Your cart is currently empty!
ARRÊT N°
N° RG 19/02628 – N° Portalis DBVH-V-B7D-HM7T
EM/DO
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ANNONAY
03 juin 2019
RG :F 18/00059
[R]
C/
S.A.S. CONDUENT BUSINESS SOLUTIONS
COUR D’APPEL DE [Localité 5]
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 21 JUIN 2022
APPELANTE :
Madame [Z] [R]
née le 22 Décembre 1971 à [Localité 7] (38)
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE [Localité 5], Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Mourad REKA, Plaidant, avocat au barreau de VALENCE
INTIMÉE :
SAS CONDUENT BUSINESS SOLUTIONS
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me André DERUE de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de LYON
Représentée par Me Georges POMIES RICHAUD, Postulant, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 05 Avril 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l’audience publique du 19 Avril 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 21 Juin 2022
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 21 Juin 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Mme [Z] [R] a été embauchée par la société Xerox Business Solutions aux droits de laquelle se trouve la Sas Conduent Business Solutions en qualité d’architecte système fonctionnel, suivant contrat à durée indéterminée du 17 octobre 2014 avec effet au 26 janvier 2015.
Suivant courrier du 1er décembre 2017, Mme [Z] [R] a été convoquée à un entretien préalable prévu le 13 décembre 2017 en vue d’une éventuelle mesure de licenciement.
Mme [Z] [R] a été licenciée par lettre recommandée du 19 décembre 2017.
Contestant le bien fondé du licenciement, Mme [Z] [R] a saisi le conseil de prud’hommes d’Annonay aux fins de condamner son employeur à diverses sommes indemnitaires.
Suivant jugement du 03 juin 2019, le conseil de prud’hommes d’Annonay a :
– condamné la Sas Conduent Business Solutions à payer à Mme [Z] [R] les sommes suivantes : 14 157 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit qu’il n’y a pas lieu à exécution provisoire autre que celle de droit,
– fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à 4 044,95 euros,
– mis les dépens à la charge de la Sas Conduent Business Solutions,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Suivant déclaration envoyée par voie électronique le 1er juillet 2019, Mme [Z] [R] a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 04 juin 2019.
Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 05 avril 2022 et a fixé l’affaire à l’audience du 19 avril 2022 à laquelle elle a été retenue.
Dans ses dernières écritures récapitulatives, Mme [Z] [R] conclut à l’infirmation partielle du jugement dont appel et demande à la cour de :
– infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :
– condamné la Sas Conduent Business Solutions à lui payer la somme de 14 157 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– l’a déboutée du surplus de ses demandes et dit qu’il n’y a pas lieu à exécution provisoire autre que celle de droit,
Statuant à nouveau,
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Annonay du 3 juin 2019 en ce qu’il a jugé que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse,
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Annonay du 3 juin 2019 en ce qu’il a condamné la Sas Conduent Business Solutions à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dire et juger que son préjudice suite à son licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être réparé en tenant compte de sa situation par l’allocation d’une indemnité suffisante et appropriée,
– dire et juger que l’indemnité prévue à l’article L. 1235-3 du code du travail est inadéquate au regard de sa situation et de la réalité de son préjudice et que son préjudice doit faire l’objet d’une appréciation in concreto,
– condamner la Sas Conduent Business Solutions à lui payer la somme de 32 359,60 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– dire et juger que l’employeur n’a pas exécuté loyalement le contrat de travail, ce qui lui a occasionné un préjudice distinct,
– condamner la Sas Conduent Business Solutions à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– débouter la Sas Conduent Business Solutions de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires et de tout appel incident,
– condamner la Sas Conduent Business Solutions à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de 1ère instance et d’appel,
Sur l’appel incident de la Sas Conduent Business Solutions :
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Annonay du 3 juin 2019 en ce qu’il a jugé que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse,
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Annonay du 3 juin 2019 en ce qu’il a condamné la Sas Conduent Business Solutions à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dire et juger que son préjudice suite à son licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être réparé en tenant compte de sa situation par l’allocation d’une indemnité suffisante,
– condamner la Sas Conduent Business Solutions à lui payer la somme de 32 359,60 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– dire et juger que l’employeur n’a pas exécuté loyalement le contrat de travail, ce qui lui a occasionné un préjudice distinct,
– condamner la Sas Conduent Business Solutions à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– débouter la Sas Conduent Business Solutions de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires et de son appel incident,
– condamner la Sas Conduent Business Solutions à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Elle fait valoir :
– que le le barème retenu par le conseil de prud’hommes est contraire à la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail et à la Charte sociale européenne ratifiés par la France, qu’il appartient au juge d’apprécier souverainement l’étendu du préjudice du salarié et le cas échéant de laisser inappliqué le barème, que l’indemnisation qui lui a été accordée par la juridiction prud’homale, sans aucune appréciation de sa situation, est minimale et insuffisante,
– il est constant que l’employeur n’a pas respecté l’ensemble de ses obligations contractuelles lors de la conclusion du contrat de travail, de son exécution et lors de la rupture en lui ajoutant une mission complémentaire sans lui fournir les moyens nécessaires pour l’exécuter correctement, qu’il l’a privée illégitimement de son emploi pour des motifs artificiels, que le conseil de prud’hommes caractérise la mauvaise foi de l’employeur dans l’exécution du contrat de travail mais n’en a pas pour autant tiré toutes les conséquences,
– la Sas Conduent Business Solutions croit pouvoir remettre en cause le jugement du conseil de prud’hommes en demandant de dire et juger que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, cependant :
– le grief selon lequel elle aurait fait preuve d’agressivité et aurait adopté une attitude hostile ne repose que sur les seules allégations de M. [M], son supérieur hiérarchique, que toutefois à aucun moment l’employeur n’a émis de plainte à son encontre pour ces prétendus faits, qu’au contraire, l’entretien d’évaluation passé le 26 janvier 2016 fait état d’une salariée assidue qui a réalisé tous ses objectifs, notamment quant à la mise en conformité des systèmes de la société avec les exigences de la Cnil,
– le grief relatif à un dénigrement de son employeur ne repose également sur aucun fondement ; elle conteste avoir tenu des propos dénigrants, excessifs ou diffamatoires à l’encontre de son responsable hiérarchique, les propos rapportés par « les témoins » sont sortis de leur contexte pour tenter de leur donner une signification agressive, pour les besoins de la cause,
– elle conteste avoir refusé de réaliser les tâches demandées, ce qui aurait dû l’exposer à un licenciement pour faute ou à des sanctions disciplinaires, ce qui n’a pas été le cas ; elle reproche à l’employeur de procéder à une lecture sélective de ses propres pièces ; elle conteste également la prétendue remise en cause des décisions de l’employeur alors qu’il n’est pas discuté ni discutable que le travail technique d’ingénieur System était de bonne qualité,
– l’allégation de l’employeur selon lequel suite à l’arrêt maladie de M. [M], le manager adjoint du service lui aurait expliqué à son retour qu’il était difficile de travailler avec elle est fausse,
– que contrairement à ce que prétend la société, un ingénieur fonctionnel n’est pas compatible avec une fonction de référent Cnil qui est différent d’un correspondant Cnil qui est doté par la législation de plus de moyens pour faire respecter les recommandations de la commission, qu’elle n’était pas la seule ingénieur système fonctionnel mais était la seule référente Cnil, que cette nouvelle fonction lui a été ajoutée après son embauche, sans avenant à son contrat de travail et sans formation, que contrairement à ce que prétend l’employeur, la mission ainsi confiée n’a jamais été confiée à un architecte fonctionnel système puisqu’elle était effectuée par le chef de service, que son niveau hiérarchique ne lui permettait pas d’appréhender cette fonction et de faire appliquer les recommandations de la Cnil à son chef de service, d’où les difficultés rencontrées avec M. [M] qui s’est désintéressé de ces problématiques ; elle conteste avoir refusé d’accomplir les tâches demandées par M. [V] qui a succédé à M. [M] fin 2017 ; l’appel par la société à un prestataire extérieur démontre la lourdeur de sa tâche,
– elle conteste avoir eu une quelconque crainte quant à des sanctions de la Cnil à son encontre, toute éventuelle sanction concernant l’entreprise et non le salarié, qu’elle a simplement attiré l’attention de son employeur sur les conséquences lourdes en cas de manquements aux règles en la matière,
– sur le projet Seamless, elle a porté de nombreuses solutions techniques, qu’elle n’a jamais eu de reproches de la part des développeurs et des clients internes et surtout du chef de projet, que l’employeur prétend que les griefs à son encontre concernaient également ce projet alors que l’équipe de validation ne comportait qu’une personne et qu’elle avait reçu les remerciements de Mme [Y], décideur de ce projet, pour sa mise en place.
Dans ses dernières écritures récapitulatives, la Sas Conduent Business Solutions conclut à la confirmation partiel du jugement dont appel, forme appel incident et demande à la cour de :
A titre principal,
– dire et juger que le licenciement de Mme [Z] [R] repose sur une cause réelle et sérieuse,
– dire et juger que l’employeur a loyalement exécuté le contrat de travail liant les parties,
– débouter en conséquence Mme [Z] [R] de toutes ses demandes,
– condamner Mme [Z] [R] à lui régler la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire, si la cour venait à entrer en voie de condamnation,
– faire application des dispositions de l’article L1235-3 du code du travail dans leur rédaction applicable aux faits de l’espèce.
Elle fait valoir que :
– Mme [Z] [R] a eu une attitude agressive et hostile à l’égard de son supérieur hiérarchique et de certains collaborateurs de l’entreprise, que la prolongation de la période d’essai a été motivée en grande partie par ce comportement,
– Mme [Z] [R] a remis en cause les décisions de l’entreprise, que ses supérieurs hiérarchiques, M. [M] puis M. [V] ont rencontré des difficultés pour faire réaliser les tâches qui lui étaient demandées, que le dossier Cnil n’a pas ajouté de la charge de travail car il était prévu dans les plans de charges, qu’à aucun moment Mme [Z] [R] a demandé d’arbitrage pour définir des priorités dans ses tâches,
– il n’a jamais été demandé à Mme [Z] [R] de prendre des responsabilités qui n’étaient pas les siennes,
– les mêmes problématiques ont été relevées dans d’autres domaines, notamment le projet ‘seamless’,
– à la date du licenciement était applicable l’article L1235-3 du code du travail, qu’elle avait à la date de la notification du licenciement une ancienneté inférieure à 3 ans, que l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est comprise entre 3 mois et 3,5 mois de salaire bruts, que cette indemnité ne peut donc légalement représenter 8 mois de salaire,
– contrairement à ce que soutient Mme [Z] [R], elle a agi avec la plus parfaite loyauté à son égard, et a tenté à plusieurs reprises de solutionner des difficultés relationnelles dont seule la salariée était responsable,
– si la Cour de cassation a consacré un effet direct horizontal concernant la convention n°158 de l’OIT, et qu’elle a reconnu un effet direct à divers articles de la Charte sociale européenne, elle ne s’est pas prononcée au sujet de l’article 24 lequel évoque expressément les modalités de mise en oeuvre devant obligatoirement être mises en place par les Etats signataires pour permettre leur effectivité, de sorte que cet article n’est pas opposable à une personne privée mais uniquement à l’Etat, qu’en droit interne, seul un agent de la fonction publique dans un litige contre l’Etat ou un de ses organes de puissance publique, en sa qualité d’employeur, peut se prévaloir de cette disposition devant le juge administratif,
– le principe du plafonnement n’est pas en soi non-conforme car ni l’article 10 de la Convention de l’OIT ni l’article 24 de la Charte sociale européenne ne l’interdisent, que le système français d’indemnisation prend en considération la question de la réparation ‘appropriée’ du préjudice dans tous les cas, en écartant dans certaines hypothèses le plafonnement des indemnités prud’homales, que l’article 10 ne permet donc pas de censurer le texte français, qu’il est donc injustifié de prétendre que l’article L1253-3 plus favorable que beaucoup de législations étrangères, serait contraire à cette Convention.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens de parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l’audience.
MOTIFS :
Sur le licenciement de Mme [Z] [R] :
La lettre de licenciement du 19 décembre 2017 qui fixe les limites du litige, énonce les griefs suivants :
‘Suite à notre entretien qui s’est tenu le 13 décembre 2017, nous vous informons de notre décision de vous licencier pour les motifs suivants :
Le 1er décembre 2017, après que votre responsable hiérarchique, [L] [M], vous ait convié à un entretien programmé avec lui, vous avez répondu sur un ton agressif qui l’a conduit à nouveau à évoquer la difficulté à travailler avec vous du fait de votre attitude hostile et des conséquences que cela entraînait, état de fait qu’il avait eu à vous signaler à plusieurs reprises notamment lors de la prolongation de votre période d’essai ainsi que lors de votre entretien annulé pour l’année 2016.
En réponse à la question de M. [M] visant à trouver une solution pour revenir à une situation de travail satisfaisante, vous lui avez répondu que tout était de sa faute et qu’il avait toujours oeuvré à vous mettre des points de blocage.
Cet événement additionné aux nombreux autres incidents qu’il a eu à gérer avec vous ne fait malheureusement que confirmer les difficultés relationnelles que vous entretenez avec votre manager, lesquelles sont notoires au sein de l’équipe, ce que vous n’avez pas contesté lors de l’entretien préalable du 1er décembre. Ces difficultés ont notamment pour manifestation directe votre remise en cause des décisions de l’entreprise, portées par votre responsable hiérarchique.
En effet, dès lors que les décisions prises par l’entreprise passent outre vos recommandations, vous imposez d’être déchargée de leur application.
Cela a notamment été le cas pour les dossiers Atlas Fleet et la Cnil à plusieurs reprises.
