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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 3
ARRÊT DU 22 MAI 2019
(n° 252 , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/20412 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6K2Z
Décision déférée à la Cour : Arrêt du 27 Juin 2018 – Cour de Cassation de PARIS – RG n° 685 F-D
APPELANT
Monsieur [G] [H] [M]
[Adresse 1]
[Localité 1]
né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 2] (Tunisie)
Représenté par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
Assisté par Me Nicolas VERLY, avocat au barreau de PARIS, toque : B777
INTIMES
Monsieur [R] [U], ès qualité au moment des faits de Directeur de la publication du mensuel ‘La Lettre’ édité par le Conseil National de l’Ordre des Chirurgiens -Dentistes (CNOCD)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Marie VICELLI-GUILBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0109
Assisté par Me Ninon RUTAULT et Me Maël MONFORT, substituant Me Marie VICELLI-GUILBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0109, et Me Dominique DE LEUSSE, avocat au barreau de PARIS, toque : C 2129
Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL Parquet Général, Cour d’Appel de Paris
4 boulevard du Palais
75004 PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 01 Avril 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Martine ROY-ZENATI, Première Présidente de chambre
Mme Christina DIAS DA SILVA, Conseillère
Mme Laure ALDEBERT, Conseillère
Qui ont en délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Anaïs SCHOEPFER
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Martine ROY-ZENATI, Première Présidente de chambre et par Anaïs SCHOEPFER, Greffière.
En 2015, le magazine ‘Lyon Capitale’ a publié un article intitulé : ‘Affaire [M]: un magistrat payé par les parties’, évoquant les accusations portées par M. [M], chirurgien dentiste radié de l’ordre à la suite de poursuites disciplinaires engagées par le Conseil national de l’ordre des chirurgiens dentistes (ci-après : ‘le conseil national’), et faisant état de l’existence de flux financiers entre cet ordre et M. [K], président de la chambre disciplinaire nationale.
Le conseil national a exercé un droit de réponse dans le magazine en cause, puis a fait paraître, dans son mensuel de diffusion nationale ‘La Lettre’, un article intitulé : ‘Un droit de réponse de l’ordre dans Lyon Capitale’, reprenant les termes de ce dernier et dénonçant le caractère ‘intolérable’ de l’accusation de corruption portée contre le conseil national et M. [K].
Par courrier recommandé du 29 décembre 2015, M. [M] a adressé à M. [U], directeur de la publication du périodique, une réponse rédigée en ces termes :
‘Dans un article de ‘ La Lettre’ intitulé ‘Un droit de réponse de l’ordre dans Lyon Capitale’ du mois de novembre 2015, le président du Conseil national de l’ordre des chirurgiens dentistes soutient que j’aurais proféré de ‘graves accusations’ relatives à la rémunération d’un magistrat ayant prononcé ma radiation de la profession de chirurgien dentiste. Je tiens à préciser que je me suis légitimement interrogé sur le fait qu’un conseiller d’Etat puisse être rémunéré par un ordre avec lequel il collabore et travaille, tout en étant par ailleurs chargé de juger les litiges engagés par cet organisme privé. J’étais d’autant mieux fondé à le faire que la ‘charte de déontologie des membres de la juridiction administrative’ exige que ces derniers ‘exercent leurs fonctions en toute indépendance, avec impartialité et honneur, et se comportent de façon à prévenir tout doute légitime à cet égard’. Or précisément je tiens à la disposition de l’ensemble des chirurgiens dentistes les extraits du grand livre des comptes du conseil national de l’ordre, lesquels font notamment apparaître un versement de 39.200,61 euros, le 5 février 2009, au bénéfice d’un conseiller d’Etat qui a été appelé à statuer sur ma radiation. L’on ne saurait, dans ces conditions, me reprocher de m’être interrogé sur l’existence d’un procès équitable.’
