Diffamation : décision du 13 juin 2019 Cour d’appel de Douai RG n° 17/06514

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Diffamation : décision du 13 juin 2019 Cour d’appel de Douai RG n° 17/06514
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 13/06/2019

***

N° de MINUTE :

N° RG 17/06514 – N° Portalis DBVT-V-B7B-RETC

Jugement (N° 14/00195)

rendu le 05 octobre 2017 par le tribunal de grande instance de Douai

APPELANT

Intimé dans procédures n° 17/06833 et 17/06873

Monsieur [N] [B]

né le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 1]

demeurant

[Adresse 1]

[Adresse 1]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle partielle numéro 2019/003375 du 26/03/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de douai)

représenté et assisté par Me Marie-Hélène Carlier, avocat au barreau de Douai, constituée aux lieu et place de Me Loïc Bussy, avocat au barreau de Douai

INTIMÉES

Appelantes respectivement dans procédures n° 17/06833 et 17/06873

SA Métropole Télévision agissant poursuites et diligences de son représentant légal ayant son siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

SAS Productions Tony Comiti agissant poursuites et diligences de son représentant légal

ayant son siège social

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentées par Me Bernard Franchi, membre de la SCP François Deleforge & Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai

assistées de :

Me Pierre Deprez pour la SA Métropole Télévision, membre du cabinet Deprez-Guignot associés, avocat au barreau de Paris, substitué à l’audience par Me Aurélie Bregou, avocat au barreau de Paris

Me Richard Malka pour la SAS Productions Tony Comiti, membre du cabinet Malka associés, avocat au barreau de Paris, substitué à l’audience par Me Lorraine Gay, avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Fabienne Bonnemaison, président de chambre

Sophie Tuffreau, conseiller

Jean-François Le Pouliquen, conseiller

———————

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anne-Cécile Maes

DÉBATS à l’audience publique du 25 mars 2019.

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 juin 2019 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Mme Fabienne Bonnemaison, président, et Anne-Cécile Maes, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 15 février 2019

***

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Douai du 05 octobre 2017 ;

Vu la déclaration d’appel de M. [N] [B] du 08 novembre 2017 ;

Vu la déclaration d’appel de la société Métropole Télévision reçue au greffe de la cour d’appel de Douai le 27 novembre 2017 ;

Vu la déclaration d’appel de la société Productions Tony Comiti déposées le 28 novembre 2017 ;

Vu les conclusions de M. [N] [B] déposées le 13 février 2019 ;

Vu les conclusions de la société Productions Tony Comiti déposées le 09 mai 2018 ;

Vu les conclusions de la société Métropole Télévision déposées le 09 mai 2018 ;

Vu l’ordonnance de clôture du 15 février 2019 ;

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 7 novembre 2013, M. [B] a fait assigner la société Métropole Télévision, éditrice de la chaîne de télévision M6, devant le tribunal de grande instance de Douai aux fins d’obtenir réparation de ses préjudices personnels et professionnels sur le fondement de l’article 9 du code civil et de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour violation de sa vie privée et de son droit à l’image consécutive à la diffusion le 1er avril 2012 de sa photographie dans le cadre de l’émission « 66 minutes » consacrant un reportage au terroriste toulousain M. [N] [B].

La société Productions Tony Comiti est intervenue volontairement à l’instance en sa qualité de réalisatrice et de productrice du reportage litigieux.

Dans le cadre de la procédure, la société Métropole Télévision a demandé au juge de la mise en état de :

– requalifier l’action engagée en action en réparation pour diffamation au sens de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 en ce que l’intéressé, sous couvert d’une atteinte à sa vie privée et son droit à l’image, se plaint en réalité d’une atteinte à son honneur et à sa considération ;

– prononcer la nullité de l’assignation sur le fondement de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 pour absence de visa du texte applicable à la poursuite, absence d’élection expresse de domicile dans la ville de [Localité 2] et absence de notification de l’assignation au ministère public, formalités substantielles et d’ordre public sanctionnées par une nullité de fond sans qu’il soit nécessaire de justifier d’un grief ;

– déclarer l’action prescrite sur le fondement de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 pour absence de saisine de la juridiction dans le délai de 3 mois suivant la diffusion de l’émission litigieuse intervenue le 1er avril 2012 ;

– lui donner acte qu’elle se réserve le droit de solliciter la garantie de la société Productions Tony Comiti ;

– condamner M. [B] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles outre sa condamnation aux dépens dont distraction au profit de la SCP Deleforge et Franchi ;

La société Productions Tony Comiti a formulé les mêmes moyens au soutien des mêmes demandes que celles formulées par la société Métropole Télévision à l’exception des dépens au titre desquels elle a sollicité la condamnation de M. [B] ainsi que la condamnation de ce dernier à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Soutenant que son image extraite de son compte personnel Facebook a été diffusée sans son autorisation constituant ainsi une violation de son droit à l’image et donc de sa vie privée sanctionnée indépendamment de l’utilisation diffamatoire de celle-ci, M. [B] s’est opposé à ces demandes et a sollicité la condamnation des deux sociétés à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles et aux entiers dépens.

Par ordonnance en date du 20 mars 2015, le juge de la mise en état de Douai a :

– dit que l’action en réparation de l’atteinte de son droit à l’image et à sa vie privée introduite par M. [B] ne s’analyse pas en une action en réparation pour diffamation au sens de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse mais en une action en réparation de droit commun d’une atteinte à sa personne ;

– débouté la société Métropole Télévision et la société Productions Tony Comiti de leur demande en nullité de l’assignation fondée sur l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ;

– dit que le juge de la mise en état n’est pas compétent pour statuer sur la fin de non recevoir au titre de la prescription de l’action fondée sur l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881, cet examen relevant du tribunal ;

– condamné in solidum la société Métropole Télévision et la société Productions Tony Comiti, prises en la personne de leurs représentants légaux respectifs, à payer à M. [B] la somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles afférents à l’incident ;

– condamné in solidum la société Métropole Télévision et la société Productions Tony Comiti, prises en la personne de leurs représentant légaux respectifs, aux dépens afférents à l’incident dont distraction au profit de la SCP Deleforge et Franchi.

La société Métropole Télévision et la société Productions Tony Comiti ont interjeté appel de cette ordonnance le 21 avril 2015.

Par arrêt du 06 octobre 2016, la cour d’appel de Douai a :

– infirmé l’ordonnance ;

– dit que le juge de la mise en état était incompétent pour statuer sur la demande de requalification de l’action engagée par M. [B] sur le fondement de l’article 9 du code civil et de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en une action en diffamation sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 qui aurait le cas échéant comme conséquence la nullité de l’assignation et la prescription de l’action ainsi requalifiée ;

– condamné la société Métropole Télévision et la société Productions Tony Comiti in solidum aux dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Maître Bussy, ainsi qu’à payer à M. [B] la somme de 1 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l’appel.

Par jugement du 05 octobre 2017, le tribunal de grande instance de Douai a :

– dit que l’action en réparation de l’atteinte à son droit à l’image et à sa vie privée engagée par M. [N] [B] ne s’analyse pas en une action en réparation pour diffamation au sens de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse mais en une action en réparation de droit commun ;

– débouté la société Métropole Télévision et la société Productions Tony Comiti de leur demande en nullité de l’acte introductif d’instance et de leur demande tendant à voir déclarer l’action prescrite ;

– déclaré recevable l’action de M. [N] [B] ;

– dit que la société Métropole Télévision prise en la personne de son représentant légal a commis le 1er avril 2012 une faute en diffusant sans autorisation la photographie de M. [N] [B], demandeur à la présente instance, en dehors de tout événement d’actualité ;

– dit que la société Métropole Télévision prise en la personne de son représentant légal doit réparation de l’entier préjudice subi par M. [W] [B], demandeur à la présente instance, du fait de l’atteinte à son droit à l’image ;

– condamné la société Métropole Télévision prise en la personne de son représentant légal à payer à M. [W] [B], demandeur à l’instance, la somme de dix mille euros (10 000 euros) en réparation de l’atteinte à son droit à l’image ;

– condamné la société Productions Tony Comiti prise en la personne de son représentant légal à garantir la société Métropole Télévision prise en la personne de son représentant légal de la condamnation ainsi prononcée à son encontre ;

– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

– condamné in solidum la société Métropole Télévision et la société Productions Tony Comiti prises en la personne de leurs représentants légaux aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Deleforge & Franchi conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

– condamné in solidum la société Métropole Télévision et la SAS Productions Tony Comiti prises en la personne de leurs représentants légaux à payer à M. [W] [B], demandeur à la présente instance, la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 08 novembre 2017, M. [B] a fait appel de cette décision. L’affaire a été enrôlée sous le numéro 17-06514.

Par déclaration du 27 novembre 2017, la société Métropole Télévision a formé appel de cette décision. L’affaire a été enrôlée sous le numéro 17-06833.

Par déclaration du 28 novembre 2017, la société Productions Tony Comiti a fait appel de cette décision. L’affaire a été enrôlée sous le numéro 17-06873.

Les instances ont été jointes par ordonnance du magistrat chargé de la mise en état du 20 septembre 2018.

Aux termes de ses conclusions susvisées, M. [B] demande à la cour d’appel de :

– juger qu’il convient de réparer le préjudice subi par M. [B] tant sur le plan de son droit à l’image que de sa vie privée ;

– condamner solidairement la société Métropole Télévision et la société Productions Tony Comiti au paiement de la somme de 100 000 euros au titre du préjudice subi ;

– débouter la société Métropole Télévision et la société Productions Tony Comiti de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

– condamner la société Métropole Télévision et la société Productions Toni Comiti au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel.

Aux termes de ses conclusions susvisées, la société Productions Tony Comiti demande à la cour d’appel de :

– infirmer le jugement du 5 octobre 2017 en toutes ses dispositions ;

et, statuant à nouveau,

– dire et juger nulle l’assignation délivrée le 17 juillet 2013 à la requête de M. [N] [B], qui s’analyse en une action en diffamation mais qui ne précise pas et ne qualifie pas clairement les faits poursuivis et le texte applicable, et ne respecte pas les formes et délais de procédure prescrits en la matière ;

subsidiairement,

– dire et juger l’action de M. [N] [B] prescrite pour ne pas avoir été mise en ‘uvre dans les trois mois de la date des faits litigieux ;

encore plus subsidiairement,

– dire et juger que l’atteinte à la vie privée et au droit à l’image n’est pas constituée ;

en conséquence,

– débouter M. [N] [B] de l’intégralité de ses demandes ;

à titre infiniment subsidiaire,

– dire et juger que M. [N] [B] ne démontre pas l’existence d’un préjudice ;

– débouter M. [N] [B] de l’intégralité de ses demandes ;

en tout état de cause,

– condamner M. [N] [B] à payer à la société Productions Tony Comiti la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel avec droit pour la SCP Deleforge et Franchi de se prévaloir des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions susvisées, la société Métropole Télévision demande à la cour d’appel de :

à titre principal,

– déclarer la société Métropole Télévision recevable et bien fondée en son appel incident ;

– infirmer le jugement du 5 octobre 2017 en ce qu’il a dit que l’action en réparation de l’atteinte à son droit à l’image et à sa vie privée engagée par M. [N] [B] ne s’analyse pas en une action en réparation pour diffamation au sens de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse mais en une action en réparation de droit commun ;

– infirmer le jugement du 5 octobre 2017 en ce qu’il a débouté la société Métropole Télévision de sa demande de nullité de l’acte introductif d’instance et de sa demande tendant à voir déclarer l’action prescrite ;

et statuant à nouveau :

vu l’article 12 du code de procédure civile,

vu les articles 29, alinéa 1 et 53 de la loi du 29 juillet 1881,

– constater que M. [N] [B] se plaint d’une diffamation à son encontre, au sens de l’article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 ;

en conséquence,

– requalifier l’action engagée ;

– constater que M. [N] [B] n’a pas respecté les dispositions impératives de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ;

– en conséquence, annuler purement et simplement l’assignation introductive d’instance ;

– en toute hypothèse, dire et juger que l’action est prescrite ;

à titre,

vu l’article 9 du code civil,

vu l’article 10 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme,

– infirmer le jugement du 5 octobre 2017 en ce qu’il a condamné la société Métropole Télévision à payer à M. [N] [B] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

et statuant à nouveau :

– débouter M. [N] [B] de sa demande de dommages et intérêts ;

– débouter M. [N] [B] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code

de procédure civile ;

à titre plus subsidiaire,

– condamner le jugement du 5 octobre 2017 en ce qu’il a condamné la société Métropole Télévision à payer à M. [N] [B] la somme de 10 000 euros en réparation de

la seule atteinte à son droit à l’image et condamné la société Productions Tony Comiti à garantir la société Métropole Télévision de la condamnation ainsi prononcée à son encontre ;

– débouter M. [N] [B] de toutes ses demandes plus amples et contraires ;

en tout état de cause

– condamner M. [N] [B] à payer à la société Métropole Télévision la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [N] [B] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Deleforge & Franchi, avocats aux offres de droit, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

EXPOSE DES MOTIFS

Aux termes de ses dernières conclusions M. [N] [B] a demandé à la cour d’appel de condamner solidairement la société Métropole Télévision et la société Productions Tony Comiti à lui payer la somme de 100 000 euros.

Le tribunal de grande instance a condamné la société Métropole Télévision à lui payer la somme de 10 000 euros mais n’a pas statué sur sa demande formée à l’encontre de la société Productions Tony Comiti.

I) – Sur la qualification de l’action

Aux termes des dispositions de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 : Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.

Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure.

Aux termes des dispositions de l’article 9 du code civil : «Chacun a droit au respect de sa vie privée.

Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé. »

Porte atteinte au droit au respect de l’image d’une personne la publication d’une photographie d’elle sans que cette publication soit justifiée par l’implication de cette personne dans un événement dont l’importance rende légitime cette divulgation pour l’information du public.

Aux termes des dispositions de l’article 8 de la CEDH :

« 1) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2)Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.

Les abus de la liberté d’expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés que sur le fondement de cette loi à l’exclusion de tout autre disposition générale, notamment les articles 9 et 1382 du code civil.

Aucune des parties ne produit le reportage au cours duquel la photographie de M. [B] a été diffusée. Ils conviennent que le 1er avril 2012, la chaîne de télévision M6 a diffusé un reportage intitulé « L’énigme [N] [B] » réalisé et produit par la société Productions Tony Comiti dans le cadre de l’émission « 66 minutes ».

Le reportage avait pour objet les faits commis en mars 2012 par M. [N] [B], toulousain âgé de 23 ans, qui a tué sept personnes dont trois enfants, avant d’être tué, le 22 mars 2012.

La photographie M. [N] [B], demandeur a été publiée lors de ce reportage.

Dans son assignation, M. [N] [B] a notamment indiqué que :

-« C’est dans ces conditions que Métropole Télévision a diffusé dans l’émission « 66 minutes » la photographie du requérant, M. [B] et non du toulousain auteur des faits.

Ce faisant, M6 a présenté le requérant comme étant l’auteur des faits criminels perpétrés par un homonyme toulousain étant rappelé que « ces tueries » ont eu un retentissement national important et ce compte tenu du caractère politique et religieux de ceux-ci. »

-« Ainsi le fait d’avoir diffusé la photographie de M. [N] [B] et le présentant, ne serait ce qu’implicitement comme l’auteur des tueries, alors que celle-ci relevait de la sphère privée, et de surcroît sans son autorisation, constitue une atteinte intolérable au respect de sa vie privée.

De plus, la photographie, diffusée à un large public dans le cadre d’un reportage consacré à l’auteur des tueries de [Localité 3] et [Localité 4], désignait directement M. [N] [B] comme étant l’auteur des faits ».

-«Le reportage présentant M. [N] [B] comme étant l’auteur des faits à créé, dans l’esprit du public, une confusion. »

-«Le fait pour M6 d’avoir diffusé une photographie de M. [N] [B] en le présentant comme « le tueur de [Localité 3] » a porté atteinte au droit à la vie privée du requérant du fait de son droit à l’image et pire encore à sa réputation.

Au titre de l’indemnisation du préjudice, M. [N] [B] a fait valoir «qu’au sommet de son art, la diffusion de sa photographie sur M6 le désignant comme l’auteur des tueries de [Localité 3] et [Localité 4] a foudroyé sa carrière professionnelle. » Il fait également valoir avoir reçu des menaces et insultes après la diffusion du reportage sur Internet et en particulier sur le réseau social Facebook.

Il en résulte que sous couvert de l’indemnisation de la violation de son droit à l’image et de sa vie privée, M. [N] [B] demande l’indemnisation du préjudice causé par l’imputation, dans le reportage, des meurtres perpétrés par M. [N] [B].

Il convient en conséquence de requalifier l’action de M. [N] [B] en une action en diffamation.

II) – Sur la nullité de l’assignation du 07 novembre 2013

Aux termes des dispositions de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 :

« La citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite.

Si la citation est à la requête du plaignant, elle contiendra élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et sera notifiée tant au prévenu qu’au ministère public.

Toutes ces formalités seront observées à peine de nullité de la poursuite. »

En l’espèce, la citation délivrée au visa de l’article 9 du code civil et 8 de la convention européenne des droits de l’homme ne qualifie pas le fait incriminé et n’indique le texte de la loi applicable.

Il convient en conséquence de prononcer la nullité de l’assignation délivrée le 07 novembre 2013.

L’assignation délivrée le 07 novembre 2013 étant nulle, la cour d’appel n’est pas saisie des demandes de M. [N] [B].

III) – Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Succombant à l’appel, M. [N] [B] sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.

Il n’y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

– INFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Douai du 05 octobre 2017 ;

– REQUALIFIE l’action de M. [N] [B] en une action en diffamation ;

– PRONONCE la nullité de l’assignation délivrée à la société Métropole Télévision le 07 novembre 2013 ;

– DÉBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– CONDAMNE M. [N] [B] aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier,Le président,

Anne-Cécile MaesFabienne Bonnemaison

 


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