Suite à votre remise en cause des décisions prises sur la gestion des priorités des différents dossiers à votre charge, votre responsable a dû vous rappeler le 31 octobre qu’il était en charge de fixer les priorités lorsque des contradictions apparaissaient entre les dossiers.
Il a été également constaté votre refus de porter des sujets ne concernant pas votre responsable hiérarchique mais un de ses pairs à qui vous deviez rendre des comptes. Pour exemple, le dossier de gestion des réquisitions du projet ‘[Localité 6]’ où le manager de service en question a dû vous expliquer qu’il ‘s’agissait au niveau management et non au niveau opérationnel’ et qu’il pouvait ‘aider à fluidifier les rencontres entre opérationnels, qui conduisent à prendre des actions, mais son apport sur le sujet [Localité 6] s’arrêtait à ce niveau, le reste à faire relevant de la sphyère projet pour [Localité 6], dont (vous étiez) porteuse d’action’. Ces exemples ne constituent pas une liste exhaustive mais démontrent de la difficulté de collaborer avec vous et du climat que cela engendre.
La médiation réalisée en février 2017 par le directeur de l’unité gérée par votre responsable hiérarchique, n’a pas permis d’améliorer cette situation. Il vous a d’ailleurs, à cette occasion, été rappelé que l’exécution des tâches demandées par votre responsable hiérarchique était de l’essence même de votre contrat de travail.
Par ailleurs, lors de son absence prolongée pour maladie entre fin mai et fin juillet 2017, le manager adjoint du service a pris le relai et lui a expliqué à son retour combien il était difficile d’avancer sur les sujets avec vous du fait de vos positions négatives à l’égard des solutions et décisions de l’entreprise. L’autre manager de service avec lequel vous collaboriez sur les dossiers Cnil a également partagé ce constat.
Enfin, vous n’hésitez pas à dénigrer votre responsable hiérarchique auprès de ses pairs ou d’autres collaborateurs de l’entreprise, au point de le qualifier directement ou par sous-entendu, selon l’interprétation que l’on veut bien y donner de ‘psychorigide’. Ces différents propos, excessifs pour le moins, diffamatoires pour d’autres constituent un dénigrement public alors que ce dernier s’est toujours gardé de vous mettre en cause publiquement.
Après vous avoir posé à deux reprises la question de savoir comment vous envisagiez une nouvelle conciliation, nous vous avons fait part de notre souhait de trouver une solution. Nous vous avons d’ailleurs expliqué qu’à ce jour, malgré nos recherches jusqu’au jour de l’entretien préalable, aucune n’avait été trouvée en raison de la difficulté qu’il y avait de vous faire appliquer les décisions de l’entreprise.
En retour, vous nous avez indiqué que de votre côté que le lien de confiance avec l’entreprise était rompu.
Les explications données lors de cet entretien ne nous ont pas donné l’assurance de votre part de vouloir remédier à cette situation et nous conduisent à prendre la décision de votre licenciement..’
La Sas Conduent Business Solutions produit aux débats à l’appui des griefs invoqués dans la lettre de licenciement :
– une attestation établie par M. [T] [V], directeur des opérations digitales chez Skipper technologies, qui certifie que ‘ lors de rencontres avec Mme [Z] [R], celle-ci exprimait régulièrement une difficulté majeure : celle d’endosser la charge de responsable au regard de la Cnil, alors que l’entreprise Conduent n’avait aucune préoccupation à ce sujet….Lors de discussions avec Mme [Z] [R], celle-ci présentait de l’animosité envers [L] [M]. Elle le qualifiait de ‘va-t-en-guerre’, indiquant qu’il imposait ses idées et sa manière de faire. Elle indiquait que sur les sujets Cnil, [L] [M] privilégiait l’axe financier. Elle affirmait qu’il ne lui avait pas donné les moyens de bien exercer sa fonction, en particulier sur le refus de participer à un séminaire auquel des représentants de la Cnil étaient présents, ainsi que l’accès à une assistance auprès de l’Axil au lieu de contacter directement la Cnil… Mme [Z] [R] rencontrait des difficultés à faire passer ses messages auprès des équipes de développement, cette décision devait permettre de confronter ses analyses avec un expert externe. [L] [M] avait refusé que Mme [Z] [R] participe à un séminaire auquel des représentants de la Cnil étaient présents…avait demandé à Mme [Z] [R] de me contacter pour que je pose ses questions mais elle ne le fit pas.
Sur le projet billettique pour [Localité 6] Métropole traité en novembre 2017…j’avais assigné certaines de ces actions à Mme [Z] [R] qui m’a fait en retour une fin de non-recevoir. Elle indiquait que j’avais initié la réunion de travail et que ces actions m’étaient donc assignées et non à elle…Elle ne semblait pas bien vouloir assumer son positionnement et ce qui était attendu d’elle’,
– un courrier de la responsable des ressources humaines de la société Xerox Business Solutions du 27 avril 2015 adressé à Mme [Z] [R] dont l’objet est le renouvellement d’une période d’essai, qui mentionne ‘…la période d’essai de 4 mois…ne nous a pas permis de conclure avec certitude à votre aptitude à remplir les fonctions envisagées…’,
– une fiche de suivi de période d’essai datée du 09 juillet 2015 qui mentionne que ‘[Z] a rencontré quelques difficultés au début pour s’adapter aux méthodes et organisations de Xerox…il lui est demandé de continuer ses efforts d’intégration et de montée en compétence en billettique. [Z] doit continuer à travailler la forme dans sa communication car même si le fond est bon, les idées pourraient avoir du mal à passer avec les équipes. La critique est toujours difficile à accepter, mieux vaut l’enrober…’
– les comptes rendus des entretiens d’évaluation et de progrès du 09 juillet 2015 et du 26 janvier 2016 où il est relevé au paragraphe ‘collaboration et qualité des relations’ ‘[Z] sait travailler en équipe. Malgré des projets, [Z] doit continuer à travailler sa communication qui pourrait ‘heurter’ certaines personnes. Il fait éviter de noircir le tableau pour éviter toute démotivation ou rejet de la part de ses interlocuteurs. Le système est certes plein d’anomalies mais cela est essentiellement dû à un historique chargé de complexités demandées par les clients. Bien essayer de comprendre pourquoi certaines décisions ont été prises avant de les ‘condamner’,
– une attestation établie par M. [W] [N] qui se présente comme directeur de bureau d’études de la société Conduent de novembre 2016 à mars 2018, engagé dans le cadre d’une mission de management de transition, selon laquelle ‘j’ai été le représentant hiérarchique de M. [L] [M] et j’ai eu à connaître et intervenir pour l’aider à remonter des difficultés de management avec Mme [Z] [R], de deux ordres :
– remise en question régulière et problématique de la compétence de M. [M] par Mme [Z] [R],
– refus répétés d’exécuter les tâches ordonnées par M. [L] [M],
j’ai rencontré sur ce sujet Mme [Z] [R] à deux reprises…je l’ai encouragée à s’appliquer à exécuter promptement les instructions de son supérieur,
– en présence d'[L]…pour exprimer à nouveau ma réprobation et mon exigence de voir l’entreprise fonctionner normalement. J’ai constaté par la suite que malgré ces deux tentatives qui s’ajoutaient aux démarches faites pr M. [M] et son adjoint… Mme [Z] [R] ne variait pas dans son attitude. Après plusieurs semaines Mme [Z] [R] a été mise à pied et licenciée à l’issue de la procédure disciplinaire que j’ai soutenue’,
– un courriel que M. [L] [M] a adressé à Mme [Z] [R] le 28 juin 2017 qui indique ‘l’augmentation que je t’ai octroyée reflète la situation d’avril 2016 à avril 2017. Elle prend en compte les difficultés relationnelles rencontrées avec ton manager et certains collaborateurs mais également les bons travaux réalisés pour Seamless…’,
– des échanges de courriels datés de septembre/octobre/novembre 2016 se rapportant à la création d’une cellule Cnil/sécurité au bureau d’études qui a ‘pour vocation d’analyser les éventuelles failles réglementaires ou sécuritaires sur les projets et de proposer des solutions’, dans laquelle est intégrée Mme [Z] [R] pour l’ingénierie système en charge du volet réglementaire Cnil/Règlement européen et exigences sur les données sensibles dans le RGS (référentiel général de sécurité),
– un rapport d’information sur l’activité billettique au regard de la Cnil,
– des échanges de courriels datés de 2017 entre Mme [Z] [R] et M. [L] [M] desquels il ressort que :
– la salariée souhaite se désengager des dossiers Cnil ‘je m’arrête là, je termine les sujets Cnil en cours avant le Fic et tu reprends le sujet Cnil ou si tu veux [T]’, ‘Je termine les sujets ouverts Cnil que je traitais avant le Fic et je te laisse t’occuper de ce sujet’, ‘il y a un problème d’interprètation/de communication, si [H] est vraiment demandeur de cette tâche, je préfèrerais qu’il planifie cette réunion au vue de son emploi du temps. Bref comme tu insistes toi! Je replanifie la réunion. Mais je donne quand même mon avis sur la chose : personne ne m’a aidé pour le COL383 et si à chaque fois qu’il y a des aspects Cnil dans un projet, on se décharge sur la seule personne qui a eu la malchance d’avoir un jour rédigé un Col, il y a aucune chance que la Cnil devienne un réflex dans un projet même pour un IS. De plus bloquer deux personnes à temps complet pour de la lecture collective alors que l’on sait très bien que dans un process classique, il faudrait une relecture donc encore y revenir et reprendre du temps. La solution la plus pertinente aurait à mon sens était que l’IS du projet prenne en charge le Col et en fin de rédaction, le soumette pour relecture à une personne ‘expérimentée’.
Les explications de [H] étaient très claires : il n’ a pas le temps (je comprends d’autant plus que moi aussi).
La forme n’est pas heureuse (mais c’est comme cela) car la réunion était planifiée depuis deux semaines et l’annulation est arrivée le vendredi en fin d’après midi pour le lundi matin.
Ce qui est en revanche désagréable c’est que tu rajoutes des justifications que personne ne t’a demandées et qui en plus semblent fausses. Une nécessité ‘
Pour clôturer la chose, je rappelle que je t’ai demandé de ne plus être référent Cnil par 3 fois et que tu as refusé à chaque fois. Ma demande n’est pas close pour autant. Une tâche s’accompagne de moyen de pouvoir l’accomplir et mon constat est toujours le même : je n’ai pas de moyen et suis systèmatiquement bloquée par ta vision des choses trop partiales. Ça ne peut pas marcher de cette façon…Mais au vu de tes décision et tes prises de position, c’est bien à ce niveau que les choses devraient être gérées…ton attitude de blocage a malheureusement eu des incidences sur un autre sujet…qui revient sur le tapis…’,
– M. [L] [M] rappelle sa position de supérieur hiérarchique ‘il est bien entendu de ta responsabilité de me rendre compte immédiatement de toute contradiction entre mes instructions et les orientations que te donnerait un chef de projet dans le cadre de tes affections. Il m’appartiendra alors de les gérer. Ton dernier message n’est pas de cette nature. Tu as reçu mes instructions et tu me rendras compte de leur exécution dans les délais demandés’,
– une attestation établie par M. [K] [P] qui se présente comme adjoint au chef de service Ingénierie fonctionnelle qui indique qu’il a ‘dû monter le ton une fois avec Mme [Z] [R] durant l’absence de M. [M] (entre mai et juillet 2017) du fait d’une attitude contre productive en lui rappelant que nous attendions d’un ingénieur un minimum d’autonomie et des propositions en vue de trouver des solutions acceptables en faisant des compromis entre un idéal inatteignable et les contraintes économiques cet de délai. A partir de septembre 2017 lors de réunions en présence de Mme [Z] [R] et M. [M] (ce dernier) m’avait demandé d’être présent pour tenter de faire baisser la tension palpable. Mme [R] m’avait aussi fait part de ses difficultés à communiquer avec M. [M], ce qui se traduisait pas un rejet quasi systématique des propositions de M. [M].’
Les seuls éléments ainsi communiqués n’établissent pas que :
– Mme [Z] [R] ait adopté lors de son entretien du 1er décembre 2017 un ton agressif à l’encontre de M. [M], en l’absence de témoignage autre que celui de M. [L] [M] ;
– Mme [Z] [R] a dénigré son employeur : la lettre de licenciement fait référence à des difficultés relationnelles notoires, mais les attestations que la Sas Conduent Business Solutions produit aux débats, si elles mettent en évidence des problèmes de communication entrela salariée et son supérieur hiérarchique, elles ne sont pas suffisamment circonstanciées et détaillées pour connaître précisément les raisons de ces difficultés ; les échanges de courriels démontrent que Mme [Z] [R] peut se positionner vis-à-vis de M. [M] de façon tranchée mais que les réponses qu’elle apporte aux questions qui lui sont posées ou à ses demandes sont systématiquement argumentées et que le ton utilisé, s’il est incisif, ne peut cependant en aucun cas être qualifié de dénigrant ; la lettre de licenciement mentionne de nombreux incidents que M. [M] aurait eu à gérer, sans pour autant être listés précisément et datés, de sorte que Mme [Z] [R] n’a pas été en mesure d’y répondre utilement ; les attestations de M. [T] [V] et de M. [N] sont également peu circonstanciées ; la fiche de suivi de la période d’essai préconisait la poursuite des efforts d’intégration de Mme [Z] [R] sans pour autant que ce comportement ait pu être considéré comme rédhibitoire puisqu’elle a bénéficié d’un contrat à durée indéterminée ; ils ne démontrent pas non plus que Mme [Z] [R] ait adopté une ‘forme’ dans la communication inadaptée à l’égard de son supérieur hiérarchique et de ses collègues ;
– Mme [Z] [R] ait eu l’intention de ruiner la réputation de son supérieur hiérarchique auprès d’autres salariés ; si la salariée ne pouvait abuser de sa liberté d’expression par des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, force est de constater qu’en l’espèce, ce grief n’est étayé par aucun élément, tout comme les propos diffamatoires que la salariée aurait tenus à l’encontre de sa hiérarchie ou de collègues, étant précisé que Mme [Z] [R] n’a fait l’objet d’aucun avertissement antérieur à son licenciement pour ces motifs ; il convient par ailleurs de rappeler que les appréciations qu’un cadre peut être amené à émettre, même si elles dénotent un désaccord avec la direction, ne peuvent pas légitimer un licenciement fondé sur la déloyauté de l’intéressé ou l’exercice abusif de son droit d’expression, dès lors qu’il s’est abstenu de tout propos injurieux ou diffamatoire,
– Mme [Z] [R] ait adopté une attitude hostile à l’égard de l’entreprise en remettant en cause systématiquement ses décisions ; le fait qu’elle soit en désaccord avec sa hiérarchie sur certains sujets d’étude ne peut manifestement pas être assimilé à une attitude hostile ou de défiance à l’égard de la société, alors qu’il ressort des échanges de courriels que son positionnement est suivi habituellement d’une argumentation précise ; par ailleurs lors de son évaluation de 2016 il est noté notamment que ‘[Z] respecte les décisions des projets et de son CDS’, qu’elle ‘a participé à plusieurs réunions de travail en IS et en a fait part de ses idées d’amélioration’ ; ces commentaires semblent aller à l’encontre des griefs invoqués à l’encontre de Mme [Z] [R] dans la lettre de licenciement ; l’attestation de M. [N] selon laquelle celle-ci aurait fait preuve d’attentisme alors qu’un ingénieur doit pouvoir proposer des solutions, est en contradiction également avec les échanges de courriels qui font état au contraire d’une réactivité importante de Mme [Z] [R] pour avancer des solutions dans certains projets ‘c’est parfait. Merci de terminer selon ce format; c’est une véritable check list de ce que nous avons à faire’ (M. [N]) ; par ailleurs, il n’est pas sérieusement discuté que Mme [Z] [R] a été référente Cnil, que cette tâche prenait 20% de son temps de travail, que si elle avait reçu une formation dans laquelle elle s’était investie ‘la formation s’est très bien passée…surtout pour appréhender le contexte Cnil et la situation très particulière de Xerox’ ( courriel envoyé par Mme [Z] [R] ) , elle n’avait pas nécessairement obtenu tous les moyens pour faire face à cette nouvelle tâche, ‘[Z] est notre référente principale sur ces sujets. [S] est en phase de montée en compétence afin de renforcer [Z] dans ce domaine’ (courriel envoyé par M. [T] [V] le 17 novembre 2017), que malgré cette situation, Mme [Z] [R] s’est investie dans ces nouvelles fonctions comme le démontre les commentaires figurant sur sa fiche d’évaluation du 26 janvier 2016 ‘[Z] a fait un travail important de mise en conformité de notre système avec les exigences de la Cnil’ ; concernant le projet Atlas Flit, la Sas Conduent Business Solutions n’apporte aucun élément de nature à étayer les griefs invoqués à l’encontre de la salariée.
C’est donc à bon droit que les premiers juges ont jugé que le licenciement de Mme [Z] [R] est dénué de cause réelle et sérieuse.
Sur la demande d’indemnisation de Mme [Z] [R] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
L’article L1235-3 du code du travail dans sa version issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, en vigueur du 24 septembre 2017 au 1er avril 2018 dont les dispositions sont applicables aux licenciements prononcés postérieurement à la publication de ladite ordonnance, dispose que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous…Pour déterminer le montant de l’indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l’occasion de la rupture. Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L1235-12, L1235-13, L1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au présent article.
En application de ces dispositions l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mise à la charge de l’employeur ne peut excéder au regard de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise et au montant de son salaire brut, le montant maximal fixé par ce texte exprimé en mois de salaire brut.
L’ordonnance no 2017-1387 du 22 septembre 2017 fixe un montant minimum et maximum des dommages et intérêt que le juge peut accorder au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse et qui n’est pas réintégré dans l’entreprise et s’imposent donc au juge.
Le Conseil constitutionnel ( 21 mars 2018, déc. n° 2018-761 DC) et le Conseil d’État (7 déc. 2017, n° 415243) ont validé ce barème et saisie pour avis la Cour de cassation, réunie en formation plénière, a considéré qu’il répondait à l’exigence de réparation « adéquate » et « appropriée », posée par l’article 10 de la Convention no 158 de l’OIT ( 17 juill. 2019, n° 15012 et 15013).
En l’espèce, Mme [Z] [R] se référant à un salaire moyen de 4 044,95 euros, non contesté, demande à la cour d’écarter l’application du barème d’indemnisation prévu par l’article L.1235-3 du code du travail, comme contraire à l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT et à l’article 24 de la Charte sociale européenne et sollicite la somme de 32 359,60 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur soutient de son côté à titre subsidiaire que l’indemnité doit s’inscrire dans le barème légal, soit entre 3 et 3,5 mois de salaire.
Selon l’article 10 de la Convention internationale du travail n° 158 sur le licenciement de l’Organisation internationale du travail, qui est d’application directe en droit interne, si les organismes mentionnés à l’article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.
Le terme ”adéquat” doit être compris comme réservant aux Etats parties une marge d’appréciation.
Il en découle que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail qui prévoient une modulation de l’indemnité entre un minimum et un maximum, et la possibilité d’écarter le barème en cas de nullité du licenciement, sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n 158 de l’OIT.
A l’appui de sa demande d’indemnisation, Mme [Z] [R] produit :
– une attestation de pôle emploi du 08 juillet 2018 qui indique qu’au 09 avril 2018 elle a été admise au bénéfice de l’allocation d’aide au retour à l’emploi, qu’au 30 juin 2018, elle a bénéficié de 35 allocations journalières et qu’elle peut éventuellement prétendre à 695 jours d’indemnisation,
– des attestations de paiement de l’allocation chômage de 1 994,40 euros au 02 juillet 2018 de 2 133 euros au 1er février 2022 et de 1 926,68 euros au 02 mars 2022,
– deux quittances de loyer d’août et septembre 2019 d’un montant de 815,46 euros, un rendez-vous relatif à un accompagnement ‘valoriser son image pro’ fixé le 28 février 2022,
– une attestation de fin de formation intitulée ‘écrire et présenter un scénario de fiction’ du 29 mars au 10 avril 2021.
Les éléments ainsi produits ne sont pas de nature à écarter l’application du barème résultant de l’article L.1235-3 susvisé.
Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [Z] [R], de son âge 50 ans, de son ancienneté 3 ans et 2 mois, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme qui a été justement retenue par les premiers juges, soit celle de 14 157 euros bruts à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à 3,5 mois de salaire.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris sur ce point.
L’application de l’article L.1235-3 du code du travail appelle celle de l’article L.1235-4 dans sa version en vigueur issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, dans les cas prévus aux articles L.1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L.1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif à Pôle Emploi de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.
Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
En l’espèce, compte tenu de l’effectif de la société, supérieur à 11 salariés et de l’ancienneté de Mme [Z] [R] supérieure à deux ans, il y a lieu d’ordonner ce remboursement dans la limite de deux mois d’indemnité.
Sur la demande de dommages et intérêts présentée par Mme [Z] [R] pour exécution déloyale du contrat de travail :
Selon l’article L1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
En l’espèce Mme [Z] [R] prétend que la Sas Conduent Business Solutions n’a pas respecté l’ensemble de ses obligations contractuelles en lui ajoutant une mission complémentaire sans lui fournir les moyens nécessaires pour la priver ensuite illégitimement de son emploi pour des motifs artificiels.
Au vu des éléments produits aux débats il apparaît que si la fonction de référent Cnil ne figure pas dans le contrat de travail ou dans un avenant au contrat de travail alors que seule la fonction de ‘correspondant Cnil’ qui a été instituée par le décret n°2005-1309 du 20 octobre 2005, il n’en demeure pas moins, d’une part, que ces fonctions étaient compatibles avec les tâches pour lesquelles Mme [Z] [R] a été embauchée en qualité d’ ‘architecte système fonctionnel’ comme le démontre la Sas Conduent Business Solutions par la production du document intitulé ‘guide architecte fonctionnel système’, d’autre part, que la salariée n’a manifestement pas été opposée dans un premier temps à exercer ces fonctions après avoir suivi une formation spécifique dans ce domaine, par ailleurs qu’elle devait être secondée dans la réalisation de cette tâche par un autre salarié qui ‘était en montée de compétence’ , enfin qu’elle n’a pas été licenciée pour avoir refusé d’exercer cette nouvelle tâche de ‘référent Cnil’.
Mme [Z] [R] ne rapporte pas la preuve d’un comportement déloyal du contrat de travail et sa demande de dommages et intérêts à ce titre sera donc rejetée.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé également sur ce point.
PAR CES MOTIFS:
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud’homale et en dernier ressort;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Annonay le 03 juin 2019,
Y ajoutant,
Ordonne le remboursement par la Sas Conduent Business Solutions à Pôle Emploi des indemnités versées à Mme [Z] [R] des suites de son licenciement, dans la limite de deux mois d’indemnités versées,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne Mme [Z] [R] aux dépens de la procédure d’appel.
Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame OLLMANN, Greffière.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,