Your cart is currently empty!
8ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°339
N° RG 19/05106 –
N° Portalis DBVL-V-B7D-P7QD
M. [C] [X]
C/
SAS DMANY
Infirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 1er JUILLET 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,
Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 06 Mai 2022
devant Madame Gaëlle DEJOIE, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Madame Edith NOLOT, Médiatrice judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 1er Juillet 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [C] [X]
né le 13 Février 1970 à LANNILIS (29)
4 Rue du Château
29880 PLOUGERNEAU
Représenté par Me Virginie VERET, Avocat au Barreau de BREST
INTIMÉE :
La SAS DMANY prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
162, An Ode Bri
29870 LANDEDA
Représentée par Me Alain COROLLER-BEQUET de la SELARL ALEMA AVOCATS, Avocat au Barreau de QUIMPER
M. [C] [X] a été embauché par la SAS DMANY à compter du 5 mars 2016 dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée en qualité d’Agent polyvalent au Clos de TROMENEC, dans le cadre d’une activité de location de chambres d’hôtes.
M. [X] a été placé du 16 juin 2017 au 30 juin 2017 en arrêt de travail, prolongé par plusieurs certificats successifs notamment des 20 juillet 2017, 21 août 2017, 25 septembre.
Le 21 août 2017, la CPAM a adressé un courrier à la SAS DMANY l’informant d’une déclaration d’accident du travail portant sur des faits du 16 juin 2017.
Le 5 septembre 2017, la SAS DMANY a convoqué M. [X] à un entretien préalable fixé au 12 septembre 2017 auquel le salarié ne s’est pas présenté.
Le 19 septembre 2017, M. [X] s’est vu notifier son licenciement pour faute grave, l’employeur lui faisant grief d’avoir dissimulé sa déclaration d’accident du travail, de l’avoir accusé de harcèlement moral, d’avoir refusé de lui avoir payé des heures supplémentaires et de l’avoir fait vivre dans des conditions indignes, enfin d’avoir refusé de reprendre son activité professionnelle.
Le 20 novembre 2017, M. [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Brest aux fins de :
‘ Dire que son licenciement est dénué de toute cause réelle et sérieuse,
‘ Condamner la SAS DMANY au versement de certaines sommes à titre de paiement des heures supplémentaires entre mai 2016 et mai 2017 et des congés payés afférents, de dommages-intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité de préavis et de congés payés sur préavis, d’indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour préjudice moral subi du fait du comportement de l’employeur.
La cour est saisie d’un appel régulièrement formé par M. [X] le 26 juillet 2019 du jugement du 14 juin 2019 par lequel le conseil de prud’hommes de Brest a :
‘ En la forme, reçu M. [X] en sa requête,
‘ Ecarté des débats les pièces n°43 et 44 produites par la SAS DMANY,
‘ Débouté M. [X] de l’intégralité de ses demandes non fondées,
‘ Débouté la SAS DMANY de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Condamné M. [X] aux dépens.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 24 octobre 2019, suivant lesquelles M. [X] demande à la cour de :
‘ Infirmer le jugement entrepris,
‘ Dire que son licenciement est dénué de toute cause réelle et sérieuse,
‘ Condamner la SAS DMANY au versement des sommes suivantes
– 37.927 € au titre des heures supplémentaires entre mai 2016 et mai 2017,
– 3.792 € au titre des congés payés afférents,
– 18.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 3.000 € à titre d’indemnité de préavis,
– 300 € à titre d’indemnité de congés payés sur préavis,
– 900 € à titre d’indemnité de licenciement,
– 20.000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral subi du fait du comportement de l’employeur,
– 20.000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire,
– 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 19 juillet 2021, suivant lesquelles la SAS DMANY demande à la cour de :
‘ Confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté la SAS DMANY de sa demande de dommages-intérêts,
‘ Dire que la rupture du contrat de travail de M. [X] n’est pas imputable à la SAS DMANY, et qu’elle résulte des fautes graves de M. [X],
‘ Débouter ce dernier de toutes ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnités de préavis et de congés payés sur préavis, d’indemnités de licenciement et de dommages- intérêts en réparation du préjudice moral,
‘ Le débouter de sa demande de paiement d’heures supplémentaires et d’indemnité pour non-respect du repos hebdomadaire,
‘ Condamner M. [X] à payer la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
‘ Le condamner aux dépens et à 3.000 € sur la base de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure a été ordonnée le 28 avril 2022.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.
