrain ou de la croissance des racines.
Le tribunal a justement considéré que l’adoption d’une délimitation aux contours variables aurait nécessité que les parties s’accordent, lors du partage des parcelles en 1976, sur la pose d’un plus grand nombre de bornes afin de suivre la courbe naturelle du chemin. Cette analyse est confirmée par les explications du géomètre expert qui indique, dans un courrier du 6 juin 2017 adressé à M. [J], que «la limite de la propriété […] a été matérialisée par des bornes conformément à la volonté des parties d’incorporer le chemin dans la propriété vendue […]» mais que «toutefois la prise en compte de la légère courbe du chemin aurait nécessité l’implantation de quelques bornes supplémentaires, dont les parties n’ont peut-être pas vu l’intérêt au regard de leur coût».
Au vu de ce qui précède, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé que la limite des propriétés est constituée par des lignes droites tracées entre les trois bornes posées lors du partage des parcelles en 1976.
4. Sur les demandes de condamnation sous astreinte de M. [J]
La SCI Evanna demande la condamnation sous astreinte de M. [J] d’avoir à :
– respecter les limites de la parcelle [Cadastre 5] en tenant compte du bornage existant, enlever les souches situées sur sa propriété de la SCI Evanna afin de lui permettre l’édification d’une clôture en ligne droite, mettre en ‘uvre une entrée sur sa parcelle à un endroit autre que celui actuellement utilisé, situé au droit de l’implantation d’une borne qui a été déplacée, et faire procéder par un géomètre expert au repositionnement de ladite borne à son emplacement initial suivant le plan de M. [C] géomètre aux frais exclusifs de M. [J] (4.1),
– s’abstenir de tout acte restreignant ou empêchant l’exercice de la servitude de passage sur le fonds AR [Cadastre 7] au bénéfice du fonds AR [Cadastre 5] relatif au chemin d’accès à son habitation et veiller à ce que le virage en angle aigu soit en permanence dégagé de toutes branches en hauteur et de toutes racines au sol (4.2),
– s’abstenir de passer à l’occasion de l’entretien, du débardage des bois et à tout moment sur la pointe de la parcelle [Cadastre 5], aucun droit de passage n’existant à cet endroit (4.3),
– procéder à la remise en état du chemin desservant le fonds AR [Cadastre 7] dégradé par la coupe et l’évacuation des Douglas sur la parcelle [Cadastre 7] et l’enlèvement des grumes (4.4),
– procéder au retrait de l’implantation des pins Douglas sur la parcelle [Cadastre 7] à 15 mètres de toute limite séparative de propriété avec la parcelle [Cadastre 5] et subsidiairement à 6 mètres (4.5).
4.1. Sur les obligations de respecter les limites de la parcelle [Cadastre 5] en tenant compte du bornage existant, d’enlever les souches situées sur sa propriété de la SCI Evanna afin de lui permettre l’édification d’une clôture en ligne droite, de mettre en ‘uvre une entrée sur sa parcelle à un endroit autre que celui actuellement utilisé, situé au droit de l’implantation d’une borne qui a été déplacée, et de faire procéder par un géomètre expert au repositionnement de ladite borne à son emplacement initial
La SCI Evanna fait valoir qu’elle démontre une absence de respect des limites de propriété justifiant la demande de condamnation sous astreinte qui aurait dû être accueillie en première instance ; qu’alors que les emplacements des bornes venaient d’être retrouvés, M. [J] a cru pouvoir établir une entrée sur son terrain à l’emplacement même de l’une de ces bornes, n’hésitant pas à la déplacer ; qu’il s’agit d’une infraction et d’une volonté délibérée de voir cette borne emportée à l’occasion des différents passages d’engins agricoles et forestiers, de manière à ce qu’une des références des limites précises disparaissent ; que plusieurs arbres, maintenant abattus, ont poussé sur la propriété de la SCI le long du talus et que les souches qui y demeurent actuellement doivent être enlevées ; qu’il résulte d’un procès-verbal de constat d’huissier du 28 février 2020 que les racines des souches déforment le chemin, que les souches empêchent la SCI de se clore en ligne droite à la limite de son fonds et témoignent que les arbres, avant leur abattage, poussaient la clôture existante ; que le tribunal a cru pouvoir retenir que sa demande de condamnation sous astreinte était sans objet, pour la rejeter ; qu’or, une astreinte peut être fixée pour le respect des limites de sa propriété, les souches de M. [J] empiétant ou étant situées sur le fonds de la SCI.
M. [J] réplique que les trois bornes posées en 1976 au moment de la division de la parcelle n’ont jamais déplacées ; que dès lors qu’il ne peut être considéré que le talus du sud-ouest du chemin est inclus dans la propriété de la SCI Evanna, cette dernière n’a pas qualité pour exiger de lui qu’il procède à l’enlèvement des souches ; que par ailleurs, l’enlèvement des souches est contraire aux principes de bonne gestion forestière dès lors que cet enlèvement peut notamment perturber la nature du sol en le privant d’une source de carbone importante.
Réponse de la cour
Il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande de la SCI Evanna de condamnation sous astreinte de M. [J] à respecter les limites de la parcelle [Cadastre 5] en tenant compte du bornage existant, cette demande présentant un caractère trop général en l’absence d’infraction constatée. Ainsi que l’ont justement retenu les premiers juges, les limites de propriétés étant clairement délimitées, il appartiendra à la SCI Evanna, à l’avenir, de faire éventuellement constater un empiétement sur sa propriété.
Le jugement est encore confirmé en ce qu’il a condamné M. [J] à mettre en ‘uvre une entrée sur sa parcelle à un endroit autre qu’au droit des bornes posées, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour pendant six mois, passé un délai de quatre mois à compter de la signification du présent arrêt, et ce afin d’éviter toute dégradation ou tout déplacement desdites bornes.
La cour observe toutefois que, sous couvert d’une demande de confirmation de ce chef de jugement, la SCI Evanna sollicite de la cour qu’elle ordonne en outre de faire procéder par un géomètre expert au repositionnement de la borne à son emplacement initial suivant le plan de M. [C], géomètre, au frais exclusifs de M. [J], mesure qui n’a pas été ordonnée par le tribunal. La SCI Evanna ne rapportant pas la preuve d’un déplacement de la borne, il convient, par confirmation du jugement déféré, de la débouter de ce chef de demande.
Compte tenu de la limite de propriété retenue, la SCI Evanna est fondée à solliciter la condamnation de M. [J] à procéder à l’enlèvement des souches implantées le long du talus du chemin, sur le fonds de la SCI, sous astreinte provisoire de 30 euros par jour pendant six mois, passé un délai de quatre mois à compter de la signification du présent arrêt. En effet, dès lors que ces souches sont implantées sur le fonds voisin, M. [J] n’est pas fondé à opposer à la demande les principes tirés d’une bonne gestion forestière.
4.2. Sur les obligations de s’abstenir de tout acte restreignant ou empêchant l’exercice de la servitude de passage sur le fonds AR [Cadastre 7] au bénéfice du fonds AR [Cadastre 5] relatif au chemin d’accès à son habitation et de veiller à ce que le virage en angle aigu soit en permanence dégagé de toutes branches en hauteur et de toutes racines au sol
La SCI Evanna fait valoir que tous les véhicules se rendant sur la parcelle [Cadastre 5] doivent pouvoir tourner à l’endroit où le chemin forme une fourche en angle aigu ; qu’il appartient à M. [J] de libérer de toutes plantations un emplacement suffisant pour permettre aux véhicules de tourner ; qu’en mars 2011, un camion de livraison a glissé sur les racines dans le virage, la cabine s’est coincée dans les branches ; que depuis, le fioul ne peut être livré qu’à la belle saison et en petite quantité, ce qui fait supporter à la SCI des sujétions inadmissibles ; que l’empêchement de man’uvrer aisément dans le virage à angle fermé et la présence de racines perdurent actuellement.
M. [J] réplique que les prétendues difficultés d’accès sont démenties par le fait que lorsque la SCI Evanna a entrepris des travaux dans son habitation, les camions des entreprises n’ont pas été empêchés d’accéder à la maison, pas plus que les camions de pompiers ; que la photo aérienne qu’il produit permet de démontrer que le virage n’est pas aussi aigu que le soutient la SCI Evanna et qu’il est tout à fait « normal » ; que si des livreurs se plaignent de ce virage, c’est surtout en termes de rayures des carrosseries liées à la présence de haies et de buissons sur la propriété voisine qui parfois s’avancent sur le chemin, ce à quoi il est étranger dès lors qu’il ne s’agit pas de sa propriété ; que sur la portion du chemin qui lui appartient, il n’y a aucune branche qui dépasse puisque tous ses arbres ont été coupés et que ceux qui ont été replantés ne mesurent pas plus de deux mètres.
Réponse de la cour
Contrairement aux allégations de la SCI Evanna, il ressort des pièces versées aux débats, et notamment des photographies aériennes récentes, qu’actuellement aucun arbre, ni aucune branche ou racine, ne fait obstacle à l’exercice de la servitude de passage sur le fonds AR [Cadastre 7] au bénéfice du fonds AR [Cadastre 5] et que le virage litigieux est suffisamment dégagé pour permettre le passage de véhicules. La SCI Evanna qui soutient que l’état du virage lui impose des sujétions inadmissibles pour la livraison de son fuel ne produit strictement aucune pièce à l’appui de ses allégations.
Aussi convient-il de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de la SCI Evanna tendant à la condamnation sous astreinte de M. [J] d’avoir à s’abstenir de tout acte restreignant ou empêchant l’exercice de la servitude de passage sur le fonds AR [Cadastre 7] au bénéfice du fonds AR [Cadastre 5] relatif au chemin d’accès à son habitation et à veiller à ce que le virage en angle aigu soit en permanence dégagé de toute branche en hauteur, de toutes racines au sol. Ainsi que l’a justement relevé le tribunal, il appartiendra à la SCI Evanna de faire constater, à l’avenir, le cas échéant, toute éventuelle infraction.
4.3. Sur l’obligation de s’abstenir de passer à l’occasion de l’entretien, du débardage des bois et à tout moment sur la pointe de la parcelle [Cadastre 5]
La SCI Evanna fait valoir que M. [J] passe sur son terrain avec son tracteur, notamment lorsqu’il procède à des débardages de bois ; qu’il revendique un passage sur un chemin qui n’existe plus situé sur la pointe de la parcelle [Cadastre 5] entre la parcelle [Cadastre 7] et la route de [Localité 12] ; que le passage par la partie inférieure de son terrain n’a pas lieu d’être, ce d’autant que la propriété [J] dispose d’un passage immédiatement après la pointe de la parcelle [Cadastre 5], débouchant directement sur la route de [Localité 12] ; que pour dire n’y avoir lieu à prononcer de condamnation de ce chef, le jugement retient que M. [J] indique ne plus passer par ce chemin ; que c’est bien pour éviter le prononcé d’une astreinte que M. [J] a pris un engagement qu’il n’aura pas à tenir s’il n’est pas condamné ; que dès lors qu’il reconnaît avoir utilisé ce passage, il est susceptible de le faire à nouveau, de sorte que la peine d’astreinte demandée se justifie pleinement.
M. [J] réplique qu’en 1976, lors de la division de la parcelle [Cadastre 6], il existait effectivement un chemin au nord de la parcelle permettant un accès direct à l’ancienne voie de chemin de fer et qui a été inclus dans la propriété des acquéreurs ; que compte tenu de la déclivité du terrain et de la hauteur du talus trop importante pour accéder à l’ancienne voie ferrée le long de la parcelle [Cadastre 7], il a continué à passer sur cette partie de chemin pour évacuer les branchages des bois coupés à proximité de celui-ci, sans que les différents propriétaires qui se sont succédés pendant plus de quarante ans ne lui fassent jamais de remarque ; que la demande formulée par la SCI Evanna devant la cour est pour le moins abusive dès lors qu’il a indiqué, dans ses conclusions de première instance, ne plus utiliser ce passage.
Réponse de la cour
S’il n’est pas contesté par M. [J] qu’il a bien utilisé un ancien chemin situé sur la pointe de la parcelle appartenant à la SCI Evanna, entre la parcelle [Cadastre 7] et la route de Villefranche, il a également affirmé ne plus emprunter ce passage compte-tenu de l’opposition exprimée par la SCI.
Cette dernière affirme que cet engagement n’a pour but que d’éviter le prononcé d’une astreinte et que M. [J] est susceptible d’utiliser à nouveau ce passage à l’avenir. Toutefois, force est de constater qu’elle est dans l’incapacité de démontrer que son voisin a, depuis le début de la procédure, manqué à son engagement en empruntant ledit passage.
En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu’il y a dit n’y avoir lieu à prononcer de condamnation sur ce chef de demande.
4.4. Sur l’obligation de procéder à la remise en état du chemin desservant le fonds AR [Cadastre 7]
La SCI Evanna fait valoir que la création de l’accès par M. [J] a conduit le chemin à se détériorer du fait du passage des tracteurs et des gros engins, avec des roues de tailles importantes et d’un poids de plusieurs tonnes, créant des ornières et des apports de terre lors des orages, ce qui nuit à la bonne tenue de son empierrement ; qu’elle emprunte quant à elle le chemin avec des véhicules de tourisme, ce qui ne le détériore pas ; que le propriétaire qui détériore le chemin dans le cadre d’une utilisation anormale, doit pourvoir à sa remise en état dès lors qu’il l’endommage à l’occasion d’actes d’exploitations forestiers, comme le prévoient les articles 697 et suivants du code civil ; que jusqu’à ce jour, elle est seule à entretenir la totalité de la servitude.
M. [J] réplique qu’il circule avec un fourgon bien moins lourd que certaines voitures de la SCI Evanna ; que les engins de débardage qu’il utilise ne peuvent être mis en cause puisqu’ils ne circulent que sur sa parcelle ; que le gérant de l’entreprise forestière chargée de l’entretien de ses bois atteste ne jamais avoir emprunté ledit chemin ; que le chemin n’est pas dans un mauvais état et que les propos de la SCI Evanna sont, encore une fois, exagérés ; que la création d’une entrée sur son terrain fait suite à un accident de la circulation alors que les véhicules des deux parties n’avaient pu se croiser et que son véhicule a versé dans le fossé ; qu’elle n’a qu’un but pratique et est indispensable aux conditions d’accès à sa propriété.
Réponse de la cour
Les premiers juges ont justement relevé, pour débouter la SCI Evanna de ce chef de demande, que cette dernière ne produisait aucun élément précis objectivant la seule responsabilité de l’une ou l’autre des parties sur ce point.
En cause d’appel, la SCI Evanna n’étaye pas davantage sa demande, se contentant de verser aux débats, en pièce 30, une photographie non datée ni circonstanciée, accompagnée de son commentaire. Ce seul élément étant très insuffisant à établir la preuve des faits qu’elle allègue, le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté la SCI Evanna de cette demande.
4.5. Sur l’obligation de procéder au retrait de l’implantation des pins Douglas sur la parcelle [Cadastre 7] à 15 mètres de toute limite séparative de propriété avec la parcelle [Cadastre 5], et subsidiairement à 6 mètres, et très subsidiairement, sur la demande de condamnation sous astreinte de M. [J] à élaguer ses arbres pour qu’ils ne débordent pas sur le fonds de la SCI Evanna
La SCI Evanna fait valoir qu’il existe une réglementation des boisements datant d’août 1964 applicable sur la commune, laquelle prévoit un recul de 15 mètres autour des limites de terrains plantés dès lors qu’il s’agit de Douglas, variété pouvant atteindre plus de 40 mètres de hauteur ; que le fait de planter de tels arbres à deux ou trois mètres des limites crée un trouble anormal de voisinage, notamment une diminution du taux d’ensoleillement ; que l’article 672 du code civil précise que si les arbres meurent ou s’ils sont coupés ou arrachés, le voisin ne peut les remplacer qu’en observant les distances légales ; que la distance légale à appliquer en l’espèce est de 15 mètres ; que si le reculement demandé n’est pas admis, le débordement sur son fonds de six à huit mètres de branches pour des arbres plantés en limite lui causera un préjudice important, la privant de 18% de sa propriété, c’est-à-dire 1 056 m² ; qu’il s’agit là d’une occupation illégale et d’un trouble anormal de voisinage que rien ne justifie et qu’il faut prévenir ; qu’en effet, elle sera privée sur une superficie importante d’ensoleillement et ne pourra rien planter d’autre, comme des arbres à feuilles caduques, pourtant nécessaire pour compenser l’hégémonie des Douglas ; qu’à tout le moins, M. [J] reconnaît qu’il doit implanter ses arbres à six mètres de la limite séparative ; qu’à titre subsidiaire, si la cour ne croyait pas pouvoir enjoindre à M. [J] de reculer la plantation de ses arbres de 15 mètres, elle le condamnerait à les implanter à six mètres de la limite séparative avec obligation chaque année d’élaguer ses arbres pour qu’ils ne débordent pas sur son fonds sous astreinte ; qu’à infiniment subsidiaire, si par extraordinaire, il devait être retenu que les règles du code civil s’appliquent, il conviendrait de faire obligation à M. [J] d’élaguer chaque année ses arbres pour qu’ils ne débordent pas sur son fonds ; que si actuellement les branches ne dépassent plus puisque les arbres qui avaient des branches dépassant ont été coupés, de nouveaux résineux ont été plantés à moins de six mètres et d’ici quelques années, les branches dépasseront à nouveau.
M. [J] réplique que le tribunal a fait une appréciation inexacte de la réglementation en vigueur en appliquant l’arrêté préfectoral du 3 août 1964 aux parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 7], alors qu’une lecture attentive de l’arrêté permet de comprendre que les parcelles susvisées échappent à l’emprise de ce texte préfectoral ; que les pins Douglas ayant été plantés en 1976, la SCI Evanna a acheté la parcelle [Cadastre 5] en parfaite connaissance de cause ; qu’il convient donc de faire application de l’article 671 du code civil et d’appliquer à ces parcelles le droit commun prévoyant une distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages ; qu’or, ses plantations se situent toutes à environ cinq ou six mètres de la limite de propriété ; que la SCI Evanna n’apporte pas la preuve que les branches de ses arbres dépassent sur son fonds ; qu’elle confirme au contraire dans ses conclusions que les branches ne dépassent pas mais qu’elles « ne vont pas tarder à dépasser la limite séparative du terrain » et que la demande formulée devant la cour « se justifie pour dissuader » ; que la SCI Evanna a recours, une fois encore, à la fiction et à des scénarios virtuels.
Réponse de la cour
Selon l’article 671 du code civil, il n’est permis d’avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu’à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu’à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d’un demi-mètre pour les autres plantations.
