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AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 14/08076
[W]
C/
ASSOCIATION EM LYON
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 11 Septembre 2014
RG : F 12/03848
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 17 JUIN 2016
APPELANTE :
[L] [W]
née le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Anne Charlotte PASSELAC, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
ASSOCIATION EM LYON
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Joseph AGUERA de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 29 Avril 2016
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Jean-Louis BERNAUD, Président
Chantal THEUREY-PARISOT, Conseiller
Marie-Christine DE LA SALLE, Conseiller
Assistés pendant les débats de Christine SENTIS, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 17 Juin 2016, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Jean-Louis BERNAUD, Président, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
L’association d’enseignement supérieur commercial Rhône-Alpes, qui gère l’école de management de Lyon (EM LYON), a embauché Madame [L] [W] selon contrat de travail à durée indéterminée du 25 août 2008 en qualité de responsable des programmes sports au statut de cadre, catégorie 2 .
Au dernier état de la relation contractuelle Madame [W] percevait un salaire de base de 3746,35 euros bruts.
Le 20 juin 2012 Madame [W] a été convoquée à un entretien préalable en vue d’une éventuelle mesure de licenciement.
L’entretien s’est déroulé le 4 juillet 2012.
Par lettre recommandée du 13 juillet 2012 l’association EM LYON a notifié à Madame [W] son licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Il lui a été reproché en substance d’avoir manqué de respect à l’égard de sa hiérarchie à l’occasion de diverses correspondances, d’avoir remis en cause les choix opérés par la direction, notamment à l’occasion de l’éviction d’un professeur de sport, et de ne pas avoir assuré la gestion des vacataires dans le respect des règles édictées par l’école en déclarant avec retard les heures effectuées par ces vacataires et en validant des factures sans avoir déclaré les interventions correspondantes.
Le 11 octobre 2012 Madame [L] [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon à l’effet d’entendre dire et juger :
qu’elle a été victime d’agissements répétés de harcèlement moral,
que le licenciement fondé sur la dénonciation des agissements de harcèlement moral dont elle était victime est nul et de nul effet en application de l’article L. 1152 ‘3 du code du travail,
subsidiairement que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Elle a sollicité la condamnation de l’association EM LYON à lui payer les sommes de 67 400€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, de 34 946 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, de 22 478 € à titre de dommages et intérêts pour violation par l’employeur de son obligation de prévention du harcèlement et subsidiairement de 44 946 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 11 septembre 2014 le conseil de prud’hommes de Lyon, considérant que Madame [W] n’avait pas été victime d’une situation de harcèlement moral mais que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, a rejeté la demande d’annulation du licenciement et a condamné l’association EM LYON au paiement des sommes de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, de 25 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et de 1500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Madame [L] [W] a relevé appel de cette décision par lettre recommandée du 13 octobre 2014 reçue le 14 octobre 2014.
Vu les conclusions soutenues à l’audience du 29 avril 2016 par Madame [L] [W] qui demande à la cour :
Principalement
de prononcer la nullité du licenciement sur le fondement des dispositions de l’article L. 1152-3 du code du travail,
de condamner en conséquence l’association EM LYON à lui payer les sommes de 67 400 €, de 34 946 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et de 22 748 € à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de prévention du harcèlement,
Subsidiairement
de confirmer le jugement en ce qu’il a dit et jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
de condamner l’association EM LYON, par voie d’appel incident, à lui payer la somme de 44 946 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
En tout état de cause
de condamner l’association EM LYON à lui payer la somme de 5000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Madame [W] fait valoir en substance :
Sur le harcèlement moral
qu’elle a subi pendant plusieurs années les agissements de harcèlement moral de Madame [Y], responsable du programme Bachelor, qui n’a cessé de remettre en cause de façon totalement injustifiée ses compétences professionnelles (désaveu public, remise en cause de la notation des étudiants), qui l’a constamment rabaissée, déconsidérée et blessée par des critiques injustes ,qui l’a décrédibilisée à l’égard de ses collègues, qui l’a mise progressivement à l’écart à son retour de congé de maternité,
que les délégués du personnel ont témoigné de l’existence d’une situation inacceptable,
qu’elle n’a reçu aucun soutien de la direction,
que cette situation a contribué à la dégradation de son état de santé, puisqu’elle a présenté un tableau anxio-dépressif réactionnel sévère,
que l’inspecteur du travail a constaté l’existence d’un risque psychosocial au sein de l’école.
Sur la nullité du licenciement
que le seul motif du licenciement est la dénonciation qu’elle a effectuée de la situation de harcèlement moral dont elle était victime.
Sur le licenciement
que son courrier au directeur général du 21 mai 2012 ne fait que répondre de façon proportionnée aux accusations injustes portées à son encontre et relève de sa liberté d’expression,
qu’elle n’a pas manqué de respect à l’égard de sa hiérarchie,
que sa réaction à l’occasion de l’éviction d’un professeur de sport était exclusivement dictée par l’intérêt de l’école,
que le grief de mauvaise gestion des vacataires est totalement fallacieux.
Vu les conclusions soutenues à l’audience du 29 avril 2016 par l’association d’enseignement supérieur commercial Rhône-Alpes qui s’oppose, par voie d’appel incident, à l’ensemble des demandes formées par Madame [W], dont elle sollicite la condamnation à lui payer la somme de 5000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’association EM LYON s’attache d’abord à démontrer que les trois motifs de licenciement (propos déplacés, opposition systématique au fonctionnement de l’école, mauvaise gestion des vacataires) sont réels et sérieux en considération notamment des fonctions exercées par la salariée.
Elle en déduit que l’argumentation de la salariée, selon laquelle la dénonciation d’une situation de harcèlement moral serait à l’origine du licenciement, est inopérante.
Elle conteste l’existence d’une situation de harcèlement moral en faisant observer que Madame [W] n’établit pas de fait précis et concordants permettant de présumer l’existence d’une telle situation.
Elle soutient à cet effet que Madame [Y] entretenait des relations cordiales avec Madame [W] et que les tensions sont nées du fait que celle-ci ne tolérait pas qu’un contrôle soit exercé sur la gestion de son service, qu’elle a traité avec sérieux les alertes de Madame [W] etque les certificats médicaux ne font que reproduire les déclarations de la salariée.
*
* *
MOTIFS DE L’ARRET
Sur la demande en nullité du licenciement et sur le harcèlement moral
Selon les dispositions de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L’article L.1152-2 du même code dispose « qu’aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ».
Aux termes de l’article L.1152-3 « toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul ».
Enfin l’article L1154-1 prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné doit établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Au sens de ces textes il appartient donc d’abord au salarié d’établir la réalité de faits répétés, qui pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral.
En l’espèce Madame [R] [I] allègue les faits suivants :
Mme [Y], responsable du programme Bachelor, n’a eu de cesse de remettre en cause de façon totalement illégitime ses compétences professionnelles en modifiant ses décisions, en la désavouant publiquement notamment auprès des étudiants et en organisant une véritable campagne de diffamation en affirmant notamment qu’elle avait été incapable de gérer son remplacement à l’occasion de son congé de maternité,
elle s’est retrouvée progressivement mise à l’écart et stigmatisée dès son retour de congé de maternité, alors notamment qu’elle n’a pas été associée à la mise en place d’un nouveau programme « MSC in sports and outdoor industry management » et qu’elle n’a eu aucun retour du contact qu’elle avait noué avec l’INSEP,
elle a alerté en vain ses supérieurs hiérarchiques de la dégradation de ses conditions de travail, qui s’inscrit dans le cadre plus général de l’existence d’un risque psychosocial au sein de l’EM LYON, dont l’inspecteur du travail a constaté l’existence en invitant la direction à procéder à une enquête et dont l’ensemble des délégués du personnel témoignent,
elle a souffert profondément des accusations portées à son encontre et a présenté un tableau anxio-dépressif réactionnel sévère ayant nécessité un suivi médical qui se poursuit encore aujourd’hui.
Il ne résulte toutefois nullement des pièces du dossier que Madame [Y] se serait livrée à une véritable campagne de dénigrement et de déstabilisation, alors qu’il n’est fait état d’aucun témoignage établissant que Mme [W] aurait été empêchée de s’exprimer à l’occasion de la réunion organisée avec l’agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, que le message de Madame [O] du 28 juin 2012, qui est postérieur à l’engagement de la procédure de licenciement, se borne à émettre « l’hypothèse » que l’animosité de la direction à l’égard de Madame [W] proviendrait de « quolibets colportés par les personnes qui sont à l’origine de tes ennuis » sans jamais citer Madame [Y] , que cette dernière n’a nullement agi dans le but de désavouer Madame [W] lorsqu’elle a conseillé le 10 juillet 2011 à un étudiant, qui avait obtenu une note éliminatoire et qui demandait son intervention , de solliciter l’indulgence du jury, ce qui relevait au contraire pleinement de sa mission de responsable du programme Bachelor, et que de la même façon Madame [Y] n’a nullement décrédibilisé Madame [W] dans son rôle de notateur en expliquant à une étudiante les 24 et 25 juin 2012 que la responsable des programmes sports devait justifier sa note devant le jury, mais était seule à pouvoir la modifier, ce qui constituait une information objective sur la procédure de validation.
Il ne ressort pas, par ailleurs, des courriels échangés (pièces 49 et 54 de l’appelante) que Madame [W] aurait été délibérément écartée de la mise en place d’un nouveau programme « MSC in sports and outdoor industry management », alors qu’elle a été systématiquement mise en copie, ce qui lui donnait au contraire la possibilité d’intervenir à chaque étape du processus, étant observé qu’il ne résulte pas de ces documents qu’elle avait été chargée de conduire ce projet.
Il ne peut en outre être tiré argument de l’attestation délivrée le 21 septembre 2012 par les délégués du personnel, qui se sont bornés à reproduire les déclarations de Madame [W] lors de son audition du 26 janvier 2012 et de l’entretien organisé le 10 février 2012 avec l’inspectrice du travail, sans faire état d’éléments objectifs qu’ils auraient personnellement constatés, ou qui leur auraient été rapportés, de nature à corroborer l’accusation de harcèlement moral de la part notamment de Madame [Y], la seule constatation de l’émotion affichée par la salariée à l’évocation de sa situation ne pouvant constituer un élément de preuve suffisant.
Au demeurant ce n’est que postérieurement à l’engagement de la procédure de licenciement que Madame [W] a saisi le CHSCT, qui n’a pas cru devoir diligenter une enquête à défaut de caractérisation d’un danger grave et imminent.
Madame [W] prétend également à tort que la direction de l’école n’aurait pas tenu compte de ses alertes, alors que sur son premier courrier du 13 février 2012 elle a été immédiatement reçue en entretien le 16 février 2012 et qu’un courrier longuement argumenté lui a été adressé dès le 5 mars 2012, auquel elle a répliqué.
Ce n’est enfin que postérieurement à son licenciement que la salariée a fait l’objet d’un suivi médical pour un « tableau anxio-dépressif réactionnel sévère », ce qui ne permet pas de rattacher la dégradation de son état de santé au harcèlement moral dont elle prétend avoir été victime antérieurement, étant observé qu’il est de principe que la seule altération de l’état de santé d’un salarié ne saurait caractériser un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, la cour estime par conséquent, avec les premiers juges, que Madame [W] n’établit pas la réalité de faits répétés, qui pris dans leur ensemble, laissent présumer l’existence d’une situation de harcèlement moral, laquelle est au contraire formellement contredite par la nature cordiale des relations que la responsable des programmes sports entretenait avec la responsable du programme Bachelor, ainsi qu’il résulte des divers messages versés au dossier par l’employeur.
Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu’il a débouté Madame [L] [W] de sa demande en nullité du licenciement et en dommages et intérêts pour violation par l’employeur de son obligation de prévention du harcèlement.
Le jugement déféré sera en revanche réformé en ce qu’il a alloué à cette dernière la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,puisqu’il résulte des développements précédents que l’association d’enseignement supérieur commercial Rhône-Alpes n’a pas manqué à ses obligations contractuelles, la seule constatation de la dégradation de l’état de santé de la salariée ne pouvant caractériser la faute de l’employeur.
Sur le licenciement
Par lettre recommandée du 13 juillet 2012 l’association d’enseignement supérieur commercial Rhône-Alpes a notifié à Madame [L] [W] son licenciement pour cause réelle et sérieuse en ces termes:
« Dans votre courrier recommandé du 21 mai 2012, adressé au Directeur Général d’EMLYON Business School en réponse à sa lettre du 5 mars 2012, vous vous autorisez à porter atteinte à la probité du Directeur Général en soutenant qu’il a à votre égard «des propos profondément diffamants »,
Nous relevons en outre le caractère particulièrement déplacé de vos récents échanges avec Monsieur [D], tout à la fois votre Responsable Hiérarchique et Directeur Général Délégué d’EMLYON Business School,
Alors que ce dernier se bornait à solliciter une explication sur les termes employés dans l’email que vous avez envoyé le 29 mai 2012 à Madame [C], à savoir l’expression «dénouement amiable », vous n’avez pas hésité à vous contenter de lui adresser les différents sens du mot « amiable » marquant ainsi votre volonté manifeste de tourner en dérision sa demande légitime. En effet, on peut comprendre son souci d’être éclairé sur la nature exacte de vos intentions lorsque vous sous-entendez qu’un conflit pourrait surgir à défaut de faire droit à votre demande,
Votre email de réponse à Monsieur [D]. daté du 30 mai 2012, révèle ainsi un manque de respect élémentaire que doit tout salarié à sa hiérarchie, et que nous ne pouvons d’autant moins tolérer que nous avons déjà attiré votre attention sur la nécessité d’adopter un ton plus mesuré dans vos échanges, tant avec vos collègues que bien entendu, avec votre hiérarchie.
En outre, nous déplorons également que vous persistiez dans la remise en cause des choix opérés par la Direction alors qu’au contraire nous sommes en droit d’attendre de la part du cadre que vous êtes un soutien constructif aux décisions prises dans l’intérêt légitime de l’Ecole
Pour preuve notamment, votre courrier du 21 mai 2012 aux termes duquel vous vous permettez de déclarer de manière péremptoire qu’un membre du comité de direction des Programmes a « envoyé un mauvais message à toute la promotion et à cet étudiant en particulier » (Monsieur [S]). Vous vous surprenez de la décision prise de se séparer du professeur d’Hapkido alors que les circonstances font clairement ressortir que cet étudiant a subi de la part de ce professeur des blessures physiques établies par certificat médical. Or, malgré l’évidence des éléments matériels de ce dossier et nos différentes explications, vous continuez à contester la décision prise par l’Ecole sans prendre en considération l’impérieuse nécessité pour la Direction de ne pas conserver un professeur susceptible d’exposer ses étudiants à divers périls. Cela met clairement en évidence votre incapacité à tenir comme il convient les responsabilités qui sont les vôtres en vertu de votre contrat de travail et de votre qualification. En effet, s’il fait partie des droits d’un cadre d’adresser à sa hiérarchie des critiques, encore faut-il qu’elles soient constructives et formées dans l’intérêt bien compris de l’Ecole.
Nous constatons enfin que vous n’assurez pas la gestion des vacataires dans le respect des règles édictées par l’Ecole. En effet, les vacataires qui ont travaillé entre le 16 avril et le 15 mai 2012 auraient dû être réglés sur la paie de mai 2012. Or, vous avez déclaré la réalisation de ces heures au service des ressources humaines pour paiement au mois de juin. Ce défaut de règlement mensuel des vacataires met l’Ecole en infraction avec la réglementation. Or nous vous avions déjà demandé instamment de vous conformer à cette réglementation au cours d’une réunion du 23 janvier 2012, ainsi qu’il ressort du compte- rendu que vous avez vous-même établi dans un courriel du 24 janvier 2012 annexé à votre courrier recommandé du 21 mai. Nous avions en outre réitéré cette demande dans un courrier recommandé du 5 mars 2012.
Par ailleurs, vous validez des factures émises par des vacataires et en demandez le règlement sans avoir déclaré les interventions correspondant à ces factures dans le logiciel de gestion des cours. Dès lors, nous devons régler des factures validées par vous sans avoir aucune visibilité ni sur la réalité des cours dispensés ni sur le nombre d’étudiants inscrits à ce cours.
Ces désordres que nous constatons dans la gestion des vacataires ont des conséquences préjudiciables à la bonne organisation des programmes. Ainsi que nous vous l’avons indiqué à plusieurs reprises, la gestion des vacataires ressort de vos responsabilités en votre qualité de responsable des programmes sport. Or, force est de constater que, 4 mois après vous avoir demandé de remédier à cette situation, aucune amélioration n’a été constatée et que cette gestion défaillante des vacataires entraîne des conséquences dommageables pour l’établissement ».
Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
Les propos déplacés
Aux termes de son courrier adressé le 21 mai 2012 au directeur général de l’école, en réponse au courrier de ce dernier du 5 mars 2012 lui faisant diverses remarques sur sa collaboration avec Madame [Y], sur son congé de maternité et sur ses évaluations, Madame [W] a notamment écrit qu’elle se devait de réagir à certaines assertions formulées ne reflétant pas la réalité de la situation et « à certaines autres qui sont proprement diffamatoires à mon égard ».
Si le terme diffamatoire est inapproprié, il ne traduit certainement pas une volonté de de porter atteinte à la « probité » du directeur général, alors que c’est avec ses mots, dont elle a pu ne pas appréhender toute la portée, que la salariée a entendu réagir à des assertions ressenties comme des accusations particulièrement injustes, ce qui ne caractérise pas un abus dans l’exercice de sa liberté d’expression alors que la lettre incriminée n’était destinée qu’au directeur général et n’a reçu aucune publicité.
En dissertant sur le mot « amiable » dans son message électronique du 30 mai 2012 au directeur général délégué de l’école (M. [D]), qui l’interrogeait sur le sens de l’expression « dénouement amiable »qu’elle avait employée dans un précédent message du 29 mai 2012, Madame [W] a certes entendu ironiser ou persifler, mais ses propos ne sauraient être qualifiés de manque de respect caractérisé à l’égard de sa hiérarchie, dès lors d’une part que le mode de communication utilisé (courriels) autorise une certaine liberté d’expression, ce qui ressort de l’analyse des très nombreux messages produits aux débats, et d’autre part qu’elle n’avait jamais été sanctionnée pour de tels faits auparavant.
Ce premier grief ne saurait par conséquent justifier la mesure de licenciement qui a été prise.
La remise en cause des choix opérés par la direction
S’il est effectivement établi, notamment par l’attestation de Madame [Z] [C] et par sa correspondance du 21 mai 2012, que Mme [W] s’est vivement opposée à la décision de la direction de supprimer certains cours faute d’effectifs suffisants et de ne pas reconduire le professeur d’hapkido, qui par sa brutalité aurait conduit un élève à se blesser, il n’est nullement démontré que c’est de façon systématique et manifestement injustifiée qu’elle se serait opposée aux choix de la direction.
C’est toujours, en effet, en argumentant sur l’intérêt de l’école qu’elle a contesté les décisions prises qui impactaient directement son service, ce qui relevait incontestablement de ses fonctions très larges de responsable du programme sport chargé , selon la fiche de poste versée au dossier, de définir, mettre en ‘uvre et coordonner l’ensemble des activités sportives et de développement personnel en organisant les activités sportives et de loisirs pour l’ensemble des étudiants, en assurant le recrutement des vacataires ainsi que leur suivi pédagogique et administratif et en élaborant et suivant le budget.
Ce second reproche n’est donc pas de nature à constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.
La gestion des vacataires
Il résulte des pièces du dossier que c’est à l’occasion du congé de maternité de Madame [W] et de l’absence concomitante de son assistante que le service des ressources humaines de l’école a constaté un certain nombre de défaillances dans la gestion administrative des vacataires.
À son retour en janvier 2012 Madame [W] en a pris acte et a pris l’engagement de se conformer aux instructions reçues.
Il sera tout d’abord observé que l’association d’enseignement supérieur commercial Rhône-Alpes ne justifie pas avoir donné à la responsable du programme sport des consignes précises en ce domaine et n’a pas contesté l’affirmation de celle-ci, selon laquelle elle avait reconduit les pratiques antérieures à son arrivée.
Par ailleurs il n’est pas établi que c’est par le fait de Madame [W] que malgré les engagements pris en janvier 2012 le paiement mensuel des vacataires n’a pas pu être assuré en mai 2012, alors que l’assistante du service était en congé à cette période et qu’il est établi que si les heures de travail n’ont pas été payées en fin de mois c’est en raison du fait que les vacataires n’avaient pas encore établi leurs feuilles d’heures.
Quant au fait que le logiciel de suivi du cursus des étudiants n’a pas été renseigné, il ne saurait pas plus être imputé à faute à la salariée, qui affirme, sans être sérieusement démentie sur ce point précis, que l’activité tennis ne donnait lieu ni à notation, ni donc à vérification de la présence des étudiants, la notation s’effectuant sur la seconde activité sportive choisie.
Ce troisième reproche de mauvaise gestion des vacataires n’est par conséquent pas plus établi que les précédents, et n’apparaît pas en toute hypothèse suffisamment sérieux pour justifier le licenciement, à défaut pour l’école d’établir que Madame [W] aurait délibérément enfreint des consignes précises lui faisant obligation d’adopter un mode de de gestion administrative clairement défini.
Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu’il a considéré que le licenciement de Madame [L] [W] était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Agée de 35 ans à la date de la rupture, Madame [W], qui bénéficiait d’une ancienneté dans l’entreprise de quatre années, n’a pas retrouvé d’emploi et justifie ne plus être indemnisée par POLE EMPLOI depuis le mois de juillet 2015.
Elle percevait un salaire brut mensuel de 3746,35 euros, outre prime de 13e mois.
En considération de ces éléments il lui sera alloué la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.
L’équité commande de faire à nouveau application de l’article 700 du code de procédure civile à son profit.
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PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a dit et jugé que Madame [L] [W] n’avait pas subi d’agissements répétés de harcèlement moral, débouté celle-ci de sa demande en nullité du licenciement et en paiement de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de prévention du harcèlement, dit et jugé en revanche que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et alloué à la requérante une indemnité de procédure de 1500 €,
Réforme le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau en y ajoutant :
Condamne l’association d’enseignement supérieur commercial Rhône-Alpes à payer à Madame [L] [W] la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Déboute Madame [L] [W] de sa demande en paiement de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
Condamne l’association d’enseignement supérieur commercial Rhône-Alpes à payer à Madame [L] [W] une nouvelle indemnité de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne l’association d’enseignement supérieur commercial Rhône-Alpes aux entiers dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIÈRELE PRESIDENT
Malika CHINOUNE Jean- Louis BERNAUD