Aucune suite n’ayant été donnée à cette demande, par acte du 30 mars 2016, M. [M] a assigné le directeur de la publication du mensuel La Lettre et le Procureur de la République devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon pour voir dire que sa demande de droit de réponse du 29 décembre 2015 était conforme à l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 et dire que le refus implicite de publication de M. [U] constituait un trouble manifestement illicite.
Par ordonnance du 2 mai 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon a :
– rejeté les demandes de M. [M] ;
– condamné M. [M] aux dépens ;
– condamné M. [M] à payer à M. [U], directeur de publication du mensuel ‘La Lettre’ édité par le Conseil National de l’Ordre des Chirurgiens Dentistes la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 31 mai 2016, M. [M] a interjeté appel de cette ordonnance.
Par arrêt du 18 juillet 2017, la cour d’appel de Lyon a :
– dit recevable l’action formée par M. [M] mais a confirmé l’ordonnance querellée en ce qu’elle a rejeté ses demandes ;
y ajoutant,
– condamné M. [M] à payer à M. [U] la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [M] aux dépens d’appel qui seraient recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile par ceux des mandataires des parties qui en avaient fait la demande.
Sur pourvoi formé par M. [M], la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a, par arrêt du 27 juin 2018, cassé et annulé l’arrêt du 18 juillet 2018 au visa de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ensemble l’article 809 du code de procédure civile.
La Cour s’est fondée sur le motif selon lequel M. [K] était mentionné dans le texte auquel il était répondu, de sorte qu’il ne pouvait être regardé comme un tiers étranger au débat dont la protection des intérêts aurait été de nature à justifier le refus d’insertion du droit de réponse de M. [M].
Suivant déclaration de saisine du 23 août 2018, M. [M] a saisi la cour d’appel de Paris sur renvoi.
Par ses dernières conclusions transmises le 8 mars 2019, M. [M] demande à la cour de :
– infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 2 mai 2016 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon et statuant à nouveau :
– dire que la demande de droit de réponse de M. [M] en date du 29 décembre 2015, relative à l’article intitulé « Un droit de réponse de l’Ordre dans Lyon Capitale » publié dans numéro 142 du mois de novembre 2015 du mensuel La Lettre, était conforme aux dispositions de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 ;
en conséquence,
– dire que le refus implicite de publication opposé par M. [U] à la demande susvisée constitue un trouble manifestement illicite dont il convient de faire cesser les effets ;
– ordonner la publication dans le mensuel La Lettre du droit de réponse précité de M. [M] ;
– dire que ce droit de réponse devra être publié à la même place et aux mêmes caractères que l’article auquel il se rapporte ;
– dire que le texte de la réponse devra être publié dans le plus prochain numéro du mensuel La Lettre, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
– condamner M. [U] à verser à M. [M] la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts provisionnels à titre de préjudice moral ;
– ordonner la publication aux frais avancés de M. [U] dans 3 quotidiens, hebdomadaires ou mensuels, nationaux ou régionaux, au choix de M. [M], du communiqué judiciaire suivant :
« Communiqué judiciaire
Par arrêt en date du [date de l’arrêt à intervenir], la Cour d’appel de Paris a condamné par provision Monsieur [R] [U] pour refus de publication d’un droit de réponse de Monsieur [G] [H] [M] » ;
– condamner M. [U] à verser à M. [M] la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;
– rejeter l’ensemble des demandes de M. [U].
Il fait valoir que :
– un droit de réponse pourtant jugé diffamatoire est admis lorsque la vivacité d’une mise en cause le justifie (Crim, 8 novembre 2005, n° 05-80344) ; l’article publié dans La Lettre désignait M. [M] comme l’auteur d’une diffamation alors même qu’il résulte d’un rapport de la Cour des comptes que la pratique de rémunération des présidents de chambres disciplinaires les place en situation de conflit d’intérêts ; dès lors les termes de la réponse de M. [M] ne dépassaient pas les limites du droit de réponse ;
– un droit de réponse est admissible lorsque le tiers était déjà visé dans l’article ayant provoqué la réponse (Crim, 20 janvier 1987) et la réponse se situait sur le même terrain que l’article l’ayant provoquée (Crim, 20 juin 2017, n° 16-85512) ; la question de la rémunération versée à M. [K] a été évoquée en premier lieu par l’article de La Lettre ;
– aucun terme utilisé par M. [M] dans son droit de réponse ne porte atteinte à l’ordre public ou aux bonnes m’urs ;
– sa réponse est corrélée à sa mise en cause et respecte les conditions de longueur édictées par l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 ;
– son droit de réponse ne comporte nullement l’imputation de faits constitutifs de corruption mais fait état d’interrogations légitimes sur le fait qu’un magistrat soit rémunéré par la partie adverse ;
– le fait qu’une polémique existe depuis plusieurs années entre les parties ou le fait qu’un article ait été précédemment publié dans Lyon Capitale n’exonère par le directeur de la publication de La Lettre de ses obligations découlant de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 ;
– l’ordonnance de non lieu n’était nullement définitive à la date de la demande de droit de réponse, date à laquelle doivent s’apprécier les conditions de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 ;
– le juge des référés n’a fait que confirmer l’existence d’une rémunération par le conseil national, le montant de cette rémunération étant indifférente ;
– le combat de plusieurs années mené par M. [M] justifie qu’il lui soit versé 10.000 euros au titre de son préjudice moral ainsi que 10.000 euros au titre de l’article 700, somme justifiée par les quatre instances successives nécessitées par un refus qui lui a été injustement opposé.
Par ses dernières conclusions transmises le 18 mars 2019, M. [U] en qualité au moment des faits de directeur de la publication du mensuel La Lettre, édité par le conseil national, intimé, demande à la cour de :
– déclarer M. [U] recevable en ses écritures et bien fondé ;
– confirmer l’ordonnance de référé du 2 mai 2016 rendue par le premier vice-président du tribunal de grande instance de Lyon en toutes ses dispositions ;
en tant que de besoin,
– déclarer que les demandes de M. [M] dépassent les compétences conférées au juge des référés par les articles 808 et 809 du code de procédure civile et par voie de conséquence le déclarer incompétent pour connaître des demandes de M. [M] ;
en tout état de cause,
– débouter M. [M] de l’intégralité de ses demandes ;
– condamner M. [M] à verser au CNOCD la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Il fait valoir que :
– le refus implicite de publication était justifié par des imputations diffamatoires que comportait la réponse à l’encontre du conseil national, par les imputations diffamatoires à l’encontre de M. [K], étranger à la publication, et par la polémique que M. [M] tentait d’entretenir par cette demande ;
– lors du refus implicite de publication du droit de réponse de M. [M] au mois de janvier 2016, l’appréciation de la qualité de tiers faite par M. [U] était conforme à la jurisprudence en vigueur puisqu’il s’agissait d’une personne ‘étrangère à la publication’ (Crim, 20 juin 2017, n° 16-85512) ;
– la limite de l’atteinte admissible à l’intérêt légitime d’un tiers est l’absence de diffamation à l’égard dudit tiers (Crim, 20 juin 2017, n° 16-85512) ;
– contraindre un directeur de la publication, sur le fondement de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881, à publier un droit de réponse diffamatoire, conduit inévitablement à lui enjoindre de commettre le délit prévu et réprimé par l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881;
– le prétendu exercice d’un droit de réponse ne vise qu’à diffamer un magistrat injustement mis en cause alors qu’aucune irrégularité ou mouvement comptable suspect n’est à déplorer ; M. [M] fait une interprétation mensongère du rapport de la Cour des comptes qui ne saurait justifier l’entretien de la polémique relancée par M. [M] ;
– le directeur de la publication peut légitimement refuser la publication d’un droit de réponse lorsque celui-ci porte atteinte à l’honneur du journal (CA Versailles, 27 janvier 2000, LP n° 171, III, p 79), ou du journaliste, auteur de l’article auquel il est répondu (Cass 28 juin 2018, pourvoi n°17-21.823) ;
– l’illicéité du refus de publication implicite opposé par M. [U] n’a rien de manifeste et partant, les demandes de M. [M] dépassent les pouvoirs du magistrat des référés.
Par ses dernières conclusions transmises le 28 février 2019, le Procureur général demande à la cour de confirmer l’ordonnance de première instance.
Il fait valoir que :
– la réponse sollicitée par M. [M] comporte l’imputation de faits constitutifs de corruption qu’aurait commis un magistrat appelé à siéger dans une instance disciplinaire le concernant et fait état du versement au profit de ce magistrat de la somme de 39.200,61 euros par le conseil national, alors même qu’à la suite d’une information judiciaire, il avait été déterminé que des personnes extérieures avaient accompli le travail nécessaire au sein du conseil national et que la somme attribuée à M. [K] avait été en réalité versée entre neuf bénéficiaires ;
– la demande de réponse de M. [M] est intervenue le 29 décembre 2015 quelques mois après l’ordonnance de non lieu et qu’il avait donc connaissance du caractère légitime de ces rémunérations.
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens respectifs.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l’article 809 du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le dommage imminent s’entend du « dommage qui n’est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer » et le trouble manifestement illicite résulte de « toute perturbation résultant d’un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit ».
L’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose notamment que ‘le directeur de la publication sera tenu d’insérer dans les trois jours de leur réception, les réponses de toute personne nommée ou désignée dans le journal ou écrit périodique quotidien sous peine de 3 750 euros d’amende sans préjudice des autres peines et dommages-intérêts auxquels l’article pourrait donner lieu’ et détermine les caractéristiques techniques de la réponse (gratuité, emplacement, caractères, longueur). Il fixe également des délais aux juridictions pour statuer sur l’action en refus d’insertion, et prévoit que le tribunal peut autoriser l’exécution de sa décision sur minute et nonobstant appel, mais en ce qui concerne l’insertion seulement.
Le droit de réponse institué par l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 est général et absolu. La simple référence à une personne dans un article lui confère donc un droit de rectification, de réponse et de critique.
Celui qui l’exerce est juge de l’utilité, de la forme et de la teneur de sa réponse. L’insertion ne peut être refusée qu’autant que la réponse est contraire aux lois, aux bonnes moeurs, à l’intérêt légitime des tiers ou à l’honneur du journaliste.
L’article publié le 2 novembre 2015 par l’Ordre national des chirurgiens-dentistes dans son mensuel de diffusion nationale ‘La Lettre’ dont M. [R] [U] est directeur de la publication, est intitulé ‘Un droit de réponse dans Lyon Capitale’, reprenant les termes du droit de réponse exercé par l’Ordre dans le magazine Lyon Capitale à l’égard de l’article publié par ce magazine intitulé ‘Affaire [M] : un magistrat payé par les parties’, évoquant les accusations de M. [M], chirurgien-dentiste radié de l’ordre à la suite de poursuites disciplinaires engagées par le Conseil , et faisant état de flux financiers entre cet ordre et M. [K], président de la chambre disciplinaire nationale. L’article publié dans ‘La Lettre’ dénonce le caractère ‘intolérable’ de l’accusation de corruption portée contre le conseil national et M. [K].
Pour s’opposer à l’exercice du droit de réponse à cet article réclamé par M. [M] le 29 décembre 2015, M. [U], ès qualités de directeur de la publication du mensuel ‘La Lettre’, soutient que M. [K] a la qualité de tiers, étranger à la publication du texte auquel M. [M] prétend vouloir répondre, quand bien même son nom serait mentionné au sein du texte, et que la réponse porte atteinte à l’honorabilité et à la probité de ce tiers.
Le tiers doit être considéré comme la personne étrangère à la publication et à la rédaction de l’article auquel il est répondu, ou encore, comme celle qui est étrangère au débat et n’a pas à être mentionnée dans l’article litigieux.
Or en l’espèce, M. [K] est mentionné dans le texte publié dans ‘La Lettre’ à l’égard duquel M. [M] souhaite exercer son droit de réponse.
M. [U], ès qualités, soutient encore, aux côtés du Ministère public, que le contenu de la réponse est contraire aux lois puisque susceptible de constituer le délit de diffamation.
L’article publié par M. [U], président du Conseil national de l’Ordre dans le mensuel du mois de novembre de ‘La Lettre’ est le suivant :
‘Un article publié dans le magazine Lyon Capitale en juin dernier et un second sur le site internet www.syndicatdentaire.fr imputent au Conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes d’avoir versé, en janvier 2009, au magistrat qui préside la juridiction disciplinaire d’appel, M. [K], une somme de 39 200 euros en sus des indemnités correspondant à l’exercice de ses fonctions.
Le dit paiement supplémentaire aurait, prétendument, pour objet d’inciter ce magistrat à prononcer la radiation de notre profession de [G] [M]. En d’autres termes, le Conseil national est accusé d’avoir corrompu un magistrat. Il va de soi que le Conseil conteste formellement une telle accusation.
Le Conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes a toujours versé à M. [K] les indemnités de fonction qui lui reviennent, et il ne lui a jamais réglé, contrairement à ce qu’affirme DSI [le syndicat Dentistes solidaires et indépendants], de somme supplémentaire, que ce soit de 39 000 euros ou d’un autre montant, en janvier 2009, ou à tout autre moment.
La comptabilité du Conseil de l’Ordre, à laquelle M. [M], fondateur de DSI, a d’ailleurs eu accès, l’établit sans contestation possible Cette accusation de corruption est parfaitement intolérable Il en est de même de l’accusation de fraude fiscale, contenue dans le même article, selon laquelle les sommes versées à M. [K] ne correspondraient pas à celles déclarées au fisc par le Conseil national.
Non content d’accuser le Conseil de corruption de magistrat et de fraude fiscale, le même article prétend que certains de ses membres auraient manipulé la justice ordinale.
L’ensemble de ces affirmations est non seulement démenti par la comptabilité du Conseil de l’Ordre, vérifiée, contrôlée et attestée par un commissaire aux comptes, mais également par le calendrier procédural précédant la radiation définitive de M. [M]. Ainsi M. [K] qui est présenté comme ayant perçu de l’Ordre national une somme pour prononcer la radiation de M. [M], ne présidait pas la juridiction qui a prononcé cette sanction.
En effet, celle-ci a été prononcée le 12 décembre 2008 par la Chambre disciplinaire de première instance, alors que la juridiction d’appel, présidées par M. [K] a, par décision en date du 18 mars 2010, modéré cette décision, prononçant une ‘interdiction d’exercice de 18 mois dont 12 avec sursis’.
Mais le Conseil d’Etat, par arrêt en date du 24 octobre 2011, a annulé la décision rendue par la Chambre qui avait été présidée par M. [K]. C’est ainsi que fut confirmée, de plein droit, la décision de la Chambre disciplinaire de première instance qui avait prononcé la radiation de M. [M]. Dès lors, les graves accusations portées, une fois encore, à l’encontre de notre Ordre se révèlent à nouveau sans fondement. Nous nous réservons d’y donner les suites judiciaires qui s’imposent’.
La cour relève que c’est l’auteur de cet article qui revient sur les propos tenus par M. [M] dans un article publié dans le magazine Lyon Capitale au mois de juin précédent pour lequel l’Ordre a exercé un droit de réponse, et du fait de cette publication dans ‘La Lettre’ a ouvert à M. [M] l’exercice de son propre droit de réponse.
La réponse demandée par M. [M] est la suivante :
‘ Dans un article de « LA LETTRE » intitulé « Un droit de réponse de l’Ordre dans Lyon Capitale » du mois de novembre 2015, le Président du Conseil national de l’Ordre des Chirurgiens-Dentistes soutient que j’aurais proféré de « graves accusations » relatives à la rémunération d’un magistrat ayant prononcé ma radiation de la profession de chirurgien-dentiste.
Je tiens à préciser que je me suis légitimement interrogé sur le fait qu’un Conseiller d’Etat puisse être rémunéré par un Ordre avec lequel il collabore et travaille, tout en étant par ailleurs chargé de juger les litiges engagés par cet organisme privé. J’étais d’autant mieux fondé à le faire que la « Charte de déontologie des membres de la juridiction administrative » exige que ces derniers
« exercent leurs fonctions en toute indépendance, avec impartialité et honneur, et se comportent de façon à prévenir tout doute légitime à cet égard ». Or précisément, je tiens à la disposition de l’ensemble des chirurgiens-dentistes les extraits du Grand-livre des comptes du Conseil national de l’Ordre, lesquels font notamment apparaître un versement de 39.200,61 euros, le 5 février 2009, au bénéfice d’un Conseiller d’Etat qui a été appelé à statuer sur ma radiation. L’on ne saurait, dans ces conditions, me reprocher de m’être interrogé sur l’existence d’un procès équitable’.
La cour relève que la réponse de M. [M] expose les circonstances qui l’ont conduit à s’interroger sur le fait d’avoir bénéficié ou non d’un procès équitable, à partir du constat du versement de la somme de 39 200,61 euros au bénéfice d’un conseiller d’état appelé à statuer sur sa radiation ; que le nom du conseiller d’état n’est pas indiqué et qu’aucune accusation de corruption n’est de nouveau proférée à son encontre ; que ses précédents propos tenus dans l’article publié par Lyon Capitale en juin 2015, auquel M. [U] a répondu dans ce même magazine et dont il a publié de nouveau sa réponse dans son propre magazine ‘La Lettre’ en novembre 2015, n’y sont pas repris ; que le ton adopté n’est ni blessant ni malveillant mais dénote plutôt une volonté de se justifier.
Il s’en déduit que le refus implicite de M. [U], ès qualités, d’insérer le droit de réponse de M. [M] n’est pas légitime et constitue un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser.
L’ordonnance entreprise sera dans ces conditions infirmée et le droit de réponse de M. [M] accueilli dans les conditions fixées au dispositif ci-après.
La publication du communiqué judiciaire réclamé par l’appelant ne se justifie pas dès lors que celle de sa réponse constitue la mesure adaptée à la cessation du trouble subi.
Le contexte dans lequel s’intègre le présent litige ne permet pas de caractériser avec l’évidence requise en référé l’existence du préjudice moral dont aurait souffert M. [M], de sorte qu’il n’y a pas lieu à référé sur sa demande de réparation.
L’équité commande de faire bénéficier l’appelant des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, dans les conditions précisées au dispositif ci-après.
M. [U], ès qualités, qui succombe ne peut prétendre à une indemnité de procédure et supportera les entier dépens.
PAR CES MOTIFS
Infirme l’ordonnance entreprise,
Statuant à nouveau
Ordonne la publication dans le mensuel ‘La Lettre’ du droit de réponse de M. [H] [M] tel que repris dans les motifs du présent arrêt,
Dit que le texte de la réponse devra être publié dans le plus prochain numéro du mensuel ‘La Lettre’, sous astreinte de 300 euros par jour de retard,
Dit que ce droit de réponse devra être publié à la même place et aux mêmes caractères que l’article auquel il se rapporte,
Rejette le surplus des mesures réclamées,
Dit n’y avoir lieu à référé sur les dommages et intérêts demandés,
Condamne M. [R] [U], ès qualités de Directeur de la publication du mensuel ‘La Lettre’ au moment des faits à verser à M. [G] [H] [M] la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande formée à ce titre par M. [R] [U], ès qualités de Directeur de la publication du mensuel ‘La Lettre’ au moment des faits,
Condamne M. [R] [U], ès qualités de Directeur de la publication du mensuel ‘La Lettre’ au moment des faits, aux dépens de première instance et d’appel.
La Greffière, La Présidente,