En l’espèce, c’est à tort que les premiers juges ont retenu que l’arrêté préfectoral du 3 août 1964 réglementant les boisements sur la commune de [Localité 10] avait vocation à s’appliquer aux parcelles litigieuses alors qu’il résulte des dispositions combinées des articles 1er et 2 de l’arrêté que l’obligation de respecter une distance de reculement de «15 mètres des limites ne confinant pas à un bois existant» concerne uniquement, s’agissant de la section AR, les parcelles [Cadastre 11] à [Cadastre 2] inclus. Or, il ressort de l’acte de vente versé aux débats que les parcelles litigieuses sont issues d’une division de la parcelle [Cadastre 6] opérée en 1976.
Il convient dès lors d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné sous astreinte M. [J] à procéder au retrait de l’implantation des pins Douglas à 15 mètres de la limite séparative de propriété fixée strictement par les lignes droites tirées entre les bornes posées.
Contrairement à ce que soutient la SCI Evanna, M. [J] ne reconnaît nullement qu’il doit implanter ses arbres à six mètres de la limite séparative. Par ailleurs, cette distance ne résulte d’aucun règlement particulier ou usage constant et reconnu. Enfin, la SCI Evanna, qui a procédé à l’acquisition d’une propriété dans un environnement déjà fortement boisé, n’est pas fondée à soutenir que la perte d’ensoleillement résultant de l’implantation d’arbres en limite de sa propriété, dont elle n’ignorait pas l’existence, constitue un trouble anormal de voisinage justifiant qu’il soit fait obligation à M. [J] de respecter une distance de plantation de six mètres de la limite séparative.
Aussi convient-il de faire application au cas d’espèce des dispositions de l’article 671 précité qui institue une distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres.
La SCI Evanna ne soutient pas que des arbres dépassant deux mètres seraient implantés à moins de deux mètres de la ligne séparative mais demande à la cour de faire obligation à M. [J] d’élaguer chaque année ses arbres pour qu’ils ne débordent pas sur son fonds.
Aux termes de l’article 673, alinéa 1er, du code civil, celui sur la propriété duquel avance les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper.
En l’espèce, force est de constater que la SCI Evanna reconnaît qu’aucune branche ne déborde actuellement sur sa propriété, de sorte que sa demande, présentée à titre préventif, n’est pas fondée et doit être rejetée. Le jugement est confirmé sur ce point.
Il est toutefois rappelé à M. [J] qu’il est tenu, dès lors que le propriétaire du fonds contigu l’exige, de procéder à l’élagage de ses plantations afin qu’elles n’avancent pas sur la propriété voisine et qu’en application du dernier alinéa de l’article 673, le droit de couper les racines, ronces et brindilles ou de faire couper les branches des arbres, arbustes ou arbrisseaux est imprescriptible.
6. Sur la demande de la SCI Evanna de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour appropriation de bois et atteinte à sa propriété
La SCI Evanna sollicite une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour la valeur du bois d”uvre et l’atteinte à sa propriété. Subsidiairement, elle demande à la cour d’apprécier ce préjudice à une somme comprise entre 338 euros et 5 000 euros.
M. [J] réplique que le talus n’étant pas la propriété de la SCI Evanna, les arbres qui avaient été plantés entre 1964 et 1974 sur ce talus, et par la suite coupés, étaient sa propriété et qu’il a vendu le bois de ces cinq arbres pour une valeur de 338 euros (6,5 m3 x 52 €).
Réponse de la cour
Selon l’article 552, alinéa 1er, du code civil, la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous.
Et aux termes de l’article 555, alinéas 1 à 3, du même code, lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l’alinéa 4, soit d’en conserver la propriété, soit d’obliger le tiers à les enlever. Si le propriétaire du fonds exige la suppression des constructions, plantations et ouvrages, elle est exécutée aux frais du tiers, sans aucune indemnité pour lui ; le tiers peut, en outre, être condamné à des dommages-intérêts pour le préjudice éventuellement subi par le propriétaire du fonds. Si le propriétaire du fonds préfère conserver la propriété des constructions, plantations et ouvrages, il doit, à son choix, rembourser au tiers, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d’oeuvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l’état dans lequel se trouvent lesdites constructions, plantations et ouvrages.
En l’espèce, la SCI Evanna qui a sollicité et obtenu la condamnation sous astreinte de M. [J] à procéder à l’enlèvement des souches implantées sur sa parcelle, le long du talus du chemin, a entendu renoncer à conserver la propriété de ces plantations et ne saurait dès lors réclamer le paiement d’une somme au titre de la valeur du bois d”uvre.
Elle est en droit, en revanche, de solliciter l’octroi de dommages-intérêts pour le préjudice subi, résultant notamment de l’impossibilité dans laquelle elle se trouve actuellement de clore en ligne droite sa propriété du fait de la présence des souches, cette impossibilité étant constitutive d’une atteinte à son droit de propriété.
Aussi convient-il, par infirmation du jugement déféré, de condamner M. [J] à payer à la SCI Evanna la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts.
7. Sur la demande de la SCI Evanna de dommages-intérêts supplémentaires en réparation du préjudice subi du fait de l’ensemble des gênes et nuisances endurées
La SCI Evanna sollicite la condamnation de M. [J] à lui régler une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour avoir tenu des propos erronés, mensongers et diffamatoires à son encontre, avoir empiété sur sa propriété et avoir tenté de déplacer une borne.
M. [J] réplique que la philosophie gouvernant le procès intenté par la SCI Evanna à son endroit est fondée sur une préoccupation première : obtenir sa condamnation avec de larges sanctions financières pour l’affaiblir, ainsi que sa famille.
Réponse de la cour
Selon l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l’espèce, la cour a d’ores et déjà indemnisé l’atteinte subie par la SCI Evanna à son droit de propriété et a jugé que cette dernière ne rapportait pas la preuve d’un déplacement de la borne par M. [J].
Dès lors, la SCI Evanna qui ne démontre pas davantage le caractère mensonger ou diffamatoire des propos tenus par M. [J], est nécessairement déboutée de ce chef de demande. Le jugement est confirmé sur ce point.
8. Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement est enfin confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.
M. [J], qui succombe pour partie, est condamné aux dépens d’appel.
Il n’apparaît pas contraire à l’équité, en revanche, compte tenu de la solution donnée au litige en appel, de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Ordonne la jonction des procédures enregistrées au répertoire général sous les numéros RG 19/06959 et RG 19/07077,
Confirme le jugement déféré, sauf en celles de ses dispositions ayant :
*condamné sous astreinte M. [J] à procéder au retrait de l’implantation des pins Douglas à 15 mètres de la limite séparative de propriété fixée strictement par les lignes droites tirées entre les bornes posées, dans un délai de 30 jours à compter de la signification de la décision, sous peine de mise en ‘uvre d’une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard, astreinte prononcée pour une période de six mois,
*débouté la SCI Evanna de sa demande de dommages-intérêts pour atteinte à son droit de propriété,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Déboute la SCI Evanna de sa demande de condamnation sous astreinte de M. [J] à procéder au retrait de l’implantation des pins Douglas à 15 mètres de la limite séparative de propriété fixée strictement par les lignes droites tirées entre les bornes posées,
Déboute la SCI Evanna de sa demande de condamnation sous astreinte de M. [J] à procéder au retrait de l’implantation des pins Douglas à six mètres de la limite séparative de propriété fixée strictement par les lignes droites tirées entre les bornes posées,
Condamne M. [J] à procéder à l’enlèvement des souches implantées par lui le long du talus du chemin, sur le fonds de la SCI Evanna, sous astreinte provisoire de 30 euros par jour pendant six mois, passé un délai de quatre mois à compter de la signification du présent arrêt,
Condamne M. [J] à payer à la SCI Evanna la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour atteinte à son droit de propriété,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [J] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT