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Arrêt n°22/00599
13 septembre 2022
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N° RG 21/00467 –
N° Portalis DBVS-V-B7F-FN7T
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Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de THIONVILLE
04 février 2021
F20/00077
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
ARRÊT DU
Treize septembre deux mille vingt deux
APPELANTE :
AGC MOSELLE exerçant à l’enseigne CERFRANCE MOSELLE, Association inscrite à l’Ordre des Experts Comptables de la Région Lorraine prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
Représenté par Me Benoît VELER, avocat au barreau de METZ
INTIMÉ :
M. [Z] [W]
[Adresse 1]
Représenté par Me Jordan MICHEL, avocat au barreau de THIONVILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 avril 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
Mme Laëtitia WELTER, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;
Signé par Mme Anne FABERT, conseillère pour la Présidente de Chambre régulièrement empêchée, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS
M. [W] a été embauché par la société CERCA, selon contrat à durée indéterminée, à compter du 1er juillet 1996, en qualité de comptable.
Le 28 septembre 2006, le contrat de travail de M. [W] a été transféré à l’association AGC Moselle, exerçant sous l’enseigne Cerfrance Moselle.
M. [W] percevait une rémunération mensuelle brute de 2 477,68 euros.
Par lettre remise en mains propres en date du 19 décembre 2019, M. [W] a été convoqué à un entretien préalable pour un éventuel licenciement fixé le 7 janvier 2020 avec mise à pied conservatoire.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 15 janvier 2020, M. [W] a été licencié pour faute grave.
Par acte introductif enregistré au greffe le 13 mai 2020, M. [W] a saisi le Conseil de prud’hommes de Thionville aux fins de :
– Demander la nullité de son licenciement en raison de la violation de sa liberté d’expression,
– Condamner l’association AGC Moselle à lui payer :
44 598,24 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul
18 582,60 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement
4 955,36 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents
2 523,82 euros au titre de l’indemnisation de la période de mise à pied conservatoire et congés payés y afférents
3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La délivrance de ses documents de fin de contrat ainsi qu’un bulletin de paie.
Par jugement du 26 novembre 2020, le Conseil de prud’hommes de Thionville, section activités diverses a statué ainsi qu’il suit :
– Dit et juge le licenciement de M. [W] nul en raison de la violation de sa liberté d’expression.
– Condamne l’association AGC Moselle exerçant à l’enseigne Cerfrance Moselle à verser à M. [W] les sommes suivantes :
’32 209,84 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
’18 582,60 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
‘4 955,36 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
‘ 495,53 au titre des congés payés y afférents,
‘2 294,39 euros au titre du salaire dû durant la période de mise à pied conservatoire,
‘229,43 euros au titre des congés payés y afférents,
Le tout avec intérêts au taux légal à ,compter du jugement à intervenir.
– Ordonne l’association AGC Moselle exerçant à l’enseigne Cerfrance Moselle de délivrer à M. [W] les documents suivants sous astreinte de 50 euros par jour de retard et pour l’ensemble des documents à compter du 30éme jour après la notification du présent jugement :
Un bulletin de paie,
Un reçu pour solde de tout compte,
Un certificat de travail,
Une attestation Pôle Emploi,
Le tout conforme au jugement au présent jugement.
– Dit que le Conseil se réserve la faculté de liquider ladite astreinte.
– Condamne l’association AGC Moselle exerçant à l’enseigne Cerfrance à verser à M. [W] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
– Déboute M. [W] de se demande d’exécution provisoire
– Ordonne l’application de l’article 514-5 du Code de procédure civile
– Déboute l’association AGC Moselle exerçant à l’enseigne Cerfrance du surplus de ses demandes
– Condamne l’association AGC Moselle exerçant à l’enseigne Cerfrance aux entiers frais et dépens.
Par déclaration formée par voie électronique le 25 février 2021 et enregistrée au greffe le jour même, l’association AGC Moselle a régulièrement interjeté appel du jugement.
Par ses dernières conclusions datées du 29 novembre 2021, enregistrées au greffe le jour même, l’association AGC Moselle exerçant à l’enseigne Cerfrance demande à la Cour de :
Infirmer le jugement entrepris
Statuant à nouveau,
Dire et juger que le licenciement pour faute grave de M. [Z] [W] est justifié.
Dire et juger que la mise à pied conservatoire de M. [Z] [W] du 19 décembre 2019 au 15 janvier 2020 est bien fondée.
Par conséquent, débouter M. [W] de l’ensemble de ses moyens, fins et conclusions.
Condamner M. [Z] [W] à lui payer la somme de 17 120,88 euros versée au titre de l’exécution provisoire du jugement précité, avec intérêts de droit à compter de l’arrêt à intervenir.
A titre subsidiaire, sous réserve de la confirmation du jugement sur le licenciement, réduire à de plus justes proportions les indemnités sollicitées par M. [W].
Condamner M. [W] à lui payer la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Écarter l’application de l’exécution provisoire.
Condamner M. [W] aux frais et dépens.
Par ses dernières conclusions datées du 29 juillet 2021, enregistrées au greffe le jour même, M. [W] demande à la Cour de :
Confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné Association AGC Moselle à lui verser une somme de 32.209,84 euros, au lieu de 44.598,24 euros, à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.
Dire et juger son licenciement nul en raison de la violation de sa liberté d’expression.
Condamner l’association AGC Moselle à lui verser les sommes suivantes:
‘44.598,24 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
‘18.582,60 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;
‘4.955,36 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ;
‘2.523,82 euros au titre de l’indemnisation de la période de mise à pied conservatoire et congés payés afférents ;
Le tout avec intérêt au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir.
Ordonner la délivrance des documents suivants sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document :
un bulletin de paye,
un reçu pour solde de tout compte,
un certificat de travail,
une attestation destinée à Pole Emploi,
le tout conforme à 1’arrêt à intervenir.
Dire que la Cour se réserve la faculté de liquider ladite astreinte.
Condamner l’association AGC Moselle à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de l’arrêt à intervenir.
Condamner l’association AGC Moselle aux entiers frais et dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 02 décembre 2021.
Il convient en application de l’article 455 du Code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS
La lettre de licenciement en date du 15 janvier 2020, qui fixe les termes du litige, est rédigée comme suit :
« Suite à votre entretien qui s’est tenu le 07 janvier 2020 au siège social de notre entreprise, nous vous informons de notre décision de vous licencier pour les motifs suivants :
1) Votre harcèlement moral sur votre responsable hiérarchique, Mme [Y] [X]
Mme [T] [H], psychologue du travail, chargée de prévention et de santé au travail au sein de notre entreprise, a alerté oralement le 26 novembre 2019 la Directrice Générale sur les risques psycho-sociaux qu’elle avait décelés chez Mme [Y] [X], votre responsable hiérarchique, suite à certains de vos agissements répétés. Mme [H], dans un rapport qu’elle a remis à la Directrice Générale, cite « la dévalorisation quasi-systématique par M. [Z] [W] des actions de la responsable hiérarchique, la diffusion d’une image de manageuse incompétente auprès des collègues de l’agence ainsi qu’auprès de certains clients, le refus de se soumettre aux consignes énoncées par Mme [X] et la critique régulière des instructions données par elle, accompagnés d’un comportement irrévérencieux et méprisant. » Mme [H] a mentionné que « ces agissements, compte tenu de leur fréquence et de leur durabilité, ont pour effet une dégradation des conditions de travail de Mme [Y] [X], susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. » Suite à cette alerte, une enquête a été diligentée début décembre par la Direction Générale. L’audition de Mme [X], les témoignages de certains collaborateurs de l’agence, et l’analyse du contenu de plusieurs de vos courriels envoyés à votre manageuse ou à des clients ont conforté la situation de harcèlement moral soulevée par Mme [H] dans son rapport.
2) Votre volonté de nuire à l’entreprise et à la Directrice Générale en envoyant un courriel le mercredi 18 décembre 2019, en copie à l’ensemble du personnel de l’entreprise, mettant en cause une décision de la Directrice Générale.
Suite à votre désaccord avec la décision de la Directrice Générale de fermer l’entreprise le 27 décembre 2019, vous avez envoyé un courriel à la Directrice, en mettant en copie l’ensemble des collaborateurs, dans lequel vous avez critiqué cette décision et la communication qui en avait été faite, contesté la légalité de cette dernière et vous avez mis en doute la moralité de la Directrice Générale en suggérant que cette décision avait été prise pour pénaliser certains collaborateurs. Vous avez volontairement utilisé le courriel diffusé à l’ensemble des collaborateurs, au lieu d’un courriel simple à la Direction Générale ou d’une question aux délégués du personnel, alors que vous aviez connaissance qu’un tel agissement avait conduit au licenciement pour faute grave d’un collaborateur en été 2019, collaborateur que vous aviez accompagné lors de son entretien préalable.
Vos agissements sur le mois de décembre 2019 sont d’autant plus graves que vous veniez d’être sanctionné par un avertissement (notifié le 27 novembre 2019) pour les faits suivants : comportement inadapté avec votre manager et l’expert-comptable de l’agence, refus d’appliquer les consignes et méthodes de travail, mise en cause devant un client d’un membre du comité de direction et des process de production et tentative d’intimidation et menaces régulières. »
L’association AGC Moselle soutient qu’il est démontré que M. [Z] [W] a abusé de sa liberté d’expression en tenant des propos diffamatoires et excessifs et estime que cela suffit en soit à motiver son licenciement.
L’association AGC Moselle reproche à M. [W] d’avoir pris la liberté de contacter directement la directrice générale plutôt que de s’informer auprès des délégués du personnel, ou encore de la responsable d’agence, et d’avoir envoyé la copie de ses remarques à l’ensemble du personnel.
L’association considère que l’allégation selon laquelle la décision de la direction a été imposée « comme si on ne voulait pas quelques personnes puissent travailler ce jour-là », suggérant à tort qu’elle était animée d’une intention de nuire, constitue clairement des propos diffamatoires à son égard.
L’association AGC Moselle fait également grief à M. [Z] [W] d’avoir harcelé moralement sa supérieure hiérarchique, Mme [Y] [X], entraînant de graves troubles psychologiques voire physiques pour cette salariée.
M. [W] fait valoir que son licenciement est nul en raison de la violation de sa liberté d’expression.
M. [W] soutient que les propos qu’il a tenus dans son courriel ne contiennent aucun terme injurieux, diffamatoire ou excessif et sont fondés sur des éléments précis et objectifs (non-respect du délai de prévenance, absence d’affichage, contradiction des décisions de Mme [X] et de Mme [V]) qui visent à protéger les droits des salariés.
M. [W] ajoute qu’il a volontairement adressé son courrier électronique à tous les salariés de l’entreprise parce que les salariés ont tous reçu le courrier électronique de Mme [V] et parce que les salariés étaient tous concernés par la fermeture de leur entreprise.
M. [W] conteste également les faits de harcèlement moral.
Il résulte des dispositions des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail que tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
La lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, c’est-à-dire l’imputation au salarié d’un fait ou d’un comportement assez explicite pour être identifiable en tant que tel pouvant donner lieu à une vérification par des éléments objectifs.
En l’occurrence, la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
En cas de faute grave, la charge de la preuve repose sur l’employeur qui doit établir à la fois la réalité et la gravité des manquements du salarié.
La cour rappelle que le salarié jouit dans l’entreprise et en dehors de celle-ci de sa liberté d’expression, sauf utilisation abusive de celle-ci ou emploi d’un langage injurieux, diffamatoire ou excessif.
Il est de jurisprudence constante que le licenciement prononcé en violation de la liberté d’expression du salarié est nul.
En l’espèce, la lettre de licenciement de l’intimé repose, outre sur des faits de harcèlement moral, sur les propos tenus par M. [W] dans un courriel adressé à la directrice générale et aux salariés dans lequel il mettait en cause la décision de la direction de fermer l’entreprise le 27 décembre 2019.
Il est constant que l’association AGC Moselle ferme son établissement lorsqu’il y a moins de deux salariés présents sur les lieux. C’est pourquoi, après avoir recueilli les demandes de congés payés du personnel, Mme [E] [V], directrice générale des enseignes Cerfrance Moselle, a envoyé aux salariés de l’association AGC Moselle un courriel le 18 décembre 2019 énonçant « Je vous informe que l’entreprise sera fermée le 27/12 et que la pose d’un jour de congé, de RTT ou de repos est obligatoire », ce à quoi M. [W] a répondu le jour même par un courriel rédigé ainsi :
« Bonjour,
Vous nous informez que l’entreprise sera fermée ce jour là, très bien.
Elle n’est fermée que ce jour-là ou y a t il d’autres jours qui sont concernés ‘
Pourrions-nous avoir un peu plus de clarté sur ce sujet.
D’autre part, il s’agit, me semble-t-il de congés imposés par l’entreprise pour cause de fermeture pour les fêtes de fin d’année.
Cette fermeture n’est pas habituelle (prévue tous les ans) mais elle dépend si je ne m’abuse du nombre de salariés présents par rapport à ceux qui posent congés. Elle n’avait pas été prévue par avance et nous n’avions pas non plus été prévenus par nos délégués de cette fermeture.
On nous a par ailleurs demandé, il y a peu de temps, de poser nos congés de fin d’année sans nous dire qu’il fallait les poser entre 2 dates précises car l’entreprise serait fermée.
Pourquoi ne pas l’avoir fait ‘
Pourquoi nous avoir d’abord laisser le choix pour ensuite nous dire qu’on ne l’avait plus ‘
On dirait que cette décision nous a été imposée comme si on ne voulait pas quelques personnes puissent travailler ce jour-là.
D’ailleurs, suite à une discussion avec [Y] hier, nous avions convenu, elle et moi, qu’il était possible de se rendre chez un client (ou peut-être même opter pour le télétravail) ce jour du 27/012.
Cette décision avait été actée verbalement.
Un mail de sa part, conforté par le vôtre, me dit le contraire aujourd’hui.
Enfin, je vous informe que la législation prévoit de prévenir les salariés suffisamment à l’avance (1 mois) dans de telles circonstances (congés imposés pour fermeture). Cette formalité n’a tout simplement pas été respectée.
Je vous demande donc de bien vouloir malgré tout confirme ou à contrario infirmer votre position, merci.
Cordialement,
[Z] ».
M. [W] soulève à juste titre dans son courriel qu’en prévenant le 18 décembre 2019 de la fermeture de l’établissement le 27 décembre 2019, l’association AGC Moselle n’a pas respecté le délai de prévenance d’un mois prévu par l’article L.3141-16 du code du travail en cas de modification des congés.
M. [W] indique également dans son courriel et dans ses conclusions qu’il a proposé à Mme [X], responsable d’agence, de se rendre le 27 décembre 2019 chez un client afin de ne pas être présent dans l’établissement et qu’elle a accepté avant que la directrice n’impose ensuite un jour de congé, ce qui n’est pas contredit par l’association AGC Moselle, ni par Mme [V] qui n’a pas répondu à l’e-mail de M. [W] pour en contester les termes.
C’est dans ce contexte et dans ses conditions que M. [W] a envoyé le courriel litigieux à la directrice générale dans lequel il dénonce la décision de fermeture qui ne respecte pas le délai de prévenance et interpelle la direction sur la possibilité de se déplacer chez le client ou de faire du télétravail le 27 décembre 2019.
Si le courriel de M. [W] peut se révéler critique, il ne comprend néanmoins aucun propos excessif, le salarié étant dans son droit de dénoncer le non respect des dispositions de l’article L.3141-16 du code du travail ou d’un accord verbal de sa supérieure hiérarchique, et encore moins injurieux ou diffamatoire dans la mesure où la mention suivante « on dirait que cette décision nous a été imposée comme si on ne voulait pas quelques personnes puissent travailler ce jour-là » n’est que l’expression d’un ressenti du salarié et n’est pas de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération de l’association.
De surcroît, l’AGC Moselle reproche à M. [W] d’avoir contacté directement la directrice générale et d’avoir partagé son e-mail avec tous les salariés. Or, M. [W] n’a fait que répondre à l’expéditeur, soit Mme [V], la directrice générale, ainsi que communiquer sa réponse aux salariés qui étaient eux-même destinataires du courriel de la direction et qui étaient tous concernés par la fermeture de l’entreprise afin de les éclairer sur cette décision et de défendre leurs droits susceptibles d’être remis en cause.
M. [W] n’a donc pas abusé de sa liberté d’expression en l’absence de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs dans son courriel du 18 décembre 2019.
L’existence d’un seul grief violant une liberté fondamentale comme la liberté d’expression entraîne à lui seul la nullité du licenciement.
Dès lors, il convient de déclarer, sans avoir à examiner les autres griefs invoqués dans la lettre de licenciement, dès lors qu’il était notamment reproché au salarié l’exercice non abusif de sa liberté d’expression, le licenciement de M. [W] nul.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a statué en ce sens et en ce qu’il a fait droit aux demandes du salarié au titre de l’indemnité légale de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés sur préavis, du rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire et des congés payés y afférent, dont les quantum ne sont pas autrement discutés par les parties.
De plus, tout salarié victime d’un licenciement nul qui ne réclame pas sa réintégration, a droit, quelle que soit son ancienneté dans l’entreprise, d’une part, aux indemnités de rupture, et d’autre part, à une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement au moins égale à six mois de salaire.
Aussi, compte tenu de l’âge du salarié lors de la rupture (51 ans), de son ancienneté (24 ans) et du montant de son salaire mensuel (2 477,68 euros bruts), ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à son égard, sachant qu’il ne justifie pas de sa situation professionnelle ou d’éventuelles recherches d’emploi, les premiers juges lui ont à juste titre alloué la somme de 32 209,84 euros au titre des dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice subi du fait de la nullité du licenciement.
L’association AGC Moselle devra remettre à M. [Z] [W] un bulletin de paie, un reçu pour solde de tout compte, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes à la présente décision, sans que les circonstances de la cause n’exigent en revanche d’y adjoindre une astreinte.
Le jugement entrepris sera confirmé s’agissant des dispositions sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile.
L’association AGC Moselle qui succombe sera condamnée aux entiers dépens d’appel.
Conformément aux prescriptions de l’article 700 du code de procédure civile, l’association AGC Moselle sera condamnée à verser à M. [Z] [W] la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par ce dernier en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a assorti la remise des documents de fin de contrat d’une astreinte.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à astreinte pour la remise des documents de fin de contrat.
Condamne l’association AGC Moselle à verser à M. [Z] [W] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne l’association AGC Moselle aux dépens d’appel.
La GreffièreP/ La Présidente régulièrement empêchée
La Conseillère