MOTIVATION DE LA DÉCISION
Sur le rappel d’heures supplémentaires
Pour infirmation à ce titre, M. [X] soutient qu’il a effectué sans compensation de nombreuses heures supplémentaires entre mai 2016 et mai 2017 dont il a demandé le paiement à son employeur qui lui a opposé son refus catégorique.
Pour confirmation, la SAS DMANY soutient essentiellement que M. [X] ne produit aucun relevé des heures qui auraient été effectuées’; que les seules pièces 50 et 51 qu’il produit ne constituent qu’une déclaration pro domo qui n’est pas exploitable.
Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1er, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, le contrat de travail du 5 mars 2016 conclu entre M. [X] et la société DMANY représentée par son président M. [F] (pièce n°1 du salarié) décrit ainsi ses attributions (article 3)’: «’accueil et installation des clients, préparation des petits-déjeuners, entretien des locaux et des extérieurs’».
L’article 5 du contrat indique que la durée hebdomadaire du travail est fixée à 35 heures correspondant à une durée mensualisée de 151,67 heures, «’répartie entre les jours de la semaine, selon l’horaire collectif en vigueur ans l’entreprise’», lesquels ne sont précisés nulle part.
Le contrat comporte (article 6) une clause relative aux heures supplémentaires indiquant que «’seules les heures effectuées en sus de la durée du travail prévue au présent contrat et dont la réalisation a été expressément demandée par l’employeur seront indemnisées à titre d’heures supplémentaires’»
Le contrat comprend également un article 7 relatif aux «’astreintes’» qui indique’: «’Lorsque le salarié est appelé pendant les périodes d’astreinte, le temps d’intervention est du temps de travail effectif rémunéré selon les modalités prévues à l’article 6 du présent contrat. En contrepartie des temps d’astreinte qui seront demandés, la société met à la disposition du salarié à titre d’accessoire au contrat de travail un logement de fonction à titre gratuit sis à Tromenec-29870 LANDEDA et ainsi composé d’une pièce à vivre, (…)’».
Pour justifier du nombre d’heures supplémentaires effectuées entre les mois de mai 2016 et mai 2017, M. [X] a versé aux débats’:
– un «’calendrier des fréquentations’» (pièce n°50) qui affiche pour chaque mois un nombre de jours de réservation avec le nombre de clients sans mention des dates et ne décrit aucun horaire de travail,
-un «’récapitulatif des tâches journée type’» établi par M. [X] (pièce n°51) dans lequel il décrit dans le détail sur deux pages une journée-type depuis la «’cuisson des viennoiseries à partir de 7h00du matin’» jusqu’à la fin du service qu’il situe «’jusqu’à parfois 23h00-24h00 (exceptionnels tout de même [sic])’» en ajoutant que «’le samedi, jour des tables d’hôtes (la fin du service dépasse 1h00 du matin’» et avec des particularités en cas de «’privatisations’» qu’il explique s’être produites «’trois fois, pour des durées de deux à trois jours’» et qui génèrent «’plus de 70 heures sur quatre jours pour ma part, sans compter les jours précédents’»’, sans aucune précision sur les dates’de ces événements ; il mentionne ensuite que «’le clos est ouvert 7/7 de mars à fin novembre désormais’» et conclut «’que sur une journée sans clients [s]on temps de travail est de 5 heures’», que «’si arrivée de clients le soir, compte tenu des différentes préparations et autres attributions, [il]compte 10 heures hors saison, et 12 heures de juin à octobre. En cas de table d’hôtes, 16 heures’», là encore sans qu’aucun élément ne permette de déterminer les dates de ces différents temps de travail’;
– une attestation (pièce n°76) de Mme [U] décrivant ses tâches en qualité d’employée polyvalente de la SAS DMANY en remplacement de M. [X] à partir de juin 2017 «’dès 7 heures du matin et pouvant se terminer à 23 heures le soir (si on ne compte pas les astreintes de nuit)».
Ces pièces sont contredites par celles remises par la Société intimée qui montrent que certaines tâches décrites étaient dévolues à des personnels distincts, en particulier pour l’entretien des chambres ou des extérieurs (pièces n°25 et 26).
M. [X], qui dans ses écritures (page 13) affirme avoir réalisé «’1700 heures supplémentaires entre le mois de mai 2016 et le mois de mai 2017’», n’explique pas davantage son calcul, ne fournit aucun tableau récapitulatif de ses horaires de travail ni par jour ni par semaine. Il affirme en outre dans ses écritures (même page) qu’il devait «’au minimum être présent de 7 heures à 11 heures puis de 17 heures à 21 heures 7 jours sur 7’», ce qui ne permet pas d’expliquer les «’1700 heures’» totalisées et qui entre en contradiction avec les éléments précédemment énoncés.
M. [X] n’établit non plus aucune correspondance entre ces éléments et les réservations effectuées. M. [X] se réfère enfin dans ses écritures (page 14) à ses pièces 18 à 29 (courriels divers, liste de réservations, courriers de satisfaction de clients), 35 à 37, 40 à 57 (copies d’écran de réservations, copies de SMS, photographies de plats, extraits du site internet’) qui ne font nulle part apparaître une information sur les horaires réalisés ni les jours concernés par l’accomplissement d’heures supplémentaires.
Outre les divergences déjà citées, il en ressort que les dépassements horaires ne sont pas précisés par le salarié qui n’a produit aucune pièce justificative de nature à compléter ces documents. L’employeur produit les éléments par lesquels il justifie des réservations effectuées au sein de l’établissement. Les éléments ainsi présentés par M. [X] qui ne justifie pas avoir formé d’observation relative à ses horaires de travail tout au long de l’année 2016 sont insuffisamment précis au regard de ceux produits par l’employeur pour déterminer a posteriori l’existence d’heures supplémentaires effectuées et non rémunérées sur la période considérée.
Au vu de l’ensemble des éléments apportés par les parties, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [X] de cette demande et par suite de sa demande au titre du non-respect du repos compensateur dont le non-respect n’est pas davantage établi par les pièces produites.
Sur le licenciement prononcé pour faute grave
M. [X] conteste son licenciement pour faute grave et soutient que les griefs qui lui sont reprochés sont dénués de tout fondement. Il dénonce le comportement violent et agressif de M. [F] ainsi que la violation de son contrat de travail (heures supplémentaires, absence de visites médicales).
La SAS DMANY soutient que les faits invoqués par M. [X] pour justifier ses prétentions ne sont pas établis et que la rupture du contrat de travail ne peut donc pas être imputée à la société’; que le bien-fondé du licenciement pour faute grave de M. [X] repose sur les griefs mentionnés dans la lettre de licenciement’incluant la dénonciation calomnieuse par le salarié qui dit avoir été victime d’une agression verbale, de harcèlement moral et de conditions de vie indignes de la part de l’employeur, ainsi que par son absence injustifiée au regard de la prolongation injustifiée de l’arrêt de travail et son refus de reprise de l’activité professionnelle.
En matière de licenciement disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l’encontre du salarié et les conséquences que l’employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de l’appelant dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.
L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.
Par ailleurs, les juges qui constatent que l’employeur s’est placé sur le terrain disciplinaire, doivent examiner l’ensemble des motifs mentionnés dans la lettre de licenciement et doivent dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse s’ils retiennent qu’aucun d’entre eux ne présente de caractère fautif, ni ne résulte d’une mauvaise volonté délibérée du salarié.
En l’espèce, les faits reprochés au salarié selon la lettre de licenciement du 19 septembre 2017 (pièce n°13 du salarié) sont les suivants :
‘Monsieur,
Je fais suite à la convocation que je vous ai adressée le 5 septembre dernier.
Nous devions nous entretenir le 12 septembre des motifs qui pouvaient justifier votre licenciement.
Vous avez reçu cette convocation. Mais vous ne vous êtes pas présenté et n’avez pas excusé votre absence.
Nous n’avions donc pas pu échanger sur ces motifs dont je vous avais cependant communiqué la teneur dans la date de convocation en me réservant d’invoquer des motifs complémentaires.
Devant cette situation je suis contraint de vous licencier pour les motifs suivants.
Le 16 juin 2017, un avis d’arrêt de travail a été établi par votre médecin jusqu’au 30 juin, sans imputation à vos conditions de travail.
Alors que vous étiez en arrêt de travail, le 12 juillet vous avez effectué une déclaration d’accident du travail en affirmant être victime d’un accident du travail qui résulterait d’une agression verbale dont je serais l’auteur.
Vous affirmez encore que vous seriez harcelé et que vous vivez dans des conditions indignes.
Vous attribuez la brutalité de cette agression à la demande que votre Avocat aurait présentée pour obtenir le paiement d’heures supplémentaires.
Vous n’avez jamais porté à ma connaissance cette déclaration d’accident du travail dont je n’ai eu connaissance que par la lettre de la caisse d’assurance maladie datée du 24 août 2017.
Lorsque j’en ai pris connaissance, j’ai contesté l’existence de ce prétendu accident et je vous ai ensuite convoqué à un entretien préalable fin de discuter des faits que vous me reprochez.
Votre déclaration d’accident du travail, que vous auriez dû porter à ma connaissance, comporte en effet des propos diffamatoires puisque vous m’accusez de harcèlement moral, ce qui constitue légalement un délit pénal.
Vous affirmez également vivre dans des conditions indignes et ne pas avoir été payé de vos heures supplémentaires.
Je conteste toutes ces accusations.
Non seulement vous n’avez jamais été victime d’un harcèlement moral mais vous avez bénéficié de mon aide pour surmonter des problèmes financiers.
Je vous ai ainsi prêté de l’argent en croyant que vous alliez l’utiliser pour régler quelques dettes urgentes.
J’ai eu la surprise de constater que vous l’avez utilisé pour acquérir un véhicule de marque BMW que vous êtes autorisé à laisser stationner sur les espaces réservés à la clientèle.
Je vous ai également invité avec votre épouse à une croisière.
Je ne me suis jamais vanté de ces attentions qui traduisent la sympathie que j’avais pour vous.
M’accuser de harcèlement dans ces conditions n’est pas simplement diffamatoire, c’est une injure à la loyauté et à l’honnêteté.
D’autre part lorsque vous avez pris des initiatives personnelles notamment de fabriquer par vous-même du pain pour les petits déjeuners, et de préparer des repas pour quelques clients, ce que je ne vous avais jamais demandé, j’ai accepté d’augmenter votre rémunération. Vos bulletins de salaire en sont la preuve.
Votre revendication d’heures supplémentaires, que vous n’avez jamais présentée ni justifiée et que vous n’avez pas eu le courage d’aborder directement avec moi, n’est qu’une mauvaise excuse pour justifier vos accusations.
Vous vivez d’autre part dans un logement de fonction qui, si je comprends bien, serait indigne.
Je suis prêt à exposer cette indignité à qui voudra le vérifier et à subir tout contrôle. Je crois ne pas avoir à redouter un jugement sur les conditions dans lesquelles vous êtes logé avec votre famille.
Par ailleurs vous avez demandé et obtenu une prolongation de votre arrêt de travail au motif que je n’aurai pas organisé une visite de reprise avec la médecine du travail.
Je vous ai rappelé que cette visite pouvait être organisée dans les huit jours à compter de votre reprise.
Vous deviez donc reprendre votre travail. La prolongation que vous avez obtenue au seul motif que la visite de reprise n’aurait pas été organisée, démontre que votre absence est injustifiée puisqu’elle n’a pas une cause médicale.
Ces faits constituent une faute grave qui justifie votre licenciement.
La rupture de votre contrat de travail prend effet à dater de l’envoi de cette lettre recommandée.
Elle met fin à l’usage du logement de fonction dont vous bénéficiez et à l’usage du téléphone qui vous a également été confiée.
Vous voudrez bien me restituer ce téléphone ainsi que les clés de votre logement de fonction et tous autres documents qui vous ont été remis.
Je vous rappelle qu’aucune disposition de votre contrat de travail ne limite la recherche d’un emploi.
Je fais établir par mon expert-comptable le relevé des sommes qui vous sont dues (…).’
La circonstance que M. [X] ait adressé une déclaration d’accident du travail ne peut en soi être considéré comme fautive, s’agissant de l’exercice par le salarié d’un droit qui lui est reconnu de pouvoir lui-même formaliser une telle déclaration auprès de l’organisme de sécurité sociale auquel il appartient ensuite d’informer l’employeur afin d’assurer le caractère contradictoire de la procédure d’instruction de la demande.
Cette déclaration ne peut donc se voir qualifiée de «’faux’» ainsi que le prétend l’intimée au seul motif qu’elle aurait été établie par le salarié.
La circonstance que la CPAM, par courrier du 16 octobre 2017 (pièce n°10 de la société, pièce n°41 du salarié) ait décidé le refus de prise en charge de l’accident déclaré du 16 juin 2017 au motif qu’il «’n’existe pas de preuve que l’accident se soit produit par le fait ou à l’occasion du travail’» ne démontre nullement ainsi que le prétend l’intimée que la déclaration de M. [X] serait fausse ou que sa déclaration serait motivée par une intention calomnieuse, d’autant que les autres pièces versées aux débats montrent’:
– que M. [F] a confirmé auprès de l’enquêteur assermenté de la CPAM (pièce n°34 de l’intimée) avoir tenu les propos rapportés par M. [X] selon lesquelles il pourrait «’courir un 100 mètres mais [était] incapable d’affronter un 3000 mètres’»,
– qu’il a confirmé dans les mêmes circonstances d’une part avoir été informé par M. [X] le 16 juin qu’il se rendait aux urgences et d’autre part ne plus avoir eu de nouvelles de son salarié depuis cette date.
Contrairement à ce que soutient l’intimée, les avis du médecin de la CPAM ne concernent que le caractère professionnel des arrêts de travail et leur lien avec les faits décrits comme à l’origine de l’accident déclaré’; ils ne consistent pas à «’invalider’» ces arrêts dont la pertinence médicale n’est en l’espèce pas remise en question puisque l’attestation de paiement des indemnités journalières (pièce n°39 du salarié) montre que les jours d’arrêt de travail prescrits à M. [X] ont été pris en charge en intégralité et sans interruption au titre de la maladie sur la période du 16 juin 2017 au 25 novembre 2017.
Il n’appartient pas dans ces conditions à l’employeur de qualifier de frauduleux les arrêts de travail prescrits à M. [X], au motif au demeurant nullement démontré d’une prétendue amitié entre l’intéressé et le médecin prescripteur dont la probité et la déontologie sont attaquées par de simples affirmations sans fondement.
Le caractère inexact des faits déclarés par M. [X] auprès de la CPAM dans le cadre de la déclaration d’accident n’est ainsi nullement établi, pas davantage a fortiori que le caractère calomnieux de cette dénonciation dont il convient de rappeler qu’il ne doit s’apprécier qu’au regard des faits visés dans la lettre de licenciement et donc nécessairement antérieurs à celle-ci ‘ de sorte que les citations par l’intimée dans ses propres écritures (notamment page 8) des écritures du salarié ou des propos qu’il aurait tenus au cours de l’instance postérieure sont à cet égard inopérantes. Aucune «’diffamation’» ni aucune «’dénonciation calomnieuse’» n’est donc démontrée par l’employeur de la part de son salarié.
Enfin, si M. [X] n’a pas repris le travail en l’absence de visite de reprise par la Médecine du travail, outre que l’employeur ne peut décemment reprocher au salarié de n’avoir pas «’effectué la moindre démarche’» sur ce point, il ne peut davantage se vanter en se référant à sa lettre du 29 août 2017 (pièce n°12) que la visite de reprise pouvait intervenir dans les huit jours sans justifier avoir pris la moindre disposition à cette fin.
La société intimée n’est en tout état de cause pas habilitée à contester la validité médicale de l’arrêt de prolongation prescrit au salarié en considération de l’incapacité du salarié à reprendre son activité au sein de l’entreprise «’ne serait-ce que pour quelques heures’», en l’état des constatations de son médecin traitant encore une fois non remises en question par le service médical de la CPAM.
La circonstance que M. [X] n’ait pas repris son activité le 20 août 2017, alors que son absence était justifiée par un nouvel arrêt de travail, n’est donc pas «’dépourvue de légitimité’» comme le soutient la société intimée et ne peut lui être reprochée à faute.
Ne sont pas davantage susceptibles de pouvoir être reprochés au salarié ses revendications, même non fondées, tendant au paiement d’heures supplémentaires, à la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur, à la reconnaissance de faits susceptibles de caractériser un harcèlement moral, ni d’une manière générale l’ensemble des contenus des courriers de son avocat à l’employeur pour formuler ses prétentions et qu’il était en droit de formaliser dans le cadre d’une requête aux fins de saisine du conseil des prud’hommes.
Les autres faits retenus par la lettre de licenciement ne sont pas autrement corroborés par les diverses pièces visées aux écritures de l’employeur et ne sont en tout état de cause pas de nature à constituer une quelconque faute du salarié (demande de prêt d’argent, achat d’un véhicule BMW, stationnement dudit véhicule sur des places réservées).
Au terme de l’examen de l’ensemble des éléments d’appréciation ainsi soumis à la cour, les faits reprochés à M. [X] ne permettent pas de retenir un manquement à ses obligations ni en conséquence de caractériser un comportement fautif dans l’exécution de son contrat de travail.
Aucun des griefs n’étant caractérisé, l’employeur n’était pas fondé à prendre à l’encontre de son salarié une sanction disciplinaire’; le licenciement se trouve ainsi dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris sera donc infirmé.
Sur les conséquences financières du licenciement
Aux termes de l’article L1235-5 du code du travail dans sa version applicable en vigueur du 10 août 2016 au 24 septembre 2017′ résultant de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016′:
Ne sont pas applicables au licenciement d’un salarié de moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives :
1° Aux irrégularités de procédure, prévues à l’article’L. 1235-2′;
2° A l’absence de cause réelle et sérieuse, prévues à l’article’L. 1235-3′;
3° Au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l’article’L. 1235-4, en cas de méconnaissance des articles L. 1235-3 et’L. 1235-11.
Le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.
Compte tenu de la perte d’une ancienneté de 18 mois pour un salarié âgé de 47 ans, et des conséquences matérielles et morales du licenciement à son égard sur sa situation postérieurement à la rupture du contrat dont M. [X] ne précise pas les conditions, l’évaluation du préjudice résultant du licenciement injustifié doit être limitée à 9.000 €, ainsi que des autres demandes indemnitaires liées à la rupture pour les sommes suivantes:
* 2.965,27€ brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis, correspondant à un mois de salaire,
* 296,52 € brut au titre des congés payés afférents,
* 900 € au titre de l’indemnité de licenciement dont le principe et le montant ne sont pas autrement contestés.
M. [X] est également fondé à solliciter le versement de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant des conditions vexatoires de son licenciement au regard des pièces qu’il verse aux débats (notamment ses pièces n°18 et 59) qui montrent que les dispositions ont été prises par l’employeur dès le mois de juillet 2017 pour l’évincer de son logement de fonction en dehors des conditions prévues au contrat de travail et alors que M. [X] était en arrêt de travail et ce, sans motif allégué par l’employeur en particulier ni pour des raisons de sécurité ni pour des nécessités liées à son activité. Le préjudice en résultant sera réparé par l’attribution d’une somme de 2.000 €.
Sur les frais irrépétibles
Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif.
***
**
*
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant contradictoirement et en dernier ressort par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,
INFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [X] de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et en application de l’article 700 du code de procédure civile et en ce qu’il l’a condamné aux dépens ;
Y substituant,
CONDAMNE la SAS DMANY à payer à M. [X] les sommes suivantes’:
– 9.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 2.965,27 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 296,52 € brut au titre des congés payés afférents,
– 900 € à titre d’indemnité de licenciement,
– 2.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant des conditions vexatoires du licenciement,
– 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus’;
DÉBOUTE la SAS DMANY de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNE la SAS DMANY aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.