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ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre de la famille
ARRET DU 18 JANVIER 2024
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/05442 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OI6Y
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 15 mai 2019
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
N° RG 18/01785
APPELANT :
Monsieur [D] [T]
né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 14]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par Me Marie Camille PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER Avocat postulant substitué à l’audience par Me Marie-Hélène RENIER avocat
INTIMEE :
Madame [R] [E] épouse [S]
née le [Date naissance 3] 1948 à [Localité 15]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL avocat au barreau de MONTPELLIER Avocat postulant substitué à l’audience par Me Wilfried MBILAMPINDO avocat au barreau de MONTPELLIER Avocat plaidant
Ordonnance de clôture du 19 Octobre 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Novembre 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Karine ANCELY, Conseillère faisant fonction de présidente de chambre et Mme Sandrine FEVRIER, Conseillère, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Karine ANCELY, Conseillère faisant fonction de présidente de chambre
Mme Sylvie CRUZEL, conseillère
Mme Sandrine FEVRIER, Conseillère
Greffier Asnia BENKABA adjointe administrative faisant fonction de greffier lors des débats :
ARRET :
– Contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Mme Karine ANCELY, Conseillère faisant fonction de présidente de chambre, et par Mme Asnia BENKABA, Adjointe administrative faisant fonction de greffier.
*
* *
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte authentique du 8 août 1997, Mme [R] [E] divorcée [C] a donné à sa fille Mme [F] [C] épouse de M. [D] [T], une parcelle de terrain supportant une maison d’habitation située sur la commune de [Localité 6] (34), cadastrée section B, n°[Cadastre 7]. L’acte de donation comprend les clauses suivantes :
« CONDITIONS QUE LE BIEN DONNE APPARTIENDRA A LA COMMUNAUTE EXISTANT ENTRE LA DONATAIRE ET SON CONJOINT
Les parties exposent que le bien présentement donné est destiné à recevoir la résidence principale des époux [C]-[T]. En conséquence, le donateur stipule expressément comme conditions essentielles des présentes que le bien par lui donné fera partie de la communauté existante entre le donataire et son époux. »
« RETOUR
Le donateur se réserve expressément le droit de retour sur le bien donné ou sur ce qui en serait la représentation pour le cas de prédécès du donataire et de sa postérité ; (‘) »
« INTERDICTION D’ALIENER
En raison des charges et réserves stipulées aux présentes, le donateur interdit formellement au donataire, qui s’y soumet, de vendre, hypothéquer et généralement aliéner le bien donné pendant la vie du donateur et sans son concours, à peine de nullité de ces aliénations ou hypothèques et révocation des présentes ; ».
Par jugement du 22 mai 2015, le tribunal de grande instance de Montpellier a prononcé le divorce des époux [C]-[T].
Par acte authentique du 6 janvier 2016, la parcelle section B, n°[Cadastre 7], a été divisée en deux parcelles cadastrées section B, n°[Cadastre 8] et n°[Cadastre 9]. Cette dernière a été attribuée à M. [D] [T] dans le cadre des opérations de liquidation partage.
Par acte d’huissier délivré le 26 mars 2018, M. [D] [T] a fait assigner Mme [R] [E] devant le tribunal de grande instance de Montpellier.
Par jugement du 15 mai 2019, le tribunal de grande instance de Montpellier, a :
– débouté M. [T] de sa prétention visant à la mainlevée de la clause d’inaliénabilité,
– débouté Mme [E] de ses prétentions indemnitaires,
– condamné M. [T] à payer à Mme [E] la somme de 1 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [T] aux entiers dépens.
Par déclaration au greffe du 31 juillet 2019, M. [T] a interjeté appel limité de la décision en ce qu’elle l’a débouté de sa prétention visant à la mainlevée de la clause d’inaliénabilité, débouté Mme [E] de ses prétentions indemnitaires, condamné M. [T] à payer à Mme [E] la somme de 1500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et condamné M. [T] aux entiers dépens.
L’appelant, dans ses conclusions du 1er février 2021, demande à la cour de :
A titre principal,
– déclarer irrecevable au sens de l’article 564 du code de procédure civile la demande de Mme [E] tendant à faire reconnaître la prétendue nullité de l’état liquidatif après divorce de la communauté [T]-[C],
– ordonner le retrait des paragraphes diffamatoires contenus aux pages 19, 2 let 27 des conclusions adverses et cités au A) 2) des présentes,
– constater la nullité de la clause d’inaliénabilité insérée dans l’acte de donation du 08/08/1997.
A titre subsidiaire,
– ordonner la main levée de la clause d’inaliénabilité insérée dans l’acte de donation du 08/08/1997
En tout état de cause,
– ordonner la publication de l’arrêt à intervenir au service de la publicité foncière de Montpellier,
– condamner Mme [E] à la somme de 300 € de dommages intérêts au bénéfice de M. [T] au titre du préjudice moral découlant de ses propos diffamatoires,
– condamner Mme [E] à la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, avec droit de recouvrement direct, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
L’intimée, dans ses conclusions du 20 novembre 2020, demande à la cour de :
– constater la nullité de l’acte liquidatif de la communauté du 6 janvier 2016,
– confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Montpellier,
– débouter M. [T] de toutes ses demandes et plus amples,
– condamner M. [T] à payer à Mme [E] la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêt en réparation du préjudice moral,
– condamner M. [T] à payer à Mme [E] la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 19 octobre 2023.
SUR CE LA COUR
Sur l’irrecevabilité de la demande en nullité de l’état liquidatif après divorce de la communauté [T]-[C] présentée par Mme [E]
M. [T] soutient que cette demande est irrecevable dans la mesure où il s’agit d’une prétention nouvelle au sens de l’article 564 du code de procédure civile et que le principe du contradictoire n’est pas respecté.
Mme [E] réplique au visa des articles 563 et suivants du code de procédure civile que sa demande s’inscrit dans le prolongement des moyens et prétentions articulés tendant à conforter la validité et le caractère irrévocable de la clause d’inaliénabilité contenue dans l’acte de donation. Elle fait remarquer qu’elle invoquait en première instance, « la circonstance que la liquidation de la communauté d’entre Monsieur [T] et sa fille Mme [C] n’avait pas pour effet de faire échec à la validité de la clause d’interdiction d’aliéner les biens ayant fait l’objet de la donation». Elle maintient que la nullité de l’état liquidatif, pour violation de la clause d’inaliénabilité de la donation est un moyen d’ordre public qui peut être soulevé en tout état de cause.
Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
L’article 565 du code de procédure civile énonce que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
L’article 566 ajoute que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En l’espèce, la lecture des conclusions de première instance de Mme [E] fait apparaître que celle-ci sollicitait devant le tribunal de grande instance de voir :
‘ constater la prétendue validité de la clause d’interdiction d’aliéner, doublée du droit de retour
‘ constater que Monsieur [T] ne justifierait d’aucun intérêt supérieur à l’intérêt prétendument sérieux et légitime de la clause
‘ débouter en conséquence Monsieur [T] de l’ensemble de ses demandes
‘ condamner Monsieur [T] à des dommages et intérêts en raison d’un prétendu préjudice moral et à des sommes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Dès lors, la cour constate que Mme [E] ne demandait pas en première instance la nullité de l’acte liquidatif de la communauté du 6 janvier 2016, qu’il s’agit dès lors d’une nouvelle demande présentée devant la cour d’appel.
Cette nouvelle demande ne se rattache pas à l’argumentation telle qu’elle ressort des conclusions produites tant en première instance que devant la cour d’appel présentée par Mme [E] relative à la validité de la clause d’interdiction d’aliéner au sens des articles 565 et 566 précités mais constitue une prétention nouvelle au sens de l’article 564.
Par ailleurs, la cour relève à l’instar de l’appelant que le moyen tiré de l’ordre public visé par Mme [E] est dénuée de tout fondement juridique et qu’au surplus une demande de nullité de l’acte liquidatif de la communauté ayant existé entre Mme [C] et Monsieur [T] nécessiterait à tout le moins la présence dans la présente action de Mme [C], en conformité aux articles 14 et 15 du code de procédure civile.
En conséquence, il sera fait droit à la demande présentée par l’appelant tendant à déclarer irrecevable la demande en nullité de l’état liquidatif après divorce de la communauté [T]-[C] présentée par Mme [E].
Sur la demande de retrait de paragraphes prétendument diffamatoires contenus aux pages 19, 2l et 27 des conclusions adverses et la demande de dommages et intérêts
L’appelant affirme que les écritures de l’intimée contiennent des propos diffamatoires qui portent atteinte à l’honneur et à la considération de M. [T] et de Mme [C]. Il reprend les propos tenus en page 19, 21 et 27 par l’intimée, soutient n’avoir jamais fait pression sur son ex-épouse pour réaliser des attestations.
Mme [E] réplique que les propos repris par l’appelant n’ont rien d’outrageants, ni d’injurieux et encore moins de diffamatoires mais sont l’expression de son indignation et de son étonnement de voir sa fille établir en l’espace d’un mois, deux attestations pour les besoins de la cause en faveur de l’appelant. Elle ajoute ressentir face à ces témoignages une trahison voir une humiliation.
L’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 énonce en ses alinéas 4 et 5, que ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux ; pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.
En l’espèce, les différents passages d’extraits des écritures de l’intimée, reproduits dans des conclusions d’appelant pour dénoncer leur caractère diffamatoire et injurieux, portant atteinte à son honneur en ce qu’ils laisseraient entendre, sans le moindre commencement de preuve, qu’il aurait fait pression sur son ex-épouse pour réaliser des attestations mensongères, ne sauraient toutefois être considérés comme diffamatoires dans la mesure où ils manifestent l’indignation d’une mère face aux propos tenus par sa fille au soutien des demandes de l’appelant alors qu’elle avait jusque-là manifesté une neutralité dans le litige.
En conséquence, la demande de dommages et intérêts et la demande de demande de retrait de paragraphes contenus aux pages 19, 2l et 27 des conclusions adverses doivent être rejetées.
Sur la validité et la caducité de la clause d’inaliénabilité
M. [T] expose en premier lieu que la condition liée au caractère temporaire n’est pas remplie considérant subir ladite clause depuis déjà 22 ans et considérant qu’il est loin d’être établi qu’il puisse un jour disposer du bien dans la mesure où il est né en 1969 et l’intimée en 1948.
Selon lui, la clause n’a plus de raison d’être dès lors que les principales motivations ayant conduit à la stipulation de la clause qui était que les époux [C]-[T] aient leur domicile sur la parcelle donnée et que le bien soit conservé dans la famille, n’ont plus cours. Il souligne que Mme [E] a déjà accepté à deux reprises que les parcelles en question soient hypothéquées et donc in fine à accepter le principe de leur aliénation. Il considère que la clause est d’ores et déjà caduque du fait de la liquidation de la communauté ayant existé entre lui et son ex-épouse, ayant conduit à l’attribution de deux parcelles puis à la division des parcelles qui lui ont été attribuées. Il réfute toute reconnaissance de la validité de la clause expliquant avoir préféré en 2016 sécuriser le plus possible la situation en faisant intervenir Mme [E] à la vente de la parcelle. Il soutient que les intérêts ayant présidé à la stipulation de la clause n’ont plus court, la parcelle ne supportant plus le domicile conjugal et le bien donné étant d’ores et déjà en dehors du patrimoine familial. Il considère que l’argument selon lequel la clause litigieuse aurait eu pour vocation de protéger le patrimoine des petits-enfants de l’intimée ne peut qu’être écarté car elle ne garantit en rien à ces derniers qu’ils pourraient hériter un jour des parcelles en question. Il réfute être une personne dispendieuse ayant vécu aux dépens de sa belle-famille, rappelant que la parcelle était nue lors de sa donation et que sa valeur réelle réside dans les immeubles qui ont été bâtis par ses soins. Il fait valoir que l’opposition de l’intimée est sans lien avec les intérêts ayant justifié la stipulation de la clause mais est motivée par un ressentiment violent du conjoint de Mme [E]. Il estime que le refus de lever la clause est étranger à la préservation de l’intérêt familial.
Sur la validité de la clause, Mme [E] réplique que la clause litigieuse présente un caractère temporaire étant limitée à la durée de la vie du donateur, que son intérêt résidait dans la nécessité de préserver le patrimoine familial qu’elle même avait reçu de ses parents en avancement d’hoirie. Elle ajoute que son consentement à une inscription d’hypothèque sur le bien concerné au profit d’une banque pour garantir le remboursement de prêts immobiliers accordés à la donataire et à son mari, n’emporte pas renonciation ni révocation générale de la clause de la part du donateur. Elle précise que les prêts pour lesquels elle avait consenti ont d’ailleurs été intégralement remboursés et qu’elle a ainsi recouvré la plénitude de ses droits sur le bien en raison de l’extinction de l’hypothèque à laquelle avait consenti. Elle considère inopérant, sur la validité de la clause, la liquidation de la communauté et expose que l’intérêt de la clause survit nonobstant cette liquidation. Elle s’appuie sur la demande d’autorisation pour vendre la parcelle issue de la subdivision de la parcelle B [Cadastre 7], en 2016, pour démontrer la reconnaissance de l’existence de la clause par l’appelant et de la validité de celle-ci. Elle maintient que les intérêts ayant prévalu au moment de la donation persistent et prévalent sur les intérêts qu’invoque M. [T], que l’intérêt familial persiste malgré les attestations de sa fille et de ses petits-enfants. Sur l’intégration du bien dans la communauté, elle souligne que le domicile conjugal n’était pas une condition essentielle stipulée dans la clause, que la dite clause est opposable à M. [T] en raison de l’intégration du bien dans la communauté et qu’il importe peu que le bien construit sur le terrain commun l’ait été par le mari, ce qui n’est par ailleurs pas démontré. Elle affirme qu’aucun des arguments avancés par l’appelant ne permet de considérer que l’intérêt moral et familial qu’elle invoque serait moins important ou inférieur à celui dont il se prévaut pour invalider la clause. Elle déclare que l’intérêt de l’appelant est purement spéculatif, qu’il souhaite vendre et que le caractère dispendieux dont il fait preuve, justifie d’autant plus le maintien de la clause. S’agissant du projet de SCI familiale, elle soutient qu’il s’agit d’un montage dont le seul but est de faire échec à la clause.
L’article 900-1 du code civil énonce que les clauses d’inaliénabilité affectant un bien donné ou légué ne sont valables que si elles sont temporaires et justifiées par un intérêt sérieux et légitime. Même dans ce cas, le donataire ou le légataire peut être judiciairement autorisé à disposer du bien si l’intérêt qui avait justifié la clause a disparu ou s’il advient qu’un intérêt plus important l’exige.
La clause d’inaliénabilité dérogeant au principe de la libre disposition des biens, il appartient à celui qui se prévaut d’une telle clause de justifier de l’intérêt sérieux et légitime qu’il allègue.
L’existence d’un intérêt sérieux et légitime doit s’apprécier au moment de la formation de l’acte. Sa disparition ultérieure ne saurait entraîner la nullité de la clause d’inaliénabilité ; elle permet en revanche de considérer cette clause comme caduque et d’autoriser le donataire à disposer du bien.
En l’espèce, M. [T] sollicite de voir à titre principal prononcer la nullité de la clause d’inaliénabilité et à titre subsidiaire de voir ordonner la main levée de la clause.
* Sur la validité de la clause :
Le premier juge a, par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, considéré que la première condition relevant du caractère temporaire était parfaitement remplie dès lors que la clause
était limitée à la vie du donateur et que l’intérêt sérieux et légitime était remplie dès lors que la clause avait pour finalité de garantir la pleine efficacité d’un droit de retour réservé au donateur et de maintenir le bien dans le patrimoine familial, dans la mesure où Mme [E] l’avait elle-même reçu de ses parents tel qu’indiqué dans l’acte de donation.
Dès lors, l’existence d’un intérêt sérieux et légitime permet de constater la validité de la clause et de rejeter la demande présentée à titre principal par M. [T].
* Sur la caducité de la clause
M. [T] évoque par ailleurs la disparition de l’intérêt qui avait justifié la clause. Il en veut pour preuve la renonciation à la clause transparaissant de l’acceptation à deux reprises par Mme [E] pour que les parcelles soient hypothéquées.
A la lecture des pièces 3 ‘ A et 3 ‘ B de l’appelant, ( actes notariés datés des 2 février 2005 et 19 octobre 2002 ), il résulte en effet que Mme [E] a consenti à l’hypothèque et a déclaré :
« Renoncer en faveur du prêteur à l’action révocatoire lui profitant en cas d’inexécution des charges et conditions contenues dans l’acte de donation du 8 août 1997, susvisée, ce qui est accepté par Mme [S] née [E].
Consentir, conformément à l’article 929 du Code civil, à l’hypothèque ci-dessus constituée, de manière qu’elle conserve tous ses effets en cas de réduction de la donation sus-énoncée.
Renoncer à se prévaloir, en l’encontre du prêteur, de la résolution de la donation sus-énoncée, si elle venait à exercer le droit de retour qu’elle s’est réservée audit acte, ce qui est accepté par le prêteur.
Consentir formellement à ce que toutes les inscriptions qui auraient pu ou pourraient être prises à son profit pour sûreté des charges de cette donation, soit primées par l’inscription à prendre au profit du prêteur en vertu des présentes.
Et en conséquence, s’obliger à signer au profit du prêteur et à première demande de ce dernier, la cession d’antériorité de toute inscription qui pourra être révélée à son profit. »
Ainsi, en consentant expressément à la constitution d’hypothèques sur l’immeuble ayant fait l’objet de la donation, la donatrice a nécessairement accepté le principe de son aliénation à la demande du créancier hypothécaire en l’absence de remboursement des prêts. Il importe peu désormais, comme l’allègue Mme [E], de savoir que le créancier n’ait pas eu à faire valoir son hypothèque, la renonciation de la donatrice s’appréciant au moment où le consentement a été donné avec les conséquences prévisibles s’y rattachant.
Par ailleurs, il est constant que la communauté ayant existé entre M. [T] et la fille de Mme [E], Mme [C], a été liquidée et partagée ( pièce 2 appelant ), de sorte que la parcelle cadastrée section B numéro [Cadastre 7], objet de la donation, a fait l’objet d’une division parcellaire pour être divisée en deux parcelles cadastrées section B, n°[Cadastre 8] et n°[Cadastre 9] et que la parcelle n°[Cadastre 9] a été attribuée à M. [D] [T].
Or, la parcelle n° [Cadastre 9] de M. [T] a été par la suite divisée en quatre parcelles cadastrées section B n° [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 13] et il n’est pas contesté que M. [T] a vendu la parcelle cadastrée section B n° [Cadastre 12] avec l’accord de Mme [E] qui avait donné procuration en ce sens ( pièce 5 appelant). Elle avait donc dès 1996 consenti à la vente d’une parcelle, faisant parti intégrante au moment de la donation litigieuse, de l’objet de la clause. Il sera rappelé par la cour que cette dernière, comme ci-avant indiqué, n’est pas au surplus recevable à arguer de la nullité de l’état liquidatif de la communauté.
En outre, la clause d’inaliénabilité mentionne, outre que le bien appartiendra à la communauté existante entre la donataire et son conjoint, que le bien donné est destiné à recevoir la résidence principale des époux. Or, il est également constant que le bien donné n’a plus accueilli le domicile conjugal à compter de 2007.
Il demeure en conséquence à examiner l’intérêt lié à la préservation du patrimoine familial tel que revendiqué par l’intimée qui fait valoir que la clause est doublée d’une clause de retour en cas du prédécès de la donataire ou de sa postérité.
Mme [E], qui n’ignore pas l’existence de la liquidation du régime matrimonial ayant existé entre sa fille et son gendre ayant abouti à la division parcellaire ci-avant évoquée, mentionne la présence des petits-enfants justifie que le bien demeure dans le patrimoine familial.
Or, l’acte authentique du 8 août 1997 a permis de procéder en avancement d’hoirie à la donation d’une parcelle de terrain supportant une maison d’habitation à la seule Mme [C] et non à sa descendance. Ainsi, Mme [E] rajoute à l’acte en prétendant que ses petits-enfants auraient également vocation à recueillir dans leur patrimoine la parcelle, objet de la donation, et ce d’autant que les petits-enfants considèrent eux-mêmes que leur père est propriétaire et est à l’origine par son travail des constructions édifiées sur la parcelle donnée.
En conséquence, au vu de la disparition de l’intérêt qui avait justifié la clause, il convient d’infirmer le jugement du 15 mai 2019 en ce qu’il a débouté M. [T] de sa prétention visant à la mainlevée de la clause d’inaliénabilité, d’ordonner la main levée de la clause d’inaliénabilité contenue dans l’acte de donation du 8 août 1997 et d’ordonner la publication de l’arrêt au service de la publicité foncière de Montpellier.
Sur la demande de dommages et intérêts présenté par l’intimée
La demande de dommages et intérêts doit être examinée au regard des dispositions de l’article 1240 du Code civil.
Or, en application des dispositions du dit article, l’exercice d’une action en justice de même que la défense à une action constitue un droit et cet exercice ne dégénère en abus que s’il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ou s’il s’agit d’une erreur grossière équipollente au dol.
Les pièces produites aux débats ne permettent pas d’établir une faute commise par M. [T] de nature à entraîner une quelconque indemnisation de Mme [E] s’estimant trahie par son gendre, sur ce fondement.
En conséquence, il convient de débouter Mme [E] de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les dépens
Mme [E] qui succombe dans ses demandes en cause d’appel sera condamnée aux dépens, qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile au profit des avocats qui en font la demande.
Sur les frais irrépétibles
L’équité commande de condamner la partie perdante, Mme [E], sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
DIT irrecevable la demande en nullité de l’état liquidatif après divorce de la communauté [T]-[C] présentée par Mme [R] [E] ;
REJETTE la demande de retrait de paragraphes prétendument diffamatoires contenus aux pages 19, 2l et 27 des conclusions adverses et la demande de dommages et intérêts présentées par M. [D] [T] ;
INFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [D] [T] de sa prétention visant à la mainlevée de la clause d’inaliénabilité ;
Statuant à nouveau,
REJETTE la demande présentée par M. [D] [T] tendant à voir constater la nullité de la clause d’inaliénabilité insérée ;
ORDONNE la main levée de la clause d’inaliénabilité contenue dans l’acte de donation du 8 août 1997 ;
ORDONNE la publication de l’arrêt au service de la publicité foncière de Montpellier ;
Y ajoutant,
DÉBOUTE Mme [R] [E] de sa demande de dommages et intérêts ;
CONDAMNE Mme [R] [E] aux dépens de l’instance d’appel ;
CONDAMNE Mme [R] [E] à payer à M. [D] [T] la somme de 3 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente