Diffamation : décision du 18 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00302

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Diffamation : décision du 18 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00302

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 18 JANVIER2022

(n° , 2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00302 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBHRZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Octobre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY CEDEX – Section Encadrement – RG n° F 17/01434

APPELANTE

SAS MANUFACTURE PARISIENNE DE COSMETIQUE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par MeVéronique DE LA TAILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

INTIMÉE

Madame [S] [B]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Laurent PARRAS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0684

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président, et M. Fabrice MORILLO, conseiller, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Philippe MICHEL, président de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour.

– signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 novembre 2006, Mme [B] a été engagée en qualité de directrice commerciale internationale, statut cadre, par la société Manufacture Parisienne de Cosmétique (MPC), celle-ci employant habituellement au moins 11 salariés et appliquant la convention collective nationale de commerces de gros.

Après avoir été convoquée, suivant courrier recommandé du 20 décembre 2016, à un entretien préalable fixé au 29 décembre 2016, Mme [B] a été licenciée pour insuffisance de résultats et mauvaise foi suivant courrier recommandé du 4 janvier 2017.

Contestant le bien-fondé de son licenciement et s’estimant insuffisamment remplie de ses droits, Mme [B] a saisi la juridiction prud’homale le 18 mai 2017.

Par jugement du 23 octobre 2019, le conseil de prud’hommes de Bobigny a :

– dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la société Manufacture Parisienne de Cosmétique à payer à Mme [B] les sommes suivantes, avec intérêts aux taux légal à compter du prononcé du jugement :

– 31 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné la remise de documents sociaux conformes à la décision,

– ordonné le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [B] dans la limite de 6 mois d’indemnités en application de l’article L. 1235-4 du code du travail,

– débouté Mme [B] du surplus de ses demandes,

– débouté la société Manufacture Parisienne de Cosmétique de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Manufacture Parisienne de Cosmétique aux entiers dépens.

Par déclaration du 2 janvier 2020, la société Manufacture Parisienne de Cosmétique a interjeté appel du jugement.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 5 novembre 2020, la société Manufacture Parisienne de Cosmétique demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [B] de ses demandes d’indemnité pour licenciement irrégulier, de rappel de commissions et de congés payés afférents,

– infirmer le jugement en ce qu’il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a prononcé des condamnations à son encontre et, statuant à nouveau,

– dire que le licenciement pour insuffisance professionnelle est justifié,

– débouter Mme [B] de l’intégralité de ses demandes principales et incidentes,

– condamner Mme [B] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance et d’appel.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 5 août 2020, Mme [B] demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse mais l’infirmer en ce qu’il a limité le montant des dommages-intérêts à la somme de 31 000 euros et l’a déboutée du surplus de ses demandes et, statuant à nouveau,

– dire que le licenciement est irrégulier,

– condamner la société Manufacture Parisienne de Cosmétique au paiement des sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes :

– 4 352,19 euros à titre d’indemnité pour licenciement irrégulier,

– 52 226,68 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement injustifié,

– 14 635,33 euros à titre de rappel sur commissions outre 1 463,53 euros au titre des congés payés y afférents,

– 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonner la remise des documents sociaux conforme à la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour et par document à compter du 8ème jour suivant la notification de la décision.

L’instruction a été clôturée le 6 septembre 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 12 octobre 2022.

MOTIFS

Sur la rupture du contrat de travail

Sur la régularité du licenciement

L’employeur indique que la salariée ne justifie pas qu’à la date de la convocation à un entretien préalable, soit en décembre 2016, l’adresse de l’inspection du travail avait changé et n’était plus au [Adresse 3]. Elle souligne par ailleurs que la salariée a régulièrement pu se faire assister lors de l’entretien préalable par un conseiller du salarié et que, même à supposer l’erreur établie, elle n’a souffert d’aucun préjudice.

L’intimée réplique que la lettre de convocation à l’entretien préalable mentionnait une adresse inexacte s’agissant de l’inspection du travail, que la procédure est dès lors irrégulière et que cette irrégularité lui a causé un préjudice en ce que ses démarches pour se faire assister ont été retardées du fait de l’erreur commise par la société.

Etant rappelé qu’en application des articles L. 1232-2, L. 1232-4, L. 1235-2 et L. 1235-5 du code du travail, dans leur version en vigueur à la date des faits litigieux, l’existence d’un préjudice résultant du non-respect de la procédure de licenciement et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond, et la cour ne pouvant que relever au vu des seuls éléments produits que la salariée, qui a effectivement été assistée lors de l’entretien préalable par un conseiller du salarié et a pu faire régulièrement valoir ses observations concernant le licenciement envisagé ainsi que cela résulte du compte rendu d’entretien préalable versé aux débats, ne justifie pas d’un préjudice spécifique distinct résultant du non-respect de la procédure de licenciement, il convient de confirmer le jugement en qu’il a débouté l’intéressée de sa demande de dommages-intérêts formée de ce chef.

Sur le bien-fondé du licenciement

La société appelante indique tout d’abord qu’il n’est pas exigé que l’auteur de la lettre et le nom du signataire apparaissent tous deux sur la lettre de licenciement, la seule formalité obligatoire étant la signature. Elle souligne qu’il ne fait aucun doute que la signature de la lettre est bien celle du président de la société, M. [O], seul habilité au sein de l’entreprise pour notifier le licenciement.

Sur le fond, elle fait valoir que le licenciement est parfaitement justifié au regard des griefs reprochés à l’intimée, soit une insuffisance de résultats résultant d’une mauvaise volonté et de carences fautives malgré les alertes et consignes de la direction (notamment quant à l’exigence de prospection ainsi qu’à l’application des nouvelles stratégies et consignes commerciales définies dans le cadre d’un audit), ainsi qu’une mauvaise foi pour se dédouaner de toute responsabilité et compenser ses insuffisances manifestes (l’intéressée ayant notamment, dans un esprit provocateur, alimenté des polémiques stériles sources d’une dégradation de l’ambiance de travail et formulé des critiques de mauvaise foi jusqu’alors jamais exprimées en 10 ans d’exercice).

L’intimée réplique que le licenciement est injustifié, à titre principal, en l’absence d’identification du signataire de la lettre de licenciement et de justification du fait que celui-ci disposait du pouvoir et de la qualité pour prononcer un tel licenciement, et, à titre subsidiaire, en ce que les griefs allégués à son encontre ne sont pas établis, l’intéressée soulignant que son licenciement a été en réalité motivé par un dissentiment de sa hiérarchie à son égard et par la dénonciation par ses soins des carences de la société et non par sa prétendue insuffisance professionnelle. Elle précise qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir fait progresser son chiffre d’affaires puisque celui-ci dépendait des moyens mis à sa disposition pour prospecter, que l’audit allégué n’est pas sérieux en ce qu’elle n’a pas été consulté et en ce qu’il a été initié dans le seul but de constituer un élément à charge contre elle. Elle ajoute qu’en dénonçant les carences du service création, les fautes d’orthographe contenues dans les présentations ainsi que le caractère obsolète des catalogues et fiches à adresser aux prospects, elle ne faisait aucunement preuve de mauvaise foi.

Aux termes de l’article L. 1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instructions qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Si l’insuffisance professionnelle peut constituer une cause légitime de licenciement, l’incompétence alléguée doit cependant reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l’employeur, étant rappelé qu’il suffit à l’employeur d’invoquer le grief d’insuffisance professionnelle, motif matériellement vérifiable, pour que la lettre soit dûment motivée, l’insuffisance de résultats pouvant constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsque le fait de ne pas avoir atteint les objectifs résulte d’une insuffisance professionnelle, lesdits objectifs devant présenter un caractère réaliste et correspondre à des normes sérieuses et raisonnables.

La lettre de licenciement est rédigée de la manière suivante :

« Nous faisons suite à l’entretien préalable qui s’est tenu ce 29 décembre dernier au siège de l’entreprise.

Nous vous avons convoquée le mardi 20 décembre 2016 à un entretien préalable dans les locaux de la société et vous avons indiqué à cette occasion que vous aviez la possibilité de venir accompagnée d’un membre du personnel salarié de l’entreprise. Lors de cet entretien, vous étiez assisté d’un conseiller des salariés.

Aucune des explications que vous nous avez fournies n’ayant permis de modifier notre appréciation des faits qui vous sont reprochés, nous avons pris la décision de vous licencier pour les motifs suivants, dont nous nous sommes entretenus et que nous vous rappelons ci-après.

1.L’insuffisance de vos résultats

Je vous rappelle à titre liminaire que vous avez été recrutée en qualité de Directrice Commerciale Internationale, position cadre, au regard de la forte expérience dont vous vous êtes prévalue à votre embauche.

Votre contrat de travail prévoit expressément que vous êtes en charge de la « prospection ; organisation des visites et des déplacements (visites régulières des clients potentiels et des clients existants) ; prises de rendez-vous ; élaboration des propositions commerciales ; prises de commandes ; démarches qualitatives auprès des clients (présentation de la marque et des produits, analyser les besoins des prospects) ; fidéliser la clientèle existante afin d’établir un véritable partenariat ; assurer un compte-rendu régulier à Monsieur [O] ; définition des objectifs commerciaux. ».

Lorsque vous avez démarré, nous vous avons confié un portefeuille de clients représentant un chiffre d’affaires de 273.000 €.

Sur ces 273.000 € constitués d’anciens clients, il n’en reste en 2016 que 46.852,78 €.

Aujourd’hui, vous vous vantez d’avoir triplé ce chiffre en 10 ans avec des nouveaux clients. Si, factuellement, cette assertion peut paraître exacte, c’est que nous l’avons obtenu à coup de gros investissements salons de plus de 75.000 € par an, et ce, depuis votre arrivée. Il en résulte que les 95% de vos clients viennent de ces salons et non de votre prospection propre.

Malgré cela, vous rappelant que vous êtes directrice commerciale internationale, votre travail visait à développer la prospection à l’étranger. Or, l’export n’a jamais dépassé le chiffre de la France, il s’est toujours maintenu très loin à 25% du chiffre de la société pour la bonne et simple raison que vous n’avez quasiment pas fait de prospection. Le chiffre d’affaires réalisé en France représente quant à lui 75% du chiffre d’affaires de l’entreprise, c’est-à-dire qu’il est imputable à tous les salariés de l’entreprise.

Face à l’augmentation du chiffre d’affaires en France, il nous a fallu déménager en janvier 2010, car les locaux étaient trop petits. Les charges ont alors fortement augmenté avec des locaux et entrepôts beaucoup plus grands.

A partir de 2012, le chiffre total de la société a commencé à chuter fortement.

Dans ce contexte, je me suis attaché à fortement insister sur le développement commercial de l’entreprise, que ce soit en France mais également à l’étranger, sur lequel j’étais légitimement en droit d’attendre de votre part un minimum d’implication, d’efforts, de propositions de moyens d’actions, de définitions d’objectifs commerciaux eu égard aux exigences requises à votre niveau de qualification.

A chaque réunion commerciale, vous avez été systématiquement alertée sur la perte de chiffre d’affaires, l’urgence à prospecter à l’étranger à présenter des comptes rendus d’actions concrètes.

En vain.

Courant 2014, nous avons été contraints de réduire nos frais et de renoncer à un investissement salon en France ; j’ai demandé à tous les commerciaux France et export de relever les manches et d’aller prospecter.

Rien n’a été fait vous concernant.

Pour pallier votre carence, j’ai dû personnellement m’impliquer et j’ai réussi à trouver une chaîne de magasin italien (PROMOTRE). J’ai fait venir le directeur, Mr [W], dans nos locaux et vous l’ai présenté. Ce client a démarré en 2015 et nous a permis de réaliser 175.000 € de chiffre d’affaires alors que votre chiffre était en chute libre en 2015 (585.162 € au lieu de 835.292 € en 2012). C’est parce que je vous ai donné ce client que vous avez réussi à augmenter votre chiffre à 771.327 €.

Idem pour 2016, votre chiffre hors PROMOTRE et BEAUTYCOM (un client Espagnol que nous avons personnellement prospecté avec Mlle [J] alors stagiaire à Barcelone) était de 587.182 €. Et avec ces 2 clients que je vous ai apportés, vous avez réussi à faire baisser votre chiffre qui est passé à 728.234 €, soit la même tendance en baisse par rapport aux exercices précédents.

Par comparaison, Mr [A] l’agent avec qui nous travaillons sur le Moyen Orient et qui entre dans votre chiffre d’affaires s’établit à environ 50.000 € par an.

Donc, si je m’en tiens, par exemple à l’année 2015, sur un chiffre de 771.327,07 €, si je retire PROMOTRE (186.164,88) et le chiffre de cet agent (72.673,39) votre contribution réelle est de 512.488,80 € !!!!

Votre chiffre réel est donc en chute libre, ce qui justifiait amplement mes inquiétudes et la nécessité pour moi de prendre des mesures d’urgence pour garantir la pérennité de l’entreprise.

J’ai donc multiplié les réunions, insisté sur le fait que les salons ne suffisaient plus à développer le chiffre d’affaires et qu’il fallait absolument démarcher de nouveaux clients.

Ne voyant toujours rien venir vous concernant, j’ai fait appel à Monsieur [V], professionnel extérieur à qui j’ai demandé de nous aider dans le développement. L’export constituant un axe important de développement, il a évidemment examiné vos résultats et vos moyens d’actions. Je lui ai confié des catalogues, fiches techniques et échantillons. Avec le même matériel dont vous disposez et que, avec une particulière mauvaise foi vous ne cessez de critiquer pour vous dédouaner de toute responsabilité dans vos carences, il a référencé le groupe Franprix (GROUPE CASINO) avec un premier chiffre d’affaires en 2016 de plus de 350.000 € soit plus de la moitié de votre chiffre d’affaires et ce, avec un seul client.

Face à son expérience, je lui ai demandé d’auditer tout le pôle commercial de la société pour disposer d’un ‘il extérieur et neuf, considérant que j’étais peut-être trop sévère sur l’inconsistance de votre activité.

Son rapport a été accablant, ayant constaté que rien n’a jamais été fait sur la prospection commerciale. Il a proposé de nous aider à mettre en place un plan d’action commerciale, notamment au cours de la réunion commerciale du 9 septembre 2016.

Aucune de ses préconisations n’a cependant été suivie d’effet. Non seulement vous n’avez rien fait, mais en outre vous vous êtes montrée d’une particulière déloyauté dans votre comportement face à ces reproches légitimes sur votre inactivité.

2.Votre mauvaise foi

Au lieu de vous remettre en question et d’examiner loyalement avec moi les mesures qu’il convenait de mettre en place pour développer votre chiffre d’affaires à l’export, vous avez développé des polémiques stériles qui ne visaient qu’à tenter de vous dédouaner de toute responsabilité.

Avant de partir à Hong Kong le 9 novembre 2016, lorsque vous m’avez fait part que vous m’aviez envoyé une lettre, je pensais que dans celle-ci vous alliez m’écrire : « Allez [U] vous avez raison, le chiffre d’affaires baisse trop pour que je puisse arriver après tout le monde, je vais venir plus tôt pour donner l’exemple et je vais préparer un plan d’action commerciale avec un tableau qui va regrouper l’ensemble des chaînes de magasins en Europe et on va commencer à relever nos manches et démarcher des nouveaux clients. »

Ce n’est pourtant pas la posture que vous avez décidé d’adopter, tout au contraire.

Vous avez commencé par être très agressive et critique vis-à-vis du marketing et de la création en vous en prenant de manière injustifiée au concept de la marque, jusqu’à soutenir que celle-ci n’avait rien de différent des autres. Je déplore que vous ayez mis plus de 10 ans pour considérer que la marque distribuée par l’employeur ne présente aucun élément de différenciation et que vous ayez attendu que je dénonce l’insuffisance de vos résultats pour vous en rendre compte et le soutenir. Si tant est que je vous suive dans votre raisonnement, je peux comprendre que si vous n’avez aucune confiance dans nos produits, vous ne puissiez transmettre aucune conviction à vos prospects et/ou clients ; mais n’est-ce pas votre rôle de directrice que de faire des suggestions à la direction pour que nous trouvions ensemble et loyalement des éléments marketings qui permettent de satisfaire aux besoins de nos clients ‘ Où sont vos alertes ‘ Ou sont les critiques constructives sur la stratégie commerciale que vous auriez pu faire dans ce sens, si ce n’est celles très opportunistes que vous avez commencé à faire quand votre inactivité a été mise en lumière ‘

Vous vous êtes ingéniée à critiquer nos présentations, « truffées de fautes d’orthographe » qui nous seraient « défavorables » si elles étaient envoyées à nos prospects (cf votre mail du 19 décembre 2016). Il vous a fallu 10 ans pour vous en apercevoir ‘! ET avec une particulière déloyauté, alors que je vous ai reproché de n’avoir jamais émis la moindre réserve sur les moyens de prospection comme vous l’avez fait opportunément après que j’ai énoncé mes reproches, vous osez m’écrire « Donc je les réclame et je souhaite qu’ils soient parfaits ».

Comment osez-vous ainsi renverser la situation en énonçant une demande pour vous défausser des consignes et instructions claires que je vous ai données de me fournir, dans des délais précis, les différents justificatifs de vos actions commerciales ‘

Or, à supposer même que les documents présentent des fautes d’orthographe, vous savez pertinemment que dans une petite PME, les graphistes s’occupent de l’image et de la mise en page. Il arrive qu’il y ait ensuite, dans un premier jet, des fautes d’orthographe ou de grammaire. Ce sont souvent les commerciaux qui refont les textes, s’ils en ont le bagage, sans rechigner, sans broncher car cela est conforme à leur intérêt de présenter des documents corrects aux clients et va dans le sens du bon fonctionnement de l’entreprise, dès lors qu’ils exercent leurs fonctions de bonne foi. Ils le font donc naturellement. Ce qui n’est manifestement pas votre cas, pire, vous vous êtes servi de ce prétexte déloyal pour tenter d’étayer un obstacle à votre prospection commerciale.

Mais encore une fois, où sont les alertes et efforts de prospection ‘ Vous avez refusé de transmettre le moindre justificatif de vos actions.

Force est de constater qu’à ce jour, je ne dispose d’aucune de ces informations, si ce n’est des éléments parcellaires et inexploitables, ce que vous reconnaissez dans votre courrier du 13 décembre 2016.

Pire encore, au cours de l’entretien préalable du 29/12/2016, vous avez reconnu que vous n’avez pas voulu donner des éléments que Monsieur [V] vous a demandé pendant mon absence au salon de Hong Kong. C’est donc clairement un refus de suivre une instruction claire de votre direction.

Je vous rappelle que nous avons un contrat avec Mr [V] depuis le 01/09/2016 et qu’il est payé par la société mensuellement pour aider à développer le chiffre d’affaires. En refusant de lui transmettre les éléments nécessaires au fonctionnement de l’entreprise, vous avez ni plus ni moins cherché à saboter la réussite de sa mission pour occulter vos manquements.

Avec la même audace, vous avez cru pouvoir critiquer mes capacités de gestion, en dénonçant « mon absentéisme » ou mon « confort » jusqu’à ironiser sur le fait que j’ai trouvé la force de vous écrire le 6 décembre alors que j’étais cloué au lit avec une grippe, remettant en cause la réalité de mon état de santé.

Je vous ai répondu aux termes de mon courrier du 18 novembre 2016 pour dénoncer votre mauvaise foi. Mais là encore, alors que je vous ai demandé de réagir par des actions concrètes, vous me répondez en persistant dans la polémique vaine et stérile, voire une particulière insolence en me demandant des moyens de prospection et exigeant qu’ils soient parfaits, sous entendant que ceux dont vous disposiez ne l’étaient pas.

Ce faisant, vous avez clairement manifesté non seulement votre incapacité à redresser vos résultats mais pire encore, votre refus de faire une quelconque auto critique susceptible de faire espérer une amélioration de vos performances.

Je vous rappelle que cette entreprise ne vous a pas attendue pour exister, prospecter, que les moyens de prospection ne nous ont pas empêchés de faire du développement, ni Monsieur [V] de rentrer dans le groupe Franprix.

Vous ne faites qu’énoncer des contre-vérités (que ce soit sur les moyens de prospection, les prétendus dysfonctionnements de la création et du marketing, ou conditions de travail et exercice de tâches n’entrant pas dans vos attributions contractuelles alors que dans une PME de 13 personnes, la polyvalence de tous est un élément important dans l’accomplissement de tâches ponctuelles) qui n’ont pour seul objectif que de vous dédouaner de vos insuffisances professionnelles que nous avons dénoncées en vous demandant d’améliorer vos résultats.

Je ne vais pas reprendre nos récents échanges de correspondance sur ces différents sujets qui sont les seules fois où vous avez commencé à vous plaindre opportunément, auxquels j’ai systématiquement répondu de manière très circonstanciée le 18 novembre et le 14 décembre 2016.

Malgré tous les efforts et investissements que j’ai déployés et réalisés pour vous aider à améliorer vos performances, vous vous êtes montrée incapable de trouver des nouveaux clients et à distribuer nos marques, dont je comprends à présent que vous ne les appréciez pas ou ne leur trouvez aucun élément de différenciation.

Votre réécriture de l’histoire de toutes ces années de développement commercial ne résiste pas une seconde à l’analyse des chiffres.

Vous croyez pouvoir énoncer que vous n’avez pas ménagé vos efforts jusqu’à travailler en dehors de vos horaires de travail, je vous ai fait remarquer que vous preniez de longues pauses déjeuner et que vous arriviez tard le matin. Au-delà du piètre exemple que vous donnez en votre qualité de Directrice, tenue d’un devoir d’exemplarité, je n’ai signalé ces anomalies dans votre amplitude horaire que pour stigmatiser que votre insuffisance de résultats devait également se déduire de votre manque d’implication concrète et physique, à en juger par le temps que vous ne consacrez pas à votre travail pendant ces pauses et à cause de ces retards.

Idem pour le travail effectué avec ma simple assistante France, avec les clients JET DIFFUSION, HORIZANE, AGORA, AURAPH, STOKOMANI, COSMETIQUE FACTORY, FSC, RAVATE, BIGOUDY SHOP, GUY [U]’ qui à eux-seuls faisaient plus de 60% du chiffre de la société.

Aucun des arguments que vous avez présentés dans vos différents courriers ne résiste sérieusement à l’analyse, qu’il s’agisse de ceux liés aux présentations, au marché US que vous avez loué mais que vous n’avez pas été capable de développer.

Vous êtes incapable de vous centrer sur l’essentiel et pour compenser cette insuffisance, vous choisissez la complication et la polémique.

Je déplore et regrette de m’être montré si patient envers vous, de vous avoir fait confiance pendant toutes ces années, mais vous avez eu de la chance que les résultats de l’entreprise aient été satisfaisants, ce qui a permis d’occulter quelque peu vos insuffisances. Mais depuis que le chiffre d’affaires est en chute, il est de mon devoir de comprendre, d’auditer et de trouver les moyens d’action nécessaires au redressement. Et en votre qualité de Directrice Commerciale Export, vous êtes la première concernée par la stratégie commerciale.

Vous avez refusé de prendre vos fonctions au niveau que je suis légitimement en droit d’attendre, pour vous positionner comme simple assistante commerciale que vous n’êtes pas et dont vous ne percevez pas la rémunération.

Finalement, c’est toujours la faute de quelqu’un, mais jamais la vôtre.

Vous me dites que vous avez perdu le sommeil et que j’en serais responsable. Il faut raison garder. Si vous avez perdu le sommeil c’est probablement et surtout car cette remise à plat de la stratégie commerciale a permis de mettre en lumière l’importance de vos insuffisances. Au lieu d’adopter l’attitude loyale que je suis en droit d’attendre, vous n’avez rien trouvé de mieux à faire qu’à me proposer de mettre fin à notre collaboration et de trouver une solution amiable pour ne pas envenimer une ambiance délétère, alors même que vous êtes la seule à être concernée par votre insuffisance professionnelle et que vous vous isolez par la même des autres collaborateurs qui n’en peuvent plus de travailler avec vous.

C’est pourquoi j’ai refusé d’accéder à votre demande, ce qui a généré des réactions et des réponses de mauvaise foi et de plus en plus déloyales, tout en ne suivant pas mes consignes et demandes.

Dans ce contexte d’insuffisance persistante et incompatible avec les exigences requises par votre fonction, et ce alors même que votre hiérarchie vous a soutenue et aidée pour vous permettre d’améliorer vos performances, et d’attitude contraire à l’exigence de bonne foi contractuelle, nous considérons ne plus pouvoir poursuivre notre collaboration.

Nous vous notifions donc, par la présente, votre licenciement. […]»

Selon l’article L. 1232-6 du code du travail, dans sa version applicable au litige, lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur. Elle ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l’entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué.

En application de ces dispositions, il est établi que le licenciement doit être notifié au salarié par l’employeur et que la lettre de licenciement doit être signée, le licenciement, qui ne peut aucunement être notifié par une personne extérieure à l’entreprise, pouvant cependant également l’être par un salarié de l’entreprise mandaté pour ce faire ou dont les fonctions l’y autorise.

En l’espèce, au vu des différentes pièces versées aux débats et notamment du contrat de travail, de la convocation à l’entretien préalable et de la lettre de licenciement litigieuse, la cour ne pouvant que relever à la lecture de ces différents éléments que la signature apposée sur la lettre de licenciement est effectivement celle du président de la société appelante, M. [O], ce dernier, agissant en sa qualité d’employeur, ayant nécessairement le pouvoir de licencier une salariée de l’entreprise ainsi que de signer et notifier la lettre de licenciement, il apparaît qu’aucune absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ne peut être retenue de ce chef.

Sur le fond, s’agissant de l’insuffisance de résultat invoquée à l’encontre de la salariée dans le cadre de la lettre de licenciement, il sera tout d’abord relevé que les insuffisances alléguées ne reposent pas sur des éléments concrets et vérifiables mais au contraire sur une appréciation subjective de l’employeur, la société appelante s’abstenant notamment de produire dans le cadre du présent litige des éléments de nature à justifier de l’existence de manquements personnellement imputables à la salariée ayant effectivement perturbé le bon fonctionnement de l’entreprise, la seule production de tableaux et de documents financiers et comptables dont il ressort que la société a effectivement connu une diminution de son chiffre d’affaires et de ses résultats sur la période courant à compter de 2014, ne permettant cependant pas d’en déduire que cette baisse de résultats serait directement et personnellement imputable à un manque d’activité et de prospection de l’intimée, et ce alors qu’il résulte des tableaux produits en réplique par la salariée que le chiffre d’affaires de l’export (sans PLV et hors client Promotre), après une baisse en 2014, s’était stabilisé au titre des années 2015 et 2016, l’année 2016 correspondant d’ailleurs aux meilleurs résultats obtenus depuis 2009 s’agissant de la marque « Miss Cop » dont elle avait la charge, l’autre marque dont elle s’occupait (Copines Line Paris) connaissant pour sa part une importante baisse.

Il sera observé de ce même chef que l’employeur ne peut pas uniquement se focaliser (comme il le fait dans le cadre de la lettre de licenciement) sur le fait que le chiffre d’affaires généré par les anciens clients déjà présents dans le portefeuille de la société lors de l’arrivée de l’intimée dans l’entreprise aurait diminué, et ce alors qu’il entrait dans les fonctions de l’intéressée de prospecter et de faire gagner de nouveaux clients à la société, seul le chiffre d’affaire global généré par la salariée au titre des clients historiques ainsi que des nouveaux clients devant ainsi être pris en compte, étant noté que l’employeur indique lui même dans le cadre de la lettre de licenciement que la salariée a effectivement généré du chiffre d’affaires sur les 10 dernières années grâce à l’apport de nouveaux clients, principalement obtenus dans le cadre de salons, la société appelante ne pouvant ainsi sérieusement reprocher à la salariée un manque d’activité de prospection tout en reconnaissant dans le même temps qu’elle a obtenu de nouveaux clients dans le cadre de son activité professionnelle.

La cour retient enfin à ce titre que la distinction opérée par l’employeur entre prospection propre et prospection liée aux salons apparaît pour le moins artificielle, celle-ci ne ressortant en toute hypothèse pas des stipulations du contrat de travail, la salariée ne pouvant par ailleurs aucunement se voir reprocher les investissements afférents à la participation aux salons, laquelle relevait manifestement de son activité de directrice commerciale internationale, ladite participation aux salons litigieux (se déroulant pour certains à l’étranger) lui permettant d’obtenir des contacts avec les visiteurs français et étrangers se présentant sur le stand de la société, contacts qu’elle pouvait ensuite prospecter à son retour dans l’entreprise, aucune pièce versée aux débats par l’employeur ne permettant d’établir que cette participation aux salons aurait fait l’objet de directives spécifiques de la hiérarchie relativement à l’existence d’éventuelles limites budgétaires y afférentes.

Concernant les allégations de l’employeur relatives à un manque de prospection à l’étranger en vue de développer la partie export, outre le fait que l’employeur se limite principalement à procéder par voie de simples affirmations, il résulte également des pièces produites en réplique par la salariée que cette dernière justifie des différentes diligences accomplies au cours de la période litigieuse à l’égard de prospects étrangers hors salons, ainsi que cela résulte notamment du « fichier prospects chaînes » établi fin 2016 par la salariée à la demande de sa hiérarchie ainsi que de ses différents mails rédigés en langue anglaise ou espagnole afférents aux années 2014, 2015 et 2016.

S’agissant de l’audit effectué par M. [V], la cour ne peut que relever à la lecture du rapport extrêmement succinct et péremptoire établi par ce dernier le 16 décembre 2016, que, mises à part l’existence de relations tendues avec le service marketing, il n’est pas fait état de l’existence de manquements personnellement imputables à la salariée ayant effectivement perturbé le bon fonctionnement de l’entreprise, le rapport se limitant à souligner de manière générale les dysfonctionnements relevés dans les modalités de travail des équipes commerciales ainsi que le manque de motivation de celles-ci, la déclaration finale de M. [V] selon laquelle l’intimée n’aurait jamais réussi à ramener un seul client par elle-même en l’espace de 10 ans d’activité, n’étant basée que sur ses seules affirmations de principe et n’étant corroborée ou étayée par aucun élément précis, lesdites affirmations apparaissant ainsi dénuées de tout caractère sérieux et, en toute hypothèse, totalement erronées ainsi que cela résulte des développements précédents.

Il sera de surcroît observé que le rapport d’audit précité ainsi que les mails et courriers y afférents ayant été adressés à la salariée par sa direction au cours de la période courant de septembre à décembre 2016 sont, à eux-seuls, manifestement insuffisants pour établir les carences alléguées à l’encontre de cette dernière, en ce que l’appréciation portée sur le travail fourni est subitement extrêmement et totalement négative avec des qualificatifs très sévères appliqués à son activité ne correspondant pas à son parcours professionnel antérieur au sein de la société, l’employeur ne pouvant sérieusement prétendre avoir tout à coup découvert, après près de 10 ans de collaboration, que sa salariée avait une activité insuffisante, qu’elle n’effectuait pas de prospection et qu’elle était incapable d’obtenir de nouveaux clients, le plan d’action commerciale évoqué dans le rapport d’audit ne faisant pas état de moyens supplémentaires alloués à l’intéressée et s’apparentant plus à une mesure de pression qu’à une aide véritable apportée à la salariée, le rapport d’audit précité du 16 décembre 2016 apparaissant avoir été manifestement établi dans la perspective d’une future procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle, laquelle sera finalement engagée à l’encontre de l’intimée dès le 20 décembre 2016, date de la convocation à l’entretien préalable.

La cour ne peut en toute hypothèse que relever que la société appelante s’abstient de produire dans le cadre du présent litige des éléments de nature à justifier du fait que l’intimée a pu bénéficier, au cours de la période plus que limitée s’étant écoulée entre septembre 2016, date du début de l’intervention de M. [V], et l’engagement de la procédure de licenciement le 20 décembre 2016, d’un temps suffisant ainsi que des moyens et éventuelles actions de formation nécessaires pour s’adapter pleinement à ses fonctions ainsi qu’à d’éventuelles nouvelles pratiques commerciales, et ce alors qu’il résulte des mails et courriers échangés par les parties que l’intimée avait à plusieurs reprises fait état du manque de renouvellement des produits de la marque « Copines Line Paris » ainsi que de leur caractère défectueux ou peu attractif pour expliquer les mauvais résultats commerciaux générés par celle-ci, outre le fait qu’une partie de son temps de travail était consacrée à des tâches ne relevant pas de ses fonctions, et ce s’agissant notamment de la mise à jour et des corrections à apporter aux outils de merchandising, aux catalogues et bons de commandes ainsi qu’aux traductions qui n’étaient pas correctement effectuées.

Par ailleurs, étant rappelé que l’existence d’une insuffisance ne peut être retenue lorsque les résultats tenus pour insuffisants trouvent leur origine ou leur explication dans une conjoncture étrangère à l’activité personnelle du salarié ou dans les choix faits par l’employeur en matière de politique commerciale, il résulte des échanges de mails produits par la salariée que la société appelante avait adopté au cours des dernières années une politique commerciale consistant à mettre en sommeil et à moins renouveler les produits de la marque « Copines Line Paris », et ce au profit de la marque « Miss Cop », de fabrication asiatique, plus discount et orientée vers l’export, ce qui avait ainsi nécessairement eu pour effet de provoquer une stagnation, voire une baisse du chiffre d’affaires généré par cette marque.

La Cour retient enfin que l’intimée n’a fait l’objet d’aucun entretien annuel d’évaluation de nature à permettre éventuellement à l’employeur de faire état de certains manquements ou carences de l’intéressée dans l’exercice de ses fonctions et que, bénéficiant d’une ancienneté de plus de 10 ans au sein de l’entreprise, elle ne s’était jusqu’alors pas vu reprocher une quelconque difficulté quant à la qualité de sa prestation de travail et n’avait fait l’objet d’aucun courrier de mise en garde ou de rappel à l’ordre concernant d’éventuelles difficultés relevées dans l’exercice de ses fonctions.

Le grief relatif à l’existence d’une l’insuffisance de résultats n’est dès lors pas caractérisé.

S’agissant du grief relatif à la mauvaise foi de la salariée, outre le caractère purement subjectif dudit grief ainsi que l’ont justement retenu les premiers juges, la cour relève en toute hypothèse que le seul fait pour la salariée de contester les allégations d’insuffisance professionnelle formées à son encontre par l’employeur et de faire valoir que les résultats commerciaux insuffisants trouvent notamment leur origine dans les carences du service création, les fautes d’orthographe contenues dans les présentations ainsi que le caractère obsolète des catalogues et fiches à adresser aux prospects, ne peut s’analyser comme un attitude empreinte de mauvaise foi, lesdites critiques ne pouvant par ailleurs aucunement caractériser, en l’absence de propos injurieux, diffamatoire ou excessif, un abus de la liberté d’expression de la salariée.

Dès lors, au vu de l’ensemble de ces éléments, la cour confirme le jugement en ce qu’il a dit le licenciement litigieux dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières de la rupture

Conformément aux dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail dans leur version applicable au litige, eu égard à l’ancienneté dans l’entreprise (10 ans et 5 mois), à l’âge de la salariée (55 ans) et au montant de la rémunération de référence (4 352,19 euros) lors de la rupture du contrat de travail et compte tenu des éléments produits concernant sa situation personnelle et professionnelle postérieurement à ladite rupture, l’intéressée ayant perçu l’allocation d’aide au retour à l’emploi à tout le moins jusqu’en novembre 2017 avant de retrouver une activité professionnelle à compter de janvier 2018, la cour lui accorde la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ce par infirmation du jugement sur le quantum.

Sur la demande de rappel de commissions

La société appelante fait valoir que si la salariée prétend être en droit de solliciter un rappel de commission compte tenu d’une modification unilatérale et sans son accord du taux de commissionnement prévu contractuellement, elle ne justifie pas et ne détaille pas les modalités de calcul de sa demande. Elle indique par ailleurs qu’il avait été convenu en accord avec elle qu’elle calculerait elle-même ses commissions, cet usage n’ayant jamais été remis en cause par l’intéressée. Elle soutient qu’à compter de l’année 2015, l’intimée a elle-même proposé de réduire ses taux de commissionnement sur les commandes à faible marge et sur celles pour lesquelles d’importants efforts de tarification étaient concédés pour pénétrer les marchés et que le 21 décembre 2016, soit quelques jours avant son départ de la société, elle a reconnu et confirmé cette initiative et son effectivité.

L’intimée réplique que durant les années 2014, 2015 et 2016, la société appelante n’a pas appliqué le bon taux de commissionnement pour le calcul des commissions lui étant dues, cette modification étant intervenue sans lui faire régulariser d’avenant et donc sans obtenir son accord. Elle souligne que c’est à l’employeur qu’il revient de calculer la rémunération due à sa salariée et de vérifier le montant des commissions lui étant dues. Elle soutient enfin avoir commis une simple erreur de frappe lors de la rédaction de son courrier du 21 décembre 2016.

Il résulte de l’article IV (rémunération) du contrat de travail liant les parties que la salariée « bénéficiera d’une rémunération fixe annuelle brute de 30 000 euros, répartie sur 12 mois, et de 35 000 euros à partir du 1er janvier 2008, à laquelle s’ajoutera une partie variable, soit une commission calculée sur le chiffre d’affaires export net facturé de l’année selon le barème suivant:

– 0 % sur le chiffre d’affaires de 0 à 272 353 €, ce montant correspond au chiffre de facturation annuel des distributeurs export existants le jour de démarrage de ce contrat donc calculé pour la période du 01/10/2005 au 30/09/2006 (voir liste ci-jointe),

– 3 % sur le CA additionnel des clients distributeurs export existants (voir même liste ci-jointe) c’est-à-dire au-delà du montant fixe de 272 353 €. Ce montant fixe ne pourra être modifié d’une année sur l’autre quelque soit le montant du chiffre d’affaires atteint par ces clients,

– 4 % sur le CA de tous les nouveaux clients à l’export (agents distributeurs, grossistes) ou détaillants importants à potentiel (exemple PV détaillants de travel retail ou chaînes de détaillants)»

Au vu des mails de la salariée en date des 23 décembre 2014, 22 décembre 2015 et 20 décembre 2016, auxquels étaient joints les tableaux de calcul des commissions lui revenant établis par l’intéressée au titre des années 2014, 2015 et 2016, de l’attestation établie par la comptable de la société (Mme [E]) dont il résulte que « Mme [B] avait un accord avec M. [O] concernant la marque Miss Cop où il avait une marge moins importante, ils avaient négocié une commission de 3 % et sur des déstockages ou investissements importants une commission de 2% », ainsi que du dernier mail de l’intimée de ce chef en date du 21 décembre 2016 aux termes duquel elle indique expressément que « compte tenu de notre faible marge j’avais proposé à [C] de n’appliquer qu’un taux de 2% sur ces commandes d’implantations, il est donc normal que je réapplique le même taux de 2% pour ces retours », il apparaît que la salariée, qui était effectivement rémunérée au titre de ses commissions sur la base de ses propres tableaux et calculs adressés chaque fin d’année à l’employeur, a fait application de sa propre initiative de taux de commissionnement réduits à hauteur de 3 % et de 2 % dans le cadre de ses calculs à compter de l’année 2015, cette dernière ne pouvant dès lors sérieusement prétendre qu’une telle modification lui aurait été imposée unilatéralement par l’employeur et sans son accord, les termes précis, clairs et non équivoques de son mail précité du 21 décembre 2016 quant à l’application d’un taux de commissionnement réduit de 2 % sur les commandes d’implantations compte tenu de la faible marge de l’entreprise, ne pouvant aucunement s’analyser comme une simple erreur de frappe.

Dès lors, la salariée apparaissant avoir été régulièrement réglée de l’intégralité des commissions lui revenant sur la base des derniers accords convenus entre les parties relativement aux taux de commissionnement applicables, la cour confirme le jugement en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de rappel de commissions et de congés payés afférents formée de ce chef.

Sur les autres demandes

Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné la remise à la salariée de documents sociaux conformes, sans qu’il apparaisse effectivement nécessaire d’assortir cette décision d’une mesure d’astreinte.

En application de l’article 1231-7 du code civil, il y a lieu de rappeler que les condamnations portent en l’espèce intérêts au taux légal à compter du jugement pour les montants confirmés et du présent arrêt pour le surplus, les circonstances de l’espèce ne justifiant pas de fixer le point de départ des intérêts à une date antérieure.

Selon l’article L. 1235-4 du code du travail, dans sa version applicable au litige, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné à l’employeur fautif de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à la salariée du jour de son licenciement au jour du jugement, dans la limite de 6 mois d’indemnités.

En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, l’employeur sera condamné à verser à la salariée, au titre des frais exposés en cause d’appel non compris dans les dépens, la somme supplémentaire de 2 000 euros, la somme accordée en première instance étant confirmée.

L’employeur, qui succombe, supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement sauf sur le quantum des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Condamne la société Manufacture Parisienne de Cosmétique à payer à Mme [B] la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ce avec intérêts au taux légal à compter du jugement pour le montant confirmé et du présent arrêt pour le surplus ;

Condamne la société Manufacture Parisienne de Cosmétique à payer à Mme [B] la somme supplémentaire de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Déboute Mme [B] du surplus de ses demandes ;

Condamne la société Manufacture Parisienne de Cosmétique aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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