Diffamation : décision du 10 janvier 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/01171

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Diffamation : décision du 10 janvier 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/01171

ARRET

Etablissement Public OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT – OPAC DE L’OISE

C/

[C]

Association APSJO

PB/SGS/VB

COUR D’APPEL D’AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU DIX JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS

Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : N° RG 21/01171 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IAQI

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE SENLIS DU VINGT NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN

PARTIES EN CAUSE :

Etablissement Public OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT – OPAC DE L’OISE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Renaud DEVILLERS, avocat au barreau de BEAUVAIS

APPELANTE

ET

Madame [J] [C]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Manuela VALLAT, avocat au barreau de SENLIS

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/001739 du 17/06/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AMIENS)

Association APSJO prise en sa qualité de tuteur de Madame [J] [C], fonctions auxquelles elle a été désignée par ordonnance du tribunal d’instance de SENLIS du 7 mars 2017 agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Manuela VALLAT, avocat au barreau de SENLIS

INTIMEES

DEBATS :

A l’audience publique du 25 octobre 2022, l’affaire est venue devant M. Pascal BRILLET, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l’article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 10 janvier 2023.

La Cour était assistée lors des débats de Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de M. Pascal BRILLET, Président, M. Vincent ADRIAN et Mme Myriam SEGOND, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE DE L’ARRET :

Le 10 janvier 2023, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Pascal BRILLET, Président de chambre, et Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.

*

* *

DECISION :

FAITS ET PROCÉDURE

Par contrat sous seing privé en date du 2 mars 2009, l’Office public de l’habitat de l’Oise (Opac) a donné à bail à Mme [J] [C] un appartement situé [Adresse 1].

Mme [C] a ultérieurement été placée sous tutelle, le mandat de protection étant actuellement confié à l’association APSJO.

Soutenant que Mme [C] avait gravement et de manière renouvelée contrevenu à ses obligations en troublant de manière répétée la tranquillité des voisins résidant dans cet ensemble immobilier, l’Opac l’a fait assigner avec son tuteur devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Senlis par acte d’huissier de justice du 23 juillet 2020 pour voir prononcer la résiliation du bail et obtenir son expulsion.

Par jugement en date du 29 janvier 2021, auquel la cour renvoie pour une présentation plus complète des faits et de la procédure antérieure, le juge des contentieux de la protection a :

– débouté l’Opac de l’ensemble de ses demandes,

– dit n’y avoir lieu à résilier le bail conclu entre l’Opac et Mme [C] et à expulser Mme [C], assistée de l’APSJO en qualité de tuteur,

– dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné l’Opac aux dépens.

Il a en substance retenu que l’Opac caractérisait le trouble de jouissance causé par Mme [C] jusqu’au mois de juin 2020 mais ne démontrait pas que les troubles constatés avaient continué à perdurer après juin 2020 et qu’ils demeuraient d’actualité.

L’Opac a interjeté appel du jugement par déclaration en date du 1er mars 2021.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 21 septembre 2022.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions récapitulatives de l’Opac notifiées par voie électronique le 1er août 2022 aux termes desquelles il demande à la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de résiliation du bail consenti à Mme [C] et donc de son expulsion du logement qu’elle occupe à [Localité 7] pour troubles locatifs anormaux,

Statuant à nouveau,

– constater que la déclaration d’appel établie pour son compte a été dirigée contre Mme [C] et son tuteur,

– prononcer la résiliation judiciaire du bail qu’elle a consenti à Mme [C] concernant l’appartement sis [Adresse 1],

– ordonner par conséquent l’expulsion de Mme [C], ainsi que de tout occupant de son chef, des lieux loués au besoin avec le concours de la force publique et l’assistance d’un serrurier,

– constater que la procédure a été menée au contradictoire de l’APSJO, tuteur de Mme [C],

– débouter Mme [C] et son tuteur, l’APSJO, de toutes prétentions contraires,

– supprimer le délai de deux mois, prévu à l’article L.412-1 du code des procédures civiles d’exécution, pour lui permettre d’expulser la locataire, dès signification du commandement d’avoir à libérer les lieux,

– condamner Mme [C] représentée par son tuteur, l’APSJO, à payer jusqu’à libération effective des lieux et remise des clés, une indemnité mensuelle d’occupation correspondant au montant du loyer en son dernier état, ainsi que les charges, outre revalorisation légale, le cas échéant,

– condamner enfin Mme [C] représentée par son tuteur, l’APSJO, au paiement d’une indemnité de procédure de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, de première instance et d’appel, qui comprendront le coût exposé pour parvenir à l’expulsion de la locataire,

En substance, l’Opac prétend que sa déclaration d’appel vise non seulement Mme [C] mais aussi son tuteur l’association APSJO. Il expose sur le fond que si le tribunal s’est convaincu que Mme [C] ne faisait pas usage paisible des lieux loués depuis avril 2014 et qu’il lui avait notifié sept lettres recommandées de mise en demeure prouvant que des démarches avaient été tentées pour raisonner la locataire, il a été trompé par les quelques éléments produits par le tuteur, Mme [C] n’ayant aucunement le souhait de changer de comportement. Il prétend que Mme [C] continue à commettre des troubles perturbant la jouissance paisible de ses voisins, et ce après le jugement querellé. Il estime qu’il est démontré, depuis de nombreuses années, l’accumulation de troubles et nuisances qui ne peuvent être excusés, compte tenu de leur caractère injurieux, diffamatoire et raciste, et qui provoquent l’exaspération des voisins, mais aussi de son personnel. Le bailleur ne peut tolérer que de tels faits perdurent et que s’instaure un climat d’insécurité dans l’immeuble. Il affirme que compte tenu de ces circonstances, et des manquements graves aux obligations du locataire, qui sont réitérés depuis de nombreuses années, et ce sans que le tuteur ne puisse y changer quoi que ce soit, et en dépit de son statut de majeure protégée, seule la résiliation du bail et l’expulsion sont la solution pour mettre un terme à cette situation.

Vu les dernières conclusions récapitulatives de Mme [C] et de l’APSJO notifiées par voie électronique le 19 septembre 2022 aux termes desquelles elles demandent à la cour de:

A titre principal,

– dire et juger que la déclaration d’appel dirigée exclusivement à l’encontre de Mme [C] est irrecevable.

– en conséquence, la déclarer nulle et de nul effet.

Subsidiairement,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement,

– condamner l’Opac en tous les dépens.

A ces fins, elles prétendent que le majeur sous tutelle ne peut agir, étant frappé d’une incapacité absolue. Or, la déclaration d’appel de l’Opac en date du 1er mars 2021 est exclusivement dirigée à l’encontre de Mme [C] et non à l’égard de son tuteur comme la loi l’exige. La déclaration d’appel est donc irrégulière et doit être déclarée nulle.

Sur le fond, elles soutiennent que le juge de première instance a fait une juste appréciation et que, dans le cadre de son appel, l’Opac ne justifie d’aucun élément nouveau et ne produit aucune pièce pouvant justifier une infirmation. Il ne fait état que d’évènements isolés et insuffisants. Mme [C] est âgée de 74 ans et son expulsion aurait des conséquences d’une exceptionnelle dureté, compte tenu de son âge avancé et de son statut de majeure protégée mais également de ses revenus très modestes puisqu’elle perçoit une pension de retraite d’un montant de 990,17 € sans compter sa santé fragile liée à ses troubles psychiques et qu’on peut décrire comme une personne particulièrement vulnérable. Elle n’aurait aucune autre solution pour se reloger avec un autre bailleur social, ni même les moyens de régler les sommes demandées par l’Opac dans le cadre de la procédure d’expulsion engagée à son encontre.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s’agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

MOTIFS

Il appartient à la cour de trancher le litige et non de « constater », demande ne constituant pas une prétention au sens des articles 4,5 et 954 du code de procédure civile.

1. Dans le dispositif de leurs dernières conclusions récapitulatives, qui seul lie la cour en application de l’article 954 du code de procédure civile, Mme [C] et l’APSJO ès qualité ne demandent pas de voir déclarer l’appel irrecevable ni de voir la déclaration d’appel déclarée nulle, mais de voir déclarer la déclaration d’appel irrecevable, et ce au motif que cette dernière serait dirigée exclusivement à l’encontre de Mme [C].

Quoi qu’il en soit, la fin de non-recevoir alléguée, concernant la procédure d’appel, relevait de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état, soit sur le fondement l’article 914 du code de procédure civile, soit sur celui de l’article 789,6° auquel renvoie l’article 907 du même code. A titre surabondant, il est relevé que la solution aurait identique si la cour avait été saisie d’une demande de nullité de la déclaration d’appel, exception de procédure, et ce en application de l’article 789,1° du même code.

Mme [C] et l’APSJO ne sont donc pas recevables à soumettre cette fin de non recevoir à la cour.

En sa qualité de locataire, Mme [C] a seule qualité au sens des articles 32 et 122 et suivants du code de procédure civile, l’APSJO n’étant que son représentant légal au sens des articles 425 al.3 et 475 du code civil et 117 du code de procédure civile. Dès lors, en l’état de la déclaration d’appel de l’Opac visant Mme [C] en qualité d’intimée et l’APSJO en sa qualité de tuteur et représentant légal, il n’y a pas lieu pour la cour de soulever d’office une quelconque difficulté sur ce point.

2. Sur la demande de résiliation du bail

2.1 Selon l’article 7,b de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, et plus généralement l’article 1728 du code civil, le locataire est obligé d’user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location.

Cette obligation est déclinée dans le contrat de bail entre les parties, lequel prévoit en son article 10 que le locataire doit:

– 2°) user paisiblement de la chose louée en s’abstenant de troubler, lui et les personnes vivant à son foyer, la tranquillité, la sécurité ou la bonne tenue de l’immeuble,

– 9°) respecter toutes les prescriptions présentes et à venir établies dans l’intérêt, notamment, de la sécurité et la tranquillité de l’immeuble.

Selon l’article 1719, 3° du code civil, le bailleur est par ailleurs obligé par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

L’article 1184 du code civil, dans sa version applicable au jour du contrat de bail, prévoit que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans un contrat synallagmatique pour le cas où l’une des deux parties ne satisferait pas à son engagement. Il appartient à celui qui entend obtenir la résolution judiciaire d’un contrat synallagmatique sur ce fondement d’établir l’existence de manquement-s grave-s ou répétés de l’autre partie à ses obligations.

Dans sa version applicable au jour du contrat, l’article 1729 du Code civil dispose enfin que si le preneur n’use pas de la chose louée en bon père de famille ou emploie la chose louée à un autre usage que celui auquel elle a été destinée, ou dont il puisse résulter un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail.

User de la chose louée en bon père de famille équivaut à en user d’une manière raisonnable.

2.2 En l’espèce, s’appuyant sur les différentes pièces produites par l’Opac et Mme [C] et son tuteur, le premier juge a considéré que le trouble de jouissance causé par Mme [C] jusqu’au mois de juin 2020 était caractérisé.

Outre que cette analyse n’est pas remise en cause, en tout état de cause d’une manière utile, par Mme [C] et son tuteur en cause d’appel, la cour ne peut que la confirmer au regard des différentes attestations rédigées par d’autres occupants de la résidence, les dépôts de plaintes, les fiches UPS, et les multiples mises en demeure de l’Opac produits au débat.

Mme [C] multiplie depuis 2014 les actes de violence verbale (insultes, menaces) et physique, régulièrement à caractère raciste, à l’encontre de certains autres occupants de la résidence ou du gardien de l’immeuble (M. [K]). Les multiples rappels à l’ordre et mises en demeure de l’Opac sont restés sans effet durable.

À l’inverse, c’est à tort que le premier juge a considéré que la situation était finalement en voie d’apaisement au jour où il a statué compte tenu de l’absence d’éléments tendant à établir que Mme [C] ne faisait pas un usage paisible des lieux loués depuis juin 2020.

En effet, d’une part, la gravité intrinsèque, associée à leur renouvellement régulier, des comportements de Mme [C] étaient par eux-mêmes de nature à justifier d’emblée la résiliation du contrat de bail, ces derniers constituant des manquements graves et répétés à ses obligations de locataire d’user paisiblement de la chose louée en s’abstenant de troubler la tranquillité et la sécurité de l’immeuble.

D’autre part, l’Opac produit l’attestation de Mme [U] [W], responsable d’antenne, en date du 15 juillet 2020 rapportant que le gardien, M. [K] l’avait appelée à 10h57 pour l’avertir que Mme [C] avait jeté le seau d’eau qu’il utilise pour le ménage dans le hall et sur lui, qu’il lui avait demandé de venir, qu’elle s’était rendue sur place et avait contacté la gendarmerie qui s’était déplacée, que Mme [C] avait refusé d’ouvrir sa porte aux gendarmes, qu’une fois ces derniers partis, elle était sortie de son logement pour dire au gardien que « les Congolais étaient des voleurs, des menteurs », que M. [K] « lui faisait du » mal. Mme [U] [W] avait tenté de la raisonner et de la faire rentrer chez elle et, à ce moment, elle lui avait dit : « toi t’as rien à voir ferme-la ».

Des photographies issues de la caméra de surveillance du hall d’entrée de la résidence confirment l’épisode rapporté, notamment le seau d’eau jeté en direction de M. [K].

Enfin, l’historique montre que le comportement de Mme [C], personne placée sous tutelle souffrant manifestement de troubles psychiatriques installés imposant des soins adaptés constants de la part d’un établissement de santé mentale, connaît des phases ponctuelles d’apaisement remises en cause par de nouveau passage à l’acte.

La logique était donc de considérer au jour du jugement (29 janvier 2021) que la phase d’accalmie depuis juin 2020 n’était en toute hypothèse que temporaire, au demeurant liée pour partie au fait que Mme [C] avait été hospitalisée pendant cette période (17 août ‘ 24 octobre 2020), ce que la suite a d’ailleurs démontré.

Ainsi, il est produit par l’Opac :

– une attestation de Mme [R] [Z] rapportant que, le samedi 20 février 2021, en allant récupérer quelque chose dans sa voiture, Mme [C] l’a insultée « de commère, d’aller [se] faire enc… et [d’aller] rejoindre [sa] bande de drogués ».

– une fiche UPS et des photographies issues de la caméra de surveillance du hall d’entrée de la résidence montrant Mme [C] le 18 février 2021 se saisir de différents prospectus situés au-dessus des boîtes aux lettres et les jeter sur le sol du hall d’entrée.

– une nouvelle mise en demeure adressée à Mme [C] le 7 avril 2021.

– une fiche de prévention rapportant les déclarations suivantes de M. [K] : « le 3 juillet 2022 je me suis fait de nouveaux insulté par Mme [C] lors de ma prestation de ménage elle m’a de nouveau insulté de singe et de sale négro. Elle a de nouveau porté des injures comme « va te faire enc.., retourne jouer avec les singes, fils de p… » elle m’a menacé de venir avec du monde pour me faire la peau. Cependant je trouve que le souci [C] dure depuis un moment. À ce jour je ne peux plus assurer ma prestation convenablement car je suis toujours perturbé par des injures de même type par Mme [C]. Je compte sur vous pour faire le nécessaire car cela n’est plus vivable ça devient du harcèlement moral pour ma part et travailler sous ces conditions n’est plus possible ». Les faits se sont déroulés aux abords de l’immeuble.

– une fiche de prévention rapportant les déclarations suivantes de Mme [O] [D], chargée d’accueil : « Mme [C] m’appelle ce jour pour me demander la pose d’une caméra devant sa porte. Je lui explique que ce n’est pas possible. Elle me répond qu’elle veut savoir qui n’arrête pas de toquer à sa porte, elle est sûre que c’est « le congolais » qui lui aurait aussi cassé sa boîte aux lettres avec l’aval de son gardien. Elle critique ses voisins qui la harcellent car il n’y a « que des arabes, des congolais ». J’ai repris Mme [C] à plusieurs reprises sur son langage. Elle a dit que de toute façon, son gardien en avait après elle et que si ça continuait comme ça elle allait lui « faire du mal ». Mme tient un discours très raciste, agressif et menaçant ». Les faits se sont déroulés le 3 août 2022.

– un procès-verbal d’audition et de dépôt de plainte de M. [K] auprès des gendarmes de [Localité 7] en date du 2 septembre 2022. Celui-ci y indique que, le 3 août 2022 vers 11h30, il faisait sa prestation de ménage dans le bâtiment lorsque Mme [C] est sortie de chez elle et, d’un coup, à commencer à lui dire « va jouer avec tes singes », « sale négro », « tu vas voir je vais te ramener du monde ». Elle lui a dit que « les congolais ce sont des enc.., retourne dans ton pays avec ton mari » ou encore « est-ce que ta femme sait que tu as un enfant avec une locataire ».

Contrairement à ce que Mme [C] et son tuteur soutiennent dans leurs écritures, il ne s’agit pas de comportements isolés mais, replacés dans l’historique complet de ce litige, font au contraire la démonstration de ce que Mme [C], sans doute en lien avec ses difficultés psychiatriques, continue d’accumuler les manquements à ses obligations de locataire sans signe suffisamment crédible d’un possible apaisement durable.

Il est certain que Mme [C], âgée de 74 ans, présente des troubles psychiatriques de nature à rendre plus difficile son relogement adapté à sa situation personnelle et financière.

Cependant, d’une part, l’APSJO procède essentiellement par allégations et ne produit strictement rien pour établir l’existence de diligences menées, a fortiori vainement, en vue de rechercher un nouveau logement adapté. L’impossibilité de toute alternative n’est donc pas établie en l’état des pièces versées aux débats.

En tout état de cause, le voisinage de Mme [C] et les différentes personnes assurant l’entretien de la résidence n’ont pas à être maintenus dans l’obligation d’avoir à subir sa violence verbale ou physique régulière, sauf à devoir eux-mêmes quitter leur logement ou leur emploi.

Les violences de Mme [C] semblent se concentrer sur certains locataires ou le gardien de l’immeuble en particulier.

Or, le présent dossier démontre suffisamment que les rappels à l’ordre et autres mises en demeure sont dénuées de toute espèce de commencement d’effet sur Mme [C].

Enfin, l’Opac est débiteur, à l’égard des locataires voisins de cette dernière, de l’obligation d’assurer la jouissance paisible de leur logement.

L’ensemble conduit donc la cour, infirmant le jugement, à prononcer la résiliation du bail, à ordonner l’expulsion de Mme [C] et à prévoir, à la charge de cette dernière, à compter de cette résiliation et jusqu’à son départ effectif des lieux, une indemnité d’occupation égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus si le bail avait perduré. Les détails seront précisés dans le dispositif de l’arrêt.

2.3 Selon l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution, si l’expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L. 412-3 à L. 412-7. Toutefois, le juge peut, notamment lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l’article L. 442-4-1 du code de la construction et de l’habitation n’a pas été suivie d’effet du fait du locataire, réduire ou supprimer ce délai.

En l’espèce, les difficultés sont récurrentes depuis 2014 au moins. L’Opac a multiplié les mises en demeure, une ayant même été qualifiée «d’ultime » mais n’a finalement engagé son action que le 23 juillet 2020. La réitération des manquements contractuels de Mme [C] pendant l’instance d’appel ne caractérise aucune aggravation particulière par rapport aux manquements survenus entre 2014 et l’assignation, que ce soit en nature ou récurrence des faits.

L’Opac échoue à convaincre de l’existence d’une urgence telle de l’expulsion à opérer qu’il faille écarter le délai de deux mois de principe précité.

Au contraire, il y a lieu de tenir compte de la situation personnelle particulière de Mme [C] justifiant l’existence d’un délai minimum pour obtenir son relogement adapté.

A cet égard, s’il est mis en avant le fait que l’expulsion aurait pour Mme [C] des conséquences d’une exceptionnelle dureté, la cour n’est saisie d’aucune demande de prorogation du délai prévu à l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution ou de délais sur le fondement des articles L. 412-3 et L. 412-4 du même code.

Quoi qu’il en soit, l’Opac est débouté de sa demande de suppression du délai de deux mois prévu à l’article L.412-1 du code des procédures civiles d’exécution.

3. Sur les demandes annexes

Le jugement doit être réformé s’agissant des dépens et des frais irrépétibles.

Mme [C], représentée par son tuteur, est condamnée aux dépens de première instance et d’appel, limitativement énumérés par l’article 695 du code de procédure civile.

La situation économique de Mme [C] justifie de rejeter la demande de l’Opac formée en application l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, rendu publiquement par sa mise à disposition au greffe, après débats publics, en dernier ressort,

Dit Mme [J] [C] et l’association APSJO, agissant ès qualités de tuteur et représentant légal de Mme [J] [C], irrecevables en leur demande tendant à voir dire et juger que la déclaration d’appel de l’Office public de l’habitat de l’Oise est irrecevable,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Ordonne la résiliation du contrat de bail en date du 2 mars 2009 aux termes duquel l’Office public de l’habitat de l’Oise a donné en location à Mme [J] [C] un appartement situé [Adresse 1],

Dit qu’à défaut pour Mme [J] [C] d’avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés, l’Office public de l’habitat de l’Oise pourra, deux mois après la signification d’un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d’un serrurier et de la force publique,

Condamne Mme [J] [C], représentée par l’association APSJO, agissant ès qualités de tuteur et représentant légal de Mme [J] [C], à payer à l’Office public de l’habitat de l’Oise une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant équivalent à celui du loyer et des charges, tel qu’il aurait été si le contrat s’était poursuivi, revalorisation comprise, et ce jusqu’à la date de libération effective et définitive des lieux caractérisée par la restitution des clefs,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne Mme [J] [C], représentée par l’association APSJO, agissant ès qualités de tuteur et représentant légal de Mme [J] [C], aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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