Diffamation : décision du 21 février 2019 Cour d’appel de Paris RG n° 17/03677

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Diffamation : décision du 21 février 2019 Cour d’appel de Paris RG n° 17/03677
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 5

ARRET DU 21 FEVRIER 2019

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/03677 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B23RE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Janvier 2017 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MELUN – RG n° F15/00730

APPELANTE

Madame K… W…

[…]

Représentée par Me Pierre FARGE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

La société ELYFORM

[…]

Représentée par Me Philippe SARFATI, avocat au barreau de PARIS, toque : R205

Représentée par Me Sylvie GUILLEVIC, avocat au barreau de PARIS, toque : E1935

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Décembre 2018, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Catherine BRUNET, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme BRUNET Catherine, présidente

M. MEYER Stéphane, conseiller

Mme MONTAGNE Isabelle, conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Philippe ANDRIANASOLO

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. prorogé à ce jour.

– signé par Mme Catherine BRUNET, Présidente de chambre et par Mme Nadia TRIKI, Greffière placée présent lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE

Madame K… W… Y… a été engagée par la société Elyform par un contrat de travail à durée déterminée du 18 août 2011 en qualité de vendeuse. Elle a été affectée au magasin de […]. Elle a été ensuite engagée par la société Prodis 3 en la même qualité par un contrat de travail à durée indéterminée du 1er décembre 2011, son ancienneté étant reprise et elle a été affectée au magasin de […]. Par avenant du 1er août 2013, elle a été mutée à la société Elyform et a été affectée au magasin de […]. A compter du mois d’avril 2014, elle a été affectée au magasin de […].

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du commerce et de l’ameublement.

La société Elyform occupait à titre habituel moins de onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 10 septembre 2015, Madame W… Y… a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Considérant notamment que la rupture de son contrat de travail dont elle a pris acte devait être requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, que des heures supplémentaires lui étaient dues ainsi qu’une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et des dommages et intérêts au titre de son préjudice moral, Madame W… Y… a saisi le conseil de prud’hommes de Melun qui, par jugement du 27 janvier 2017 rendu en formation de départage auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties l’a :

– déboutée de ses demandes ;

– condamnée à verser à la société Elyform la somme de :

* 3 775,40 euros (brut) au titre de préavis ;

* 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

outre le paiement des dépens.

Le conseil de prud’hommes a également :

– ordonné à la société Elyform de remettre à Madame W… Y… un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle Emploi ;

– rejeté la demande d’astreinte ;

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Madame W… Y… a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 9 mars 2017.

Par acte d’huissier délivré le 13 juin 2017, Mme W… Y… a fait citer directement M. Z… B… , gérant de la société Elyform, devant le tribunal correctionnel de Melun pour des faits de harcèlement moral, exécution d’un travail dissimulé par personne morale et mise en danger d’autrui.

Par jugement du 5 juillet 2017, cette juridiction a fixé le montant de la consignation à déposer par Mme W… Y… à la somme de 200 euros. Par jugement du 27 mars 2018, le tribunal correctionnel de Melun a reçu l’exception d’irrecevabilité soulevée par la partie poursuivie.

Mme W… Y… a interjeté appel de cette décision.

Dans le cadre de la procédure prud’homale, l’ordonnance de clôture est intervenue le 5 décembre 2018 et l’affaire a été examinée au fond à l’audience de la cour du 21 décembre 2018.

Avant toute défense au fond, suivant conclusions d’intimée en réponse n°4 signifiées par voie électronique le 4 décembre 2018, la société Elyform sollicite qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de la décision pénale, que soient écartées des débats les pièces 29 et 45 ou 39 produites par la salariée et retirés de ses conclusions tous les passages faisant référence à ces deux pièces, que soient déclarées irrecevables les demandes de Mme W… Y… formées à l’encontre de M. B… .

Par conclusions en réplique N°3 signifiées par voie électronique le 3 décembre 2018, Mme W… Y… soutient qu’il ne doit pas être sursis à statuer et que les pièces citées précédemment ne doivent pas être écartées des débats.

Sur le fond du litige, elle fait valoir qu’elle a été victime d’un harcèlement moral, que la rupture du contrat de travail dont elle a pris acte doit être requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu’elle a accompli des heures supplémentaires et que la société a dissimulé son emploi.

En conséquence, elle demande à la cour de :

In limine litis,

– dire et juger qu’elle s’oppose à la demande de sursis à statuer en attendant l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris,

– admettre la légalité de l’enregistrement au regard de l’évolution jurisprudentielle, et à ce titre admettre la recevabilité des pièces n°29 et 39,

Au fond,

– citer à la barre Madame D… F…, Messieurs T… A…, V… X…, U… P…, V… R… et G… O…,

– réformer le jugement rendu,

– condamner la société Elyform en violation des articles L. 1225-19, L. 4121-1 du code du travail en matière de congé maternité et d’obligation de sécurité de l’employeur,

– condamner la société Elyform en violation des articles L. 8221-1, L. 8221-5, L. 8223-1 du code du travailen matière de travail dissimulé,

– condamner la société Elyform en violation de l’article Lp. 3331-4 du code du travail en matière de retard de salaires,

– condamner la société Elyform en violation de l’article L. 1142-1 du code du travail en matière de discrimination,

En tout état de cause,

– dire et juger que la cour d’appel n’est pas compétente pour prononcer des sanctions pénales, et notamment qualifier la diffamation assortie de dommages intérêts stratosphériques,

– condamner la société Elyform en violation des articles L. 1152-1, L. 1152-2 et 1152-3 du code du travail en matière de harcèlement moral,

– requalifier la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de Madame W… en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Par conséquent,

– condamner l’employeur au paiement des sommes suivantes :

* 3 775,40 euros à titre de préavis,

* 1 541,46 euros à titre d’indemnité de licenciement,

* 39 635,4 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de rappel de salaire depuis le mois de septembre 2015, sans préjudice des congés payés afférents,

* 11 326, 20 euros à titre d’indemnité de travail dissimulé,

* 70 000 euros de dommages intérêts pour préjudice moral,

– dire que les sommes précitées à l’exception des dommages et intérêts porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur à l’audience de tentative de conciliation et dire que les intérêts seront capitalisés en application de l’article 1154 du code civil,

– ordonner le paiement de ces sommes en principal outre les intérêts légaux à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,

– interdire en conséquence pour une durée de cinq ans Monsieur B… de diriger, d’administrer, de gérer et de contrôler une entreprise en vertu de l’article L. 8224-3 du code du travail,

– condamner la société Elyform à 5 000 euros en première instance et 7 000 euros en appel au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens, émoluments et débours, conformément à l’article 696 du Code de procédure civile.

Sur le fond du litige, la société soutient qu’elle n’a pas commis les manquements allégués par Mme W… Y… de sorte que la rupture dont elle a pris acte produit les effets d’une démission.

En conséquence, elle demande à la cour de :

In limine litis,

– surseoir à statuer dans l’attente de l’arrêt qui sera rendu par la cour d’appel de Paris,

– écarter des débats le procès-verbal de constat établi par Maître I… le 2 novembre 2015 (pièce n°45 ou 39) ainsi que la pièce n°29 intitulée « Enregistrement vocal du 31 août 2015, cf. procès-verbal de constat en pièce n°38 »,

– enjoindre à Madame W… de supprimer dans ses conclusions tous les passages faisant référence à ces deux pièces,

– déclarer irrecevables les demandes de Madame W… à l’encontre de Monsieur B… ,

– dire et juger que la cour d’appel n’est pas compétente pour prononcer des sanctions pénales,

– déclarer irrecevable et mal fondée la demande tendant à voir citer à la barre Madame F…, Messieurs A…, X…, P…, R… et O…,

Sur le fond,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement de départage rendu par le conseil de prud’hommes de Melun du 27 janvier 2017,

– débouter Madame W… de ses entières demandes,

– débouter Madame W… de ses demandes d’indemnités de rupture,

– condamner Madame W… au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de deux mois de salaire, soit la somme de 3 775,40 euros,

– condamner Madame W… à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

– constater le caractère diffamatoire du paragraphe ainsi libellé page 9 des dernières conclusions de Madame W… « Le témoignage à la barre de Monsieur A…, le plus lourd contre Madame W…, promet d’être éloquent. Et pour cause, Monsieur B… propose des biens immobiliers de ses amis prometteurs à tous ses employés, auxquels il fournit des attestations et certificats en tous genres pour se voir accorder leur prêt puis les tenir à la gorge par le chantage pour ses faveurs, sans oublier la commission qu’il demande à chacun pour ses douteux services. »,

– en ordonner sa suppression,

– condamner Madame W… à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice causé par le caractère diffamatoire de ses propos.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions sus-visées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIVATION

Sur le sursis à statuer

A l’appui de sa demande de sursis à statuer dans l’attente de la décision pénale, la société Elyform soutient que le comportement de Mme W… Y… qui, en premier lieu a demandé le sursis à statuer pour ensuite s’y opposer, est déloyal et qu’elle se réserve le droit de déposer plainte pour dénonciation calomnieuse.

Pour s’opposer au sursis à statuer, Mme W… Y… fait valoir que le délai d’appel est de deux ans pour qu’il soit statué sur le moyen d’irrecevabilité retenu par le tribunal correctionnel de Melun et que par cette mesure, M. B… cherche à lui nuire.

Selon les dispositions de l’alinéa 3 de l’article 4 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 5 mars 2007, ‘La mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer directement ou indirectement une influence sur la solution du procès civil ‘.

Cependant, si ces dispositions n’imposent plus la suspension du jugement des actions civiles autres que celle de la partie civile, elles n’interdisent pas à la juridiction civile, saisie de telles actions, de prononcer le sursis à statuer jusqu’au prononcé définitif d’une action publique si elle l’estime opportun.

En l’occurrence, la cour est saisie d’une demande de requalification d’une prise d’acte de la rupture du contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’une demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé. Il est établi par les éléments communiqués que l’action pénale engagée par Mme W… Y… a été déclarée irrecevable par le tribunal correctionnel et que la procédure d’appel est en cours. Au surplus, la cour constate que la société Elyform ne fonde pas sa demande sur les dispositions de l’article 4 du code de procédure pénale mais en considérant qu’il est déloyal de la part de Mme W… Y… d’avoir sollicité le sursis à statuer ce qu’elle a accepté pour finalement y renoncer.

En conséquence, il n’est pas opportun de prononcer un sursis à statuer dans le cadre de l’instance en appel du jugement rendu le 27 janvier 2017 par le conseil de prud’hommes de Melun statuant en formation de départage.

Sur la demande de voir écarter des débats le procès-verbal de constat établi par maître I… le 2 novembre 2015 et les pièces afférentes

Il est établi que Mme W… Y… a enregistré l’entretien qui s’est déroulé avec son employeur le 31 août 2015 ce à son insu puis qu’elle a demandé à un huissier de justice de le retranscrire partiellement. Ce procès verbal de retranscription constitue la pièce 39 de son dossier.

La société Elyform soutient que l’enregistrement d’une conversation à l’insu de l’employeur est un procédé déloyal et illicite et ne constitue pas une preuve recevable en justice.

Mme W… Y… fait valoir que les juges doivent tenir compte de toutes les pièces produites par les parties et que la cour doit accepter cet enregistrement comme unique moyen de preuve qu’elle considère à ce titre comme parfaitement légal.

L’enregistrement d’un entretien effectué à l’insu de son interlocuteur auteur des propos invoqués, constitue un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue.

Dès lors, il y a lieu d’écarter des débats les pièces n°29 et n°39 produites par Mme W… Y… Les conclusions de Mme W… Y… ayant été déposées, il n’y a pas lieu de lui enjoindre de supprimer dans ses conclusions les passages faisant référence à ces deux pièces, la cour n’en tenant compte.

Sur l’irrecevabilité des demandes formulées à l’encontre de M. B…

La société Elyform soutient que la demande de Mme W… Y… aux fins d’interdiction pour M. B… de diriger, d’administrer, de gérer et de contrôler une entreprise pendant cinq ans en vertu de l’article L. 8224-3 du code du travail est irrecevable car celui-ci n’est pas dans la cause et que cette mesure constitue une sanction pénale qui ne peut être prononcée que par une juridiction pénale.

M. B… n’étant pas partie au litige, la demande formulée par Mme W… Y… à son encontre est irrecevable.

Sur la requalification de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Mme W… Y… soutient (page 5 de ses conclusions) que sa prise d’acte de la rupture de son contrat de travail doit être requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison des manquements de l’employeur à ses obligations empêchant la poursuite du contrat de travail.

Elle invoque un harcèlement moral caractérisé par plusieurs éléments.

La société fait valoir ne pas avoir manqué à ses obligations et soutient que cette prise d’acte doit produire les effets d’une démission.

La lettre de prise d’acte de la rupture du contrat de travail est ainsi libellée :

‘(….) En avril 2014, j’ai été mutée au magasin de […] au sein duquel je travaille toujours aujourd’hui (sans avenant au contrat de travail).

En janvier 2012, je vous ai annoncé être enceinte.

A compter de cette date, mes conditions de travail se sont dégradées.

Vous m’avez contrainte à travailler jusqu’à mon accouchement, soit jusqu’au dimanche 15 juillet 2012 alors que j’ai accouché le 16 juillet suivant.

Pendant toute ma grossesse, vous m’ avez contrainte à continuer à décharger les camions de livraison, à ranger les réserves et à déplacer les expositions.

J’ ai dû être arrêtée à plusieurs reprises pour des lombalgies et des contractions.

En septembre 2012, vous m’avez demandé à plusieurs reprises de venir travailler, bien que j’étais encore en congé maternité.

Vous avez eu régulièrement des propos déplacés sur la couleur de ma peau.

A 1’été 2014, il a fallu de nombreuses négociations avec vous pour que je puisse prendre enfin des vacances.

Vous m’avez adressé pendant mon congé deux lettres recommandées avec accusé de réception pour tenter de changer mes dates de congés, mais j’étais au GABON et ne les ai reçues qu’à mon retour.

En février 2015, j’ai perdu ma mère et j’ai dû me rendre au GABON pour son enterrement.

A mon retour, vous aviez installé au magasin de […] des caméras pour pouvoir procéder à la surveillance.

Vous avez fait en sorte que les caméras permettent également de surveiller mon poste de travail.

Vous ne m’avez fait signer aucune demande d’autorisation, et ne m’en avez pas avertie officiellement.

Vous n’avez eu de cesse depuis de commenter mes faits et gestes après visionnage des caméras.

Vous me demandez d’utiliser mon téléphone personnel pour traiter le service après-vente, et envoyer les propositions de financement.

Vous me reprochez également d’utiliser mon téléphone pendant le travail, ce qui est on ne peut plus paradoxal.

Vous continuez à me faire porter des charges extrêmement lourdes, à aider à la décharge des camions, à ranger la réserve et à déplacer les expositions, alors même que vous n’êtes pas sans ignorer que je souffre du dos.

Vous m’avez harcelé quotidiennement.

Par ailleurs, vous me réglez systématiquement mon salaire après le 13 du mois, me mettant dans une situation difficile.

Mes horaires de travail sont ceux du magasin, à savoir du mardi, jeudi, vendredi, samedi, de 10h à 19h30, et dimanche et lundi de 14h à 19h (congé le mercredi).

J’effectue donc 48h par semaine.

Vous avez toujours refusé de me payer les heures supplémentaires.

Tout mon temps de travail n’est pas déclaré.

Malgré des demandes répétées de ma part, vous avez toujours refusé que je prenne un congé un dimanche sur deux, alors même que l’effectif le permet, et que mes horaires de travail dépassent largement le temps réglementaire.

Vous me mettez une pression constante.

A chaque départ en congés, vous me culpabilisez, en disant que mes congés font perdre de l’argent à la société.

Vous me reprochez sans cesse que le chiffre d’affaires n’est pas suffisant.

Du 16 juillet au 16 août 2015, j’ai été en congés.

Avant mon départ, vous m’avez repris les clés du magasin.

Vous m’avez reproché de ne pas vous appeler pendant mes congés.

A partir du 17 août 2015, j’ai été en arrêt maladie jusqu’au 21 août 2015.

Cet arrêt de travail a été prolongé du 21 août au 30 août 2015.

Le 31 août, je me suis présentée à mon poste de travail, vous m’avez alors convoquée dans votre bureau, et vous m’avez indiqué que vous ne souhaitiez plus ma présence au sein de la société car vous préfériez me remplacer compte tenu de mon état de santé et mes lombalgies.

Depuis cette date, vous refusez que je reprenne mon poste de travail.

Je me suis encore présentée à mon poste de travail, le 1er septembre, et vous avez refusé que j’entre dans le magasin.

Puis, le 3 septembre dernier, alors que j’étais à mon poste de travail, vous m’avez convoqué dans votre bureau et m’avez indiqué que vous ne souhaitiez plus me voir, mais que vous alliez continuer à me payer pendant 4 mois le temps que je retrouve un emploi, mais que vous refusiez que je vienne travailler. Malgré vos menaces, je suis retournée à mon poste de travail, mais vous m’avez suivie et dans le magasin vous m’avez interdit de reprendre le poste.

Vous me mettez dans l’impossibilité absolue d’exercer mon travail.

Les conditions de la continuation de mon contrat de travail ne sont plus réunies.

Mon médecin m’a délivré un arrêt maladie le 4 septembre.

Il m’a été prescrit des anxiolytiques, des antidépresseurs et des somnifères.

Ma situation n’est plus tenable.

Je prends acte de la rupture par vos soins de mon contrat de travail.

Je vous remercie de bien vouloir m’adresser par retour un certificat de travail et l’attestation destinée au POLE EMPLOI.

Je vous informe saisir parallèlement le Conseil des Prud’hommes de MELUN.(…)’.

Lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.

Seuls peuvent être de nature à justifier la prise d’acte de la rupture, des manquements de l’employeur suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Il appartient au salarié de rapporter la preuve des manquements allégués et en cas de doute sur les faits, il profite à l’employeur.

Aux termes de l’article L. 1152-1 du même code, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Conformément aux dispositions de l’article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, il appartient au salarié d’établir des faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il juge utiles.

En l’espèce, Madame W… Y… fait valoir qu’elle a été victime de faits de harcèlement moral constitués par un travail pendant la grossesse et le congé maternité, des heures supplémentaires impayées, un retard de paiement des salaires, une absence de chauffage, un port de charges excessivement lourdes, un changement brutal d’affectation à répétition, une discrimination, un refus de délivrer un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi et une installation d’une télésurveillance.

Ces faits, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral.

Il incombe dès lors à la société de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Sur le travail pendant la grossesse et le congé maternité

Mme W… Y… expose qu’alors qu’elle était enceinte de son troisième enfant et que son congé maternité devait débuter le 1er juin pour se terminer le 29 décembre 2012, elle a dû travailler jusqu’au 15 juillet 2012 soit la veille de son accouchement et qu’elle a repris son activité professionnelle le 29 septembre 2012. Elle verse aux débats à ce titre des attestations et des bons de commande.

La société soutient que la salariée a été en congé du 16 juillet au 15 octobre 2012 de sorte que l’interdiction de travailler pendant 11 semaines a été respectée et que Mme W… Y… avait souhaité travailler jusqu’à la fin de sa grossesse.

Il résulte de l’article L. 1225-19 du code du travail que le congé de maternité de la salariée qui avait déjà deux enfants à charge, débutait huit semaines avant la date présumée de l’accouchement et se terminait dix huit semaines après la date de celui-ci. En outre, si elle pouvait renoncer ou abréger son droit à congé comme le soutient la société, elle ne pouvait le faire que dans les limites fixées par l’article L.1225-29 du même code à savoir 8 semaines au total avant et après l’accouchement comprenant obligatoirement 6 semaines suivant l’accouchement de sorte qu’elle aurait dû bénéficier de deux semaines de congés avant son accouchement ce qui n’a pas été le cas.

Il résulte de cette analyse qu’il est établi que l’employeur a manqué à cette obligation.

Sur les heures supplémentaires impayées

Mme W… Y… soutient qu’elle effectuait de nombreuses heures supplémentaires.

La société conteste l’exécution d’heures supplémentaires.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Il appartient, cependant, au salarié d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement exécutés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Mme W… Y… expose qu’elle travaillait les mardi, jeudi, vendredi et samedi de 10 heures à 19 heures 30 et les dimanche et lundi de 14 heures à 19 heures. Elle fait valoir qu’elle travaillait seule dans le magasin et produit des attestations ainsi que des bons de commande.

Elle étaye ainsi sa demande par des éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement exécutés.

En réponse, la société fait valoir que deux vendeurs étaient affectés à chaque magasin de sorte que la salariée a toujours travaillé en binôme et que les deux salariés s’organisaient quant à leur temps de travail pour ne pas effectuer d’heures supplémentaires. Elle produit des attestations et des bons de commandes.

Les attestations produites aux débats par la salariée ont été rédigées par des proches ( M. J… E…, compagnon de la salariée, M. Q… E…, le père de ce dernier, M. H… et Mme N…, des amis) non présents dans la société de sorte qu’elles n’ont pas de force probante suffisante. En outre, elles ne sont pas circonstanciées en ce qu’elles évoquent l’amplitude de la journée de travail et non les heures de travail effectivement réalisées. L’attestation de Mme S… est également inopérante dans la mesure où elle évoque les heures supplémentaires qu’elle aurait elle-même effectuées et qu’elle ne cite pas le nom de l’appelante.

Les attestations produites par la société ont été rédigées pour trois d’entre elles par des personnes qui ne sont plus placées sous un lien de subordination (Mme F…, M. P… C… et M. R…) et qui affirment qu’il ne leur a pas été demandé de réaliser des heures supplémentaires. Ces attestations corroborent les dires de M. A…, salarié de la société, qui affirme que les salariés n’effectuaient pas d’heures supplémentaires, le travail en binôme au sein de chaque magasin leur permettant de s’organiser.

La société produit en outre les bons de commandes pour l’année 2012. Mme W… Y… se prévaut de ceux-ci (pièce 9 de son dossier) pour soutenir qu’elle effectuait des heures supplémentaires car elle était seule dans le magasin. Mais comme le soutient la société, les bons de commande qu’elle produit, démontrent la présence de deux salariés, à titre d’exemple, les 9, 16 et 23 juin 2012, les 7 et 14 juillet 2012, les 6 et 9 septembre 2012, les 13, 16, 19, 20, 24, 26 et 27 octobre 2012.

La cour considère qu’elle est suffisamment informée par les éléments produits aux débats et qu’il n’y a pas lieu de faire citer Madame F…, Messieurs A…, X…, P…, R… et O….

Il résulte des éléments analysés ci-dessus qu’il n’est pas établi que Mme W… Y… a effectué des heures supplémentaires.

Sur le retard de paiement des salaires

Mme W… Y… fait valoir que la société lui a réglé systématiquement son salaire entre le 10 et le 15 du mois au mépris du code du travail ce qui a contribué à la dégradation de ses conditions de travail. Elle produit des relevés bancaires.

La société soutient à juste titre que le paiement en début de mois n’est pas obligatoire. En effet, il résulte de l’article L. 3242-1 du code du travail que le paiement de la rémunération est effectué une fois par mois de sorte que l’employeur peut payer le salaire en cours de mois à condition que l’intervalle de temps entre deux paies successives respecte la périodicité prévue par cet article.

Sur l’absence de chauffage

Mme W… Y… soutient que l’employeur a décidé de supprimer l’accès des salariés au local électrique permettant d’allumer le chauffage de sorte qu’elle a travaillé au cours des hivers 2013-2014 et 2014-2015 sans chauffage. Elle produit aux débats des factures EDF et des relevés de facturation établis par année et par magasin (pièces 21, 22, 23 et 24). Elle souligne que la facture d’électricité du magasin de […] est ainsi passée de 2 221,02 euros en 2013 à 646,33 euros en 2014 et que pour le magasin de […] dans lequel elle travaillait, la facture est passée de 808 euros en 2011 à 487,62 euros en 2013.

La société soutient que les salariés avaient accès au local technique de sorte qu’ils pouvaient augmenter le chauffage. Elle produit des tableaux récapitulatifs des consommations pour chacun des magasins pour les années 2011, 2012, 2013 et 2014.

Il résulte des pièces produites par la salariée, qu’elle compare la consommation d’électricité du magasin de […] afférente au mois de février 2013 avec celle du mois de février 2014 et la consommation d’électricité du magasin de […] afférente au mois de février 2011 avec celle du mois de février 2013. Elle ne produit donc pas d’élément au soutien de l’exécution d’un travail sans chauffage au cours de l’hiver 2014/2015.

Il ressort de l’analyse des documents produits par la société que les consommations d’électricité de l’ensemble de ces magasins ont constamment varié ce qui s’explique par les aléas climatiques. La société justifie de ce que les salariés avaient accès au local technique du magasin de […] leur permettant d’augmenter le chauffage par la production d’un rapport de vérification réglementaire du bureau Véritas.

Il résulte des éléments analysés ci-dessus qu’il n’est pas établi que Mme W… Y… a dû travailler sans chauffage et qu’en tout état de cause, ne produisant des éléments que pour le mois de février 2013, les faits qu’elle allègue sont comme l’ont souligné à juste titre les premiers juges, bien antérieurs à la rupture des relations contractuelles.

Sur le port de charges excessivement lourdes

Mme W… Y… expose qu’elle a été contrainte de porter des charges lourdes. Elle produit des certificats médicaux et soutient qu’il y a un lien de cause à effet évident entre le port de charges excessivement lourdes et sa maladie.

La société soutient que la salariée n’a jamais dû porter de charges lourdes et fait valoir qu’elle n’établit pas de lien entre son état de santé et son activité professionnelle.

Mme W… Y… verse aux débats au titre de ce manquement allégué des ordonnances, des certificats médicaux et des arrêts de travail. Le 18 décembre 2012, il lui a été prescrit une kinésithérapie lombaire pour une lombalgie subaiguë, le 11 août 2015, une arthrose cervicale, une inversion de la courbure cervicale et un pincement d’interlignes articulaires entre des vertèbres ont été constatés. Elle produit également des arrêts de travail du 17 au 21 août 2015 prolongé jusqu’au 30 août 2015, du 4 septembre au 13 septembre 2015 prolongé jusqu’au 2 octobre 2015, deux ordonnances des 4 et 24 septembre 2015 et un certificat médical du 2 octobre 2015.

Dans ce certificat, le médecin indique que Mme W… Y… souffre d’un syndrome anxio dépressif important le 4 septembre 2015 déclenché par des problèmes professionnels et ajoute ‘ (d’après les dire de Mme A)’.

Elle produit également l’attestation de son compagnon, M. E… qui affirme qu’on lui faisait porter des charges lourdes quand elle était enceinte.

D’une part, si les pièces médicales produites par la salariée démontrent qu’elle a rencontré des difficultés de santé, aucun élément ne permet de lier ces pathologies à un port de charges lourdes.

D’autre part, le médecin traitant n’atteste pas d’un lien entre le syndrome anxio-dépressif dont souffrait la salariée et des difficultés professionnelles mais indique que ce lien est allégué par la salariée.

Enfin, comme indiqué précédemment, l’attestation de M. E… n’a pas de valeur probante suffisante compte tenu de ses liens personnels avec la salariée et du fait qu’il rapporte ses propos.

En outre, la société démontre par la production d’une attestation d’une personne tiers au litige, M. X… chauffeur livreur, qui corrobore l’attestation de M. A…, salarié de la société, que Mme W… Y… n’a pas été amenée à porter de charges lourdes.

Il résulte de ces éléments qu’il n’est pas établi que la société a contraint la salariée à porter des charges lourdes.

Sur le changement brutal d’affectation à répétition

Mme W… Y… soutient que la société lui a demandé au mois d’avril 2014 de travailler au magasin de […], ce qui lui a imposé prés de 2 heures de trajet quotidien ce au mépris de la clause de mobilité stipulée par son contrat de travail prévoyant un délai de prévenance d’un mois et au mépris de sa vie privée et familiale. Elle expose qu’elle prenait les transports en commun. Elle considère que l’application de cette clause est la conséquence de difficultés relationnelles résultant de sa grossesse et que ‘cette clause s’apparente donc à une sanction disciplinaire déguisée venant constituer le harcèlement moral’.

La société fait valoir que la salariée a accepté cette affectation conformément à la clause de mobilité, que ce changement d’affectation n’a pas modifié ses conditions de travail et que son temps de trajet n’a pas sensiblement varié, la salariée se déplaçant en voiture. Elle ajoute que ce changement d’affectation a eu lieu au mois d’avril 2014 de sorte qu’il ne peut pas fonder la prise d’acte de la rupture du contrat de travail.

Le contrat de travail stipule une clause de mobilité qui prévoit que la salariée pourra être mutée dans d’autres établissements de la société : […], […], […] et qu’elle sera informée de cette décision de mutation dans un délai d’un mois avant la prise d’effet de la nouvelle affectation.

Aucun élément ne permet d’établir dans quelles conditions de délai Mme W… Y… a eu connaissance de ce changement d’affectation. Il est constant qu’elle a été affectée au magasin de […] au mois d’avril 2014.

Ce changement d’affectation entrait dans le cadre de la clause de mobilité stipulée par le contrat de travail. La salariée ne démontre pas comme elle l’allègue qu’elle prenait les transports en commun alors qu’il lui aurait été aisé de produire des justificatifs de passe navigo. En tout état de cause, la cour relève qu’elle indique dans ses conclusions que le temps de trajet pour se rendre en transports en commun de son domicile au magasin de […] est de 1 heure 37 alors qu’il était de 1 heure 51 pour se rendre de son domicile au magasin de […] ce qui démontre contrairement à ce qu’elle invoque, que ce changement d’affectation n’entraînait pas un allongement de son temps de trajet au mépris de sa vie privée et de sa situation familiale. La société démontre que le temps de trajet en voiture était de 26 minutes du domicile de la salariée au magasin de […] et de 30 minutes jusqu’au magasin de […] ce qui ne constitue pas un allongement de temps de transport de nature à compromettre comme elle l’invoque sa vie personnelle et familiale.

Aucun élément ne conduit à retenir que l’application de cette clause constituerait une sanction disciplinaire, ce d’autant que la fin de la grossesse de Mme W… Y… date du mois de juillet 2012 et qu’aucun élément ne permet de faire le lien entre celle-ci et l’application de la clause de mobilité.

Il résulte de cette analyse qu’il n’est pas établi que la société a manqué à une obligation contractuelle à ce titre.

Sur la discrimination

Mme W… Y… fait valoir qu’elle a été discriminée en raison de son origine, de la couleur de sa peau, de son sexe, de sa grossesse et en raison de sa particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique.

La société conteste avoir discriminé la salariée.

A titre liminaire, il sera relevé que si la salariée vise les dispositions de l’article L. 1142-1 du code du travail qui ont trait à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, elle allègue une discrimination plus générale relevant des articles suivants.

Aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L.3221-3 du code du travail, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

L’article L. 1134-1 du même code dispose que lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance de ces dispositions, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l’espèce, s’agissant de la discrimination tenant à l’origine et à la couleur de la peau, Mme W… Y… mentionne en page 16 de ses conclusions des propos qu’elle prête à M. B… .

Mme W… Y… ne produit aucune pièce à l’appui de ces propos et n’en explicite pas l’origine. Elle soutient que ces propos doivent se lire à la lumière de ceux enregistrés et demande que soient cités Madame F…, Messieurs A…, X…, P…, R… et O….

La cour constate que les attestations des proches de Mme W… Y… qu’elle produit aux débats ne font état d’aucun propos de la part de M. B… portant sur l’origine et la couleur de la peau. La retranscription de l’enregistrement illicite a été précédemment écartée des débats et la cour considère qu’elle est suffisamment informée et qu’il n’y a pas lieu de faire citer les personnes ci-dessus désignées.

S’agissant de la discrimination tenant au sexe, Mme W… Y… évoque ses déclarations et celles de son conjoint. Pour les raisons précédemment exposées, l’attestation de M. E… et les dires de Mme W… Y… n’ont pas de valeur probante suffisante.

S’agissant de la discrimination tenant à la grossesse, Mme W… Y… évoque les faits précédemment examinés concernant son travail jusqu’à la veille de son accouchement et une reprise anticipée de son emploi. La cour a retenu que la société avait manqué à son obligation à ce titre mais tout manquement à une obligation légale ne constitue pas une discrimination et Mme W… Y… ne présente pas des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte à ce titre.

Il en va de même pour la discrimination tenant à la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique.

La cour retient que Mme W… Y… ne présente pas des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.

Sur le refus de délivrer un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi

Mme W… Y… reproche à la société d’avoir attendu 6 mois pour lui remettre ces documents.

La cour constate que ce grief est postérieur à la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de sorte qu’il est inopérant.

Sur l’installation de la télésurveillance

Mme W… Y… expose que la société a installé des caméras de vidéo surveillance pour surveiller son lieu de travail.

La société conteste avoir installé des caméras au temps de l’exécution du contrat de travail.

Elle verse aux débats l’attestation de M. M…, gérant de la société EGM/TCE, qui indique que les travaux d’installation de caméras qui ont été réalisés au mois d’avril 2015 sont toujours en cours au 26 octobre 2015. Cette attestation est conforme aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile et elle est rédigée par une personne tiers au litige de sorte que la cour retient qu’il est établi qu’au temps de l’exécution du contrat de travail, des caméras vidéo n’ont pas été installées pour surveiller la salariée.

Il résulte de l’analyse de ces éléments pris dans leur ensemble qu’il est établi qu’au cours de l’année 2012, l’employeur a manqué aux obligations résultant de l’article L.1225-29 du code du travail. Cependant, ce fait isolé ne peut constituer des agissements répétés de harcèlement moral.

En conséquence, la cour retient que Mme W… Y… n’a pas été victime d’un harcèlement moral.

Les manquements qu’elle invoque dans ses conclusions à l’appui de la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail ne sont pas établis à l’exception du manquement lié au congé maternité. Cependant, comme l’ont souligné à juste titre les premiers juges, ce manquement a eu lieu au cours de l’année 2012 de sorte qu’il ne peut pas être de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail au mois de septembre 2015.

Mme W… Y… ne soutient pas les autres manquements invoqués dans la lettre de prise d’acte de la rupture du contrat de travail. La cour relève qu’en tout état de cause, elle ne rapporte pas la preuve de difficultés rencontrées dans la prise de congé, du refus de lui octroyer un dimanche sur deux, la salariée ne justifiant pas l’avoir demandé, de l’existence d’une pression constante, d’une culpabilisation au titre du départ en congé, de reproches sur le chiffre d’affaires, du fait de lui avoir repris les clés du magasin, du fait de l’avoir empêchée de reprendre son poste de travail à compter du 31 août 2015 et des propos tenus pendant des entretiens des 31 août et 3 septembre 2015, l’enregistrement de l’entretien du 31 août ayant été écarté et les attestations qu’elle produit aux débats n’ayant pas de force probante suffisante comme exposé précédemment.

Dès lors, la cour retient que la rupture du contrat de travail dont Mme W… Y… a pris acte produit les effets d’une démission.

Mme W… Y… sera déboutée de ses demandes au titre du préavis, au titre de l’indemnité de licenciement et au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.

Elle sera également confirmée en ce qu’elle a condamné Mme W… Y… à payer à la société la somme de 3 775,40 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

Mme W… Y… sollicite la réparation de préjudices relatifs à la perte de revenus consécutive et imputable aux infractions commises, à l’incidence sur l’avenir professionnel gravement engagé et à une tentative de suicide ainsi qu’au préjudice moral pour altération de sa santé physique et mentale et notamment pour harcèlement. Il résulte des éléments retenus par la cour que la rupture du contrat de travail n’est pas imputable à la société et que Mme W… Y… n’a pas été moralement harcelée de sorte qu’elle sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour préjudice moral.

La décision des premiers juges sera confirmée.

Sur l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

Mme W… Y… fait valoir que la société n’a pas mentionné sur les bulletins de salaire les heures supplémentaires qu’elle a effectuées.

La cour ayant précédemment retenu qu’il n’était pas établi qu’elle a effectué des heures supplémentaires, Mme W… Y… sera déboutée de sa demande au titre des dispositions combinées des articles L. 8221-5 dans sa rédaction applicable au litige et L. 8223-1 du code du travail.

Sur le caractère diffamatoire d’un paragraphe des conclusions

La société Elyform soutient qu’un paragraphe des conclusions déposées par Mme W… Y… est diffamatoire. Elle en sollicite la suppression et demande à la cour de condamner la salariée à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Mme W… Y… fait valoir que ce paragraphe n’est pas étranger à la cause et qu’il ne présente pas de caractère diffamatoire mais relève de sa liberté d’expression ‘confortée à un objectif informatif et de procès équitable.’ Dans le dispositif de ses conclusions, elle demande à la cour de se dire incompétente pour prononcer des condamnations pénales et statuer sur cette demande de dommages et intérêts.

Le paragraphe critiqué ( 2ème paragraphe de la page 9 des conclusions de Mme W… Y… ) est rédigé en ces termes :

‘Le témoignage à la barre de Monsieur T… A…, le plus lourd contre Madame W…, promet d’être éloquent. Et pour cause, Monsieur B… propose des biens immobiliers de ses amis promoteurs à tous ses employés, employés auxquels il fournit des attestations et certificats d’employeur en tous genres pour se voir accorder leur prêt puis les tenir à la gorge par le chantage pour ses faveurs, sans oublier la commission qu’il demande à chacun pour ses douteux services.’

L’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose :

« Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux.

Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.

Pourront toutefois les faits diffamatoires étrangers à la cause donner ouverture, soit à l’action publique, soit à l’action civile des parties, lorsque ces actions leur auront été réservées par les tribunaux, et, dans tous les cas, à l’action civile des tiers ».

Il résulte cet article que, comme le soutient la société, la cour saisie du litige et statuant au fond, peut statuer sur sa demande.

En l’espèce, les propos tenus dans ce paragraphe ont pour objet le fond même du procès et sont formulés dans l’intérêt de la défense de Mme W… Y… dans le cadre de son contentieux.

Dès lors, la société Elyform sera déboutée de ses demandes de suppression du paragraphe critiqué ( 2ème paragraphe de la page 9 des conclusions de la salariée) et de condamnation de Mme W… Y… au paiement de dommages et intérêts au titre du caractère diffamatoire de ces propos.

Sur la remise des documents

La décision des premiers juges sera confirmée.

Sur les frais irrépétibles

C’est à juste titre que les premiers juges ont condamné Mme W… Y… à payer à la société Elyform la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Leur décision sera confirmée à ce titre.

Partie succombante, Mme W… Y… sera condamnée en outre à lui payer la somme de 500 euros pour la procédure d’appel au même titre.

Sur les dépens

Partie succombante, Mme W… Y… sera condamnée au paiement des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Dit n’y avoir lieu à surseoir à statuer,

Ecarte des débats les pièces 29 et 39 produites par Mme K… W… Y… ,

Dit n’y avoir lieu à enjoindre à Mme K… W… Y… de supprimer dans ses conclusions les passages faisant référence à ces deux pièces,

Déclare irrecevable la demande de Mme K… W… Y… aux fins d’interdiction pour M. Z… B… de diriger, d’administrer, de gérer et de contrôler une entreprise pendant cinq ans en vertu de l’article L. 8224-3 du code du travail,

Dit n’y avoir lieu à faire citer devant la cour Madame D… F…, Messieurs T… A…, V… X…, U… P…, V… R… et G… O…,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à ordonner la suppression du 2ème paragraphe de la page 9 des conclusions de Mme K… W… Y… ,

Déboute la société Elyform de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le caractère diffamatoire de ces propos,

Condamne Mme K… W… Y… à payer à la société Elyform la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne Mme K… W… Y… aux dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


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