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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-4
ARRÊT AU FOND
DU 17 NOVEMBRE 2022
N° 2022/
FB/FP-D
Rôle N° RG 19/06002 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEDMN
[O] [L]
C/
SAS [4]
Copie exécutoire délivrée
le :
17 NOVEMBRE 2022
à :
Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau D’AIX-
EN-PROVENCE
Me Cédric PORTERON, avocat au barreau de NICE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 14 Mars 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 18/01832.
APPELANTE
Madame [O] [L], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Charles TOLLINCHI, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SAS [4] prise en sa résidence de retraite médicalisée [4] (situé [Adresse 2]), demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Cédric PORTERON, avocat au barreau de NICE substitué par Me Audrey MALKA, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre
Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller
Madame Catherine MAILHES, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022
Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
La SAS [4] (la société) exploite une maison de retraite médicalisée et fait partie du groupe Domus Vi.
Après une période de stage dans le cadre de la préparation d’un master I de management public des établissements sanitaires et sociaux du 1er octobre 2012 au 15 juin 2013, Mme [L] (la salariée) a été engagée par la société par contrat à durée déterminée du 1er juillet au 23 juillet 2013 .
Par contrat à durée indéterminée du 8 juillet 2013 la salariée a ensuite été engagée par la SARL Le Belvedère, autre société faisant partie du groupe Domus Vi, en qualité de directrice d’établissement et mise immédiatement à disposition de la société par contrat du même jour pour y assurer une mission temporaire du 8 au 26 juillet 2013 de directrice d’établissement.
Par contrat du 1er avril 2014 la salariée a été mutée au sein de la société en qualité de directrice d’établissement, avec maintien de l’ancienneté depuis le 8 juillet 2013, filière personnel administratif et service technique, statut cadre, coefficient 465, moyennant une rémunération forfaitaire de 47 000 euros dans le cadre d’un forfait annuel en jours de 213 jours de travail.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective de la fédération de l’hospitalisation privée et de son annexe relative aux établissements privés accueillant des personnes âgées.
La société employait habituellement au moins 11 salariés au moment du licenciement.
Le 16 novembre 2016 la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 24 novembre 2016.
Par lettre du 12 décembre 2016 la société lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse en ces termes:
‘Vous exercez au sein de la résidence « [4]», sise à [Localité 5] (13) en qualité de Directrice d’établissement depuis le 8 juillet 2013, sous contrat à durée indéterminée. En cette qualité, vos missions essentielles consistent à assurer la gestion administrative financière de l’établissement et à garantir la continuité et la qualité de l’accompagnement des personnes âgées dépendantes accueillies ainsi que leurs proches.
Cependant, nous devons faire le constat de votre incapacité persistante à tenir vos fonctions dans le cadre qui vous a été fixé, et ce malgré nos appuis et conseils réguliers.
Ainsi, et en premier lieu, nous avons pu relever des manquements récurrents concernant le respect des obligations d’hygiène et de sécurité sur l’établissement.
Pour exemples, suite à un audit de notre organisme de contrôle Merieux vous avez été alertée dès le mois d’août 2016 sur de nombreux points particulièrement critiques en cuisine. Etaient ainsi porté à votre attention: la non réalisation et la non conservation systématique des plats témoins, le non-respect des températures pour les préparations froides, l’absence de traçabilité du contrôle des huiles, la non maîtrise de la traçabilité des produits déconditionnés ou décongelés ou bien encore le non-respect des dates limite de consommation de certains produits après ouverture.
Or, malgré ce constat alarmant, nous constatons qu’à mi-novembre vous n’avez pas pris la peine de mettre en ‘uvre le plan d’action proposé par Merieux, celui-ci n’étant réalisé qu’à 12% (!) à cette date.
Egalement dans votre gestion du service Cuisine, les derniers audits de notre prestataire Restalliance laissent apparaître de la même façon des défaillances importantes en termes de. gestion et de traçabilité. Ainsi, aux termes du dernier réalisé au mois d’octobre, seulement 49% des points de contrôle sont conformes (en baisse de 16% sur un mois).
Là encore, vous n’avez pas plus formalisé de plan d’action que mis en ‘uvre les préconisations RH proposées et demandées par votre Directeur Régional.
Quant au registre de sécurité, nous avons pu relever l’absence de suivi de celui-ci par vos soins et ce malgré plusieurs relances sur le sujet, et en dernier lieu le 10 octobre dernier par votre Directeur Régional.
Ainsi, à 6 mois de la prochaine Commission de Sécurité dont vous n’ignoriez pas l’importance, il est particulièrement malvenu que ce registre ne soit pas régulièrement tenu.
De la même façon, malgré cette échéance proche, nous avons également été au regret de constater que vous n’aviez pas plus mené d’action pour lever les réserves de sécurité émises aux termes des rapports délivrés par les organismes agréés.
Pour exemples: les rapports Qualiconsult font apparaître 5 réserves sur le SSI et 1 concernant la porte automatique.
Egalement, nous déplorons tout autant le défaut de suivi du carnet sanitaire pour lequel il a été constaté, par exemple, que l’analyse légionnelle 2016 n’y était pas classée.
De tels manquements dans le contrôle et le suivi de nos obligations en matière d’hygiène et de sécurité est pour le moins inadmissible et aurait pu avoir de graves conséquences pour l’établissement en cas notamment de contrôle des autorités compétentes.
Par ailleurs, nous avons également dû relever des carences importantes dans votre suivi administratif.
Notamment, à titre d’exemple, à fin novembre 2016 il apparaît un retard de traitement de près de 50 (!) factures fournisseurs, dont celles réceptionnées en octobre.
II vous appartient pourtant d’organiser la gestion des tâches administratives pour permettre au traitement au jour le jour des factures reçues.
Enfin, nous ne pouvons que déplorer votre management pour le moins inadapté des collaborateurs placés sous votre responsabilité, lequel a conduit à une instabilité chronique de votre équipe d’encadrement depuis 3 ans, les départs de ces derniers aboutissant systématiquement à un conflit supporté par l’établissement dont certains vous incriminent directement.
Ainsi, sur cette période, 3 Assistants ou Adjoints de Direction se sont succédés sur le poste, de même que 3 Infirmières Coordinatrices ou bien encore 3 Médecins Coordonnateurs.
Ce turn-over de vos collaborateurs les plus proches est confirmé par celui de l’ensemble du personnel: de 4% du personnel en 2014 il est passé à 27% (I) en 2016.
Autre indice de votre management défaillant, l’augmentation croissant du taux d’absentéisme depuis votre prise de fonction, de plus 4% par an en 2015 puis en 2016.
D’ailleurs, nous devons relever que vos méthodes de management ont été, à plusieurs reprises, contestées par tout ou partie du personnel placé sous votre autorité, soit de manière individuelle, soit de manière plus collective comme, par exemple, lorsque au mois de septembre dernier vos représentants du personnel ont souhaité faire part du mal-être des salariés en s’adressant directement à la Direction des Ressources Humaines. Ce n’est que par l’intervention de votre Directeur Régional que le dialogue a pu être renoué et le calme revenir.
Votre comportement managérial inadapté et récurrent est d’autant moins acceptable que vous avez bénéficié d’un accompagnement régulier et soutenu de votre Directeur Régional mais également de séances de coaching individualisées.
Aussi, au regard des griefs rappelés ci-avant, nous ne pouvons que constater que vous n’avez pas su gérer l’ensemble des missions qui vous incombent pourtant, votre attitude et notre échange lors de l’entretien précité ne nous permettant pas, au surplus, de pouvoir être rassurés sur le fait que vous ayez pris pleinement conscience de votre responsabilité dans les carences ainsi relevées le, donc, que vous modifierez en conséquence, et à court terme, votre façon de travailler à l’avenir.
Dans ces conditions, nous devons considérer que l’ensemble des éléments de manquements et d’insuffisances ci-dessus rappelés constitue un motif réel et sérieux justifiant la mesure de licenciement que nous vous notifions par la présente’.
La salariée a saisi le 7 avril 2017 le conseil de Prud’hommes de Marseille d’une contestation de son licenciement, de demandes subséquentes et de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et manquement à l’obligation de sécurité.
Par jugement du 14 mars 2019 le conseil de prud’hommes de Marseille a :
– dit que le licenciement intervenu est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamné la SAS [4] à régler à Madame [L] [O]:
* 30 000,00 € à titre de dommages et intérêts,
* 1 500,00 € au titre de l’ article 700 du Code de Procédure Civile,
– ordonné l’exécution provisoire en application des dispositions de l’ Article 515 du Code
de Procédure Civile,
– débouté le défendeur de sa demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
– condamné le défendeur aux entiers dépens.
La salariée a interjeté appel du jugement par acte du 11 avril 2019 énonçant :
‘Objet/Portée de l’appel: Réformation de la décision du 14 mars 2019 rendue par le Conseil de Prud’hommes de Marseille. L’objet de l’appel étant détaillé dans le courrier PDF ci-joint intitulé « OBJET DE L’APPEL »’.
auquel est joint un courrier à l’entête de son avocat indiquant :
‘L’appel est formé contre le jugement susvisé en ce qu’il a :
– a débouté Madame [L] des demandes ainsi formulées dans le dispositif
des conclusions soumises au Premier Juge:
– Dire fautive l’exécution du contrat de travail par la Société [4]
– condamné en conséquence la Société SAS [4] au paiement de la somme de 20 000,00 € (vingt mille euros) à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,
– 90 000,00 € (quatre vingt dix mille euros) à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en application des dispositions de l’Article L.1235-3 du Code du Travail,
– et en ce qu’il ne lui a accordé qu’une somme de 30 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, au lieu des 90 000,00 € dont l’allocation était sollicitée.’
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 9 juillet 2019 Mme [L], appelante, demande de :
DIRE Madame [L] bien fondée en son appel limité.
CONFIRMER le jugement déféré en ce qu’il a dit le licenciement litigieux dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a condamné la SAS [4] au paiement d’une indemnité d’un montant de 1 500,00 € (mille cinq cents euros) sur le fondement des dispositions de l’Article 700 du Code de Procédure Civile.
L’INFIRMER et y AJOUTER pour le surplus,
DIRE fautive l’exécution du contrat de travail par la société intimée
CONDAMNER cette dernière au paiement des sommes suivantes:
– 20 000,00€ (vingt mille euros) à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,
– 90 000,00€ (quatre vingt dix mille euros) à titre de dommages- intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– 2000,00 € (deux mille euros) à titre d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’Article 700 du Code de Procédure Civile, du chef des frais irrépétibles exposés à hauteur de Cour, l’indemnité allouée par le Premier Juge étant maintenue.
CONDAMNER l’intimée aux dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 15 octobre 2021 la SAS [4], intimée, demande de :
CONFIRMER le jugement en ce qu’il a débouté Madame [L] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 20.000 € pour exécution fautive et dommageable du contrat de travail du chef de l’horaires de travail et de l’obligation de sécurité,
REFORMER le jugement en ce qu’il a :
‘Dit que le licenciement intervenu est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamné la SAS [4] à régler à Madame [L] [O]:
‘ 30.000 € à titre de dommages et intérêts,
‘ 1.500 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
Ordonné l’exécution provisoire en application de l’article 515 du Code de Procédure
Civile,
Débouté le défendeur de sa demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamné le défendeur au entiers dépens’.
Statuant à nouveau,
JUGER que l’employeur a rapporté la preuve de l’ensemble des griefs reprochés à la salariée,
CONFIRMER le licenciement pour cause réelle et sérieuse,
DEBOUTER la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans
cause réelle et sérieuse formulée à hauteur de 90.000 €,
CONDAMNER la salariée au paiement de la somme de 2.000€ au titre de l’article 700 du
CPC de première instance outre les dépens,
Quoiqu’il en soit,
DEBOUTER la salariée de l’intégralité de ses demandes, à savoir:
« Dire Madame [L] bien fondée en son appel illimité,
Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit le licenciement litigieux et dépourvu de
cause réelle et sérieuse, et en ce qu’il a condamné la SAS [4]
BLANC au paiement d’une indemnité d’un montant de 1.500 € sur le fondement de
l’article 700 du Code de Procédure Civile,
L’infirmer et y ajouter pour le surplus,
Dire fautive l’exécution du contrat de travail pour la société intimée,
Condamnée cette dernier au paiement des sommes suivantes:
‘20.000€ à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,
‘90.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
‘2.000 € à titre d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code
de Procédure Civile, du chef des frais irrépétibles exposés à hauteur de Cour, l’indemnité allouée par le Premier Juge étant maintenu,
Condamner l’intimée aux dépens. »
Si par extraordinaire il était fait droit à ses demandes,
REDUIRE à de plus justes proportions les dommages et intérêts sollicités à titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse en tenant compte du barème mis en place par la loi Macron, de l’absence de démonstration d’un préjudice et de la faible ancienneté de la salariée dans l’entreprise,
REDUIRE à de plus justes proportions la demande formulée au titre de l’exécution fautive du contrat qui n’ est pas justifiée dans son quantum,
Condamner Madame [L] à payer à la SAS [4] la somme de 2.000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens de l’instance.
Vu l’article 455 du code de procédure civile,
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 mars 2022.
Par jugement avant-dire droit du 16 juin 2022 la cour a ordonné la réouverture des débats sans révocation de l’ordonnance de clôture à l’audience du 7 septembre 2022 pour recueillir les observations des parties sur le moyen tiré de l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel soulevé d’office.
La salariée a remis ses observations au greffe le 10 août 2022.
Par message électronique du 7 septembre 2022 l’avocat de la société a indiqué s’en rapporter aux observations de l’avocat de la salariée sur le moyen tiré de l’effet dévolutif de l’appel.
SUR CE
Sur la dévolution
L’article 901 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022 dispose:
‘La déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité :
1° La constitution de l’avocat de l’appelant ;
2° L’indication de la décision attaquée ;
3° L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l’avocat constitué. Elle est accompagnée d’une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle.’
En application des articles 748-1 et 930-1 du même code, cet acte est accompli et transmis par voie électronique.
L’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l’acte d’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s’opère pour le tout que l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Par ailleurs dans son avis n° 15008 du 8 juillet 2022 la deuxième chambre civile de la cour de cassation a indiqué que :
– le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 et l’arrêté du 25 février 2022 modifiant l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication électronique en matière civile devant la cour d’appel sont immédiatement applicables aux instances en cours pour les déclarations d’appel qui ont été formées antérieurement à l’entrée en vigueur de ces deux textes réglementaires, pour autant qu’elles n’ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n’a pas fait l’objet d’un déféré dans le délai requis ou par l’arrêt d’une cour d’appel statuant sur déféré.
– une déclaration d’appel à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués, constitue l’acte d’appel conforme aux exigences de l’article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction et ce, même en l’absence d’empêchement technique.
Dans ses observations la salariée fait valoir que sa déclaration d’appel opère effet dévolutif dès lors que l’article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2022-245 du 25 février 2022 et l’arrêté du 25 février 2022 relatif à la communication électronique en matière civile, tous deux d’application immédiate, autorisent l’adjonction d’une annexe, y compris en l’absence d’empêchement technique, ce qu’a confirmé la cour de cassation dans son avis du 8 juillet 2022, et ce, pour autant que la déclaration d’appel renvoie expressément à l’annexe comme c’est le cas en l’espèce.
Il résulte désormais de l’article 901 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022 qu’une déclaration d’appel à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués, constitue l’acte d’appel conforme aux exigences de l’article 901 du code de procédure civile même en l’absence d’empêchement technique et que celle-ci opère dévolution au sens de l’article 562 du même code.
En conséquence la cour dit que la déclaration d’appel du 11 avril 2019 à laquelle est jointe une annexe contenant les chefs de jugement critiqué opère dévolution et que la cour est donc saisie de ces chefs.
Sur le licenciement
Les articles L.1232-1 et L. 1232-6 du code du travail prévoient que le licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse et résulte d’une lettre de licenciement qui en énonce les motifs.
En vertu de son pouvoir de direction, l’employeur peut décider de licencier un salarié, selon les règles de droit commun, pour des faits relevant d’une insuffisance professionnelle.
L’insuffisance professionnelle, sans présenter un caractère fautif, traduit l’inaptitude du salarié à exercer de façon satisfaisante, conformément aux prévisions contractuelles, les fonctions qui lui ont été confiées et les objectifs qui lui ont été fixés. Si l’employeur est juge des aptitudes professionnelles de son salarié et de son adaptation à l’emploi et si l’insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, elle doit être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables.
L’insuffisance professionnelle constitue un motif de licenciement non disciplinaire.
Toutefois, un employeur est fondé à invoquer une insuffisance professionnelle pour justifier un licenciement pour faute si la mauvaise volonté délibérée du salarié est établie.
En vertu de l’article L.1235-1 du code du travail, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure de licenciement suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La lettre de licenciement fixe les limites du litige.
En l’espèce, il ressort de la lettre de licenciement dont les termes ont été restitués ci-dessus que la société reproche à la salariée une incapacité persistante à exercer les fonctions relevant de son contrat de travail caractérisée par :
– des manquements récurrents dans le respect des obligations en matière d’hygiène et de sécurité reposant sur :
– des dysfonctionnements dans la gestion du service de cuisine relevés notamment par l’organisme de contrôle Merieux et les audits du prestataire Restalliance et l’absence de mise en oeuvre de plan d’action;
– l’absence de suivi du registre de sécurité et de diligences pour lever les réserves de sécurité émises dans les rapports Qualiconsult;
– le défaut de suivi du carnet sanitaire où a été notamment constaté l’absence de classement de l’analyse légionelle 2016;
– des carences importantes dans le suivi administratif reposant notamment sur le constat fin novembre 2016 de retard de traitement de près de cinquante factures fournisseurs;
– un management inadapté et défaillant reposant l’instabilité chronique de l’équipe d’encadrement, un turn-over de l’ensemble du personnel, l’augmentation croissant du taux d’absentéisme, la contestation individuelle et collective de ses méthodes de management.
1° Sur les manquements en matière d’hygiène et de sécurité,
1-1 le service restauration/cuisine
La société pointe une dégradation de tous indicateurs de sécurité sanitaire au niveau de la restauration/cuisine (température, fabrication, hygiène, nettoyage, traçabilité, documentation, note globale ) de mars à août 2016 résultant des rapports d’audit de l’organisme de contrôle Mérieux à laquelle la salariée n’a pas apporté de correctif pour n’avoir exécuté que 12% du plan d’action préconisé et une dégradation du niveau de performance de l’hygiène de la cuisine, notamment s’agissant de la traçabilité, résultant des audits d’évaluation du prestataire Restalliance qui chutait de 16% en un mois en octobre 2016 et ce, sans que la salariée ne formalise de plan d’action en dépit des conseils de Restalliance et de la commande du second de cuisine.
Elle produit :
– le rapport d’audit de la ‘maîtrise sanitaire en restauration collective sur place’ de Mérieux NutriSciences du 1er décembre 2016, du 3 mars 2016, du 3 mai 2016, du 18 août 2016;
– les documents d’audit de suivi de l’organisme Merieux présentant les actions correctives préconisées pour chacun de écarts constatés et ce pour les audit du 3 mars 2016, du 3 mai 2016, du 18 août 2016 et du 1er décembre 2016;
– les évaluations restauration Restalliance du 24 novembre 2015, du 4 janvier 2016, du 29 février 2016, du 18 mars 2016, du 29 avril 216, du 30 mai 2016, du 24 juin 2016, du 22 août 2016, du 17 septembre 2016 et du 12 octobre 2017 portant évaluation en pourcentage des catégories Hygiène, Prestation, Gestion à partir d’ item ‘satisfaisant’ ou ‘non satisfaisant’ dont est tiré une évaluation en pourcentage des Points de conformité;
La salariée conteste les carences qui lui sont imputées et explique que le groupe a décidé en septembre 2015 d’internaliser nationalement la fonction de restauration avec le recours à un prestataire de service de restauration rapide la société Restalliance pour l’approvisionnement et l’accompagnement dans la mise en oeuvre, le contrôle de l’exécution du plan de maîtrise sanitaire et le suivi des actions correctives, associé à l’intervention de l’organisme indépendant Mérieux chargé d’opérer des contrôles biologiques et de procéder à des audit réguliers de la maîtrise sanitaire.
Elle soutient qu’au contraire des affirmations de la société :
– les audit Mérieux révèlent que le score du service restauration/cuisine est passé du niveau de risque en zone rouge avec un score de zéro en octobre 2015 à la zone verte avec un score de 94% en mars 2016 et que les non conformités relevées en août 2016 sont anecdotiques (absence de prélèvement sur une denrée, non modification du menu et de l’étiquetage des plats témoins mixés sur la seule journée du 16 août) pour un score final de 88,3 % et un niveau de risque en zone verte;
– l’audit du prestataire Restalliance du mois d’octobre 2016 conclut à un pourcentage de points de conformité de 65,60% et non 49% comme allégué par la société, ce qui est en hausse par rapport au mois de septembre (64,8%) et pour le mois de novembre ce pourcentage est porté à 77,3 % ;
– elle s’est montrée réactive et a remis au chef de cuisine le plans d’action consécutifs aux audit Mérieux et Restalliance.
Elle produit :
– les rapports d’audit de la ‘maîtrise sanitaire en restauration collective sur place’ de Mérieux NutriSciences du 1er octobre 2015, du 3 mars 2016 et du 18 août 2016;
– des grilles d’évaluation des points de conformité Restalliance du 24 novembre 2015, du 17 septembre 2016 et du 12 octobre 2017,
– un tableau détaillant item par item les actions correctives mises en place suite aux préconisations du plan d’action de l’audit Mérieux du 18 août 2016 ;
– un tableau de bord de suivi des actions correctives mises en place dans le cadre des audits Restalliance détaillant l’objet concerné (locaux, matériel, hygiène, effectifs), le descriptif de l’anomalie, la date du contrôle, la nature de l’action entreprise, les personnes concernées, le délai ainsi qu’une case de code couleur ‘fait’, ‘à faire’, ‘attente devis ou commande’, ‘devis reçu’;
A l’analyse des documents de l’organisme Mérieux la cour relève d’abord que l’audit du 18 août 2016 conclut à une note globale de 88,3 sur 100 assorti d’un classement au niveau de risque en vert.
Dans le détail, les points énoncés dans la lettre de licenciement comme étant ‘particulièrement critiques’, relevant d’un ‘constat alarmant’, concernant la réalisation et la conservation des plats témoins, le respect des températures pour les préparations froides, la traçabilité du contrôle des huiles, la traçabilité des produits déconditionnés ou décongelés, sont classés en C correspondant selon la nomenclature à une ‘faible proportion de l’exigence respectée’.
La cour n’a pas trouvé d’évaluation d’un item correspondant au respect des dates limites de consommation de produits après ouverture, en revanche ceux correspondant au respect des durées de vie des matières premières déconditionnées et décongelées, au respect des durées de vie maxi des encours ou produits finis, sont classés A (‘conformité totale à l’exigence’), seule l’identification des durées de vie maximale des encours ou produits finis en cas d’utilisation différée est classée B (‘conformité à l’exigence mais une légère déviation détectée’).
Il ne résulte pas de ces éléments d’objectivation d’une situation de la maîtrise sanitaire gravement critique comme l’a qualifiée la société.
Sur une perspective d’évolution la cour note que la note globale est stable en mars et mai 2016 (94%, 93,8%), en légère baisse en août 2016 (88,3 %) et chute à 59,60 % en décembre 2016 avec classement en zone orange, ce dernier résultat n’étant cependant pas inclus dans les faits énoncés.
S’agissant de l’appréciation du niveau de mise en oeuvre des plans d’action, la cour observe que le score figurant sur les rapports d’audit Mérieux est de 57,1% en décembre 2015, de 66,7% en mars 2016, de 42,9 % en mai 2016, de 12,5% en août 2016 et que celui-ci repasse à 76,9 % en décembre 2016.
Cet indicateur correspond au taux d’exécution du plan d’action préconisé précédent.
Ainsi à l’analyse comparative des documents de suivi d’audit établis par l’organisme Mérieux, énonçant le plan d’action à mettre en oeuvre pour chacune des anomalies constatées et les rapports d’audit suivants, la cour relève que :
– s’agissant du plan d’action de mars 2016, six des sept item sur lesquels étaient formulées des mesures correctives sont repassés en note A lors de l’audit du mois de mai 2016, seul celui concernant l’état des locaux et équipements reste en C;
– s’agissant du plan d’action de mai 2016, sur les sept item sur lesquels étaient formulées des mesures correctives, trois restent en C (maîtrise de la traçabilité, respect des modalités de conservation des plats témoins, état des locaux et équipements), un passe en B (traces de ravageurs et nuisibles), trois repassent en A;
– s’agissant du plan d’action d’août 2016, sur les treize item sur lesquels étaient formulées des mesures correctives, deux restent en C (respect de la procédure de contrôle/réception, état des locaux et équipements), un passe en B (respect des DLUO/DM) et dix repassent en A.
Ainsi si le niveau d’intervention corrective est faible entre mai et août 2016, il remonte significativement sur la période d’août à décembre et ces éléments n’établissent pas la matérialité de l’assertion d’une négligence de la salariée dans la mise en oeuvre du plan d’action proposé par Mérieux reposant sur un taux d’atteinte de 12% à la mi-novembre alors que tant l’analyse ci-dessus, que le pourcentage d’exécution du plan d’action de 76,9% mentionné sur le rapport d’audit du 1er décembre 2016 attestent à cette période d’un suivi satisfaisant des actions correctives et la salariée justifie qu’elle a mis en place ces actions ainsi qu’un outil pour en assurer le suivi.
A l’analyse des documents Restalliance produits la cour constate d’abord qu’aucun rapport d’évaluation n’est produit pour le mois d’octobre 2016, visé dans la lettre de licenciement de sorte que les assertions relatives un score de points de conformité de 49% en baisse de 16% sur un mois n’est pas vérifiable.
La cour relève ensuite que le score était de 77% en novembre 2015, de 67% en janvier 2016, de 81% en février 2016, de 65% en mars 2016, de 75% en avril 2016, de 76% en mai 2016, de 68 % en juin 2016, de 49% en août 2016, de 65% en septembre 2016 et en octobre 2017, soit un an après le licenciement, de 66% .
Il en résulte que ce taux fluctuant selon les mois s’étageait habituellement, y compris après la rupture du contrat de travail, entre 65 % et 81% et que la chute en dessous de la moyenne d’août 2016, est restée ponctuelle et a donné lieu dès septembre à une remontée de 16 points, la salariée justifiant d’ailleurs de la formalisation d’un plan d’action détaillant les mesures correctives mises en place.
La cour relève en définitive que non seulement n’est pas rapportée la preuve de résultats alarmants mais que la société ne produit aucun élément de comparaison des résultats avec ceux d’autres établissements ou au regard d’une moyenne nationale permettant de vérifier l’insuffisance professionnelle alléguée de la salariée à remplir ses fonctions en terme de tenue du service restauration/cuisine.
1- 2 le suivi du registre de la sécurité et les réserves de sécurité émises par les rapports Qualiconsult
La société pointe le constat de l’absence de tenue et de suivi du registre de sécurité (précom) en dépit des relances qui lui ont été adressées, dont en dernier lieu par le directeur régional le 10 octobre 2016 et ce, à six mois de la prochaine commission de sécurité, ce que conteste la salariée qui affirme l’avoir en permanence mis à jour.
La société fait également valoir que la salariée n’a pas mené d’action pour lever les réserves de sécurité émises par les rapports Qualiconsult sur le Système de Sécurité Incendie et sur la porte automatique, ce que conteste la salariée qui affirme avoir au contraire constamment alerté des dysfonctionnements récurrents et procédé à différentes démarches pour tenter de lever ces réserves de sécurité alors que l’employeur a fait perdurer une situation dangereuse faute de procéder aux investissements nécessaires en remplaçant notamment l’ascenseur.
La cour relève d’abord que la société n’explicite pas concrètement en quoi le registre de sécurité n’a pas été correctement tenu par la salariée.
Elle se limite à produire les mails de M. [N], responsable régional sécurité, du 21 janvier 2016, du 2 mars 2016 demandant à la salariée de lui adresser ‘le suivi du tableau pour la préparation de la prochaine réunion de sécurité’ donnant lieu à réponse de celle-ci (22 janvier ‘Je ne t’oublie pas. Je t’envoie cela la semaine pro’ – 4 mars ‘ ‘Le tableau je continue à le remplir’) et du 10 octobre 2016 ‘Peux-tu me faire avec l’aide de ton agent, une mise à jour du tableau précom pour savoir où tu en es ‘ Je t’appelle ce jeudi vers 11h pour faire un point tel sur celui-ci. Merci de ton retour’ suivi de mails de M. [N] à M. [B], directeur opérationnel, du 21 novembre 2016 ‘Depuis le 21 janvier 2016 j’ai demandé le suivi et rien depuis toutes mes relances’ ‘Rien depuis’, qui tout au plus serait de nature à établir un défaut de réponse à la demande de son supérieur mais n’identifie pas de carence de suivi dans le contenu même du registre.
La cour relève ensuite sur la question des réserves de sécurité émises par les rapports Qualiconsult et non levées faute d’action menée par la salariée, la société se borne à se référer à 5 réserves sur le SSI et 1 sur la porte automatique sans toutefois produire les rapports de l’organisme de contrôle, préciser la date, l’objet de ces réserves, ni fournir d’élément de nature à vérifier l’inaction de la salariée.
Seuls sont produits un arrêté de fermeture avec interdiction d’occupation de plusieurs services de l’établissement pris par la ville de [Localité 5] le 1er juin 2016 consécutivement à la série d’incendies d’origine criminelle des 31 mai et 1er juin 2016, le rapport favorable de la commission communale de sécurité du 28 octobre 2016 ainsi que l’arrêté de réouverture du 3 février 2017 dont la pertinence au regard du fait invoqué n’est pas déterminée ni explicitée.
La cour relève au surplus que la salariée produit en pièces 27 à 44 des échanges de mails de janvier 2016 à novembre 2016 avec ses supérieurs et des prestataires dont il résulte que la salariée se saisissait du résultat des rapports de l’organisme Qualiconsult (SSI, ascenseur, VMC, gaz..), alertait et soumettait pour avis du responsable sécurité, les points de non conformité, sollicitait des devis puis leur validation pour lever les réserves.
Il s’ensuit qu’aucune carence de la salariée n’est rapportée par la société.
1- 3 le défaut de suivi du carnet sanitaire qui ne contient pas l’analyse légionelle 2016
La société se prévaut de la reconnaissance par la salariée lors de l’entretien préalable d’une omission de classement dans le carnet sanitaire de l’analyse légionnelle 2016 et se réfère à la pièce adverse 14 constituée du compte rendu d’entretien préalable rédigé par la déléguée syndicale ayant assisté la salariée.
Dans ses écritures la salariée indique que lors de sa visite du 18 avril 2016 M. [A], responsable maintenance, avait vérifié l’excellent état du carnet sanitaire sans formuler d’observation ni relevé l’absence de cette fiche.
A l’analyse des pièces du dossier, la cour constate qu’il résulte du compte rendu d’entretien préalable que la salariée produit, que celle-ci admettait ne pas avoir classé immédiatement l’analyse légionnelle 2016 dans le carnet sanitaire, sans qu’aucun élément ne permette d’apprécier le délai séparatif entre le résultat de l’analyse et le constat de son absence dans le carnet, qui en tout cas constitue le seul manquement invoqué à l’appui du défaut de suivi du carnet sanitaire, qui apparaît dès lors ponctuel et dont la portée ne peut être mesurée en l’absence de tout autre élément.
2° Sur les carences dans le suivi administratif
La société fait valoir que fin novembre 2016, près de cinquante factures fournisseurs étaient en attente de traitement, dont celles du mois d’octobre.
A l’analyse des pièces du dossier la cour relève que si la société justifie que la responsabilité de la gestion administrative incombait bien à la salariée par la fiche de fonction ‘Directeur d’établissement’et les documents uniques de délégation de pouvoirs du 1er août 2013 et du 1er avril 2014, s’agissant de la matérialité et de l’étendue du retard allégué dans le traitement de la facturation, la société se borne à se référer aux dires de la salariée lors de l’entretien préalable.
Or ce compte rendu rapporte qu’effectivement la salariée ne déniait pas une possible accumulation de factures au secrétariat, qualifiant la situation de ‘dysfonctionnement ponctuel… du fait de l’absence de l’assistante de direction de fin septembre à mi- novembre’ entraînant une surcharge de travail et l’ayant conduite à prioriser la tenue de la gestion des temps, des plannings et des payes.
Cette seule réaction de la salariée au fait qui lui était présenté lors de l’entretien préalable du 28 novembre 2016, ne permet pas de vérifier le quantum de la facturation en attente de traitement et ni d’apprécier ce délai d’attente par rapport à ce qui est normalement attendu eu égard à un process précis ou un délai moyen de traitement de sorte que ce seul élément est insuffisant à objectiver le fait invoqué dans sa matérialité et sa portée.
3° Sur les méthodes de management
La société invoque un management inadapté et défaillant à l’origine:
– d’une instabilité chronique de son équipe d’encadrement et d’un turn-over de l’ensemble du personnel passé de 4% en 2014 à 27% en 2016;
– d’un taux d’absentéisme en augmentation depuis sa prise de fonction, de + 4% par an en 2015 et en 2016;
– de conflits sociaux, individuels ou collectifs par l’intermédiaires des représentants du personnel
et ce, en dépit d’un accompagnement de l’employeur par du coatching et des formations en gestion des émotions.
La salariée conteste les faits. Elle réfute être à l’origine des départs au sein de l’équipe d’encadrement, motivés par diverses raisons personnelles, soutient que les mouvements de personnels qu’au demeurant elle relativise, sont circonstanciels ou résultent de décisions et choix de gestion de l’entreprise et fait valoir que les tensions internes ont pour origine la fronde, délibérée et isolée, de deux délégués du personnel qui l’a personnellement visée, y compris par des actes de dégradation à son domicile et qui a divisé les salariés dans un contexte où elle avait été recrutée pour ‘remettre de l’ordre en raison de dérives des pratiques professionnelles’ ce qui a suscité le mécontentement de ceux qui profitaient de la situation.
Sur la contestation des méthodes de management de la salariée et les conflits sociaux au sein de l’établissement, la société produit :
– le courrier adressé au médecin du travail avec copie au délégué du personnel, de Mme [P], cadre de santé, du 7 septembre 2013 qui indique rencontrer un problème de harcèlement au sein de l’établissement en désignant la salariée qui ‘défait toute ce qui a été mis en place’, qui lui a changé ses horaires de travail avec une coupure en journée, lui a imposé de travailler également en week-end contrairement à ce qui avait été convenu avec l’ancienne directrice et le médecin coordonnateur, qui exerce des pressions sur toute l’équipe et demande à l’aide soignante coordinatrice de ‘pister les éléments indésirables qu’elle veut faire partir’ ce qui l’a conduite à solliciter une rupture conventionnelle;
– le mail du 1er novembre 2013 de M. [Y], cadre infirmier engagé le 16 octobre 2013, qui indique revenir sur sa démission adressée dans ‘un mouvement d’humeur’ car la salariée ne cessait de lui adresser des mails et SMS y compris durant les jours de repos, créant ‘un grand stress’ ayant finalement quitté les effectifs de la société le 5 décembre 2013 en mettant fin selon l’employeur à sa période d’essai;
– le courrier de Mme [U], aide-soignante coordinatrice, du 9 septembre 2013, par lequel elle se plaint d’une perte de considération, d’un local dédié, de conflits et de changements dans ses conditions de travail par des changements de plannings incluant désormais les week-ends, étant précisé que la piètre qualité de la photocopie n’en permet qu’un déchiffrage partiel ainsi que son courrier du 11 septembre 2013 par lequel elle sollicite une rupture conventionnelle en imputant sa volonté de quitter la société à une autre salariée, Mme [H];
– le courrier du docteur [K] médecin du travail du 3 septembre 2015 informant la société qu’en octobre 2013 elle avait alerté la directrice de ‘plaintes de salariés lors d’entretiens individuels afin que soit entreprise une démarche d’évaluation des Risques Psychosociaux’ ce qui avait été discuté au CHSCT avec proposition d’expertise des représentants du personnel sans que rien ne soit entrepris alors que la situation s’est dégradée, ce médecin précisant constater assez fréquemment des signes de souffrance au travail, un turn-over important, nécessitant ‘d’identifier les causes de ce mal-être au travail (organisation, management, charge de travail, soutien social…)’
– le courrier en réponse du directeur régional M. [B] le 7 septembre 2015 faisant état d’une rencontre avec une délégation salariale le 4 septembre, d’un renouvellement du CHSCT le 15 septembre avec formation de ses membres, de la mise à jour du document unique d’évaluation des risques lors des réunions du CHSCT, de la piste consistant à veiller à un meilleur accueil des nouveaux salariés avec un livret d’accueil, le travail en binôme avec un salarié expérimenté et l’organisation de réunions de transmission régulières ;
– un courrier dactylographié du 1er septembre 2016 non signé mais se revendiquant des ‘délégués du personnel’, à l’entête ‘Délégation du personnel du Roucas Blanc’ indiquant :
‘ il y a à peu près 1 an , nous avons eu une réunion avec vous pour expliquer et dénoncer les
problèmes récurent au travail, le mal-être du personnel et leur envie de faire grève pour manifester ce désarroi, la peur et la boule au ventre d’ aller au travail.
Nous avons réussi à temporiser et atténuer ces problèmes en pensant et souhaitant qu’ après cette réunion et la mise à plat des problèmes qui ne nous cachons pas été ciblés sur la direction et la gouvernante (harcèlement management et autres), la situation s’ arrangerait, malheureusement 1 an après, la situation est toujours déplorable et même pire, le personnel est à bout, il y a eu hélas et malheureusement ce très grave et inexcusable incendie criminel apparemment causé par un membre du personnel (dixit la directrice) peut-être, mais demandons nous si la justice le conclue: pourquoi cet acte’ comment une personne a pu en arriver là ‘ la dégradation du véhicule de la directrice, environ 80% du personnel a changé depuis la prise de poste de cette dame, les cadres ne restent pas, les cdd partent, accidents, maladie (courrier de la médecine du travail pour informer et prévenir de la souffrance et du turn-over au travail) et maintenant le harcèlement continu en détournant la finalité des caméras en espionnant le personnel, le travail donné en plus sans fiche de tache, sans savoir si cela peut se faire dans les horaires de travail, on en demande toujours plus, enfin vraiment des conditions de travail pénible, très pénible et qui mettent le personnel dans un état de détresse, de désarroi, et stress qui finalement n’aide pas à être productif et pratiquer du bon travail surtout avec des personnes âgées, et qui rend le personnel vulnérable, vous devez savoir en tant que dirigeant, les trop nombreux cas de suicides malheureusement en ce moment dans notre corporation et avant qu’un malheur arrive chez nous essayons rapidement de régler tous ces problèmes’;
Il en résulte que le management de la salarié est directement mise en cause par trois salariés en 2013 ainsi que par un courrier de délégués du personnel du 1er septembre 2016, la démarche du médecin du travail se limitant pour sa part à signaler des signes de souffrance au travail et à inviter l’employeur à mettre en oeuvre des mesures pour en identifier les causes, sans cibler la directrice d’établissement, ni invoquer d’élément concret.
Or les écrits ponctuels des trois salariés ne constituent que des appréciations personnelles de l’exercice professionnel de la salariée appelante, qu’ils critiquent en invoquant des éléments qui ne sont pas matériellement vérifiables et ceux-ci sont de 2013 sans que la société n’explique en quoi, alors qu’ils n’ont donné lieu à aucune suite, ils sont ne nature à caractériser une carence dans les capacités de management justifiant une décision de rupture trois ans après.
Quant au courrier du 1er septembre 2016, la cour relève que ses caractéristiques le privent toute valeur relativement au contenu qu’il dénonce.
En effet ses auteurs ne sont pas identifiés et bien que revendiquant la qualité de délégués du personnel de l’établissement, la démarche ne s’insère pas dans le cadre institutionnel des organisations représentatives du personnel.
Au surplus la salariée produit un courrier du 12 septembre 2016 au nom des ‘Employés du Roucas Blanc’, signé par vingt et un salariés se disant ‘choqués’ par cette initiative sans information préalable ni demande du personnel, à l’encontre de la directrice ‘qui fait de son mieux pour que les résidents et les employés puissent s’épanouir’, le courrier de M. [S], secrétaire de direction, du 14 septembre 2016 protestant à l’encontre de l’initiative personnelle et non concertée de certains délégués du personnel ainsi que les comptes rendus de réunions des délégués du personnel de janvier à juin 2016 qui ne font état d’aucune doléance en ce sens.
Il s’ensuit que ce courrier qui n’apparaît pas représentatif des conditions de travail du personnel de l’établissement, n’est pas de nature à objectiver les faits qu’il rapporte.
Par ailleurs sur l’instabilité de l’équipe d’encadrement, la société fait état de changements récurrents au sein des membres du COPIL, dont certains l’ont personnellement incriminée et dont le départ a systématiquement conduit à un conflit supporté par l’établissement.
Elle cite la succession de trois assistants ou adjoints de direction (Mme [Z], Mme [R] décembre 2014 – démission mai 2015, M. [M] novembre 2015- démission avril 2016) de trois infirmière coordinatrices (Mme [E] janvier 2014 puis en arrêt maladie, Mme [T] en CDD de mai à juillet 2015, Mme [I] qui a souhaité être mutée dans un autre établissement) et de trois médecins coordonnateurs (Mme [J] février-août 2015, Mme [W] septembre 2015 – janvier 2016, M. [X]).
A l’analyse des pièces du dossier la cour relève qu’aucun élément n’est produit de nature à objectiver les causes de ces changements de titulaires et à les imputer spécifiquement au management de la salariée.
S’il est justifié que Mme [Z] a saisi le conseil de Prud’hommes par la production de la convocation devant le bureau de conciliation, ce seul élément ne permet pas de vérifier l’assertion de la société sur l’imputabilité de griefs dirigés par la requérante contre la salariée appelante.
Par ailleurs s’il ressort du rapport de suivi ‘Accompagnement de l’IDEC nouvellement nommée’ de Mme [I], qu’à son arrivée le 2 septembre 2015, le poste étant vacant depuis 3 mois et elle a dû faire face à une désorganisation et ‘un climat social peu serein avec un absentéisme relativement important, des équipes inquiètes, en manque de repères et confiance’, ce rapport pointe également que Mme [I] rapporte ‘être prête à relever le challenge’ et ‘avoir la confiance et le soutien du directeur régional et de la directrice’.
Sur le turn-over du personnel, la société produit :
– en pièces 11 et 32 des extraits du registre des entrées et sorties du personnel depuis le 1er janvier 2014 constitués de plusieurs centaines de photocopies sans rapprochement sur une même page ou à la suite immédiate de l’intégralité des informations, qui dès lors ne mettent pas en mesure la cour d’associer pour chacun des salariés une date d’entrée et de sortie, le type de contrat et le mode de rupture;
– un document intitulé dans son bordereau de communication de pièces (pièce 33) ‘Etat des mouvements du personnel pour l’année 2014″ faisant figurer sur une feuille libre le total des entrées sur l’année (38) et le total des sorties (35) ventilées selon le type de rupture, soit fin de période d’essai à l’initiative du salarié (10), fin de période d’essai à l’initiative de l’employeur (2), démission (11), rupture conventionnelle (4), départ à la retraite (1) et licenciement (7), document qui ne présente en soi aucune valeur probante et qui n’est pas vérifiable au moyen du registre des entrées et sorties du personnel compte tenu de ce qui a été précédemment dit;
Il s’ensuit que ces pièces ne sont pas de nature à permettre d’apprécier la matérialité et la quantification du turn-over allégué alors qu’en outre il n’est fourni aucun élément de comparaison avec d’autres établissements ni d’élément à l’appui du passage de 4% en 2014 à 27% en 2016, année pour laquelle aucune donnée chiffrée n’est pas produite sur les mouvements de personnels.
S’agissant du taux d’absentéisme en augmentation depuis sa prise de fonction, de + 4% par an en 2015 et en 2016, la société produit en pièce 35 des tableaux faisant figurer le nombre d’heures d’absence pour les années 2014 et 2015, total et ventilé selon la nature des absences et les filières, avec l’écart en pourcentage au regard de l’année N-1.
A l’analyse de ces documents, qui ne présentent pas en soi de valeur probante et ce d’autant qu’ils comportent des erreurs de report des chiffres 2014 sur le tableau 2015 pour le calcul des écarts (congés maternité et autres absences), la cour relève que si le total des heures d’absence est en augmentation de 14% en 2015 et dans le sous-groupe des arrêts maladie visé dans les écritures de la société, de 19,76 %, il ne peut en être tiré de conclusions d’évolution fiable dès lors qu’aucun chiffre n’est donné pour 2016 et que le total des absences était en baisse de 11,74 % en 2014 par rapport à 2013, celles des arrêts maladie en baisse de 24,60% .
Ainsi étant précisé que l’assertion de la société basée sur le taux d’arrêts maladie présuppose sans en justifier qu’ils seraient réactionnels aux conditions de travail, la cour dit que la société n’objective pas que durant l’exercice de ses fonctions par la salariée, le taux d’absentéisme a augmenté en particulier de 4% par an en 2015 et 2016.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la société qui procède par méthode inductive à partir de données sociales, associées à des critiques subjectives pour reprocher à la salariée un management inadapté et défaillant, ne démontre ni la matérialité ni l’imputabilité des faits invoqués par des éléments précis et concrets.
En conséquence la cour confirme le jugement déféré en ce qu’il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
La salariée qui était employée dans une entreprise occupant plus de onze salariés et qui présentait plus de deux ans d’ancienneté peut prétendre en application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction seule applicable à la date du licenciement et non comme le soutient la société ‘en tenant compte du barème mis en place par la loi Macron’, la salariée peut prétendre à une indemnité en réparation du préjudice résultant de la perte de l’emploi qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire.
Eu égard au montant de la rémunération mensuelle brute perçue par la salariée (3 916,17 euros), de son ancienneté, de son âge, de sa capacité à retrouver un emploi avec une reconnaissance d’invalidité catégorie 2, des explications et pièces fournies sur son préjudice, c’est par une exacte appréciation que le conseil de Prud’hommes a alloué à la salariée la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la perte de l’emploi.
En conséquence la cour confirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société à verser à la salariée la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur l’exécution fautive du contrat de travail
La réparation d’un préjudice résultant d’un manquement de l’employeur suppose que le salarié qui s’en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d’une part la réalité du manquement et d’autre part l’existence et l’étendue du préjudice en résultant.
Aux termes de l’article L.4121-1 du code du travail, l’employeur est tenu, pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, de prendre les mesures nécessaires qui comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d’information et de formation et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés; que l’employeur doit veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
L’article L. 4121-2 du même code précise que l’employeur met en ‘uvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral, tel qu’il est défini à l’article L. 1152-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
L’article R.4624-10 du code du travail dans sa rédaction applicable, prévoit que le salarié doit bénéficier d’un examen médical par le médecin du travail avant l’embauche ou au plus tard avant l’expiration de la période d’essai.
C’est à l’employeur de justifier qu’il s’est conformé à ses obligations en matière de surveillance médicale.
En l’espèce la salariée réclame la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts au titre d’une exécution fautive du contrat de travail caractérisée par les manquements suivants :
– une charge très lourde de travail sans organisation de réunion destinée à en évaluer les conséquences en ce qu’elle travaillé plusieurs fois douze voire dix-neuf jours consécutifs sans contrepartie, qu’elle était astreinte à une disponibilité permanente 24/24h, 365 jours par an;
– une visite d’embauche organisée tardivement le 17 juin 2014;
– d’avoir manqué à son obligation de sécurité pour ne pas avoir protégé sa santé mentale et physique en ce qu’elle et sa colocataire également salariée ont subi des actes de vandalisme traumatisants sur leur lieu d’habitation le 16 avril 2016 dont l’employeur a refusé la prise en charge au titre de son assurance alors que le lien avec ses fonctions est indiscutable et en ce que celui-ci n’a pris aucune sanction à l’encontre des auteurs de la lettre anonyme du 14 mars 2014 et ce, dans un contexte où elle a été exposée aux réactions virulentes de certains salariés, en poste antérieurement au rachat de l’établissement par le groupe DomusVi qui refusaient la mise en place des nouvelles procédures comme le démantèlement d’une ‘mafia interne’, qu’elle était chargée de piloter.
La société conteste les manquements. Elle fait valoir d’une part que la salariée qui n’a jamais exprimé à l’occasion des entretiens annuels d’évaluation de doléances sur ses conditions de travail, ne justifie d’aucun élément précis sur la surcharge de travail et la contrainte de disponibilité invoqués, d’autre part qu’elle ne peut être tenue pour responsable au titre de son obligation de sécurité des dégradations intervenues en son domicile personnel et du courrier anonyme adressée au siège de l’entreprise.
A l’appui du manquement reposant sur la charge de travail la salariée se limite à verser aux débats une fiche synthétique de consignes en cas de crise la désignant comme interlocuteur immédiat avec son numéro de téléphone portable.
Ce seul élément n’est pas de nature à établir le manquement reposant sur une exposition à une surcharge de travail et une disponibilité permanente alors que la cour relève que la salariée ne présente aucun élément précis sur ses horaires ni son rythme de travail au regard des temps de repos, des durées maximales de travail, au titre desquels elle ne forme au demeurant aucune demande. Si elle invoque un défaut de réunion sur sa charge de travail pouvant s’analyser en défaut d’organisation d’entretien annuel individuel dans le cadre du forfait en jours qui lui était applicable, elle n’en tire pas les conséquences susceptibles d’être opérantes en terme d’inopposabilité.
Sur le manquement reposant sur la tardiveté de la visite médicale d’embauche, la cour relève que la société, devenue l’employeur de la salariée le 1er avril 2014, n’a pas conclu sur ce point et ne produit aucun élément contredisant la date de la visite médicale d’embauche le 17 juin 2014, ce faisant rapportant la preuve qu’elle s’est conformée à son obligation en matière de surveillance médicale.
Enfin sur le manquement reposant sur l’absence de protection de sa santé mentale et physique, la salariée produit :
– des clichés photographiques des véhicules dégradés par de la peinture, des tags ‘Roucas les voleur’ ‘les gween’, le bris de divers éléments et le basculement d’une moto en contre-bas de rochers, les procès-verbaux de plainte des intéressées mettant en cause nommément des salariées de l’établissement comme étant susceptibles d’être à l’origine des actes de dégradation, le courrier de leur avocat saisissant le procureur général suite au classement sans suite assorti notamment de l’attestation de M. [V], salarié, rapportant avoir recueilli les noms des auteurs, les échanges de mails de la salariée avec la direction pour demander la prise en charge financière des conséquences dommageables par l’assureur de la société et le refus opposé par la société dès lors que les faits ne sont pas rattachés à l’action d’un préposé du groupe;
– la lettre anonyme adressée au siège de la société par ‘Les Indignés du Roucas Blanc’ mettant en cause la salariée pour ‘dresser les uns contre les autres’, ‘dénigrer le travail des équipes’ ‘faire témoigner des résidents, des familles, des salariés pour attaquer la réputation de certains salariés’, ‘agresser verbalement et injurieusement des prestataires de service’ ‘agresser les familles des résidents’, ‘interdire l’accès à … des bénévoles auprès des résidents’, ‘refuser d’accorder du temps ni même mettre à disposition un service pour assurer les procurations ce qui prive encore plus les résidents de ce lien avec leurs droits civiques’, la lettre ajoutant ‘Combien de temps faudra-il encore supporter cette Mme (la salariée) qui utilise des méthodes dignes de Vichy et de son régime Pétainiste ”’ Elle pense encore que pour diriger voir régner, il faut diviser et que seule son autorité va dans le bon sens ”” et précisant que le courrier est adressé au ministre aux personnes âgées, la mairie de [Localité 5], le conseil général, l’ARS, la direction du groupe, la Provence, la Marseillaise, les syndicats CGT, FO, CFDT, l’inspection du travail et médecine du travail.
A l’analyse des écritures et pièces produites, la cour constate d’abord que la salariée ne recherche pas la responsabilité de son employeur sur l’obligation de prévention des risques mais invoque son inaction face aux actes malveillants dont elle a été l’objet du fait de ses fonctions.
La cour dit ensuite qu’à supposer même que les actes de dégradation soient en lien direct avec son exercice professionnel, la salariée est mal fondée en sa demande au titre de l’obligation de sécurité dès lors que le manquement invoqué repose sur le refus de prise en charge financière par l’assurance ce qui ne relève pas de l’obligation de sécurité au sens des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail.
En revanche s’agissant de la lettre anonyme dès lors que celle-ci contient des propos de nature diffamatoire, attentatoires à l’honneur et à la dignité d’un membre de son personnel et qu’elle a été diffusée non seulement en interne mais à des destinataires extérieurs y compris à la presse, sans que l’employeur ne justifie avoir pris une quelconque mesure, même d’investigation à l’égard d’une attaque susceptible d’altérer la santé mentale de la salariée, la cour dit que la société a manqué à son obligation de sécurité de ce chef.
Sur le préjudice, la salariée produit un certificat médical du docteur [G], psychiatre, du 3 octobre 2017 dont le caractère postérieur ne le prive pas d’aptitude à établir que la salariée a subi des répercutions psychiques du ‘conflit professionnel’ à l’origine du syndrome anxio-dépressif réactionnel qu’elle a présenté ayant nécessité des soins toujours actuels à la date du certificat médical.
Dans ces conditions il y a lieu d’allouer à la salariée la somme de 4 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice occasionné par le manquement à l’obligation de sécurité.
En conséquence et en infirmant le jugement déféré, la cour condamne la société à verser à la salariée la somme de 4 000 euros de dommages et intérêts au titre du manquement à l’obligation de sécurité, improprement formulé au titre de l’exécution fautive du contrat de travail.
Sur les dispositions accessoires
La cour confirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société aux dépens de première instance et alloué à la salariée une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société succombant au principal est condamnée aux dépens d’appel.
En application de l’article 700 du code de procédure civile il est équitable que l’employeur contribue aux frais irrépétibles que la salariée a exposé en cause d’appel. La société sera en conséquence condamnée à lui verser la somme de 1 500 euros et sera déboutée de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts au titre de l’exécution fautive du contrat de travail de Mme [L],
Statuant à nouveau sur le chef infirmé,
Condamne la SAS [4] à verser à Mme [L] la somme de 4000 euros de dommages et intérêts au titre du manquement à l’obligation de sécurité, improprement formulé au titre de l’exécution fautive du contrat de travail,
Dit que la somme allouée est exprimée en brut,
Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la SAS [4] à verser à Mme [L] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais d’appel,
Condamne la SAS [4] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT