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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 10 FEVRIER 2023
N° 2023/51
Rôle N° RG 19/09939 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEOWC
[U] [V]
C/
SAS POLYCEO
Copie exécutoire délivrée
le :
10 FEVRIER 2023
à :
Me Odile LENZIANI de la SCP LENZIANI & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de MARSEILLE en date du 23 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F18/00690.
APPELANT
Monsieur [U] [V], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Odile LENZIANI de la SCP LENZIANI & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Gilles BOUKHALFA, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SAS POLYCEO prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège , demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Gaëlle LE BRETON, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Février 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Février 2023
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Depuis le mois d’août 20 l4, la société DERICHEBOURG POLYCEO est en charge du marché de collecte selective des 0010111165 d’apports volontaires constituant le lot nord comprenant les ll, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 13, 14, 15 et l6eme arrondissements de [Localité 4] et la commune de [Localité 6].
Depuis le mois de novembre 2014, elle est également en charge du marché de collecte sélective des colonnes d’apports volontaires constituant le lot sud et comprenant les 8, 9, 10, ll et l2èmes arrondissements de [Localité 4] et les communes de [Localité 5] et d'[Localité 2].
Ce marché a pour objet la collecte verticale des déchets ménagers recyclables déposés par la population dans des points d’apports volontaires mis à la disposition des bâtiments.
[U] [V] a été embauché par la société POLYURBAINE 13, exercant sous l’enseigne DERICHEBOURG ENVIRONNEMENT, aux termes d’un contrat à durée déterminée du 4 août au 14 septembre 2014 en qualité de conducteur poids lourds, niveau IH,position 2, coefficient 118, statut ouvrier, de la convention collective nationale des activités de déchet.
La relation s’est pérennisée par la conclusion d’un contrat à durée indéterminée à compter du 5 octobre 2014 avec la société POLYCEO sous la même qualification professionnelle et au même niveau conventionnel.
A compter du ler décembre 20l4, le salarié a été promu au poste de responsable de secteur niveau II, classé au niveau III, position 4, coefficient 132, statut agent de maitrise.
Monsieur [U] [V] était responsable du secteur portant sur le lot nord et Madame [B] [G] était responsable du secteur portant sur le lot sud, tous deux placés sous la dépendance hiérarchique de Monsieur [Y] [X], directeur d’activités de la société.
Dans le demier état de la relation contractuelle, et depuis le ler février 2015, le salarié exercait les fonctions de responsable de secteur, classé au niveau IV, échelon 1, coefficient 150, statut agent de maitrise moyennant un salaire mensuel brut de 2.221 ,50 euros.
Le 29 septembre 2015, un mouvement a été initié par plusieurs salarié de l’entreprise. Le même jour, [Y] [X] a notifié à l’ensemble des participants une mise à pied conservatoire ainsi qu’à [U] [V].
Par lettre recommandée datée du même jour, l’employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable fixé au 9 octobre 2015 en vue d’une éventuelle mesure de licenciement, a confirmé sa mise a pied à titre conservatoire et lui a demandé de lui remettre l’intégralité de ses outils de travail.
Le salarié a été licencié pour faute grave le 20 octobre 2015.
Par requête en date du 4 avril 2016, [U] [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille aux fins de contester son licenciement et obtenir la condamnation de son employeur à lui verser diverses indemnités.
Par jugement de départage en date du 23 mai 2019, le conseil de prud’hommes de Marseille a :
Dit que le licenciement pour faute grave de [U] [V] par la SAS DERICHEBOURG POLYCEO est valablement fondé ;
Débouté [U] [V] de l’ensemble de ses demandes formulées à l’encontre de la SAS DERICHEBOURG POLYCEO, et notamment ses demandes indemnitaires portant sur un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sa demande indemnitaire portant sur le non-respect par l’employeur du temps de travail en matière d’heures supplémentaires et de sa demande de rappel de salaires sur classification professionnelle ;
Dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamné [U] [V] aux entiers dépens de la présente procédure ;
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision ;
Débouté les parties de leurs demandes plus amnples ou contraires.
Monsieur [U] [V] a interjeté appel de la décision.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 septembre 2022, il demande à la cour de :
INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes en date du 23 mai 2019 en ce qu’il a dit que le licenciement pour faute grave était valablement fondé et en ce qu’il a debouté Monsieur [V] de l’ensemble de ses demandes formulées à l’encontre de la societe POLYCEO et notamment de ses demandes indemnitaires portant sur un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sa demande indemnitaire portant sur le non respect du temps de travail en matière d’heures supplémentaires et de sa demande de rappel de salaires sur classification professionnelle.
Et statuant à nouveau :
Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail
JUGER que le contingent annuel d’heures supplementaires a été dépassé sans que les contreparties obligatoires en repos ne lui soient allouées,
JUGER que l’employeur a manqué à ses obligations en matière de durée du travail,
JUGER qu’il aurait dû être classé au coefficient 167 à compter du 16 décembre 2014.
Par conséquent, de :
CONDAMNER la sociéte POLYCEO à lui verser la somme de 3.883,57 euros à titre de rajustement conventionnel ainsi que la somme de 388,35 euros à titre de l’incidence congés payés,
CONDAMNER la sociéte POLYCEO à lui verser la somme de 3.558,38 euros à titre d’indemnité compensatoire pour les contreparties obligatoire en repos non allouées sur la période d’août 2014 à décembre 2014, ainsi qu’a la somme de 355,83 euros au titre de l’incidence congés payés.
CONDAMNER la société POLYCEO à lui verser la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des obligations en matière de durée du travail.
Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail
A titre principal, de :
JUGER que le licenciement est sans cause reelle et sérieuse.
Par conséquent, de :
CONDAMNER la société POLYCEO à lui verser la somme de 23.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNER la société POLYCEO à lui verser la somme de 7.658,22 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ainsi que la somme de 765,82 euros au titre de l’incidence congés payés,
CONDAMNER la société POLYCEO à lui verser la somme de 893,45 euros à titre d”indemnité de licenciement,
CONDAMNER la société POLYCEO à lui verser la somme de1640,48 euros à titre de paiement des jours de mise a pied conservatoire, ainsi qu’à la somme de 164,04 euros au titre de l’incidence congés payés,
A titre subsidiaire, de :
JUGER que Monsieur [V] n’a commis aucune faute grave rendant impossible son maintien dans l’entreprise,
Par conséquent, de :
CONDAMNER la société POLYCEO à lui verser la somme de 7 658,22 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ainsi que la somme de 765,82 euros au titre de l’incidence congés payés,
CONDAMNER la société POLYCEO à lui verser la somme de 893,45 euros à titre d’indemnité de licenciement,
CONDAMNER la société POLYCEO à verser à Monsieur [V] la somme de 1640,48 euros à titre de paiement des jours de mise à pied conservatoire, ainsi qu’à la somme de 164,04 euros au titre de l’incidence congés payés
Sur les autres demandes
JUGER que le montant des condamnations portera intérêts de droit à compter du jour de l’introduction de la demande en justice avec capitalisation des intérêts.
CONDAMNER la société POLYCEO à verser à Monsieur [V] la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procedure civile.
La CONDAMNER aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique en date du 21 septembre 2019, la S.A.S POLYCEO demande à la cour de :
A titre principal :
– CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Marseille le 23 mai 2019 ;
En conséquence,
– DIRE ET JUGER le licenciement pour faute grave justifié
– DEBOUTER Monsieur [V] de ses entières demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire
– CONSTATER que les griefs reprochés constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement,
– DEBOUTER Monsieur [V] de ses autres demandes, fins et conclusions ;
A titre infiniment subsidiaire
– REDUIRE le quantum de l’indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En tout état de cause :
– CONDAMNER Monsieur [V] aux entiers dépens, ceux d’appel distraits au profit de Maitre Romain CHERFILS, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE avocats associés et au paiement d’une somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La procédure a été close suivant ordonnance du 6 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les demandes portant sur l’exécution du contrat de travail
I- Sur le rappel de salaires portant sur la classification professionnelle
Monsieur [V] soutient avoir exercé à compter du 1er décembre 2014, les fonctions de responsable d’exploitation et qu’il aurait dû, depuis cette date, être classé au coefficient 167 de la convention collective nationales des déchets. Il indique à ce titre qu’il a été en charge de planifier les tournées des chauffeurs et d’établir les plannings hebdomadaires et journaliers, cette tâche incombant spécifiquement au responsable d’exploitation selon la procédure de planification interne à l’entreprise, de même que planifier les moyens humains, contrôler le matériel, les véhicules, les prestations des chauffeurs et transmettre les données issues de la prestation client. Il ajoute que la convention collective n’exige aucune durée d’expérience particulière pour la classification au coefficient 167.
La société POLYCEO fait valoir que Monsieur [V] exerçait ses fonctions en tant que responsable de secteur, agent de maitrise, classé au niveau IV échelon 1 coefficient 150 de la convention collective nationale des activités de déchets ; que le salarié, à qui incombe la charge de la preuve, n’apporte aucun élément probant au soutien de sa reclassification au coefficient 167 ; que la procédure de plannification interne prévoit que l’organisation des tournées relève également des fonctions d’agent de maitrise et qu’il n’avait pas l’ancienneté suffisante pour être responsable d’exploitation, étant responsable d’un seul secteur (Nord [Localité 4]), à l’instar de Mme [S].
***
Pour déterminer la qualification professionnelle à laquelle peut prétendre un salarié, le juge doit examiner les fonctions réellement exercées par celui-ci.
En l’espèce, il est constant que Monsieur [V] a été initialement engagé en qualité de chauffeur poids- lourds en date du 4 août 2014, puis a été rapidement promu Responsable de secteur (coefficient 132) le 1er décembre 2014 et a été à nouveau promu Responsable de secteur (coefficient 150) à compter du 1er février 2015.
S’appuyant sur les termes de la convention collective applicable et un document interne à l’entreprise DERICHEBOURG ENVIRONNEMENT détaillant la procédure de planification et réalisation de la collecte des déchets, Monsieur [V] revendique la classification au coefficient 167, estimant avoir en réalité exercé les fonctions de Responsable d’exploitation dès le 1er décembre 2014, cette fonction correspondant au coefficient le plus élevé des agents de maitrise, juste avant celui des cadres de niveau IV coefficient 170.
Selon la convention collective applicable, 1’agent de maitrise classé au niveau III, position 4, coefficient 132, doit :
– exécuter et coordonner des travaux nécessitant la parfaite maitrise des technicités relatives à l’emploi, technicités acquises soit par une formation, soit par une très forte expérience professionnelle ;
– avoir la responsabilité de suggérer à la hiérarchie des actions de différentes natures ;
– organisé et exécuté le travail en fonction des résultats à atteindre.
L’agent de maitrise classé au niveau IV, position 1, coefficient 150, doit :
– exécuter et coordonner des travaux nécessitant une parfaite maitrise de technicités diverses acquises par une formation et une pratique de l’activité exercée ;
– avoir la responsabilité de l’animation d’une équipe de la formation, de la formation, de la sécurité, des relations commerciales ou techniques avec les clients fournisseurs ou les usagers
– prendre des décisions face à des situations complexes.
L’agent de maitrise classé au niveau IV, position 2, coefficient 167, doit :
– exécuter et coordonner des travaux nécessitant une totale maitrise de technicités diverses acquises par une formation et une expérience de l’activité ;
– participer à l’élaboration des décisions où s’étend sa compétence ;
– avoir une grande autonomie et de contrôle dans les résultats de l’équipe.
La cour constate que, contrairement aux affirmations de Monsieur [V], le document interne de planification et réalisation de la collecte des déchets, versé aux débats, ne réserve pas la planification des tournées et l’établissements des plannings hebdomadaires et journaliers aux seuls Responsables d’exploitation, mais également aux agents de planning et agents de maitrise, quelque soit leur coefficient (132, 150 ou 167).
En outre, comme l’ont justement relevé les premiers juges, l’examen des termes de la convention collective montre que les agents de maîtrise relèvent des trois classifications susvisées, sans que l’appelant ne démontre que le responsable d’exploitation aurait des connaissances, des responsabilités et une autonomie différentes de celles requises pour un agent de maitrise, et en l’occurence pour un responsable de secteur.
Alors que Monsieur [V] a été licencié le 20 octobre 2015, soit moins de 8 mois après avoir été promu en qualité d’agent de maitrise au coefficient 150 et alors qu’il avait déjà bénéficié d’une promotion rapide antérieurement, la cour relève qu’il n’apporte pas la preuve qu’il avait acquis l’autonomie suffisante pour participer à l’élaboration des décisions relevant de sa compétence, ni acquis l’expérience nécessaire pour être classé au coefficient 167, comme il le revendique, étant observé que ce coefficient est le plus élevé de la grille de classification des agents de maîtrise, le coefficient 170 étant destiné aux cadres de niveau IV.
En conséquence, il y a lieu de confirmer la décision du conseil de prud’hommes qui a débouté [U] [V] de sa demande de rappel de salaires portant sur la reclassication conventionnelle.
II- Sur la demande indemmitaire pour non-respect du contingent des heures supplémentaires
Monsieur [V] fait valoir que, sur la période d’août à décembre 2014, le contingent annuel d’heures supplémentaires qu’il a effectuées, fixé à 220 heures, a été dépassé, de même que la durée maximale de travail hebdomadaire, sans que l’employeur ne lui octroie de contrepartie en repos, ce qui lui a causé un préjudice sur sa vie personnelle, engendrant un état de fatigue en violation des règles fixées par l’Union Européenne prévues pour protéger la santé des salariés.
La société POLYCEO réplique que Monsieur [V] n’apporte aucune preuve de ses allégations, se bornant à mentionner les bulletins de salaire qu’il ne verse pas aux débats sans indiquer le nombre d’heures supplémentaires qu’il aurait effectué, ni produire aucun calcul. Elle ajoute qu’il ne démontre aucunement le préjudice qui en serait résulté.
***
L’article L.3121-11 du code du travail dispose qu’à defaut d’accord collectif, un décret détermine le contingent annuel et les caracteristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplementaire accomplie au-dela du contingent annuel.
En application de l’article D.3121-14-1 du code du travail : le contingent annuel d’heures supplementaires prévu à l’article L. 3121-11 est fixé à deux cent vingt heures par salarié.
L’examen des bulletins de paie d’août 2014 à juillet 2015 versés aux débats en cause d’appel, laisse apparaitre:
– 67,50 heures supplémentaires au mois d’août 2014 ;
-108,50 heures supplémentaires au mois de septembre 2014 ;
– 116 heures supplémentaires au mois d’octobre 2014 ;
– 73,25 heures supplémentaires au mois de novembre 2014 ;
– 111,80 heures supplémentaires au mois de décembre 2014 ;
– 28 heures supplémentaires au mois de janvier 2015 ;
– 31 heures supplémentaires au mois de mars 2015 ;
– 33,50 heures supplémentaires au mois d’avril 2015 ;
– 33 heures supplémentaires au mois de mai 2015 ;
– 30 heures supplémentaires au mois de juin 2015 ;
– 40 heures supplémentaires au mois de juillet 2015 ;
soit 195,50 heures supplémentaires au cours de l’annee 2015 et 477,05 heures supplémentaires au cours de l’anné 2014.
ll s’ensuit que, comme l’ont justement relevé les premiers juges, le contingent annuel d’heures supplémentaires a bien été dépassé en 2014, le salarié ayant effectué en cinq mois plus du double du contingent annuel d’heures supplémentaires.
Monsieur [V] a ainsi réalisé 477,05 heures supplémentaires sur l’année 2014, soit 257,05 heures (477,05-220) au-delà du contingent annuel d’heures supplémentaires prévu par l’article D 3121-14-1 du code du travail, sans percevoir les contreparties obligatoires en repos.
Il a été privé de l’équivalent de 257 heures de contreparties obligatoires en repos, ce qui représente l’équivalent de 257 x taux horaire :13,84 euros =3.558,38 euros.
La cour lui octroie en conséquence la somme de 3.558,38 euros à titre d’indemnité compensatoire pour les contreparties obligatoires en repos non allouées sur la période d’août 2014 au 31 décembre 2014, outre 355,83 euros au titre de l’incidence congés payés.
Le dépassement de la durée maximale du travail et le non respect de la contrepartie obligatoire en repos caractérisent des manquements de l’employeur à son obligation de sécurité, ayant des répercussions sur l’état de santé et la vie personnelle du salarié.
Au vu des dépassements constatés en l’espèce d’août à décembre 2014, la cour octroie à Monsieur [V] une indemnité de 2.000 euros en réparation du préjudice résultant du manquement de l’employeur à ses obligations en matière de temps de travail.
En conséquence, il y a lieu d’infirmer la décision du conseil de prud’hommes de ce chef.
Sur les demandes portant sur la rupture du contrat de travail
I- Sur le licenciement pour faute grave
Monsieur [V] critique le jugement du conseil de prud’hommes de Marseille qui a dit que son licenciement pour faute grave était fondé, alors qu’il avait jusqu’alors donné entière satisfaction, n’avait jamais été sanctionné et était particulièrement apprécié par le client.
Il conteste avoir remis en cause l’autorité de l’employeur et avoir fait montre d’insubordination en étant présent le 29 septembre 2015 dans les locaux de l’entreprise alors qu’il avait reçu une note la veille lui rappelant qu’un seul responsable de secteur devait être présent au moment du départ des chauffeurs et que c’est sa collègue qui en était responsable pour la semaine. Il indique à ce titre qu’il n’était pas présent sur les lieux lorsque sa collègue responsable de secteur sud a alerté l’employeur que les chauffeurs n’étaient pas partis en collecte et que du fait que les chauffeurs n’étaient pas partis, il ne pouvait aller sur le terrain pour effectuer les vérifications, de sorte qu’il s’est rendu sur son lieu de travail. Il conteste avoir organisé et s’être associé au mouvement des chauffeurs, ceux-ci ayant tous attesté qu’il n’en était pas l’instigateur. Il affirme qu’il ne s’agissait pas d’une grève mais d’une simple demande d’entrevue. Il ajoute que les documents produits par l’employeur ne permettent pas de prouver que [Localité 4] Provence Métropole aurait infligé à la société POLYCEO des pénalités pour la journées du 29 septembre 2015.
Il conteste avoir remis en cause l’autorité de l’employeur en adressant un message électronique au client précisant que les collectes prévues le 29 septembre 2015 ne pourraient être assurée en totalité en raison d’un problème de sécurité. Il indique à ce titre qu’il ignorait que son supérieur hiérarchique, Monsieur [X], avait adressé un mail contraire, que ce mail est postérieur au sien et il précise avoir voulu informer le client, ce qui entre dans le périmètre de ses fonctions. Il soutient ne pas avoir manqué de loyauté envers son employeur, contestant avoir diffusé la note interne du 28 septembre 2015 aux chauffeurs alors qu’elle ne leur était pas destinée. Enfin, il ne reconnait pas avoir volontairement nui à l’image de la société en adressant un email diffamatoire à son unique client, précisant qu’il entretenait les meilleures relations avec Monsieur [C], responsable du service collecte de [Localité 4] Provence Métropole.
La société POLYCEO sollicite la confirmation du jugement ayant dit que le licenciement de Monsieur [V] reposait sur une faute grave. Elle fait valoir que Monsieur [V] a organisé un mouvement illicite dans l’entreprise le 29 septembre 2015 ou y a, à tout le moins participé. Elle explique qu’alors que son supérieur hiérarchique, Monsieur [X], lui avait transmis une note interne le 28 septembre 2015 spécifiant la nouvelle organisation du travail et notamment le fait qu’il appartenait à sa collègue d’assurer le départ des chauffeurs le 29 septembre 2015, Monsieur [V], qui devait, lui, commencer sa journée à 7h en vérification, était bien présent à 5h sur le lieu de départ des chauffeurs, ne tentant nullement de pacifier la situation, bien au contraire. La société expose qu’il s’agissait bien d’une grève illicite dans la mesure où les chauffeurs n’ont débuté leur collecte qu’en fin de matinée, alors qu’aucun préavis n’avait été déposé. Elle explique que Monsieur [V] a diffusé la note de réorganisation interne aux chauffeurs dans un but de représailles suite à son entretien avec Monsieur [X] lui rappelant les consignes sur ses amplitudes horaires ; que cette note n’était destinée qu’aux responsables de secteur ; que les attestations des salariés qui affirment le contraire, ne sont pas probantes et uniquement rédigées pour les besoins de la cause. Elle ajoute que l’appelant a fait preuve d’insubordiation en prenant l’initiative personnelle d’adresser un mail au client; que cette initiative dépasse ses compétences, Monsieur [V] ne pouvant prendre seul la décision de ne pas assurer les tournées, sans l’accord préalable de son supérieur hierarchique ; que la mise à pied et le licenciement pour faute grave sont justifiés.
***
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis. Elle doit être prouvée par l’employeur.
Aux termes de la lettre de licenciement du 20 octobre 2015, il est reproché à Monsieur [V] d’avoir organisé ou, à tout le moins, participé à un mouvement illicite, d’avoir eu un comportement d’insubordination ainsi que d’avoir manqué de loyauté envers son employeur.
Sur l’organisation ou la participation à un mouvement illicite
A l’appui de ce grief, l’employeur verse aux débats une note interne établie le 25 septembre 2015 par Monsieur [X], supérieur hiérarchique de l’appelant, à l’attention des responsables de secteurs, adressée par mail le 25 septembre 2015 avec mention expresse ‘de ne pas divulguer au client’ et précision de ce que l’organisation du service est de sa seule décision, et remise en main propre à Monsieur [V] le 28 septembre 2015.
Cette note fait le constat de certains dysfonctionnements notamment en ces termes :
‘-La plannification des tournées : je constate que certains chauffeurs rentrent tôt à l’agence alors que les interventions OSIS restent en souffrance, ou pire que les tournées ne sont pas finies. CECI EST INACCEPTABLE (…) Je vous rappelle également que les heures supplémentaires sont à la diligence de l’employeur, vous imposerez les heures supplémentaires si nécessaire. En cas de refus,je vous demande de m’alerter pour que des sanctions disciplinaires soient prises. Il n’est pas normal d’avoir recours à de l’interim parfois moins productif.
-la gestion des chauffeurs :(…) Il semblerait que certains roulements ne soient pas respectés. L’assistante administrative PAV adressera en début de mois à la direction et à l’assistante d’agence le planning prévisionnel des chauffeurs. TOUT CHANGEMENT doit faire l’objet d’une information préalable écrite (changement de planning, CP, demande permutation…)’.
Elle rappelle que les responsables de secteur sont attachés à un marché dont ils ont la responsabilité, et en l’occurrence le lot NORD pour Mr [V] et le lot SUD pour Mme [G] ; que dans le cadre de ses fonctions, chaque responsable est en charge de la planification des tournées ; qu’il doit prendre en compte les remontées chauffeurs ; qu’il doit gérer les remontées et renseignements OSIS, les congés payés des chauffeurs en affichant un tableau dans le bureau du service afin d’avoir une visibilité pour tous, en veillant à ce qu’il n’y ait pas plus d’un absent par lot ou deux absents sur deux lots et en veillant au respect des roulements ; qu’il doit transmettre des données RH à l’assistance administrative PAV et doit également gérer le materiel.
Cette note précise :
– qu’une semaine sur 2, un seul responsable de secteur assurera les départs des chauffeurs à 5 heures du matin du lundi au samedi et effectuera les contrôles des terrains dès le départ des chauffeurs, étant rappelé qu’aucune heure supplémentaire ne sera payée au-delà d’un certain seuil ; que l’agent de maitrise qui n’assurera pas les départs sera en vérification terrain et chauffeurs à compter de 7H et aucun dépassement ne sera toléré sauf autorisation expresse de la direction ;
-que ces dispositions prennent effet à compter du lundi 28 septembre 2015, Mme [G] commencera par la semaine ‘départs des chauffeurs’, faisant observer qu’aucun changement ne pourra intervenir sans la validation de la direction.
Les échanges de mails datés des mois d’août et septembre 2015, versés aux débats par le salarié, montrent que la note du 25 septembre 2015 a été édictée par Monsieur [X] afin de reprendre le contrôle du marché de collecte sélective des PAV dont était chargée la société POLYCEO, alors que Monsieur [V], qui avait noué une relation de confiance avec les chauffeurs et le client (Monsieur [C], responsable des collectes à la Métropole de [Localité 4]) avait lui même fixé des règles d’organisation valables tant pour le secteur Nord que pour le secteur Sud et que des difficultés s’étaient faites jour avec les chauffeurs pour réaliser les tournées lors des congés de l’appelant.
Il est reproché à Monsieur [V] d’avoir initié un mouvement illicite au sein de l’entreprise le 29 septembre 2015 en transmettant aux chauffeurs la note modifiant l’organisation interne des tournées et les règles qu’il avait lui-même mises en place.
Il est constant que les chauffeurs n’ont pas débuté leur tournée à 5 heures comme prévu le 29 septembre 2015, les feuilles de service de collecte (pièces du salarié 58 à 61) faisant apparaître un début de collecte qu’en fin de matinée ce même jour.
Or cette cessation concertée de travail, sans préavis préalable émanant d’une organisation représentative, constitue un mouvement illicite, au sens des articles L2512-1 et L2512-2 du code du travail.
Ne bénéficiant pas de la protection accordée par le droit de grève, le simple fait d’y participer constitue une faute professionnelle.
Alors que l’appelant produit les attestations de Messieurs [L], [W], [T], [A], [Z], [F], [R], [M] et [N], chauffeurs poids-lourds au service de la collecte PAV, attestant sur l’honneur qu’il n’est pas l’instigateur du mouvement social du 29 septembre 2015, la société POLYCEO n’est pas en mesure d’apporter la preuve de ce que Monsieur [V] aurait communiqué auxdits chauffeurs la note litigieuse.
Pour autant, si l’employeur ne démontre pas, comme il l’affirme, que Monsieur [V] aurait initié le mouvement social, la cour constate qu’alors qu’il avait connaissance, au moins depuis le 28 septembre 2015, du fait qu’il appartenait à [B] [G] d’être présente le 29 septembre 2015 à 5 heures pour assurer le départ en tournée des chauffeurs, le salarié ne conteste pas avoir été présent sur les lieux au moment du départ des chauffeurs, alors que ceux-ci refusaient de partir en tournée.
Se trouvant sur les lieux deux heures avant l’heure prévue pour son embauche à 7h, il ne peut valablement expliquer sa présence par l’impossibilité d’exécuter sa nouvelle mission de vérifications des tournées et des chauffeurs.
En étant présent aux côtés des chauffeurs qui refusaient d’exécuter leur travail, en méconnaissance des règles relatives au droit de grève, et en participant au mouvement, alors qu’il était tenu de respecter et de faire respecter les règles données par son employeur, Monsieur [V] a manqué à ses obligations contractuelles.
Sur l’insubordination et le manque de loyauté
La cour constate qu’alors que Monsieur [X] s’est rendu rapidement sur place et qu’il a sanctionné les salariés refusant d’exécuter leur travail en leur notifiant une mise à pied conservatoire, en ce compris Monsieur [V], avant de lever cette mesure en début d’après-midi après que les chauffeurs aient accepté de partir en tournée, Monsieur [V] a adressé un mail à Monsieur [K] [C] le même jour à 14h16 en ces termes : ‘Les chauffeurs étant en état de fatigue, car présents sur le lieu de travail depuis 05h00, et certains étant démoralisés et psychologiquement touchés par les évènements de ce matin, leurs tournées prévues à ce jour ne seront pas assurées en totalité afin d’éviter tout accident’.
Or dès 15h05, Monsieur [X] répondait à Monsieur [U] [V] ainsi qu’aux responsables de [Localité 4] Provence Métropole : ‘cette information émane d’une initiative personnelle de [U] sans aucune validation de ma part. De plus elle va à l’encontre de mon engagement. Je vous demande de ne considérer que les remontées d’exploitation, la gestion des personnels est sous ma seule autorité (…). Les chauffeurs ont été prévénus de obligation qui leur est faire d’assurer les collectes dans leur intégralité. Tout manquement sera lourdement sanctionné. Tout sera mis en oeuvre pour couvrir notre engagement contractuel’.
Monsieur [V] soutient qu’il a adressé le mail litigieux uniquement afin d’informer le client et qu’il n’avait pas connaissance des directives données par son supérieur hiérarchique.
Cependant, alors qu’il avait reçu une mise à pied à titre conservatoire pour avoir participé au mouvement illicite le matin même, et reçu une note lui spécifiant ‘qu’aucun changement ne pouvait avoir lieu, sans validation de la direction’, il ne lui appartenait pas de prendre attache avec le client pour décider de la marche à suivre après le retard pris par la société dans l’exécution du marché.
En agissant ainsi, Monsieur [V] a outrepassé ses fonctions et a fait preuve d’insubordination à l’égard de son employeur.
Il a également manqué de loyauté envers son employeur en ne respectant pas les directives qui lui avaient été données aux termes de la note transmise par mail le 25 septembre 2015 et remise en main propre le 28 septembre 2015, en se rendant sur le lieu du travail à un moment où il ne devait pas être là, en participant au mouvement de contestation du 29 septembre 2015 et en dispensant les chauffeurs d’assurer l’intégralité des tournées à l’issue du conflit.
Si les pénalités reçues par la société POLYCEO en date des 30 et 31 octobre 2015 pour ‘débordement des colonnes’ ne font pas spécifiquement référence à la journée du 29 septembre 2015, il est certain que l’image de la société a été impactée par les instructions contradictoires données par les cadres de l’entreprise quant au déroulement des tournées.
Comme l’ont justement apprécié les premiers juges, ces manquements répétés et la nature des fautes commises par Monsieur [V] rendaient impossible son maintien dans l’entreprise, de sorte que son licenciement pour faute grave est justifié.
En conséquence, il y a lieu de confirmer la décision du conseil de prud’hommes qui a débouté Monsieur [U] [V]de ses demandes indemnitaires résultant d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ainsi que du paiement des jours de mise à pied conservatoire.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L’équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles et de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Chacune des parties ayant partiellement succombé, il y a lieu de faire masse des dépens de première instance et d’appel et de dire qu’ils seront partagés par moitié entre la société POLYCEO et Monsieur [U] [V].
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et en matière prud’homale,
Confirme le jugement déféré sauf sur la contrepartie obligatoire en repos et l’indemnisation pour non-respect du contingent des heures supplémentaires;
Statuant à nouveau du chef infirmé :
Condamne la société POLYCEO SAS à payer à Monsieur [U] [V] les sommes suivantes :
-3.558,38 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,
-355,83 euros au titre des congés payés y afférents,
-2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect par l’employeur de la législation sur la durée du travail,
Y Ajoutant :
Dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Fait masse des dépens de première instance et d’appel et dit qu’ils seront partagés par moitié entre la société POLYCEO et Monsieur [U] [V].
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction