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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 10
ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2022
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/17866 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEPCJ
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 28 Septembre 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CRETEIL – RG n° 20/04869
APPELANT
Monsieur [E] [T]
né le [Date naissance 1] 1947 à Bordj-Le-Kiffan (Algérie)
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par Me Clarisse SURIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0893
INTIMÉ
Monsieur [U] [K] [C]
né le [Date naissance 2] 1966 à Alger
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Me Dan NAHUM, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 36
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été appelée le 22 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Florence PAPIN, Présidente
Monsieur Laurent NAJEM, Conseiller
Madame Valérie MORLET, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Laurent NAJEM, Conseiller dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Dorothée RABITA
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Florence PAPIN, Présidente et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.
*
M. [E] [T] et M. [U] [K] [C] ont décidé de fonder une société, laquelle a été créée le 15 avril 2008 sous le nom de la société à responsabilité limitée (SARL) Losard & co.
À la suite de désaccords intervenus entre eux, portant notamment sur l’existence d’un prêt ainsi que sur celle d’un mandat donné à M. [U] [K] [C] pour effectuer diverses démarches, M. [E] [T] a sollicité l’invalidation de la SARL Losard & co auprès du tribunal de commerce de Créteil, qui a été prononcée par le greffe de cette juridiction le 3 juillet 2008.
Soutenant avoir consenti un prêt à M. [U] [K] [C] et disposer d’une reconnaissance de dette de sa part établie le 10 avril 2015, M. [E] [T] a fait mettre en demeure ce dernier de lui rembourser la dette qu’il dit avoir à son encontre par courrier du 17 décembre 2015.
Par exploit d’huissier en date du 3 septembre 2020, M. [E] [T] a fait assigner M. [U] [K] [C] devant le tribunal judiciaire de Créteil afin d’obtenir notamment sa condamnation au remboursement du prêt, outre les intérêts au taux légal, ainsi que sa condamnation au titre du préjudice matériel et moral subi.
Par ses conclusions notifiées in limine litis le 15 mars 2021, M. [U] [K] [C] a formé un incident de mise en état en invoquant notamment, à titre principal, la nullité de l’acte introductif d’instance et, à titre subsidiaire, la prescription des demandes adverses.
Par ordonnance en date du 28 septembre 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Créteil a :
– débouté M. [U] [K] [C] de son exception de procédure ;
– déclaré irrecevables les demandes formées par M. [E] [T] à l’encontre de M. [U] [K] [C] ;
– constaté en conséquence l’extinction de l’instance ;
– déclaré être incompétent pour connaître des demandes en paiement de dommages et intérêts formées par Messieurs [U] [K] [C] et [E] [T] ;
– condamné M. [E] [T] au paiement des entiers dépens de l’instance ;
– condamné M. [E] [T] à payer à M. [U] [K] [C] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l’article 700 du code de procédure civile ; et
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
Par déclaration du 12 octobre 2021, M. [E] [T] a interjeté appel de cette décision.
Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique (RPVA) le 15 mars 2022, M. [E] [T], demande à la cour de :
– infirmer l’ordonnance entreprise ;
– infirmer la condamnation de M. [E] [T] au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance ;
– condamner M. [U] [K] [C] à verser à M. [E] [T] la somme de 25 000 euros, majorée d’un intérêt au taux légal à compter du 17 décembre 2015, date de la mise en demeure.
– condamner M. [U] [K] [C] à verser à M. [E] [T] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale et le préjudice subi ;
-condamner M. [U] [K] [C] à verser à M. [E] [T] la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; et
-condamner M. [U] [K] [C] aux entiers dépens.
M. [T] conteste toute prescription. Il se prévaut d’une assignation en date du 2 février 2018.
Il fait valoir que la reconnaissance de dette du 10 avril 2015 mentionne sans ambiguïté l’existence d’un engagement, seule la mention en lettres fait défaut. Il souligne que d’autres éléments viennent au soutien de la preuve du montant et il se prévaut d’une reconnaissance de dette du 28 avril 2009 pour un montant de 47 837 euros.
Il estime que la chronologie des événements ne peut que faire naître la légitime conviction de l’authenticité de la créance.
Il rappelle l’obligation de restituer qui pèse sur l’emprunteur en vertu de l’article 1902 du code civil, soit en l’espèce la somme de 25 000 euros.
Il allègue que le défaut d’exécution lui a causé un préjudice important, tant matériel que moral ; qu’il avait accepté de réduire le montant de ce qui lui était dû, pour en obtenir un remboursement plus rapide, en vain. Il rappelle qu’il est âgé de 74 ans.
Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique (RPVA) le 15 juin 2022, M. [U] [K] [C], d’intimé, demande à la cour de :
– confirmer l’ordonnance entreprise ;
– déclarer l’action de M. [E] [T] comme prescrite ;
– prononcer la nullité de l’assignation de M. [E] [T] ;
En tout état de cause,
– débouter M. [E] [T] de l’ensemble de ses demandes ;
– condamner M. [E] [T] à verser la somme de 5 000 euros à M. [U] [K] [C] au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens ; et
– condamner M. [E] [T] à verser la somme de 3 000 euros à M. [U] [K] [C] au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.
M. [K] [C] fait valoir qu’il est curieux que M. [T] affirme, 13 ans plus tard, qu’il serait redevable de la somme de 47 837 euros ; qu’il n’est pas établi que la pièce n°4 puisse constituer une reconnaissance de dette dûment signée par lui. Il relève qu’elle ne respecte pas les mentions obligatoires prévues par l’article 1326 du code civil ; qu’il s’agit donc d’un commencement de preuve qui n’est pas utilement complété. Il considère que la reconnaissance de dette ayant été établie le 28 avril 2009, l’action est prescrite.
Il expose que la présente procédure lui cause un préjudice dans la mesure où il y est présenté de manière diffamatoire, ce qui justifie l’octroi de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile.
MOTIFS DE L’ARRÊT :
Dans ces dernières conclusions, M. [U] [K] [C] sollicite (1) la confirmation de l’ordonnance – qui a pourtant rejeté l’exception de nullité – (2) la déclaration du caractère prescrit de l’action, mais il demande également que la nullité de l’assignation soit prononcée (3) ‘ soit l’infirmation de la décision, ce qui n’est pas conciliable avec sa première demande.
En tout état de cause, il n’y a aucun développement à l’appui de l’exception de nullité, de sorte que la décision déférée ne peut être que confirmée sur ce point, par des motifs que la cour adopte intégralement.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
L’article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
L’article 2241 du même code dispose que l’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance.
M. [T] se prévaut d’un acte en date du 10 avril 2015 et non d’une reconnaissance de dette établie le 28 avril 2009, comme l’a relevé le juge de la mise en état.
Aux termes de l’acte unilatéral du 10 avril 2015, M. [K] [C] [U] expose avoir « pris un commun accord entre [lui] et M. [T] [E] au sujet de [son] compte et après 5 années » et « décide de donner à [E] [T] un montant de 25 000 € à partir du vingt juillet 2015 selon un tableau qui reste à établir au mois de juillet 2015 après le 1er versement ».
Un Post-scriptum précise que « M. [E] ne participe pas à hauteur de 7890 de la perte qui est de 29 000 € ».
M. [T] allègue qu’il s’agit d’une reconnaissance de dette qui mentionnerait « sans aucune ambiguïté » l’existence d’un engagement.
Il convient au contraire de relever que ni le terme de dette ou équivalent, ni celui de remboursement ne sont expressément employés par l’intimé dans cet acte, puisqu’il y est question de « don » et l’obligation de remboursement n’en est pas explicite. En outre, le tableau auquel fait référence l’acte et qui aurait pu l’éclairer ou le compléter n’a jamais été établi.
Deux chèques sont par ailleurs produits, émis par la société BELSOR, et non daté pour le premier et pour une date difficilement lisible, pour le second (28 décembre 07 (‘).
Partant, aucun autre point de départ que celui de cet acte, dont la valeur probante est contestée, ne peut être retenu.
L’intimé expose désormais qu’une première assignation aurait été délivrée dès le 2 février 2018, afférente à la même somme et qu’elle a bien été « transmise » à la juridiction.
Il produit effectivement la copie de cet acte introductif d’instance devant « M. le Président du tribunal de grande d’instance de Créteil » (et non devant le tribunal de grande d’instance). Mais s’il indique avoir sollicité de son huissier le justificatif de la remise de la première expédition et demandé au greffe du tribunal la copie des échanges d’envoi ou de remise (message électronique du 11 octobre 2021), il ne justifie pas de ce que ces demandes aient été fructueuses, que l’assignation ait été effectivement déposée à la juridiction en 2018 et que la juridiction ait été régulièrement saisie dès cette date.
Or, ne peut être assimilée à une demande en justice interruptive de la prescription, une assignation pour laquelle la preuve du placement n’est nullement rapportée.
Par conséquent, la décision déférée sera confirmée en ce qu’elle a déclaré irrecevables les demandes de M. [T] et constaté la prescription, M. [T] étant en mesure d’exercer son droit dès le 10 avril 2015 mais n’a formé ses demandes que par assignation du 3 septembre 2020, après l’expiration du délai de 5 ans susvisé.
Sur les dommages et intérêts
Aux termes de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
Si la présente cour est compétente pour apprécier le caractère éventuellement abusif d’une action en justice, la mauvaise appréciation qu’une partie a de ses droits n’est pas en elle-même constitutive d’un tel abus.
M. [U] [K] [C] sera débouté de sa demande à ce titre.
Sur les demandes accessoires
Les condamnations prononcées en première instance au titre des dépens et frais irrépétibles seront confirmées. A hauteur d’appel, M. [T] sera condamné à payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe
Confirme l’ordonnance déférée en ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Condamne M. [T] à payer à M. [K] [C] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [T] aux dépens de l’instance d’appel ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE