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C2
N° RG 20/03098
N° Portalis DBVM-V-B7E-KSGE
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY
la SELARL CABINET KARINE PELLISSIER
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section B
ARRÊT DU JEUDI 15 SEPTEMBRE 2022
Appel d’une décision (N° RG F18/01233)
rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRENOBLE
en date du 10 septembre 2020
suivant déclaration d’appel du 08 octobre 2020
APPELANTE :
S.A.S. IMOPTEL, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège,
Chez AXIANS FIBRE IDF
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,
et par Me Nathalie PRUNET LE BELLEGO, avocat plaidant au barreau de VERSAILLES,
INTIME :
Monsieur [S] [O]
né le 16 Août 1962 à [Localité 5] (79)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Karine PELLISSIER de la SELARL CABINET KARINE PELLISSIER, avocat au barreau de GRENOBLE substituée par Me Laura MAURIN, avocat au barreau de GRENOBLE,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Blandine FRESSARD, Présidente,
M. Frédéric BLANC, Conseiller,
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,
DÉBATS :
A l’audience publique du 16 juin 2022,
Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère chargée du rapport, assistée de Carole COLAS, Greffière, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.
Puis l’affaire a été mise en délibéré au 15 septembre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L’arrêt a été rendu le 15 septembre 2022.
EXPOSE DU LITIGE :
Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 3 septembre 2007, M. [S] [O], né le 16 août 1962, a été embauché par la société Cegelec Énergie Centre-Est en qualité de cadre de chantier.
En avril 2010, la société Cegelec Énergie Centre-Est a été rachetée par le Groupe Vinci.
Le 1er avril 2012, M. [S] [O] a été muté au sein de la société Santerne Centre-Est avec reprise de son ancienneté acquise au sein de la société Cegelec.
Selon contrat de travail à durée indéterminée du 2 janvier 2017, M. [O] a été muté au sein de la société Imoptel SAS en qualité de responsable d’affaires, cadre B2, avec une reprise d’ancienneté au 3 septembre 2007.
La convention collective nationale des ingénieurs et cadres des travaux publics s’applique.
Le 18 avril 2018, la société Imoptel a convoqué M. [S] [O] à un entretien préalable à une éventuelle mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement, avec mise à pied à titre conservatoire.
La mise à pied a été levée à la fin de l’entretien préalable le 26 avril 2018 et aucune sanction n’a été prononcée à l’encontre de M. [S] [O].
Le 19 juin 2018, M. [S] [O] a été convoqué à un nouvel entretien préalable à une éventuelle mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement.
Le 5 juillet 2018, la société Imoptel a notifié à M. [S] [O] son licenciement pour faute.
Le 23 novembre 2018, M. [S] [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Grenoble contestant la rupture de son contrat de travail.
Suivant jugement en date du 10 septembre 2020, le conseil de prud’hommes de Grenoble a :
Dit que le licenciement de M. [S] [O] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Dit que la société Imoptel n’a pas manqué à son obligation de loyauté dans l’exécution du contrat de travail ;
Condamné la société Imoptel à payer à M. [S] [O] les sommes suivantes :
32 500,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
1.500,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Lesdites sommes avec intérêts de droit à la date du présent jugement,
Débouté M. [S] [O] du surplus de ses demandes ;
Débouté la société Imoptel de sa demande reconventionnelle ;
Ordonné à la société Imoptel, en application de l`article L. 1235-4 du code du travail, de rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées à M. [S] [O], dans la limite de six mois ;
Dit qu’une copie conforme du présent jugement sera transmise à Pôle Emploi par les soins du greffe ;
Condamné la société Imoptel aux dépens.
La décision rendue a été notifiée par lettres recommandées avec accusés de réception signés par les parties les 14 et 15 septembre 2020.
La SAS Imoptel a interjeté appel de la décision par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 8 octobre 2020.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 28 décembre 2020, la société Imoptel SAS sollicite de la cour de :
Réformer et constater que le licenciement de M. [S] [O] notifié le 5 juillet 2018 repose sur une cause réelle et sérieuse ;
Constater que M. [O] ne démontre ni une exécution déloyale du contrat de travail, ni un quelconque préjudice ;
En conséquence,
Débouter M. [S] [O] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
Très subsidiairement,
Constater que M. [S] [O] ayant retrouvé un emploi dès la fin de son préavis ne peut prétendre à des dommages et intérêts supérieurs à 3 mois de salaire ;
Condamner M. [S] [O] au paiement de la somme de 2.500,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 4 mars 2021, M. [S] [O] sollicite de la cour de :
Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grenoble le 10 septembre 2020 en ce qu’il a :
Dit que le licenciement de M. [O] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamné la société Imoptel à verser à M. [O] la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ladite somme avec intérêts de droit à la date du jugement,
Débouté la société Imoptel de sa demande reconventionnelle en paiement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamné la société Imoptel aux dépens ;
Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grenoble le 10 septembre 2020 en ce qu’il a dit que la société Imoptel n’a pas manqué à son obligation de loyauté dans l’exécution du contrat de travail ;
Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grenoble le 10 septembre 2020 en ce qu’il a débouté M. [O] du surplus de ses demandes ;
Statuant à nouveau,
Dire et juger que la société Imoptel a manqué à son obligation de loyauté dans l’exécution du contrat de travail ;
Condamner la société Imoptel à verser à M. [O] les sommes suivantes :
46 419 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
18 568 € nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d’appel,
Assortir ces condamnations des intérêts légaux de droit à compter du jour où le paiement desdites sommes aurait dû intervenir, avec capitalisation des intérêts par année entière conformément à l’article 1343-2 du code civil ;
Débouter la société Imoptel de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
Condamner la société Imoptel aux entiers dépens.
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient, au visa de l’article 455 du code de procédure civile, de se reporter à leurs écritures susvisées.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 mai 2022 et l’affaire a été fixée pour être plaidée à l’audience du 16 juin 2022 ; la décision a été mise en délibéré au 15 septembre 2022.
MOTIFS DE L’ARRÊT :
1 ‘ Sur la demande au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail :
Conformément à l’article L. 1222-1 du code de travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. La bonne foi se présumant, la charge de la preuve de l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur incombe au salarié.
Au cas d’espèce, le salarié n’établit pas que la procédure disciplinaire lancée en avril 2018 participe de sa mise à l’écart, celle-ci n’ayant donné lieu à aucune sanction disciplinaire.
En revanche, il ressort du contrat de travail qu’à compter du 2 janvier 2017, M. [S] [O] a été engagé en qualité de responsable d’affaires, cadre B2.
La cour observe qu’aucun autre élément n’est produit par les parties quant aux fonctions exercées par le salarié en tant que responsable d’affaires.
Or, M. [N] [K], ancien responsable d’affaires chez Imoptel, atteste que « Dès le départ, le contenu de la mission de [S] n’a pas été expliqué aux autres salariés. Je n’ai pas compris, comme les autres salariés, le contenu de sa mission. Apparemment, [S] devait s’occuper de la partie génie civil avec comme responsable direct le Chef d’entreprise. Début février 2017, un nouveau responsable déploiement est arrivé dans l’entreprise pour me remplacer progressivement […]. Dès le départ, ce nouveau responsable déploiement s’est positionné vers [S] comme étant son responsable N+1, ce qui n’avait pas été vraisemblablement expliqué comme ceci à [S] ».
Il précise également que « un mois plus tard, début mars 2017, un chef de projet en charge du génie civil est arrivé dans l’entreprise. Le rôle de [S] était encore plus flou, d’autant que celui-ci se positionnait comme son responsable. »
D’ailleurs, cette diminution de fonctions ressort des deux organigrammes produits par le salarié, puisqu’alors qu’il occupait, au 27 janvier 2017, le poste de chef de projet GC (Génie civil), placé hiérarchiquement sous le responsable déploiement, il est placé, dans l’organigramme du 26 janvier 2018, comme conducteur de travaux FO, sous la responsabilité d’un chef de projet FO, ce dernier ayant pour supérieur hiérarchique le responsable déploiement.
En outre, il ressort de l’entretien individuel de management en date du 27 juin 2017 que le salarié a informé son employeur de sa mise à l’écart en indiquant notamment « Non présent aux réunions, bribes d’informations recueillies au compte-goutte. »
Cependant, le chef d’entreprise a simplement précisé comme commentaire « Suite à des difficultés d’intégration dans l’organisation projet, [S] ne trouve pas sa place dans l’organisation Projet d’Axians Isère Numérique », sans apporter d’autres solutions ou mesures, aucune réponse n’étant apportée à la demande d’entretien du salarié auprès de la responsable des ressources humaines sur sa situation.
Il ressort également des attestations de M. [H] [G] et de M. [N] [K] qu’il n’était pas, ou très rarement, convié aux réunions internes ou avec le client lors des réunions de pilotage mensuelle.
En réponse, l’employeur n’apporte aucun élément permettant de justifier le changement de poste du salarié dans l’organigramme, ni quant aux fonctions réellement occupées par le salarié, se contentant simplement de dire que le salarié « a signé un contrat de responsable d’affaires ».
Dès lors, il résulte des énonciations précédentes que l’employeur n’a pas exécuté loyalement le contrat de travail de M. [S] [O].
Finalement, le salarié produit un arrêt de travail pour la période du 9 juillet au 20 juillet 2018, pour motif anxio-dépressif, établissant suffisamment que la mise à l’écart par son employeur a eu des conséquences sur son état de santé.
Par conséquent, par infirmation du jugement entrepris, il convient de condamner la société Imoptel à verser à M. [O] la somme de 2 000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail, le salarié étant débouté du surplus de sa demande.
2 ‘ Sur la demande au titre de la rupture du contrat de travail :
Aux termes de l’article L. 1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
Selon l’article L. 1325-1 du code du travail, en cas de litige relativement au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures instructions qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi, l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
Enfin, une faute disciplinaire ne peut être retenue à l’égard du salarié que s’il est établi la matérialité des faits, son imputabilité et une volonté intentionnelle dans leur commission.
Et l’employeur épuise son pouvoir disciplinaire lorsqu’il prononce une sanction de sorte qu’un licenciement ne peut être fondé sur des faits qui ont d’ores et déjà fait l’objet d’une précédente sanction disciplinaire ou qu’ayant connaissance des faits, il ne les a pas retenus lors d’une précédente sanction disciplinaire.
En l’espèce, la lettre de licenciement en date du 5 juillet 2018, qui fixe les limites du litige en application de l’article L. 1232-6 du code du travail, est ainsi rédigée :
« Le 26 avril 2018, je vous ai reçu en entretien pour vous reprocher un comportement déplacé et inadapté vis-à-vis de nos clients et sous-traitants. En effet, vous leurs aviez envoyé des mails dénigrant l’entreprise en mettant en exergue des non-conformités de nos équipes.
Je vous ai impérativement demandé de ne pas réitérer de tels faits qui contribuent à nuire à l’image de la société.
En date du 6 juin 2018, vous êtes intervenu sur une opération en présence du Chef de Projets mais aussi du client et des sous-traitants. La veille de cette intervention, vous vous êtes aperçu le soir que vous aviez oublié les étiquettes d’identification des fibres optiques et des boîtes de raccordement ; vous avez alors demandé au Chef de Projets de les amener, ce que ce dernier a également oublié de faire. Le jour de l’intervention, lorsqu’il vous a indiqué ne pas les avoir, vous vous êtes mis à hurler en l’accusant de manque de respect et de professionnalisme, tout cela en présence du client et des sous-traitants. Votre réaction a été disproportionnée et aurait dû être beaucoup plus mesurée, les étiquettes ne concernant qu’une opération devant se dérouler dans les jours à venir et ne revêtant pas une importance capitale pour le bon déroulement de l’intervention du jour.
Quelques minutes après cet incident, vous êtes vanté auprès de deux de nos techniciens, d’avoir eu ce comportement uniquement dans l’intention de prouver au client que, selon vos dires, la direction d’AXIANS avait mis en place des Chefs de projet qui n’auraient pas les capacités nécessaires à l’exercice de leurs fonctions et que de fait, l’entreprise serait indigne de confiance.
Ce comportement face au client et à nos équipes est tout simplement inacceptable compte tenu de votre position de cadre, et contribue à nuire considérablement à l’image de l’entreprise.
Au cours de l’entretien, vous vous êtes défendu en invoquant le fait qu’il était convenu que le Chef de projet vous remette les étiquettes ce jour-là.
Nous admettons le fait qu’il y a peut-être eu un dysfonctionnement mineur, mais que celui-ci ne justifie ni n’excuse en rien le comportement que vous avez adopté devant le client, nos sous-traitants et nos équipes. Cette attitude est fautive car considérablement nuisible à l’image et à la crédibilité de notre société.
Par ailleurs, elle caractérise une remise en question de l’organisation interne du management du projet mise en place par mes soins.
De surcroît en date du 18 juin 2018, vous êtes intervenu auprès de notre sous-traitant « RESONNANCE » pour suspendre la réalisation de travaux de tirage sans vérifier au préalable les consignes données par les Chefs de projet.
Ce comportement est indigne de votre position de cadre et des responsabilités qui y sont attachées, et ce à plusieurs titres. Tout d’abord, il n’y avait en l’espèce pas lieu d’intervenir, le Chef de projets ayant validé et sollicité l’intervention de notre sous-traitant ; ensuite, votre intervention a eu pour conséquences de faire perdre du temps à l’ensemble des acteurs du chantier, que ce soit notre sous-traitant ou nos équipes internes ; enfin, une telle attitude renvoie aux clients et sous-traitants, une image très dégradée de notre organisation, contribuant encore une fois à nuire à l’image de notre entreprise.
Ces faits ne sont pas acceptables. Ils contreviennent à votre obligation de loyauté, de bon comportement et de travail convenable. Vous n’avez pas su, comme je vous l’avez demandé une première fois il y a quelque temps, changer d’attitude et éviter ces comportements.
De plus, nous avons remarqué vos publications sur votre page LinkedIn, relatives à notre entreprise, publications apparaissant comme contenu public librement accessible depuis un compte sur LinkedIn. Au travers de vos publications, vous affichez une image dégradée de notre entreprise et un désaccord manifeste avec son organisation, ses orientations et ses principes.
De telles publications ont un pouvoir de perturbation et de nuisance considérable ; il est inacceptable que vous en soyez l’auteur compte tenu de votre position de cadre.
Enfin, après avoir reçu votre convocation à entretien préalable du 19/06/2018, vous avez affiché celle-ci dans le bureau partagé avec 3 de vos collègues, et donc bien visible de ces derniers, en surlignant la date et l’heure de votre entretien. Ce comportement traduit une fois de plus votre volonté de dégrader l’image de l’entreprise.
En conséquence, et au vu des éléments décrits ci-dessus, nous considérons que cette situation rend impossible le maintien de votre contrat de travail, votre comportement inapproprié et inadapté contribuant de manière répétée à nuire à la bonne image et à la crédibilité d’Axians Isère Numérique vis-à-vis du client, de nos sous-traitants et de nos équipes internes, et nous conduit donc à vous notifier votre licenciement pour faute. »
Il en ressort que la société Imoptel reproche à M. [S] [O] cinq griefs :
Des mails inadaptés et déplacés à l’égard de la société dont des sous-traitants étaient destinataires,
D’avoir « hurlé » sur un chef de projets le 6 juin 2018 alors que des sous-traitants et un client étaient présents, puis de s’être vanté de son comportement auprès de deux techniciens,
D’avoir suspendu des travaux alors que des consignes avaient été données par le chef de projet,
Des publications LinkedIn déplacées et nuisibles pour l’image de la société,
L’affichage de la convocation préalable dans son bureau.
S’agissant du premier grief, il ressort des conclusions de l’employeur que ce dernier a convoqué à un entretien préalable M. [O] en raison des mails reprochés par courrier en date du 18 avril 2018, sans qu’une sanction disciplinaire ne soit adoptée.
Dès lors, ce grief ne peut être reproché au salarié dans le cadre d’une nouvelle procédure disciplinaire, le pouvoir disciplinaire de l’employeur étant épuisé pour ces faits.
À l’appui du deuxième grief, l’employeur produit un mail en date du 26 juin 2018 de M. [D] [I] relatant l’incident du 6 juin 2018 ainsi que le fait que M. [S] [O] aurait dit, à [D] [I] et un autre collègue dénommé [X], que « son coup d’éclat devant les membres du département était totalement volontaire, et tendait à leur prouver que la direction avait mis en place des chefs de projets (à savoir [B] [T] et [R]) qui n’avaient pas les capacités intellectuel(le)s ou techniques ».
Cependant, ce mail demeure insuffisant pour établir le grief reproché survenu le 6 juin 2018 en ce qu’il n’est corroboré par aucun autre élément, le dénommé [X] n’attestant pas dans la présente affaire, ni la personne sur laquelle il est allégué que M. [O] aurait « hurlé ».
Dès lors, le deuxième grief n’est pas suffisamment établi.
Concernant, le troisième grief, l’employeur produit un mail, daté du 18 juin 2018, de M. [P], chef de projet, qui précise « [S] [O] est intervenu auprès de Résonance, de son propre chef, et a suspendu leurs travaux de tirage sur le TR14 sans vérifier préalablement, en interne, les consignes que nous leur avions données. Si ce cas s’est malheureusement présenté par le passé, assorti, par ailleurs, d’un discours de dénigrement, vindicatif et diffamatoire à notre encontre (RCFO sur le TR08 par exemple), je l’acte par écrit aujourd’hui, dans l’espoir d’y mettre fin à l’avenir. Bilan : 1 heure de perdue pour l’équipe de Résonance (voir plus), leur chef de chantier, et moi-même, et l’image d’une équipe désordonnée auprès du sous traitant. ».
Cependant, M. [S] [O] produit l’attestation de M. [Y] [Z] qui indique « Mr [O] est notamment « accusé » d’avoir arrêté des travaux. Étant présent physiquement ce jour-là, la décision de suspendre les travaux venait de moi ! », ainsi que « Ce jour-là , nous avions rendez-vous dans le département dans l’Oisans, nous sommes donc passés devant la base vie des équipes travaillant dans ce secteur, voyant du monde, nous nous sommes arrêtés ! Les sous-traitants m’ont littéralement « sauté » dessus car ils avaient des problèmes et voulaient prendre l’initiative complément loufoque de COUPER la fibre ! À cet instant précisé, M. [O] n’était pas avec moi puisqu’il vérifiait un bâtiment dédié à la fibre à quelques mètres de la scène. J’AI PRIS LA DÉCISION, seul, en mon âme et conscience, d’arrêter l’équipe de tirage en question, car premièrement, ce n’est pas le rôle d’un sous-traitant de prendre des décisions aussi importantes, l’ordre venant de mon chef de projet qui ne connaît pas le métier, j’ai donc donné un contrordre, qui par la suite a été probablement mal retranscris vu le nombre d’interlocuteurs et a impliqué de ce fait M. [O] alors qu’il n’y ait pour rien du tout. »
Outre que l’employeur ne démontre pas suffisamment en quoi l’ordre de suspendre les travaux nuit à l’image de l’entreprise en ce qu’il y aurait un problème d’organisation, l’attestation de M. [Z] créé un doute sérieux sur la matérialité du grief reproché, de sorte que celui-ci n’est pas établi.
S’agissant du quatrième grief, l’employeur produit une capture d’écran d’une publication de M. [S] [O] sur son compte LinkedIn ainsi libellée :
« Mauvaise nouvelle, pour la première fois de ma carrière, une mise pied à titre conservatoire m’a été infligée par mon Chef d’entreprise pour le motif de nuire à mon entreprise. Quel étonnement hier soir à l’annonce de cette sentence. Après de nombreuses années de travail et d’investissement, je tombe de haut. Merci à vous pour votre soutien. »
La cour observe qu’aucun détail quant aux griefs reprochés n’est mentionné dans cette publication et que le salarié ne dénigre pas l’entreprise, se contentant simplement d’affirmer avoir été mis à pied à titre conservatoire.
L’employeur produit également une capture d’écran du profil du salarié sur laquelle il est précisé « Projet RIP THD Isère ‘ Poste non conforme à mes attentes, ne correspond p… AXIANS en attente de mutation pour un autre poste à pourvoir chez ».
Alors que la capture d’écran n’est pas datée et que les phrases reprochées sont coupées, il ne ressort pas de la publication en cause que le salarié affiche une image dégradée de la société ni qu’il serait en désaccord avec l’organisation, les orientations et les principes de celle-ci, puisqu’il se contente simplement de dire que le poste ne lui correspond pas et qu’il attend une mutation.
Dès lors, le quatrième grief n’est pas établi.
Finalement, concernant le cinquième grief, l’affichage de la convocation à entretien préalable en date du 19 juin 2018, que ne conteste pas le salarié, concerne uniquement son bureau.
Or, la société Imoptel ne démontre pas en quoi l’affichage de la convocation dans son bureau aurait dégradé l’image de l’entreprise, dès lors que les salariés partageant le bureau de M. [O] étaient probablement au courant oralement par ce dernier et qu’ils n’attestent pas que cela aurait dégradé l’image de la société.
Dès lors, le dernier et cinquième grief n’est pas établi.
Il ressort des énonciations précédentes que la société Imoptel n’établit aucun des cinq griefs reprochés à M. [S] [O] dans la lettre de licenciement.
Par conséquent, par confirmation du jugement entrepris, il convient de considérer le licenciement notifié à M. [O] le 5 juillet 2018 sans cause réelle et sérieuse.
3 ‘ Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail :
L’article L. 1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; et, si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux que cet article prévoit.
M [S] [O], qui percevait au dernier état de la relation de travail un salaire de 4 641,83 euros bruts, disposait d’une ancienneté, au service du même employeur, de 10 ans et 10 mois et peut donc prétendre, par application des dispositions précitées, à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre 3 et 10 mois de salaire.
Le salarié produit une attestation employeur de la société SNEF Telecon, indiquant qu’il a été embauché par cette dernière en contrat à durée indéterminée à compter du 8 octobre 2018, mais s’abstient plus généralement de verser aux débats les pièces susceptibles d’établir l’ampleur du préjudice dont il sollicite réparation à raison de la perte injustifiée de son emploi.
Par conséquent, il convient, par confirmation du jugement entrepris, de condamner la société Imoptel à verser à M. [S] [O] la somme de 32 000 euros bruts à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, sauf à préciser qu’il s’agit d’un montant brut, le salarié étant débouté du surplus de sa demande.
4 – Sur les intérêts et leur capitalisation :
Au visa de l’article 1231-7 du code civil, dès lors que les sommes indemnitaires allouées en principal sont d’un montant laissé à l’appréciation du juge, les intérêts au taux légal ne court qu’à compter de la décision qui les prononce.
Il s’ensuit que la condamnation au paiement de la somme de 32 500 euros produira intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris dès lors qu’elle était fixée par les premiers juges et confirmée par le présent arrêt.
Au visa de l’article 1343-2 du code civil, il y a lieu de dire que les intérêts au taux légal se capitaliseront, dès lors qu’ils seront dus pour une année entière.
5 ‘ Sur les demandes accessoires :
La société Imoptel, partie perdante à l’instance au sens des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d’en supporter les entiers dépens.
Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l’espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de M. [O] l’intégralité des sommes qu’il a été contraint d’exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu’il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la SAS Imoptel à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et, y ajoutant, de la condamner à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l’appel et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a :
Condamné la société Imoptel SAS à verser à M. [S] [O] les somme de :
32 500 euros (trente-deux mille cinq cents euros) au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sauf à préciser qu’il s’agit d’un montant brut,
1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Débouté la société Imoptel de sa demande reconventionnelle,
Condamné la société Imoptel aux dépens ;
L’INFIRME pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE la société Imoptel SAS à verser à M. [S] [O] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
DIT que les intérêts au taux légal courent sur la somme de 32 500 euros à compter du jugement entrepris ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts, dès lors qu’ils sont dus pour une année entière ;
DÉBOUTE M. [S] [O] du surplus de ses demandes indemnitaires ;
DÉBOUTE la société Imoptel SAS de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Imoptel SAS à verser à M. [S] [O] une indemnité complémentaire de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Imoptel SAS aux dépens d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Blandine FRESSARD, Présidente et par Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente