Diffamation : décision du 16 janvier 2024 Cour d’appel de Metz RG n° 21/01059

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Diffamation : décision du 16 janvier 2024 Cour d’appel de Metz RG n° 21/01059

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 21/01059 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FPPX

Minute n°24/00003

S.A.S. GRAS SAVOYE

C/

[G], [W], S.A. MMA VIE, Société MMA VIE ASSURANCES MUTUELLES, S.A. GENERALIE VIE

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 11 Mars 2021, enregistrée sous le n° 2013/01342

COUR D’APPEL DE METZ

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 16 JANVIER 2024

APPELANTE :

SAS WILLIS TOWERS WATSON FRANCE, venant aux droits de la SAS GRAS SAVOYE, elle même venant aux droits par fusion absorption de la SAS GRAS SAVOYE BERGER SIMON, représentéepar son représentant légal,

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Me Véronique HEINRICH, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Marcel PORCHER substitué lors de l’audience par Me Cathertine EGRET, avocats plaidant du barreau de PARIS

INTIMÉS ET APPELANTS INCIDENTS:

Monsieur [O] [G]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Hugues MONCHAMPS, avocat au barreau de METZ

Madame [Z] [W] épouse [G]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Hugues MONCHAMPS, avocat au barreau de METZ

INTIMÉES :

S.A. MMA VIE représentée par son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Hervé HAXAIRE, avocat au barreau de METZ

SA MMA VIE ASSURANCES MUTUELLES représentée par son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Hervé HAXAIRE, avocat au barreau de METZ

S.A. GENERALIE VIE Représentée par son représentant légal,

[Adresse 1]

[Localité 7]

Non représentée

DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 11 Mai 2023 , l’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu le 16 janvier 2024, en application de l’article 450 alinéa 3 du code de procédure civile.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme FOURNEL,Conseillère

Mme BIRONNEAU, Conseillère

ARRÊT : Réputé contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Les 22 mars et 07 avril 2006, Mme [Z] [G] et M. [O] [G] ont chacun souscrit des contrats d’assurance-vie dénommés « Multistratégies » et « Phi » auprès des sociétés anonymes (SA) MMA et Generali Vie par l’intermédiaire de M. [C] [M].

Ce dernier se présentait comme exerçant l’activité de « conseil gestion de patrimoine ».

Il n’est pas contesté que les contrats d’assurance vie ont été adressés aux assureurs par le cabinet de courtage Gras Savoye Berger Simon situé 5 entrée Serpenoise du centre commercial [Localité 11] à [Localité 10], même si les conditions dans lesquelles les contrats ont été remis au courtier font débat.

Plusieurs demandes de rachat ont été effectuées sur les contrats souscrits au moyen notamment de formulaires signés en blanc par les assurés. Les consorts [G] ont également remis divers chèques à M. [M].

Une procédure pénale a été engagée contre M. [M] à la suite d’une plainte déposée par la SA Generali le 14 octobre 2011 et sa mise en examen pour escroquerie a été rendue publique lors de la parution d’un article dans le journal Républicain Lorrain le 15 mars 2012.

Cette procédure pénale donnera lieu à un jugement du tribunal correctionnel de Metz le 07 avril 2021, par lequel M. [M], reconnaissant les faits reprochés, sera déclaré coupable d’abus de confiance, faux, escroquerie et blanchiment aggravé pour des faits commis sur la période de 1999 à 2012, et condamné notamment à une peine d’emprisonnement de six ans assortie d’un sursis probatoire pendant cinq ans et d’une interdiction d’exercer la profession de courtier à titre définitif.

Sur l’action civile, le tribunal correctionnel déclarera M. [M] responsable de l’entier préjudice subi par les parties civiles et réservera les droits de la majorité d’entre elles. Les consorts [G], la SAS Gras Savoye Berger Simon, la SA Generali Vie et la SA MMA seront également reçues en leur qualité de partie civile.

Alléguant avoir été victimes de détournement de fonds et estimant que la responsabilité de la SAS Gras Savoye Berger Simon était engagée du fait des agissements de M. [M] sur le fondement des articles 1134, 1147, 1382 et 1384 du code civil et des articles L. 511 et suivants du code des assurances, les consorts [G] ont assigné cette dernière devant le tribunal de grande instance de Metz par acte d’huissier du 08 mars 2013 aux fins de la voir notamment condamnée à leur payer les sommes de :

236 000 euros en réparation du préjudice matériel et financier correspondant d’une part à la différence entre la somme devant figurer sur les comptes d’assurance vie et les sommes perçues lors des demandes de rachat total et, d’autre part, à dix chèques remis à M. [M],

20 000 euros au titre du son préjudice moral.

Cette procédure a été enregistrée sous le numéro RG 2013/1342.

Estimant quant à elle que la responsabilité incombait aux assureurs du fait de la non restitution des fonds décaissés à leurs assurés, la SAS Gras Savoye Berger Simon a, par actes d’huissier signifiés les 06 et 09 mai 2014, assigné en intervention forcée la SA MMA Vie, la société civile MMA Vie Assurance Mutuelle et la SA Generali Vie, au visa des articles 331 et suivants du code de procédure civile et de l’article L. 511-1 III du code des assurances, aux fins notamment, de les voir tenues de restituer les fonds décaissés et disparus sur les supports d’assurance-vie souscrits par les consorts [G] et, subsidiairement, de les voir condamnées à la relever et garantir indemne de toute condamnation susceptible d’être prononcée à son encontre.

Cette procédure a été enregistrée sous le numéro RG 2014/2203.

Par ordonnance rendue le 24 octobre 2014, le juge de la mise en état a prononcé la jonction de ces procédures sous le seul numéro RG 2013/1342.

Par ordonnance du 15 octobre 2015, le juge de la mise en état a notamment :

rejeté la demande de sursis à statuer formée par les sociétés Gras Savoye Berger Simon, MMA Vie, MMA Vie Assurances Mutuelles et Generali Vie

rejeté la demande des sociétés MMA Vie, MMA Vie Assurances Mutuelles et Generali Vie tendant à voir communiquer par la SAS Gras Savoye Berger Simon les coordonnées de son assureur de garantie financière, à justifier d’une déclaration de sinistre ou à lui enjoindre de l’appeler en la cause.

Par actes d’huissier signifiés les 17, 18 et 20 mai 2016, au visa des articles 331 et suivants du code de procédure civile et 1382 du code civil, la SAS Gras Savoye Berger Simon a assigné en intervention forcée la Caisse Fédérale de Crédit Mutuel, la Caisse de Crédit Mutuel CCM [Localité 13] Alliés, la Caisse de Crédit Agricole Brie Picardie et la Banque Populaire Lorraine Champagne, aux fins de voir leurs responsabilités engagées en ce qu’elle ont affecté les sommes dont les consorts [G] sollicitent la restitution sur des comptes ne leur appartenant pas, et de les voir condamnées à la relever et garantir indemne de toute condamnation susceptible d’être prononcée contre elle.

Cette procédure a été enregistrée sous le numéro RG 2016/2096.

Cette procédure a été jointe à la procédure numéro RG 2013/1342 par ordonnance du juge de la mise en état du 19 octobre 2016, puis disjointe par ordonnance du juge de la mise en état du 28 juin 2018 par laquelle l’affaire a également été renvoyée devant les tribunaux de grande instance de [Localité 12] et [Localité 13] à l’égard de certains de ces établissements bancaires de sorte qu’elles ne se trouvaient désormais plus dans la cause.

En cours de procédure, la SAS Gras Savoye Berger Simon a été absorbée par la SAS Gras Savoye, laquelle est alors venue aux droits de la première.

Par jugement rendu le 11 mars 2021, le tribunal judiciaire de Metz a :

Donné acte à la SAS Gras Savoye qu’elle vient désormais aux droits de la SAS Gras Savoye Berger Simon à la suite d’une opération de fusion absorption ;

Ecarté des débats la pièce n°24 produite par M. et Mme [G] ;

Débouté la SAS Gras Savoye de sa demande de dommages-intérêts présentée sur le fondement de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

Débouté la société Gras Savoye de la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action engagée par M. et Mme [G] sur le fondement des dispositions de l’article L. 114-1 du code des assurances ;

Déclaré recevables les actions formées par M. et Mme [G] à l’encontre de la société Gras Savoye;

Débouté M. [O] [G] de sa demande formée pour un montant de 26 981,10 euros à l’encontre de la SAS Gras Savoye pour le contrat MMA Mutlistratégies 2000 n° 01160094 ;

Débouté Mme [Z] [G] de sa demande formée pour un montant de 26 340,89 euros à l’encontre de la SAS Gras Savoye pour le contrat Multistratégies 2000 n°01160086 ;

Condamné la SAS Gras Savoye prise en la personne de son représentant légal venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger Simon à régler à M. [O] [G] à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel et financier la somme totale de 43 679,70 euros outre intérêts légaux à compter du jugement et ce, au titre du contrat d’assurance PHI N°2020605866 souscrit le 7 avril 2006 avec la société Generali Vie ;

Condamné SAS Gras Savoye prise en la personne de son représentant légal venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger Simon à régler à Mme [Z] [G] née [W] à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel et financier la somme totale de 44 487,33 euros outre intérêts légaux à compter du jugement et ce, au titre du contrat d’assurance contrat PHI N°2020605893 souscrit le 7 avril 2006 avec la société Generali Vie ;

Débouté M. [O] [G] et Mme [I] [G] née [W] de leur demande de dommages-intérêts évaluée à la somme totale de 60 000 euros correspondant aux chèques suivants :

Un chèque n°23 du 22 décembre 2006 d’un montant de 5 500 euros,

Un chèque n°26 du 22 décembre 2006 d’un montant de 5 500 euros,

Un chèque n°22 du 26 décembre 2006 d’un montant de 5 500 euros,

Un chèque n°24 du 26 décembre 2006 d’un montant de 5 500 euros,

Un chèque n°29 du 27 décembre 2006 d’un montant de 7 000 euros,

Un chèque n°27 du 28 décembre 2006 d’un montant de 6 500 euros,

Un chèque n°21 du 2 janvier 2007 d’un montant de 5 500 euros,

Un chèque n°25 du 2 janvier 2007 d’un montant de 5 500 euros,

Un chèque n°28 du 2 janvier 2007 d’un montant de 6 500 euros,

Un chèque n°30 du 4 janvier 2007 d’un montant de 7 000 euros ;

Débouté M. [O] [G] et Mme [Z] [G] née [W] de leur demande de dommages-intérêts pour préjudice moral,

Déclaré sans objet l’appel en garantie formé à titre subsidiaire par la SAS Gras Savoye à l’encontre des sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles ;

Déclaré sans objet l’appel en garantie formé à titre subsidiaire par les sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles à l’encontre de la SAS Gras Savoye en l’absence de condamnation prononcée de ses chefs ;

Débouté la société Gras Savoye de sa demande formée contre la société Generali Vie tendant à la relever et à la garantir indemne de toutes condamnations prononcées à son encontre dans la présente instance :

Déclaré sans objet l’appel en garantie formé titre subsidiaire par la SA Generali Vie à l’encontre de la SAS Gras Savoye ;

Condamné la SAS Gras Savoye prise en la personne de son représentant légal venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger Simon aux dépens ainsi qu’à régler :

à M. [O] [G] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

à Mme [Z] [G] née [W] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

aux sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles prise chacune en la personne de son représentant légal la somme de 1 000 euros à chacune d’elles au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

à la société Generali Vie prise en la personne de son représentant légal la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

Débouté société Gras Savoye de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Prononcé l’exécution provisoire du présent jugement.

Par déclaration au greffe de la cour d’appel de Metz du 28 avril 2021 enregistrée le 29 avril 2021, la SAS Gras Savoye a interjeté appel aux fins d’annulation, subsidiairement infirmation, du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Metz le 11 mars 2021 en ce qu’il a :

Débouté la SAS Gras Savoye de sa demande de dommages-intérêts présentée sur le fondement de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

Débouté la société Gras Savoye de la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action engagée par M. et Mme [G] sur le fondement des dispositions de l’article L. 114-1 du code des assurances ;

Déclaré recevables les actions formées par M. et Mme [G] à l’encontre de la société Gras Savoye;

Condamné la SAS Gras Savoye prise en la personne de son représentant légal venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger Simon à régler à M. [O] [G] à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel et financier la somme totale de 43 679,70 euros outre intérêts légaux à compter du jugement et ce, au titre du contrat d’assurance PHI N°2020605866 souscrit le 7 avril 2006 avec la société Generali Vie ;

Condamné SAS Gras Savoye prise en la personne de son représentant légal venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger Simon à régler à Mme [Z] [G] née [W] à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel et financier la somme totale de 44 487,33 euros outre intérêts légaux à compter du jugement et ce, au titre du contrat d’assurance contrat PHI N°2020605893 souscrit le 7 avril 2006 avec la société Generali Vie ;

Déclaré sans objet l’appel en garantie formé à titre subsidiaire par la SAS Gras Savoye à l’encontre des sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles ;

Déclaré sans objet l’appel en garantie formé à titre subsidiaire par les sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles à l’encontre de la SAS Gras Savoye en l’absence de condamnation prononcée de ses chefs ;

Débouté la société Gras Savoye de sa demande formée contre la société Generali Vie tendant à la relever et à la garantir indemne de toutes condamnations prononcées à son encontre dans la présente instance :

Condamné la SAS Gras Savoye prise en la personne de son représentant légal venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger Simon aux dépens ainsi qu’à régler :

à M. [O] [G] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

à Mme [Z] [G] née [W] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

aux sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles prise chacune en la personne de son représentant légal la somme de 1 000 euros à chacune d’elles au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

à la société Generali Vie prise en la personne de son représentant légal la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Débouté société Gras Savoye de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Les consorts [G] ont formé appel incident par voie de conclusions du 26 octobre 2021, aux fins d’infirmation du jugement en ce qu’il les a :

Déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts au titre des contrats MMA Multistratégies 2000 n°01160094 et 0116086,

Déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts relative à dix chèques représentant un montant total de 60 000 euros,

Débouté de leurs demandes de dommages et intérêt au titre de leur préjudice moral.

Malgré signification de la déclaration d’appel par acte d’huissier du 26 aout 2021 à personne habilitée, la SA Generali Vie n’a pas constitué avocat à hauteur de cour.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 avril 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions du 07 février 2023 auxquelles la cour se réfère expressément pour plus ample exposé des moyens et prétentions, la SAS Willis Towers Watson France, au visa des articles 9 du code de procédure civile, 6 de la convention européenne des droits de l’homme, 41 de la loi du 29 juillet 1881, L. 511-1 et suivants, 1371, 1382 et 1384 du code civil, R 511-3 III. et L. 132-22 du code des assurances, demande à la cour d’appel de :

« Prendre acte que la société Willis Towers Watson France est la nouvelle dénomination sociale de la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger Simon

Déclarer recevable la société Willis Towers Watson France, nouvelle dénomination sociale de la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger Simon en son appel et la déclarer bien fondée en y faisant droit.

Infirmer le jugement rendu le 11 mars 2021 en ses dispositions déboutant la Société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger Simon de sa demande de dommages et intérêts présentée sur le fondement de l’article 41 de la Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, déboutant la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger Simon de sa fin de non-recevoir tiré de la prescription de l’action engagée par M. [O] [G] et Mme [Z] [W] épouse [G] sur le fondement de l’article L 114-1 du code des assurances et déclarant recevable leur action, portant condamnation de la Société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger Simon à indemniser M. [O] [G] au titre de son préjudice matériel et financier à hauteur de 43 679,70 euros et Mme [Z] [W] épouse [G] au titre de son préjudice matériel et financier à hauteur de 44 487,33 euros outre 1 500 euros à chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger Simon de sa demande portée contre les sociétés MMA Vie, MMA Vie Assurances Mutuelles et Generali Vie tendant à la garantir et à la relever indemne de toutes condamnations prononcées à son encontre et portant condamnation de la Société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger Simon, à régler aux sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles la somme de 1 000 euros à chacune d’elles et à la société Generali Vie la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Et statuant à nouveau,

Déclarer bien fondée la demande de dommages et intérêts présentée par la société Willis Towers Watson France, nouvelle dénomination sociale de la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger Simon et condamner M. [O] [G] et Mme [Z] [W] épouse [G] à payer à la société Willis Towers Watson France, nouvelle dénomination sociale de la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger Simon la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts

Juger que M. [C] [M] n’était ni mandataire ni préposé de la Société Gras Savoye Berger Simon et qu’il n’existait pas de mandat tacite passé entre M. [O] [G] et Mme [Z] [W] épouse [G] et la société Gras Savoye Berger Simon

En tout état de cause,

Juger que les conditions du mandat apparent allégué par M. [O] [G] et Mme [Z] [W] épouse [G] ne sont pas réunies,

Juger que la Société Gras Savoye Berger Simon n’a pas engagé sa responsabilité à l’égard de M. [O] [G] et Mme [Z] [W] épouse [G]

Débouter M. [O] [G] et Mme [Z] [W] épouse [G] de leur appel incident et de l’intégralité de leurs demandes à l’encontre de la société Willis Towers Watson France, nouvelle dénomination sociale de la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger Simon

Subsidiairement,

Juger que les préjudices matériels de M. [O] [G] et Mme [Z] [W] épouse [G] ne sont pas justifiés et qu’il n’existe aucun lien de causalité entre le prétendu mandat apparent et/ou les fautes arguées et les préjudices allégués par M. [O] [G] et Mme [Z] [W] épouse [G]

En conséquence,

Débouter M. [O] [G] et Mme [Z] [W] épouse [G] de l’intégralité de leurs demandes d’indemnisation présentées à l’encontre de la société Willis Towers Watson France, nouvelle dénomination sociale de la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger Simon

Très subsidiairement, et pour le cas où par impossible la cour d’Appel devait entrer en voie de condamnation à l’encontre de la société Willis Towers Watson France, nouvelle dénomination sociale de la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger Simon,

Juger que les sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles et Generali Vie sont civilement responsables de leur mandataire la Société Gras Savoye Berger Simon,

A défaut, juger que les sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles et Generali Vie ont engagé leur responsabilité en ne satisfaisant pas à leur obligation de tenue d’un audit annuel, en opérant, sans vérification, le décaissement de la somme dont M. [O] [G] et Mme [Z] [W] épouse [G] sollicitent la restitution et en s’abstenant d’aviser la société Gras Savoye Berger Simon de l’alerte qui leur avait été adressée par les assurés sur le comportement inapproprié de M. [M], qui a subséquemment perduré après le 2 septembre 2008, sans que la société Gras Savoye Berger Simon puisse intervenir

A défaut encore, juger que les sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles et Generali Vie sont tenues de restituer les fonds des supports d’assurance-vie souscrits par M. [O] [G] et Mme [Z] [W] épouse [G], la condamnation de la société Willis Towers Watson France, nouvelle dénomination sociale de la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger Simon entraînant nécessairement un enrichissement sans cause des sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles et Generali Vie.

En conséquence,

Condamner les sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles et Generali Vie à relever et garantir indemne la société Willis Towers Watson France, nouvelle dénomination sociale de la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger Simon de toutes condamnations susceptibles d’être prononcées contre elle au profit de M. [O] [G] et Mme [Z] [W] épouse [G] et les débouter de leur demande d’indemnité de procédure

Débouter les sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles et Generali Vie de leurs demandes dirigées à l’encontre de la société Willis Towers Watson France, nouvelle dénomination sociale de la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger Simon

Pour le surplus,

Confirmer le jugement rendu le 11 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Metz en ce qu’il a écarté la pièce N°24 produite par M. [O] [G] et Mme [Z] [W] épouse [G] devant le tribunal judiciaire de Metz

Confirmer le jugement rendu le 11 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Metz en ce qu’il a :

débouté M. [O] [G] de sa demande formée pour un montant de 26 981,10 euros à l’encontre de la SAS Gras Savoye pour le contrat MMA Multistratégies 2000 N°01160094, débouté Mme [Z] [W] épouse [G] de sa demande formée pour un montant de 26 340,89 euros à l’encontre de la SAS Gras Savoye pour le contrat MMA Multistratégies 2000 N°01160086, débouté M. [O] [G] et Mme [Z] [W] épouse [G] de leurs demande de dommages et intérêts évalués à la somme de 60 000 euros correspondant aux chèques suivants :

un chèque n°23 du 22 décembre 2006 d’un montant de 5 500 euros

un chèque n°26 du 22 décembre 2006 d’un montant de 5 500 euros

un chèque n°22 du 26 décembre 2006 d’un montant de 5 500 euros

un chèque n°24 du 26 décembre 2006 d’un montant de 5 500 euros

un chèque n°29 du 27 décembre 2006 d’un montant de 7 000 euros

un chèque n°27 du 28 décembre 2006 d’un montant de 6 500 euros

un chèque n°21 du 2 janvier 2007 d’un montant de 5 500 euros

un chèque n°25 du 2 janvier 2007 d’un montant de 5 500 euros

un chèque n°28 du 2 janvier 2007 d’un montant de 6 500 euros

un chèque n°30 du 4 janvier 2007 d’un montant de 7 000 euros

et débouté M. [O] [G] et Mme [Z] [W] épouse [G] de leur demande d’indemnisation au titre d’un préjudice moral

Débouter M. [O] [G] et Mme [Z] [W] épouse [G] de leur appel incident et de toutes leurs demandes à l’encontre de la société Willis Towers Watson France, nouvelle dénomination sociale de la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger Simon

Confirmer le jugement rendu le 11 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Metz en ce qu’il a déclaré recevables l’appel en intervention forcée et en garantie formé par la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger Simon à l’encontre des sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles et Generali Vie ainsi que ses demandes tendant à leur condamnation à la garantir de toutes condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre

Si par exceptionnel la cour estime devoir entrer en voie de condamnation, fixer le point de départ des intérêts au jour de la décision à intervenir

En tout état de cause, condamner M. [O] [G] et Mme [Z] [W] épouse [G] et/ou tout succombant à payer à la société Willis Towers Watson France, nouvelle dénomination sociale de la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger Simon, la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

condamner tout succombant aux entiers dépens comprenant ceux de l’Ordonnance du Juge de la mise en état du 11 janvier 2018. »

Par conclusions du 03 janvier 2023 auxquelles la cour se réfère expressément pour plus ample exposé des moyens et prétentions, les consorts [G] demandent à la cour d’appel de :

« Débouter la SAS Willis Towers Watson France (nouvelle dénomination de Gras Savoye), venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger Simon de son appel et de l’ensemble de ses moyens, fins et prétentions,

Débouter les SA MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles de leurs prétentions, moyens et fins en ce qu’ils seraient contraires à ceux exposés par M. [O] [G] et Mme [Z] [G] née [W],

Dire et juger qu’en tout état de cause, le préjudice allégué quant à la production de la lettre anonyme, retirée du bordereau de M. [O] [G] et Mme [Z] [G] née [W], est valorisé à un montant exorbitant,

Dire et juger recevables et bien fondés les appels incidents de M. [O] [G] et Mme [Z] [G] née [W],

Infirmer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

En application des dispositions de l’article L, 51 1-1 III du code des assurances :

Condamner la SAS Willis Towers Watson France (nouvelle dénomination de Gras Savoye), venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger Simon à payer la somme de 26 981, 10 euros outre intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance au profit de M. [O] [G], au titre de la réparation de son préjudice matériel et financier en ce qui concerne le contrat Multistratégies 2000 souscrit auprès de MMA n° d’adhésion 01160094,

Condamner la SAS Willis Towers Watson France (nouvelle dénomination de Gras Savoye), venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger Simon à payer la somme de 26 340,89 euros outre intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance au profit de Mme [G] née [W], au titre de la réparation de son préjudice matériel et financier en ce qui concerne le contrat Multistratégies 2000 souscrit auprès de MMA n° d’adhésion 01160086,

Condamner la SAS Willis Towers Watson France (nouvelle dénomination de Gras Savoye), venant aux droits de la SAS, Gras Savoye Berger Simon payer la somme de 60 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance au profit de M. [O] [G] et Mme [Z] [G] née [W], au titre de la réparation de leur préjudice matériel et financier pour les chèques détournés,

En outre,

Condamner la SAS Willis Towers Watson France (nouvelle dénomination de Gras Savoye), venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger Simon à payer à M. [O] [G] et Mme [Z] [G] née [W], chacun, une somme de 10 000 euros de dommages intérêts à titre de réparation de leur préjudice moral,

Confirmer sur le surplus des dispositions non contraires du jugement entrepris,

Subsidiairement,

Déclarer la SAS Willis Towers Watson France (nouvelle dénomination de Gras Savoye), venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger Simon entièrement responsable du préjudice matériel et financier subi par M. [O] [G] et Mme [Z] [G] née [W] en application des dispositions des articles 1 147 et 1384 alinéa 5 du code civil,

condamner la SAS Willis Towers Watson France (nouvelle dénomination de Gras Savoye), venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger Simon payer la somme de 26 981, 10 euros outre intérêts au taux légal compter du jugement de première instance au profit de M. [O] [G], au titre de la réparation de son préjudice matériel et financier en ce qui concerne le contrat Multistratégies 2000 souscrit auprès de MMA n° d’adhésion 01 160094,

Condamner la SAS Willis Towers Watson France (nouvelle dénomination de Gras Savoye), venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger Simon à payer la somme de 26 340,89 euros outre intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance au profit de Mme [G] née [W], au titre de la réparation de son préjudice matériel et financier en ce qui concerne le contrat Multistratégies 2000 souscrit auprès de MMA n° d’adhésion 01160086,

Condamner la SAS Willis Towers Watson France (nouvelle dénomination de Gras Savoye), venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger Simon à payer la somme de 60 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance au profit de M. [O] [G] et Mme [Z] [G] née [W], au titre de la réparation de leur préjudice matériel et financier pour les chèques détournés,

En outre,

Condamner la SAS Willis Towers Watson France (nouvelle dénomination de Gras Savoye), venant aux droits de la SAS Gras Savoye BERCER SIMON à payer à M. [O] [G] et Mme [Z] [G] née [W], chacun, une somme de 10 000 euros de dommages-intérêts à titre de réparation de leur préjudice moral,

Débouter la SAS Willis Towers Watson France (nouvelle dénomination de Gras Savoye), venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger Simon de ses moyens, fins et prétentions,

Confirmer sur le surplus des dispositions non contraires du jugement entrepris,

En toutes hypothèses,

condamner la SAS Willis Towers Watson France (nouvelle dénomination de Gras Savoye), venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger Simon à payer à M. [O] [G] et Mme [Z] [G] née [W], chacun, une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner la SAS Willis Towers Watson France (nouvelle dénomination de Gras Savoye), venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger Simon aux entiers frais et dépens d’appel.

Par conclusions du 26 octobre 2021, auxquelles la cour se réfère expressément pour plus ample exposé des moyens et prétentions, la SA MMA Vie et la SAM MMA Vie Assurances Mutuelles, demandent à la cour d’appel de :

« Dire et juger mal fondé l’appel de la Société Gras Savoye à l’encontre du jugement rendu le 11 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Metz,

Confirmer le jugement entrepris :

En ce qu’il a déclaré sans objet, et l’en a débouté la Société Gras Savoye Berger Simon, aux droits de laquelle vient le Société Gras Savoye, de sa demande formée contre les Sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles tendant à la relever et à la garantir indemne de toutes condamnations prononcées à son encontre dans la présente instance ;

En ce qu’il a condamné la SAS Gras Savoye Berger Simon prise en la personne de son représentant légal, aux droits de laquelle vient le Société Gras Savoye, à payer aux Sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles, chacune prise en la personne de son représentant légal la somme de 1 000 euros à chacune d’entre elles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance ;

En ce qu’il a condamné la SAS Gras Savoye Berger Simon prise en la personne de son représentant légal, aux droits de laquelle vient le Société Gras Savoye, aux dépens de première instance,

Débouter la Société Gras Savoye de toutes ses demandes plus amples ou contraires,

Condamner la Société Gras Savoye prise en la personne de son représentant légal, à payer aux Sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles, chacune prise en la personne de son représentant légal, la somme de 3 000 euros à chacune d’entre elles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel ;

Condamner la Société Gras Savoye prise en la personne de son représentant légal aux entiers dépens de la procédure d’appel »

MOTIF DE LA DECISION

Il n’est pas contesté que la SAS Willis Towers Watson France est la nouvelle dénomination de la SAS Gras Savoye qui elle-même est venue aux droits de la SAS Gras Savoye Berger Simon. Pour les besoins de la motivation elle sera désignée « société Gras Savoye ».

I- SUR LA PRESCRIPTION DE L’ACTION

Il est exact que selon les dispositions de l’article L 114-1du code des assurances les actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites deux ans après l’évènement lui ayant donné naissance.

Cependant les actions en responsabilité de l’assuré contre le courtier sont exclues du domaine de cette prescription biennale, car elles dérivent du contrat d’intermédiation et non du contrat d’assurance.

Dès lors qu’aucun autre fondement juridique n’est invoqué à l’appui de la prescription, il y a lieu de confirmer le jugement qui a rejeté cette fin de non-recevoir et a déclaré recevable l’action des consorts [G].

***

Il convient de relever qu’avant de déterminer la réalité d’un préjudice, il y a lieu d’examiner le fondement juridique invoqué, la réalité du préjudice n’étant analysée que dans l’hypothèse où le fondement légal de l’action peut être retenu. Aussi, il n’est pas utile comme l’a fait le premier juge d’examiner au préalable si le préjudice relatif aux contrats MMA est justifié, cet examen ne devant se faire que si le principe de la responsabilité de la société Gras Savoye est retenu.

II- SUR LA RESPONSABILITE DE LA SOCIÉTÉ GRAS SAVOYE AU TITRE DES RACHATS PARTIELS SUR LES CONTRATS D’ASSURANCE MMA MULTISTRATEGIE ET PHI GENERALIE VIE

Sur la responsabilité de la société Gras Savoye sur le fondement du mandat apparent

Selon les dispositions de l’article L. 511-1 du code des assurances, est un intermédiaire d’assurance ou de réassurance toute personne physique ou morale autre qu’une entreprise d’assurance ou de réassurance et son personnel et autre qu’un intermédiaire d’assurance à titre accessoire, qui, contre rémunération, accède à l’activité de distribution d’assurances ou de réassurances ou l’exerce.

Est un intermédiaire d’assurance à titre accessoire toute personne autre qu’un établissement de crédit, qu’une entreprise d’investissement ou qu’une société de financement qui, contre rémunération, accède à l’activité de distribution d’assurances ou l’exerce pour autant que les conditions suivantes soient remplies :

1° La distribution d’assurances ne constitue pas l’activité professionnelle principale de cette personne ;

2° La personne distribue uniquement des produits d’assurance qui constituent un complément à un bien ou à un service ;

3° Les produits d’assurance concernés ne couvrent pas de risques liés à l’assurance vie ou de responsabilité civile, à moins que cette couverture ne constitue un complément au bien ou au service fourni dans le cadre de l’activité professionnelle principale de l’intermédiaire.

Pour l’activité de distribution d’assurances, l’employeur ou mandant est civilement responsable, conformément aux dispositions de l’article 1242 du code civil, du dommage causé par la faute, l’imprudence ou la négligence de ses employés ou mandataires agissant en cette qualité, lesquels sont considérés, pour l’application du présent article, comme des préposés, nonobstant toute convention contraire.

La société Gras Savoye ne conteste pas sa qualité de courtier en assurance et qu’elle a transmis les contrats d’assurance « Multistratégies » et « PHI » aux sociétés d’assurance concernées par l’intermédiaire d’un portail dont seuls ses salariés avaient accès. Elle est donc un intermédiaire d’assurance qui assure la distribution d’un contrat d’assurance. Aussi ce texte qui vise expressément son activité d’intermédiation en assurance et de distributeur, s’applique contrairement à ses affirmations à sa situation et trouverait application s’il était démontré l’existence d’une faute de l’un de ses mandataires.

En outre au regard du fait que la qualité de courtier n’est pas contestée par la société Gras Savoye qui reconnait donc une relation contractuelle entre elle et les souscripteurs des contrats d’assurance dans le cadre d’un contrat d’intermédiation, il n’est pas besoin d’examiner si un mandat tacite s’applique entre eux.

Aucune des parties ne soutient par ailleurs que M. [M] aurait officiellement contracté avec la société Gras Savoye en une quelconque qualité et serait officiellement son employé ou son mandataire. A tout le moins aucun contrat n’est produit au débat.

Si dans les conclusions des consorts [G] il est évoqué occasionnellement la notion de mandat sans plus de précision, hormis sur la base du mandat apparent, l’existence d’un contrat de mandat entre la société Gras Savoye et M. [M] n’est pas explicitée et n’est soutenue par aucun moyen.

Il est toutefois admis que le mandant peut être engagé sur le fondement d’un mandat apparent même en l’absence d’une faute susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers à l’étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs. (Ass plén 13 décembre 1962 n°57-11.569)

L’appréciation de la croyance légitime du tiers dans les pouvoirs du mandataire s’effectue par l’analyse d’un faisceau d’indice résultant de la combinaison de circonstances tant objectives que subjectives de la légitimité de la croyance, les circonstances subjectives relevant de la personnalité du mandataire et les circonstances objectives résultant de l’acte lui-même.

 

Toutefois, pour retenir l’existence d’un mandat apparent, il convient d’apprécier si l’acte, de par sa nature, sa gravité ou son urgence est normal et justifiait l’absence de vérification des pouvoirs du mandataire apparent.

Les conditions dans lesquelles les consorts [G] ont rencontré M. [M] sont inconnues. Il n’est produit aucun élément de la plainte pénale et il est donc ignoré ce que M. [M] a pu exposer et notamment s’il a, lors des entretiens réguliers qu’il a pu avoir avec M. et Mme [G], soutenu être le mandataire de la société Gras Savoye ou courtier indépendant. Si les intimés indiquent qu’il l’a fait, aucune pièce du dossier ne permet de confirmer le discours qui leur aurait été tenu par M. [M].

Il n’est pas plus établi que M. [M] aurait été envoyé par la société Gras Savoye, aucune pièce du dossier ne le démontre.

Ensuite aucune pièce n’établit que les consorts [G] auraient été reçus dans les locaux de la société Gras Savoye par M.[M].

La sommation interpellative de Mme [N] [U] (pièce 4) n’indique en rien qu’il recevait des clients dans les locaux de la société Gras Savoye.

A ce titre, à la question « Savez-vous si M. [M] utilisait des bureaux au sein du cabinet Gras Savoye Berger Simon ‘ », elle répondait : « Il n’avait pas de bureau attitré. Il utilisait un bureau vacant si nécessaire. »

Il n’en ressort donc nullement que M. [M] utilisait les locaux de la société Gras Savoye pour rencontrer des clients.

Il est ensuite soutenu que l’organisation de la société Gras Savoye et les relations entretenus entre la société Gras Savoye et M. [M] faisait croire en l’apparence d’un mandat. Cependant l’apparence et la légitime croyance ne s’examinent pas au regard de ce qui se passait au sein du cabinet et de ce que pouvaient y voir les personnes présentes, mais se détermine exclusivement au regard du souscripteur de l’acte.

Ainsi quoi qu’il se soit passé dans l’organisation de la société Gras Savoye quant à la réception des contrats et quant à l’inscription sur le portail par la société Gras Savoye des renseignements des assurés, il s’agit d’éléments extérieurs aux consorts [G] qui n’en prenaient pas partie. Il n’est d’ailleurs pas contesté par la société Gras Savoye que M. [M] était en relation d’affaire comme apporteur d’affaire et la société Gras Savoye ne conteste pas que ses salariés entraient les données des contrats adressés par M. [M] sur un portail en lien avec l’assureur.

Sauf à ce que les consorts [G] aient été régulièrement présents au sein de l’agence de courtage ce qui n’est nullement avéré ni même soutenu, les contacts et les passages de M. [M] au sein du cabinet Gras Savoye quels qu’en soit la nature, ou encore les opérations réalisées par les salariés de la société Gras Savoye, étaient donc ignorés par les consorts [G] lors de la conclusion des contrats et lors de rachats litigieux. Ces derniers se contentaient de signer les documents en blanc, puis recevaient ultérieurement les documents des compagnies d’assurance.

Aussi l’examen de la réalité des contacts et des relations entre M. [M] et la société Gras Savoye ne peut servir à l’examen du mandat apparent puisque seule la légitimité de la croyance des souscripteurs soit des consorts [G] doit être examinée.

En outre, pour appréciation de la légitimité de la croyance et admettre le mandat apparent il convient de se placer au moment de la réalisation des actes litigieux c’est-à-dire soit au moment de la souscription des contrats initiaux soit au moment des demandes de rachat qui ont été versées sur des comptes de tiers.

Or, il fait grand cas du courrier du directeur général de la société Gras Savoye du 26 mai 2011 qui comporte la mention que M. [M] n’est plus habilité à les « représenter ». Outre le fait que ce courrier semble avoir été fait dans l’urgence lors de la découverte des malversations de M. [M], il est postérieur à la souscription des contrats et aux rachats litigieux et n’a donc pu être un élément de nature à faire naitre la croyance d’un mandat au moment de ces actes.

Pour justifier du mandat apparent, il est ensuite produit une carte de visite en pièces 1 au nom de [C] [M]. Cette carte mentionnent que M. [M] exerce une activité de « conseil gestion de patrimoine » ou encore « ingénierie financière ». Il n’y apparait aucune mention sur le cadre juridique de sa relation avec la société Gras Savoye.

Toutefois, sur cette carte de visite, il y apparait la mention « cabinet Gras Savoye Berger Simon » et l’adresse indiquée correspond à l’adresse de la société Gras Savoye à [Localité 10]. Ces indications ont pu entretenir la croyance des souscripteurs d’une relation de M. [M] avec la société Gras Savoye et ce même si aucun logo de la société Gras Savoye n’apparait. Si les conditions de remise de cette carte sont ignorées, sa production en justice établit qu’elle a été remise par M. [M] et même si la date de remise est ignorée, il est habituel de remettre une carte de visite au début ou au cours d’une relation commerciale et non à son issue.

S’agissant de l’origine de cette carte de visite, sauf s’il était établi que le M. [M] dans son argumentaire à destination des souscripteurs, avait soutenu que les cartes de visite provenaient de l’imprimeur de la société Gras Savoye, il importe peu de le savoir puisque ce point ne concerne que les relations entre M. [M] et la société Gras Savoye.

La croyance légitime comme déjà indiqué s’examine au regard du souscripteur, or seules les mentions que contiennent les cartes de visite sont susceptibles d’influencer sa croyance en l’existence d’un mandat, l’origine des cartes n’y contribuant pas.

Aussi il n’est pas besoin d’examiner les conditions dans lesquelles elle aurait été remise à M. [M] et ce d’autant que nonobstant la sommation interpellative de Mme [U], il ne ressort des pièces du dossier aucune certitude sur les conditions de sa remise, Mme [U] n’évoquant aucune certitude quant à l’origine des cartes de visite et le fait que M. [M] mentionne dans deux courriers produits (écrit après la découverte de ses agissements) qu’il disposait de cartes remises par la société Gras Savoye n’est pas non plus un gage de certitude à ce sujet, au regard de l’ensemble des mensonges de ce dernier.

Seules donc les indications contenues sur les cartes de visite ont pu entretenir l’apparence d’un mandat dans la croyance des souscripteurs.

Il ressort ensuite de l’ensemble des documents en possession des époux [G] relatifs aux contrats objet du litige et qui leur avait été adressé directement durant la vie des contrats par les assureurs, une mention expresse en haut des documents « Apporteur :  Gras Savoye- Berger Simon » ou encore « votre conseil : Gras Savoye Berger Simon ».

Ainsi la carte de visite produite qui comporte les mentions relatives à la société Gras Savoye et l’inscription en gros caractère sur l’ensemble des documents relatifs aux assurances vie que l’apporteur était la société Gras Savoye pouvaient entrainer une croyance dans l’esprit des souscripteurs de l’existence d’un mandat entre M. [M] et la société appelante.

Toutefois s’il est possible pour un profane de s’être trompé sur la relation de M. [M] avec la société Gras Savoye, certains éléments par leur caractère anormal étaient en mesure d’alerter M. et Mme [G] et aurait dû les amener à procéder à des vérifications sur la réalité du mandat.

En effet, les époux [G] ont tous les deux pour chacun de leurs contrats, signé par avance des demandes de rachats et d’arbitrages en blanc, remises à M. [M], ne contenant aucune indication de date et de montant.

Il est ignoré ce qui était convenu entre eux et M. [M] en termes d’information quant à l’utilisation de ces demandes en blanc. La seule information dont ils avaient officiellement connaissance était l’avis de l’opération adressé par les assureurs MMA Vie et Généralie Vie après sa réalisation effective.

Il est exact qu’un profane n’a pas nécessairement connaissance du fonctionnement d’un contrat d’assurance et que M. [M] a pu justifier dans un argumentaire commercial l’utilité pour lui de disposer de documents signés en en blanc.

Toutefois, signer des documents en blanc à un tiers n’est pas un fonctionnement normal et aurait dû inciter les consort [G] comme tout ‘bon père de famille’ à procéder à des vérifications sur la réalité du mandat et ce d’autant plus au regard des montants engagés et de l’absence d’urgence.

Ainsi, la signature en blanc des demandes de rachat par Mme [G] et M. [G] constitue un élément anormal qui ne le dispensaient pas de vérifier la réalité du mandat de M. [M].

Il ne peut donc être retenu l’existence d’un mandat apparent et le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu’il a condamné la société Gras Savoye à ce titre.

Le jugement sera par ailleurs confirmé en qu’il a « débouté M. [O] [G] de sa demande formée pour un montant de 26 981,10 euros à l’encontre de la SAS Gras Savoye pour le contrat MMA Mutlistratégies 2000 n° 01160094 et débouté Mme [Z] [G] de sa demande formée pour un montant de 26 340,89 euros à l’encontre de la SAS Gras Savoye pour le contrat Multistratégies 2000 n°01160086 » nonobstant la motivation distincte.

Sur la responsabilité de la société Gras Savoye sur d’autres fondements juridiques

L’argumentaire des consorts [G] est essentiellement fondé sur le mandat apparent. Il est toutefois fait une argumentation subsidiaire relevant des manquements contractuels de la société Gras Savoye sur le fondement des dispositions de l’article 1147 du code civil (dans sa version applicable au litige), distincts de la faute du mandataire consistant selon les termes des écritures en :

l’absence de « contrôle formel des actes » et notamment de l’absence de vérification quant au RIB falsifié,

l’absence de vérification de l’inscription à l’ORIAS

l’absence de vérification de l’honorabilité

« l’absence de tout conseil d’un quelconque préposé »,

l’absence « d’information particulière qu’un préposé ou mandataire ne devait pas procéder de la sorte ».

Comme déjà indiqué, la société Gras Savoye ne conteste pas la relation contractuelle entre elle et les souscripteurs des contrats en sa qualité de courtier, il convient donc d’examiner les fautes invoquées.

Sur la question du RIB falsifié, il ressort du mode opératoire de M. [M] qu’il a adressé des demandes de rachats en modifiant le RIB afin que les sommes réclamées se retrouvent sur un autre compte bancaire.

Il convient de relever qu’il n’est justifié dans ce dossier d’aucun document imposant à la société Gras Savoye de procéder à des vérifications sur le RIB produit lors d’une demande de rachat au cours de la vie du contrat. En outre, s’il est clairement établi que la demande de souscription initiale d’un contrat avec la société MMA était adressée à l’assureur par un préposé de la société Gras Savoye par l’intermédiaire d’un portail, les conditions dans lesquelles les demandes au cours de la vie des contrats étaient adressées à l’assureur ne sont pas clairement explicitées et aucun document écrit ne s’y rapporte. Il n’est justifié en outre d’aucune convention à ce titre.

Il n’est donc pas justifié d’obligations particulières qui auraient incombées à la société Gras Savoye.

En effet, les clients pouvaient à loisir changer de banque au cours de la vie des contrats sans être tenus d’en informer quiconque. De surcroit avant de réaliser le rachat, l’assureur demandait confirmation des informations recueillies auprès du client lui-même et les consorts [G] les ont confirmées. Cette fraude n’était donc pas décelable. Il n’est donc par rapporté la preuve d’un manquement de la société Gras Savoye à ce titre.

Il n’est pas explicité ensuite quel autre ‘contrôle formel’ serait fautif.

Sur l’inscription à l’ORIAS, la société Gras Savoye ne soutient pas que M. [M] était un courtier, elle soutient qu’il était juste un apporteur d’affaire comme d’ailleurs indiqué par Mme [U] dans la sommation interpellative, aussi elle n’avait pas à vérifier son inscription à l’ORIAS.

Sur l’absence de vérification de l’honorabilité de M. [M], alors que la lettre anonyme n’est plus versée aux débats et qu’aucune pièce du dossier ne vient établir que les responsables de la société Gras Savoye étaient informés des enquêtes qui avaient eu lieu en 1996 à [Localité 10] et 1999 en Suisse, l’appelante n’avait aucune raison de s’inquiéter de l’honorabilité de leur apporteur d’affaire, étant rappelé le caractère confidentiel des enquêtes pénales. Aucune faute n’est démontrée à cet égard.

Sur l’absence de « tout conseil d’un quelconque préposé » il convient de relever que ce manquement n’est pas décrit. Il n’est pas exposé qu’elles auraient dû être les conseils à fournir. Outre le fait que cette faute n’est pas caractérisée dans les écritures, il n’est pas plus expliqué comment ce manquement à un conseil aurait un lien de causalité avec le préjudice subi du fait des rachats effectués.

S’agissant de l’absence « d’information particulière qu’un préposé ou mandataire ne devait pas procéder de la sorte » il n’est pas décrit quel procédé aurait pu être détecté par un préposé de la société Gras Savoye, de quelle manière l’intervention d’un préposé aurait pu détecter un procédé irrégulier. Ainsi outre le fait que ce manquement n’est pas caractérisé, il n’est pas expliqué comment cette absence d’information aurait un lien de causalité avec le préjudice subi.

Il est également invoqué subsidiairement la responsabilité de la faute d’un préposé en la personne d’un « de ses personnels » soit un salarié de la société qui aurait commis une faute « en validant les actes d’arbitrage et de rachat », il n’est pas plus caractérisé la nature de la faute et le lien de causalité entre la faute et le préjudice, sachant que comme déjà indiqué les clients confirmaient eux même les informations fournies et qu’il leur était loisible de modifier leurs comptes bancaires en cours de vie des contrats.

Il est, au terme des conclusions, indiqué que la cour doit entrer en condamnation en considérant que le jugement définitif du tribunal correctionnel s’oppose à ce que la société Gras Savoye conteste l’existence du mandat et il est soutenu l’existence d’une présomption de vérité de la chose jugée au pénal.

Toutefois, s’il est exact selon l’article 4 du code de procédure pénale que les décisions pénales ont au civil autorité absolue à l’égard de tous en ce qui concerne ce qui a été jugée quant à l’existence du fait incriminé et la culpabilité de celui auquel le fait est imputé, il convient de préciser que le jugement pénal a opposé les époux [G] à M. [M] et non à la société Gras Savoye qui était d’ailleurs partie civile au procès pénal. Il ne peut en conséquence être tiré aucune conséquence juridique de la condamnation pénale sur la présente procédure.

L’ensemble de ces demandes seront rejetées.

III- SUR LA RESPONSABILITE DE LA SOCIÉTÉ GRAS SAVOYE AU TITRE DES CHEQUES

Il convient de relever que le fondement juridique invoqué par les consorts [G] est l’article L 511-11 du code des assurances précité et l’invocation du fait que la société Gras Savoye est responsable des détournements réalisés par M. [M] qui serait son mandataire apparent.

Comme déjà indiqué, il est admis que le mandant peut être engagé sur le fondement d’un mandat apparent même en l’absence d’une faute susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers à l’étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs.

L’appréciation de la croyance légitime du tiers dans les pouvoirs du mandataire s’effectue par l’analyse d’un faisceau d’indice résultant de la combinaison de circonstances tant objectives que subjectives de la légitimité de la croyance, les circonstances subjectives relevant de la personnalité du mandataire et les circonstances objectives résultant de l’acte lui-même. Toutefois, pour retenir l’existence d’un mandat apparent, il convient d’apprécier si l’acte, de par sa nature, sa gravité ou son urgence est normal et justifiait l’absence de vérification des pouvoirs du mandataire apparent.

En l’espèce, pour justifier des chèques dont il est soutenu qu’ils auraient été détournés par M. [M], il n’est justifié que de relevés de compte dans lesquels apparaissent au débit les dix chèques objet du litige.

S’il est soutenu que ces chèques devaient servir à alimenter deux contrats d’assurance l’un ouvert par M. [G] et l’autre par Mme [G] auprès de la société MMA le 22 mars 2006, aucune pièce du dossier ne permet de relier directement ces chèques à ces contrats spécifiques.

Il n’existe aucun écrit qui préciserait leur engagement à verser les sommes correspondantes aux montants détournés et les déclarations de M. [M] à cet égard sont inconnues.

Surtout, les consorts [G] indiquent que ces chèques ont été émis à l’ordre de M. [M] et non à l’ordre de la société Gras Savoye ou encore de l’assureur.

Dans la mesure où il n’existe la preuve d’aucun lien entre les chèques visés et les contrats d’assurance souscrit apportés par M. [M], il ne peut être établi la croyance légitime des consorts [G] dans le fait que M. [M] agissait comme mandataire apparent de la société Gras Savoye.

S’il est de manière générale invoqué dans les conclusions et dans le dispositif des conclusions de consorts [G] subsidiairement le fondement des articles 1147 et 1384 al 4  code civil dans leurs versions applicables au présent litige et sur l’autorité du jugement pénal, aucun moyen ne vient au soutien de ces prétentions au titre des chèques. Ils seront donc déboutés de ces demandes.

Ainsi la responsabilité de la société Gras Savoye ne peut être engagée de ce chef et il convient de confirmer le jugement entrepris.

IV- SUR LA DEMANDE DES CONSORTS [G] AU TITRE DU PREJUDICE MORAL

Les époux [G] sollicitent l’allocation d’un préjudice moral qui tient notamment au « stress » des procédures engagées et à l’absence de résolution amiable du litige.

Cependant, outre le fait que le préjudice n’est pas démontré, dans la mesure où la responsabilité de la société Gras Savoye vient d’être rejetée et que les procédures diligentées par elle n’apparaissent pas fautive, il n’est justifié d’aucune faute qui permettrait l’allocation de dommages et intérêts au titre du préjudice moral.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

V- SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES ET INTERETS DE LA SOCIETE GRAS SAVOYE ET LA DEMANDE SUBSIDIAIRE DE RETRAIT DE LA PIECE 24

Dans la mesure où la pièce 24 de première instance a été retirée des débats en appel et qu’aucune contestation de la décision de première instance n’est formulée à l’encontre de la décision qui a écarté des débats cette pièce, la décision entreprise sera confirmée de ce chef.

Selon les dispositions de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 en ses alinéas 4 et 5, ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages et intérêts.

Il est constant que pour examiner si l’immunité de l’article 41 s’applique, il importe de rechercher si les écrits diffamants, outrageants ou injurieux participent de la rhétorique du débat judiciaire et sont nécessaires à la défense des intérêts de la partie concernée.

Il n’est pas contesté que la pièce n°24 correspond à une lettre anonyme, produite en première instance et produite en cause d’appel par la société Gras Savoye à l’appui de sa demande de dommages et intérêts. Cette lettre sous-entend que M. [M] et M. Simon directeur général de la société Gras Savoye se connaissaient pour avoir exercé une activité professionnelle ensemble des années antérieures à une époque où M. [M] aurait déjà été impliqué sur le plan pénal. Elle sous-entend également que M. Simon « couvrait » les agissements de M. [M].

Pour l’application de l’article 41 sus visé la question n’est pas de savoir si la pièce 41 constitue une preuve loyale, mais si elle constitue un écrit outrageant ou diffamatoire produit devant les tribunaux et si cette production bénéficie de l’immunité prévue par ce même texte, sachant que même si elle a été retirée des débats en cour d’appel la demande concerne sa production en première instance. Il y a lieu également d’examiner si les conclusions produites en première instance et en appel sont également outrageantes ou diffamatoires.

Il convient en premier lieu de relever que les conclusions des époux [G] de première instance ne sont pas intégralement produites aux débats et l’examen de leur contenu ne peut résulter que de la reproduction d’une partie des conclusions dans le jugement de première instance qui reprend une page 21 des dernières conclusions des consorts [G] du 14 septembre 2020 :

« Un autre point a été omis par le cabinet Gras Savoye Berger Simon. En effet, ce dernier affirme ignorer tout des malversations commises par M. [M]. Rappelons tout de même que M. [M] n’en était pas à sa première passe d’armes et avait déjà été condamné lorsqu’il travaillait au sein des UAP. Or, lorsque M. [M] travaillait au sein des UAP, il était le supérieur hiérarchique semble-t-il d’un certain M. [S] Simon. Une lettre anonyme avait été adressée au conseil des demandeurs pour leur rappeler cet état de fait ».

Il est en conséquence constaté que ces conclusions de première instance restent modérées quant aux conséquences à tirer de cette pièce 24 et surtout elles sont utilisées à l’appui d’une démonstration qui tend à considérer que nonobstant ses antécédents la société Gras Savoye a continué à accepter de travailler avec M. [M]. Cette analyse qui tend à faire reconnaitre la responsabilité de la société Gras Savoye quant à ses relations avec M. [M] est utile aux débats et les propos tenus dans les conclusions ne sont donc pas étrangers à la cause.

La pièce 24 en elle-même, constitue effectivement un écrit outrageant pour M. Simon puisqu’il y est décrit une possible complicité avec M. [M] en utilisant les termes « compères » et « couvre son ami ». Si effectivement seul M. Simon est mentionné dans cet écrit, pour autant dans la mesure où il est ou était l’un des dirigeants de la société Gras Savoye cet outrage atteint également la société Gras Savoye.

Cependant puisque ce document sert une démonstration contenue dans des conclusions mesurées, discussion dont il vient d’être démontrée qu’elle n’est pas étrangère à la cause et qu’elle est utile au débat, la production de cette pièce, ainsi que les conclusions de première instance qui s’y réfèrent bénéficient de l’immunité de l’article 41.

S’agissant des conclusions d’appels, il est relevé qu’elles n’utilisent aucune référence à la lettre anonyme qui est retirée des débats et invoquent uniquement le fait qu’il ne peut sérieusement être soutenu que la société Gras Savoye correctement implantée en matière d’assurance n’avait pas connaissance des antécédents judiciaires de M. [M]. Ces arguments de l’appelante outre le fait qu’ils n’apparaissent pas outrageants servent le débat judiciaire.

Dès lors, il n’y a lieu de condamner les appelants à des dommages et intérêts sur le fondement de ce texte.

VI- SUR L’APPEL EN GARANTIE FORME [Localité 9] LES SOCIETE MMA VIE, MMA VIE ASSURANCE MUTUELLE ET LA SA GENERALIE VIE 

S’agissant de l’appel en garantie formé contre les assureurs et les demandes formulées subsidiairement à leur encontre, compte tenu de l’infirmation de la décision de première instance sur la responsabilité de la société Gras Savoye, ces demandes sont désormais sans objet.

Il convient d’infirmer le jugement entrepris qui a rejeté les demandes de ces chefs et de confirmer celles qui les ont déclarées sans objet.

VII- SUR LES DEPENS ET L’APPLICATION DE L’ARTICLE 700 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE

M. et Mme [G] qui succombent principalement en appel sont condamnés aux dépens de première instance et d’appel.

Ils seront également condamnés à payer une somme de 3000 euros à la société Gras Savoye au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et une somme de 2000 euros pour la procédure d’appel.

La société Gras Savoye qui a maintenu son appel en garantie est condamnée à payer à chacun des assureurs MMA Vie une somme de 1000 euros et la même somme au titre de la procédure d’appel.

Il apparait équitable de confirmer les dispositions au titre de l’article 700 du code de procédure civile en ce qui concerne la SA Généralie Vie.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Constate que la SAS Willis Towers Watson est la nouvelle dénomination de la SAS Gras Savoye qui est elle-même venue aux droits de la SAS Gras Savoye Berger Simon;

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :

Donné acte à la SAS Gras Savoye qu’elle vient désormais aux droits de la SAS Gras Savoye Berger Simon à la suite d’une opération de fusion absorption ;

Ecarté des débats la pièce n°24 produite par M. [O] [G] et Mme [Z] [W] épouse [G] ;

Débouté la SAS Gras Savoye de sa demande de dommages-intérêts présentée sur le fondement de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

Débouté la société Gras Savoye de la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action engagée par M. [O] [G] et Mme [Z] [W] épouse [G] sur le fondement des dispositions de l’article L. 114-1 du code des assurances ;

Déclaré recevables les actions formées M. [O] [G] et Mme [Z] [W] épouse [G] à l’encontre de la société Gras Savoye;

Débouté M. [O] [G] de sa demande formée pour un montant de 26 981,10 euros à l’encontre de la SAS Gras Savoye pour le contrat MMA Mutlistratégies 2000 n° 01160094 ;

Débouté Mme [Z] [W] épouse [G] de sa demande formée pour un montant de 26 340,89 euros à l’encontre de la SAS Gras Savoye pour le contrat Multistratégies 2000 n°01160086 ;

Débouté M. [O] [G] et Mme [Z] [W] épouse [G] de leur demande de dommages-intérêts évaluée à la somme totale de 60 000 euros correspondant aux chèques suivants :

Un chèque n°23 du 22 décembre 2006 d’un montant de 5 500 euros,

Un chèque n°26 du 22 décembre 2006 d’un montant de 5 500 euros,

Un chèque n°22 du 26 décembre 2006 d’un montant de 5 500 euros,

Un chèque n°24 du 26 décembre 2006 d’un montant de 5 500 euros,

Un chèque n°29 du 27 décembre 2006 d’un montant de 7 000 euros,

Un chèque n°27 du 28 décembre 2006 d’un montant de 6 500 euros,

Un chèque n°21 du 2 janvier 2007 d’un montant de 5 500 euros,

Un chèque n°25 du 2 janvier 2007 d’un montant de 5 500 euros,

Un chèque n°28 du 2 janvier 2007 d’un montant de 6 500 euros,

Un chèque n°30 du 4 janvier 2007 d’un montant de 7 000 euros ;

Débouté M. [O] [G] et Mme [Z] [W] épouse [G] de leur demande de dommages-intérêts pour préjudice moral,

Déclaré sans objet l’appel en garantie formé à titre subsidiaire par la SAS Gras Savoye à l’encontre des sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles ;

Déclaré sans objet l’appel en garantie formé à titre subsidiaire par les sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles à l’encontre de la SAS Gras Savoye en l’absence de condamnation prononcée de ses chefs;

Déclaré sans objet l’appel en garantie formé titre subsidiaire par la SA Generali Vie à l’encontre de la SAS Gras Savoye ;

Condamné la SAS Gras Savoye à régler :

aux sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles la somme de 1 000 euros à chacune d’elles au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

à la SA Generali Vie la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Infirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

Déboute M. [O] [G] de sa demande de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel et financier pour la somme de 43 679,70 euros, au titre du contrat d’assurance PHI N°2020605866 souscrit le 7 avril 2006 avec la société Generali Vie sur le fondement de l’article L.511-1 III du code des assurances du fait d’un mandat apparent ;

Déboute Mme [Z] [W] épouse [G] de sa demande de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel et financier pour somme de 44 487,33 euros au titre du contrat d’assurance contrat PHI N°2020605893 souscrit le 7 avril 2006 avec la société Gesur le fondement de l’article L.511-1 III du code des assurances du fait d’un mandat apparent ;

Déclare sans objet la demande de la SAS Willis Towers Watson France contre la SA Generali Vie tendant à la relever et à la garantir indemne de toutes condamnations prononcées à son encontre dans la présente instance ;

Condamne M. [O] [G] et Mme [Z] [W] épouse [G] aux dépens de première instance ;

Condamne M. [O] [G] et Mme [Z] [W] épouse [G] à payer à SAS Willis Towers Watson France la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ;

Déboute M. [O] [G] et Mme [Z] [W] épouse [G] de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance;

Et y ajoutant,

Déboute M. [O] [G] et Mme [Z] [W] épouse [G] de leur demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel et financier sur le fondement des articles 1147,1384 alinéa 5 du code civile ( dans sa version applicable au présent litige) et au titre d’une présomption de vérité de la chose jugé au pénal ;

Condamne M. [O] [G] et Mme [Z] [W] épouse [G] aux dépens d’appel ;

Condamne M. [O] [G] et Mme [Z] [W] épouse [G] à payer à SAS Willis Towers Watson France la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédured’appel;

Condamne la SAS Willis Towers Watson France à régler aux Sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles la somme de 1 000 euros à chacune d’elles au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ;

Déboute M. [O] [G] et Mme [Z] [W] épouse [G] de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ;

La Greffière La Présidente de chambre

 


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