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7ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°35/24
N° RG 20/06476 – N° Portalis DBVL-V-B7E-RGUK
M. [U] [B]
C/
M. [G] [A]
Copie exécutoire délivrée
le : 01/02/2024
à :
Me LHERMITTE
Me LE GUILLOU-RODRIGUES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 01 FEVRIER 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 27 Novembre 2023
En présence de Monsieur [Y], médiateur judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 01 Février 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [U] [B]
né le 24 Octobre 1972 à [Localité 5]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Dominique LE GUILLOU-RODRIGUES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER
INTIMÉ :
Monsieur [G] [A] Entreprise individuelle – Enseigne MENUISERIES DE L’AVENIR
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Jean Francois DRILLEAU de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, Plaidant, avocat au barreau de QUIMPER
Représenté par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant contrats de travail à durée déterminée conclus pour la période du 15 juin 2011 au 31 juillet 2007 et du 1er septembre 2011 au 23 décembre 2011, M. [B] a été embauché en qualité de Poseur de menuiserie PVC Alu et bois par M. [A], exploitant en nom propre une entreprise de menuiserie sous l’enseigne ‘Les Menuiseries de l’Avenir’.
L’entreprise est assujettie à la convention collective nationale du bâtiment (entreprises d’au plus 10 salariés).
Le 3 janvier 2012, les parties concluaient un contrat de travail à durée indéterminée.
Par courrier recommandé en date du 7 mai 2019, le salarié était convoqué à un entretien préalable au licenciement prévu le 17 mai suivant et se voyait notifier une mise à pied à titre conservatoire.
Le 6 juin 2019, M. [B] se voyait notifier son licenciement pour faute grave, l’employeur lui reprochant un manque de loyauté envers l’entreprise, d’avoir refusé d’effectuer des travaux et d’avoir tenu des discours diffamatoires sur la pérennité de l’entreprise en présence de ses collègues et de clients entraînant des annulations de commandes et des pertes de chantier.
***
M. [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Quimper le 8 août 2019 et a formulé les demandes suivantes :
– Dire et juger que le licenciement de M. [B] est sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
– Condamner la Menuiserie de l’avenir à payer les sommes suivantes :
– Rappel de salaire mise à pied : 1918,72 euros bruts
– Congés payés y afférents : 191,87 euros bruts
– Indemnité de préavis : 3564,52 euros bruts
– Congés payés y afférents : 380,48 euros bruts
– Indemnité de licenciement : 3837,44 euros nets
– Indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement : 1918,72 euros nets
– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 15 349,80 euros nets
– Dommages et intérêts pour rupture abusive et vexatoire : 5000 euros nets
– Dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité : 5000 euros nets
– Indemnité forfaitaire pour travail dissimulé :11 512,32 euros nets
– Condamner la Menuiserie de l’avenir à payer les sommes suivantes:
– Rappels de salaire : indemnité de congés payés:
– Période du 1er avril 2017 au 31 mars 2018 : 7 jours de congés payés : 617,20 euros
– Période du 1er avril 2018 au 31 mars 2019 : 30 jours de congés payés : 2 645,16 euros
– Période du 1er avril 2019 au 6 juin 2019 : 6 jours : 529,03 euros
– Dommages et intérêts pour résistance abusive : 2 000 euros net
– Ordonner la remise :
– Des bulletins de salaire rectifiés
– De l’attestation Pôle emploi rectifiée
– Du certificat de travail rectifié (ancienneté)
– Du solde de tout compte rectifié (ancienneté)
Dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, le conseil se réservant la faculté de liquider cette astreinte.
– Débouter la Menuiserie de l’avenir de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– Dire et juger que les sommes à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes.
– Dire et juger que les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir.
– Ordonner l’exécution provisoire de la décision sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile
– Condamner la Menuiserie de l’avenir à payer à Monsieur [B] la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– Condamner la même aux entiers dépens.
M. [A] demandait au conseil de prud’hommes de :
A titre principal,
– Débouter Monsieur [B] de l’ensemble de ses demandes
– Ordonner à Monsieur [B] de restituer à M. [A] l’acompte qui lui a été versé pour le montant de 1 778,58 euros.
– Condamner Monsieur [B] à verser à M. [A] 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire,
Si par extraordinaire le Conseil décidait que la rupture repose sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave
– Limiter le montant des sommes à l’indemnité de licenciement, au préavis et au rappel de la mise à pied
– Débouter M. [B] de toutes ses autres demandes.
– Prononcer la compensation judiciaire les sommes dues par les parties entre elles.
A titre infiniment subsidiaire,
– Limiter le montant des dommages et intérêts au titre du licenciement, au plancher prévu par l’article L123 5-3 du code du travail.
– Prononcer la compensation judiciaire les sommes dues par les parties entre elles.
Par jugement en date du 4 décembre 2020, le conseil de prud’hommes de Quimper a :
– Dit que le licenciement de M. [B] intervenu le 6 juin 2019 repose sur une faute grave;
– Débouté M. [B] de l’ensemble de ses demandes ;
– Débouté M. [A] du surplus de ses demandes ;
– Laissé à la charge de chacune des parties ses propres dépens.
***
M. [B] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 30 décembre 2020.
En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 1er septembre 2021, M. [B] demande à la cour d’infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Quimper le 4 décembre 2020 et de:
– Sommer M. [A] de verser aux débats le document unique d’évaluation des risques professionnels, avec actions annuelles de prévention et mise à jour
– Dire et juger que le licenciement de M. [B] est sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
– Condamner M. [A] à payer les sommes suivantes :
– Rappel de salaire mise à pied injustifiée (du 07 mai au 06 juin 2019) : 1 918,72 euros brut
– Congés payés sur cette somme : 191,87 euros brut
– Indemnité de préavis (2 mois) : 3 564,52 euros brut
– Congés payés sur indemnité de préavis : 380,48 euros brut
– Indemnité de licenciement : 3 837,44 euros net
– Indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement: 1 918,72 euros net
– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 15 349,80 euros net
– Dommages-intérêts pour rupture abusive et vexatoire : 5 000 euros net
– Dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité: 5 000 euros net
– Indemnité forfaitaire pour travail dissimulé : 11 512,32 euros net
– Condamner M. [A] à payer les sommes suivantes :
– Dommages-intérêts pour retard abusif de paiement des cotisations à la Caisse des congés payés du BPT : 2000 euros net
– Ordonner la remise :
– Des bulletins de salaire rectifiés
– De l’attestation Pôle Emploi rectifiée
– Certificat de travail rectifié (ancienneté)
– Solde tout compte rectifié (ancienneté)
Dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, la Cour se réservant la faculté de liquider cette astreinte.
– Débouter M. [A] de toutes ses demandes, fins et conclusions, notamment de sa demande incidente en restitution du prétendu acompte d’un montant de 1 778,58 euros
– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Quimper en ce qu’il a débouté M. [A] de sa demande de restitution de la somme de 1 778,58 euros
– Débouter M. [A] de sa demande devant la Cour au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– Dire et juger que les sommes à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes.
– Dire et juger que les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir.
– Condamner M. [A] à payer à M. [B] la somme de 3500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– Condamner la même aux entiers dépens.
M. [B] développe en substance l’argumentation suivante:
– Le conseil de prud’hommes a mal interprété les règles régissant la charge de la preuve en matière de licenciement pour faute grave ;
– Les cotisations auprès de la CIBTP sont demeurées impayées par M. [A] depuis le 1er janvier 2018 ; la situation n’a été régularisée que le 14 juillet 2020 ; la résistance de l’employeur est abusive; il a été condamné par le conseil de prud’hommes de Quimper pour un contentieux identique l’opposant à d’autres salariés et il a été nécessaire de faire liquider l’astreinte mise à sa charge faute de régularisation de la situation auprès de la CIBTP ;
le paiement d’un acompte en septembre 2018 s’analyse comme une forme de dédommagement face aux difficultés financières rencontrées par le salarié durant ses congés du mois d’août 2018 ; cette somme ne peut venir en déduction des congés payés restant dus ;
– En cessant de payer ses cotisations à la CIBTP à compter du 31 août 2017, l’employeur a agi sciemment ; il s’est intentionnellement soustrait à la délivrance d’un bulletin de paie ; une indemnité pour travail dissimulé est due;
– Il n’a jamais refusé d’exécuter une tâche de pose de fenêtre ; deux de ses collègues en attestent ; les échanges de SMS avec l’employeur le confirment également ; les salariés n’étaient pas équipés des EPI nécessaires pour les travaux en hauteur de pose de Vélux ;
– Il n’a jamais tenu de propos diffamants vis à vis de son employeur ; des clients en attestent ainsi qu’un collègue de travail ; il n’a jamais fait l’objet de sanctions au cours de la relation de travail, soit pendant 8 ans et n’a pas retrouvé d’emploi stable ;
– Son licenciement est intervenu dans des conditions particulièrement vexatoires, relevant d’un mépris de l’employeur à son égard ;
– L’employeur a gravement manqué à son obligation de sécurité en ne mettant pas à la disposition du salarié des EPI suffisants et en bon état d’usage: il n’y avait pas d’échafaudage et pour les travaux en hauteur, les ouvriers devaient se débrouiller avec de simples échelles ; il devra être tiré toutes conséquences de l’éventuelle absence de communication d’un DUER.
En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 17 juin 2021, M. [A] demande à la cour d’appel de :
A titre principal
– Infirmer la décision du conseil de prud’hommes sur le sujet de la demande de restitution d’acompte.
– Ordonner à Monsieur [B] de restituer à Monsieur [A] l’acompte qui lui a été versé pour le montant de 1778,58 euros.
– Confirmer la décision rendue par le Conseil de Prud’hommes de Quimper sur les autres sujets.
– Débouter Monsieur [B] de l’ensemble de ses demandes.
– Condamner Monsieur [B] à verser à Monsieur [A] 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire, Si par extraordinaire la Cour décidait que la rupture repose sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave.
– Limiter le montant des sommes à l’indemnité de licenciement, au préavis et au rappel de la mise à pied.
– En tout état de cause, débouter M. [B] de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé.
– Le débouter de toutes ses demandes de dommages et intérêts annexes.
– Débouter Monsieur [B] de toutes ses autres demandes.
– Prononcer la compensation judiciaire des sommes dues par les parties entre elles.
A titre infiniment subsidiaire
– Limiter le montant des dommages et intérêts au titre du licenciement, au plancher prévu par l’article L1235-3 du code du travail.
– Prononcer la compensation judiciaire des sommes dues par les parties entre elles.
M. [A] développe en substance l’argumentation suivante:
– La pose de Vélux s’effectue depuis l’intérieur de l’habitation sans qu’il soit besoin de monter sur le toit ; M. [I] atteste qu’il n’a jamais manqué d’équipements de sécurité et que M. [B] refusait d’exécuter des tâches qui faisaient partie de son travail ; ce témoignage n’a rien de partial ; les autres témoins (MM. [W], [C] et Mme [K]) confirment la teneur des propos de M. [B] à propos de son employeur ;
– La procédure de licenciement a été engagée avec célérité ; le dernier fait date du 30 avril 2019 et la convocation à l’entretien préalable contenant mise à pied conservatoire date du 7 mai 2019 ; la procédure a été respectée et M. [B] était assisté lors de l’entretien préalable ; il n’est démontré aucun préjudice ;
– Suite à deux impayés importants pour un montant d’environ 46.000 euros en 2017 et 2018, le règlement des sommes dues à la caisse de congés payés n’a pas pu être effectué ; c’est pourquoi il a été adressé un acompte aux salariés à titre d’avance sur congés payés ; cela n’a rien à voir avec un travail dissimulé; il n’y a eu aucune mauvaise foi de l’employeur ;
– Il n’est démontré aucun manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
***
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 26 septembre 2023 avec fixation de la présente affaire à l’audience du 27 novembre 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- Sur la contestation du licenciement:
L’article L 1232-1 du Code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l’existence d’une cause réelle et sérieuse.
La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.
La faute grave privative du préavis prévu à l’article L 1234-1 du même Code est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
La charge de la preuve de la faute grave repose exclusivement sur l’employeur.
En l’espèce, la lettre de licenciement du 6 juin 2019, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée:
« Je fais suite à l’entretien préalable auquel vous avez été convoqué le 17 mai 2019, entretien au cours duquel vous étiez accompagné d’un conseiller.
J’ai bien considéré votre présence à l’entretien mais vos explications n’ont pas suffit à légitimer votre comportement, je me vois contraint de poursuivre la procédure engagée à votre encontre et vous licencie pour faute grave, et les motifs de cette rupture sont les suivants :
Le jeudi 18 avril 2019, vous avez décrété devant votre collègue et un client que vous ne vouliez pas effectuer des travaux pour la réalisation d’un abri. Le 30 avril, vous avez annoncé votre refus d’exécuter définitivement des travaux de pose de fenêtre de toit devant vos collègues. Cette affirmation de votre part s’est fait sans avis médical ou tout autre justificatif venant corroborer cette prise de position. La clientèle et l’équipe s’est retournée vers moi pour me demander pour quelle raison et a quel titre vous aviez le droit de refuser de faire une fonction, et il est clair qu’il n’y en pas.
Puis au fil des jours, j’ai appris que vous teniez ce discours devant d’autres clients, en stipulant aux clients que l’entreprise Menuiserie d’Avenir ne faisait plus de pose de fenêtre de toit, et également des discours diffamatoires sur la pérennité de l’entreprise auprès de vos collègues et entendu par des clients, lesquels ont pu me le confirmer et attester.
Lors de notre entretien, vous n’avez pas nié avoir tenu ce discours tant devant vos collègues que devant la clientèle, sans essayer de légitimer ce comportement. En effet, salarié de l’entreprise depuis 7 ans vous connaissez le panel de nos services et prestations, vous avez délibérément affirmé des choses à nos clients qui étaient fausses. Ce comportement constitue un manque de loyauté envers l’entreprise. De plus, je me rends compte que plusieurs interventions ne seront pas faites par nous mais par d’autres prestataires suite à vos communications. Vous nous avez fait perdre des chantiers et donc des devis, voir même des annulations de commande avec remboursement des acomptes versés.
Je considère que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien temporaire dans l’entreprise. Je ne peux pas continuer à vous confier des missions si je ne peux pas avoir confiance en vous, quant à l’image que vous véhiculez de notre entreprise.
Votre licenciement sera donc effectif dés l’envoi de cette lettre avec accusé de réception soit le 06 Juin 2019, sans préavis, ni indemnité de rupture.
Je vous signale à cet égard qu’en raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés le salaire correspondant à la période pendant laquelle je vous ai mis à pied à titre conservatoire ne vous sera pas versé (…)’.
M. [A] verse aux débats les éléments suivants:
– Une attestation de M. [I], qui indique être le salarié le plus ancien de l’entreprise et ajoute: ‘J’ai vu M. [B] désigné à plusieurs reprises l’entreprise et M. [A].
M. [B] refusait de plus en plus régulièrement d’effectuer des chantiers. Le 30 avril 2019 au matin, je l’ai vu une nouvelle fois refuser de poser une fenêtre de toit sans aucun motif valable’.
– Une autre attestation de M. [I] qui indique que pendant 15 ans dans l’entreprise il n’a jamais manqué d’équipements de sécurité. Il ajoute: ‘J’étais présent le matin du 24/04/2019 au dépôt lors du chargement avec les salariés, quand M. [U] [B] a refusé une nouvelle fois d’exécuter des tâches qui font partie de notre métier, sans aucun motif valable’.
– Une attestation de Mme [T], qui indique qu’à l’occasion d’une visite chez une amie au mois d’avril 2019, qui avait confié des travaux à l’entreprise ‘Menuiserie de l’avenir’, elle a, lors de la pause des ouvriers, à l’arrière du camion, ‘vu et entendu M. [U] [B] dénigrer fortement M. [A], le dirigeant de son entreprise, auprès de son collègue, en indiquant que l’entreprise allait fermer et insultant M. [A]. J’ai été particulièrement choquée des propos de M. [B]. J’en ai fait part à M. [A] le dirigeant’.
– Une attestation de M. [W], qui indique avoir accompagné M. [A] le 23 avril 2019, afin de voir avec ce dernier des travaux en cours.
Il indique que M. [B] qui était présent sur le chantier ‘a très vivement pris à partie M. [A] en criant qu’il ne ferait pas les travaux, j’ai vu le client très désagréablement surpris, son collègue très gêné et M. [A] sans voix est venu me rejoindre au véhicule complètement abattu et désolé’.
– Une attestation de M. [C], beau-fils de l’employeur, qui indique qu’alors qu’il venait saluer l’équipe des ouvriers le 30 avril 2019 au matin, M. [A] interrogeait M. [B] sur le point de savoir s’il avait commencé à poser et installer une fenêtre de toit.
Il ajoute que ‘subitement, M. [B] a pris à partie M. [A] en répondant ‘Non, je ne ferai pas’, sans donner de raison. M. [B] a ajouté: ‘Tu n’as qu’à dire à ton client qu’il se débrouille’.
Ce témoin ajoute: ‘J’ai toujours été très désagréablement surpris par l’attitude de M. [B], toujours à critiquer l’entreprise devant ses collègues et ne se gênait pas de faire devant les clients aussi’.
– Une attestation de M. [L] [A], frère de l’employeur, qui indique avoir constaté que ‘M. [A] refusait de poser certaines menuiseries sans motifs réels. Je l’ai entendu à plusieurs reprises dire qu’il ne voulait plus travailler, que sa femme gagnait assez, que l’argent il en avait assez (qu’il me foute dehors, j’attends que ça) ; il critiquait l’entreprise et M. [A], sachant que j’étais son frère. Il ne se gêne pas devant les clients pour dénigrer l’entreprise’.
– Une attestation de M. [R], qui indique avoir réalisé son apprentissage au sein de l’entreprise ‘Menuiserie de l’avenir’ et atteste en ces termes: ‘J’ai entendu plusieurs clients parler d’un ancien ouvrier, M. [U] [B], qui était nuisible à l’entreprise et critiquer le patron devant le client en sortant parfois des insultes.
Il appelait le patron ‘l’autre con’ vis à vis de ses collègues.
A la déchetterie de Pouldrezic, un client nous a dit qu’il était venu le voir pour demander un devis de Vélux, il lui a répondu: ‘On ne fait pas, faut aller voir ailleurs’.Je n’ai jamais manqué d’EPI lors de mon apprentissage’.
– Une attestation de M. [S] qui indique être le remplaçant de M. [B] et n’avoir ‘aucunement besoin d’échafaudage et ne manque d’aucun élément de sécurité pour remplacer les fenêtres de toit, puisque ces travaux sont à réaliser de l’intérieur.
De nombreux clients m’ont fait part du comportement et des propos de M. [B] [U] qui portaient préjudice à l’entreprise’.
– Une notice technique de la marque Vélux intitulée ‘Comment poser un Vélux – Guide et conseils’, qui expose notamment comment la fenêtre doit être positionnée sur la toiture selon qu’il s’agit d’une couverture en tuiles ou en ardoises.
Les schémas et photographies annexés à cette notice technique permettent de constater que, contrairement à ce qu’affirme l’employeur et le témoin M. [S], un certain nombre d’opérations (notamment la pose du châssis avec ses équerres et pattes de fixation ou encore la pose du kit d’étanchéité et des raccords extérieurs) sont à effectuer en toiture, la hauteur de pose d’une fenêtre de ce type étant en tout état de cause variable et pouvant nécessiter des travaux en hauteur.
De son côté, M. [B] produit également divers témoignages:
– M. [J], [E], qui atteste ‘n’avoir jamais constaté en sa présence un comportement calomnieux ou diffamatoire de la part de M. [B] [U] (…). J’affirme être bien placé pour affirmer que M. [B] [U] a toujours fait preuve d’une conscience professionnelle irréprochable. En effet, M. [B] [U] est en binôme avec moi dans l’entreprise ‘Menuiserie de l’avenir’ depuis 7 ans, de plus nous avons travaillé auparavant pendant 11 ans dans une autre entreprise. Je connais donc parfaitement l’excellente qualité de travail dont M. [B] [U] a toujours fait preuve’.
– Mme [P], atteste avoir fait la connaissance de M. [B] lors de la pose de menuiseries au mois d’avril 2019 et indique n’avoir constaté aucun refus d’exécution de sa part. ‘Le devis étant accompli avec rigueur et professionnalisme’.
Elle ajoute: ‘Rencontrant de nombreux problèmes avec M. [A] [G], les salariés ont été solidaires vis à vis de leur employeur. Aucun dénigrement, ni mauvaise publicité n’ont été émis’.
– M. [D], menuisier, atteste ‘ne pas avoir entendu M. [B] [U] dénigrer l’entreprise auprès des clients chez lesquels nous étions amenés à travailler. Par ailleurs, je ne me suis jamais plaint auprès de mon employeur du comportement de M. [B] [U]’.
– M. [O] indique avoir confié des travaux en mars 2018 à l’entreprise de M. [A], ‘dont M. [B] [U]’ et ajoute: ‘Je n’ai aucun problème avec le travail des ouvriers, mais avec les erreurs de commandes (…). Je n’ai jamais entendu des propos pouvant nuire à l’entreprise’.
M. [B] produit encore des échanges de SMS entre juin 2018 et mai 2019 dont il ressort que l’intéressé s’inquiétait de la nécessité de devoir poser des fenêtres de type Vélux, ce à quoi M. [A] lui répondait le 26 mars 2019: ‘(…) T’inquiète, j’ai arrêté d’en vendre ; mais il reste 3 chantiers [H] [M] et 2 chantiers à [Localité 4]. Après plus de vélux. C’est des devis signé de l’été 2018 ou on a posé les fenêtres [Adresse 6] à [Localité 4]. Mais t’inquiète, j’en vend plus du tout. J’ai encore refusé ce matin’.
Déjà au mois de juin 2018, il était répondu au salarié qui s’inquiétait de la pose de Vélux: ‘T’inquiète, c’est les derniers Momo, c’est dans anciens clients on a fait toutes les fenêtres chez eux’, ce à quoi le salarié répondait: ‘L’idéal aurait été d’avoir un échafaudage. Là, on a fait celui du bas. Le haut cet aprem. Mais c’est chaud’.
Ces échanges de SMS révèlent aussi un débat sur les tenues de travail (13 mars 2019: ‘Va falloir qu’on s’arrête pour des pantalons et des godasses chez Gedimat. Là, on fait pas très sérieux’) et un questionnement récurrent du salarié concernant le paiement de ses congés payés, auquel l’employeur lui répondait le 15 mars 2019: ‘T’inquiète Momo, j’y pense tous les jours (…).
Une photographie montre une camionnette de l’entreprise garée au pied d’une maison individuelle et un ouvrier travaillant sur une échelle, le long du pignon, sans aucune protection individuelle.
Aucune des attestations ni aucune autre des pièces dont se prévaut l’employeur ne permet de vérifier l’affirmation contenue dans la lettre de licenciement d’un refus exprimé devant un collègue et un client d’effectuer ‘des travaux pour la réalisation d’un abri’ à la date précise du jeudi 18 avril 2019.
S’agissant des faits datés du 30 avril 2019, l’employeur affirmant que M. [B] aurait alors ‘annoncé -son- refus d’exécuter définitivement des travaux de pose de fenêtre de toit devant -ses- collègues’, les attestations de M. [I] et de M. [C] évoquent l’expression de ce refus.
Toutefois, l’expression du refus de poser des fenêtres de type Vélux, par conséquent destinées à équiper des toitures et nécessitant donc des travaux en hauteur, ne peut être décorellée des réserves émises par le salarié depuis plusieurs mois, dont il est justifié par les productions d’échanges de SMS, sur la pose de ce type d’ouvertures sans disposer des équipements de sécurité adéquats et notamment sans échafaudage.
Il doit encore être observé que M. [A] ne justifie d’aucun Document unique de prévention des risques professionnels censé évoquer le risque de travaux en hauteur et les mesures de prévention y afférentes, pas plus qu’il n’est justifié de mise à disposition du personnel d’équipements collectifs et individuels de sécurité adaptés à ce tels travaux.
Bien au contraire, lorsque M. [B] évoquait dans ses SMS sa volonté de ne plus poser de Vélux et sa crainte de travailler sans échafaudage, il lui était répondu par M. [A] sur un ton se voulant rassurant, ‘T’inquiète, j’ai arrêté d’en vendre (…)’ ou encore ‘T’inquiète, c’est les derniers Momo (…)’.
Dans ces conditions et dès lors que la sécurité du salarié était mise en danger par une absence de mesures de prévention et de protection, il ne peut être utilement argué d’une faute grave pour avoir refusé de poser un Vélux le 30 avril 2019.
L’employeur affirme ensuite: ‘(…) au fil des jours, j’ai appris que vous teniez ce discours devant d’autres clients, en stipulant aux clients que l’entreprise Menuiserie d’Avenir ne faisait plus de pose de fenêtre de toit (…)’.
Or, dans un SMS daté du 26 mars 2019, M. [A] répondant à l’inquiétude de M. [B] sur une nouvelle pose de fenêtre de type Vélux, lui répondait: ‘(…) T’inquiète, j’ai arrêté d’en vendre ; mais il reste 3 chantiers [H] [M] et 2 chantiers à [Localité 4]. Après plus de vélux. C’est des devis signés de l’été 2018 ou on a posé les fenêtres [Adresse 6] à [Localité 4]. Mais t’inquiète, j’en vend plus du tout. J’ai encore refusé ce matin’.
Dans ces conditions, il ne peut être utilement reproché au salarié d’avoir pu indiquer à des clients postérieurement à cette décision annoncée par l’employeur, que l’entreprise n’effectuait plus la pose de ce type d’ouverture, étant toutefois observé que l’identité des clients qui se seraient vu opposer un refus de ce type de travaux par M. [B] n’est pas spécifiée et ne résulte pas plus des attestations versées aux débats.
S’agissant de la tenue par le salarié de ‘discours diffamatoires sur la pérennité de l’entreprise auprès de vos collègues et entendu par des clients’, l’attestation de Mme [T] est imprécise sur la date des faits qu’elle aurait constatés et sur la teneur des insultes qui auraient été proférées à propos de l’employeur, auprès d’un collègue ‘à l’arrière du camion’, tandis que l’attestation de M. [W] n’est pas relative à de tels faits mais à un emportement qu’il aurait constaté de la part de M. [B] vis à vis de son employeur, fait non visé dans la lettre de licenciement.
Aux attestations de MM. [W], [C], [L] [A], [R] et [S], elles sont particulièrement imprécises sur la teneur des critiques qui auraient été exprimées par M. [B], au-delà du droit d’expression de ce dernier et sur la date des faits, de telle sorte que la réalité de ‘discours diffamatoires sur la pérennité de l’entreprise’ n’est pas établie.
Le fait allégué est en outre formellement contredit par les témoignages dont se prévaut M. [B] (attestations [J] et [D]), le premier de ces deux témoins travaillant depuis plus de 7 ans aux côtés du salarié au sein de l’entreprise [A].
Enfin, aucun élément objectif ne vient corroborer l’affirmation contenue dans la lettre de licenciement, selon laquelle M. [B], par un comportement fautif, aurait ‘ fait perdre des chantiers et donc des devis, voir même des annulations de commande avec remboursement des acomptes versés’.
Au résultat de tous ces éléments, il convient par voie d’infirmation du jugement entrepris, de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dès lors, il est justifié de condamner M. [A] à payer à M. [B], sur le fondement des dispositions combinées des articles L1234-9 et R1234-2, une indemnité légale de licenciement d’un montant de 3.564,52 euros, selon le calcul non utilement contesté présenté en page 25 des conclusions de l’appelant.
En application de l’article 10.1 de la convention collective nationale du bâtiment, le salarié est en outre fondé à obtenir la paiement d’une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire.
Statuant dans les limites de la demande, il sera alloué de ce chef à M. [B] la somme de 3.564,52 euros brut outre celles de 356,45 euros brut au titre des congés payés y afférents.
En l’absence de faute grave, le salarié ne peut être privé du salaire qui a été retenu au titre de la période de mise à pied conservatoire du 7 mai au 6 juin 2019 et il convient dès lors de condamner M. [A] à lui payer la somme de 1.918,72 euros brut à titre de rappel de salaire, outre 191,87 euros brut au titre des congés payés afférents.
Ainsi que le rappelle M. [A], le barème prévu par l’article L1235-3 du code du travail plafonne à huit mois de salaire brut le quantum des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse auxquels peut prétendre le salarié qui comptait sept ans d’ancienneté, avec un minimum de 3 mois.
Compte-tenu des circonstances de la rupture, de l’âge du salarié (51 ans), du salaire brut de référence (1.918,72 euros) et des difficultés éprouvées dans la recherche d’un nouvel emploi, il est justifié de condamner M. [A] à payer à M. [B] la somme de 11.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Conformément aux dispositions de l’article L1235-4 du code du travail, M. [A] sera en outre condamné à rembourser à l’organisme gestionnaire de l’assurance chômage, les allocations de perte d’emploi servies à M. [B], dans la proportion de trois mois.
2- Sur la demande de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement:
Le conseil de prud’hommes n’a pas statué sur ce chef de demande dont il était saisi.
M. [B] n’allègue précisément aucun manquement à la procédure de licenciement et en tout état de cause, dès lors que le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, il ne peut prétendre cumuler des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement.
M. [B] ne peut qu’être débouté de ce chef de demande.
3- Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire:
Il n’est pas justifié de ce que des circonstances vexatoires aient entouré la notification du licenciement de M. [B], ce que ne révèle ni le compte-rendu établi par le conseiller du salarié lors de l’entretien préalable, ni aucun autre élément.
M. [B] doit donc être débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, par voie de confirmation du jugement entrepris sur ce point.
4- Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité:
L’employeur est tenu d’une obligation légale de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs en vertu des dispositions de l’article L 4121-1 du code du travail.
Il lui appartient de veiller à l’effectivité de cette obligation en assurant la prévention des risques professionnels et il lui incombe de démontrer qu’il a effectivement pris les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité du salarié.
En vertu de l’article L4121-2 du même code, l’employeur doit notamment éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités, combattre les risques à la source, remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux, planifier la prévention, prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ou encore donner les instructions appropriées aux salariés.
Il résulte des dispositions de l’article L4121-3-1 du même code que les résultats de l’évaluation des risques professionnels sont formalisés par l’employeur dans un document unique d’évaluation des risques professionnels.
La responsabilité de l’employeur peut être engagée lorsqu’il manque à son obligation légale de sécurité.
En l’espèce, il est établi que M. [B] a été amené à évoquer avec son employeur la question de la sécurité des chantiers, s’agissant particulièrement des travaux de pose de fenêtres en hauteur de type Vélux, nécessitant la mise en oeuvre de dispositifs adaptés tels qu’un échafaudage.
S’il résulte des échanges de SMS versés aux débats que l’employeur était conscient de la difficulté et qu’il s’était engagé dans le courant de l’année 2019 à ne plus assurer la vente et la pose de Vélux, aucun élément n’est produit quant à la mise en place dans l’entreprise de mesures effectives de protection individuelles et collectives pour que de tels travaux puissent être effectués dans les conditions de sécurité requises.
A cet égard, l’attestation de M. [I] indiquant, sans précision qu’il n’a ‘jamais manqué d’équipement de sécurité’, celle de M. [R] énoncée en termes similaires ou encore celle de M. [S] affirmant de façon contestable ainsi que cela résulte de la notice technique Vélux que ces travaux sont à réaliser ‘par l’intérieur’, ne permettent de justifier ni le fait que des travaux de pose de fenêtre en hauteur aient dû être effectués à l’aide d’une simple échelle, donc sans garde corps, ni qu’il ne soit produit le Document unique d’évaluation et de prévention des risques professionnels (DUERP) que M. [A] était tenu d’élaborer en application des textes susvisés.
Le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité est établi.
Il en est résulté un préjudice pour M. [B], confronté à des directives de son employeur d’exécuter des travaux sans disposer des équipements de sécurité requis.
En réparation de ce chef de préjudice, il sera alloué à M. [B], par voie d’infirmation du jugement entrepris, la somme de 1.500 euros à titre de dommages-intérêts.
5- Sur la demande de dommages-intérêts pour retard au paiement des cotisations CIBTP:
M. [A] ne conteste pas avoir tardé à effectuer les démarches nécessaires auprès de la caisse de congés intempéries du bâtiment (CIBTP), ayant été confronté à des difficultés financières, dont la régularisation a été retardée par les effets de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid 19.
Différents échanges de SMS mais également de correspondances postérieures à la rupture, mettent en évidence le défaut de paiement, en temps et en heure, des indemnités de congés payés qui étaient dues au salarié, par suite du défaut de paiement par l’employeur des cotisations dues à la CIBTP pour les années 2018 et 2019.
Il est néanmoins constant que la situation a été régularisée le 14 juillet 2020.
M. [I] indique dans son témoignage que l’employeur a versé ‘un acompte par chèques pour compenser les congés qui auraient dû nous être versés par la caisse’, sans précision de date, tandis que les échanges de SMS produits par le salarié permettent de constater qu’en réponse à l’inquiétude manifestée par M. [B] sur le non paiement des congés payés, l’employeur lui répondait le 4 janvier 2019: ‘(…) J’ai mis le salaire dans la boîte aux lettres dans le couloir (…) Les congés payés devraient être payés sur janvier (…)’.
S’il apparaît que deux chèques datés du 3 septembre 2018 ont été remis à M. [B] pour un montant total de 1.778,58 euros, il n’en demeure pas moins que l’intéressé a subi un retard dans la prise en charge d’un paiement de ses congés payés de l’année 2018 par la CIBTP, retard imputable à l’employeur qui n’était pas à jour de ses cotisations.
Il en est résulté un préjudice qui sera justement indemnisé, eu égard aux circonstances de l’espèce, par la condamnation de M. [A] à payer à M. [B] la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Le jugement entrepris qui a débouté M. [B] de sa demande sera infirmé de ce chef.
6- Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé:
En vertu des dispositions de l’article L 8221-5 du Code du travail, le fait se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la déclaration préalable à l’embauche ou de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, est réputé travail dissimulé.
En application de l’article L 8223-1 du même code, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en commettant les faits visés à l’article L 8221-5, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
En l’espèce, il ne résulte d’aucun élément objectif que M. [A], quand bien même il est établi qu’il n’a pas acquitté en temps et en heure ses cotisations à la CIBTP, ce qui a donné lieu au versement d’un acompte non précisément mentionné sur un bulletin de salaire, ait mentionné sur les bulletins de paie de M. [B] un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Plus généralement, il n’est établi aucune intention de l’employeur de dissimuler une partie du temps de travail du salarié.
M. [B] doit donc être débouté de sa demande en paiement d’une indemnité forfaitaire de six mois de salaire pour travail dissimulé, par voie de confirmation du jugement entrepris.
7- Sur la demande reconventionnelle en restitution d’acompte:
L’article L 3251-3 du code du travail sur lequel M. [A] fonde sa demande reconventionnelle dispose: ‘En dehors des cas prévus au 3° de l’article L. 3251-2, l’employeur ne peut opérer de retenue de salaire pour les avances en espèces qu’il a faites, que s’il s’agit de retenues successives ne dépassant pas le dixième du montant des salaires exigibles.
La retenue opérée à ce titre ne se confond pas avec la partie saisissable ou cessible.
Les acomptes sur un travail en cours ne sont pas considérés comme des avances’.
Il est constant que doivent être distinguées, d’une part l’avance qui constitue un prêt au salarié, d’autre part l’acompte qui constitue le paiement anticipé d’un travail réalisé.
L’avance sur salaire n’a pas de caractère obligatoire et relève du pouvoir d’appréciation discrétionnaire du chef d’entreprise.
En outre, si un acompte n’est pas déduit de la paye du mois au cours duquel il a été versé, il a le caractère d’une avance sur salaire.
En l’espèce, l’employeur qui est comptable des versements qu’il effectue au salarié en rémunération de leur travail, a effectué une remise de chèques pour un montant total de 1.778,58 euros le 3 septembre 2018.
Alors qu’il n’est justifié ni d’un contrat de prêt, ni d’une reconnaissance de dette, il n’est pas justifié du fondement juridique de la demande de restitution d’une somme qui n’entre pas dans le cadre défini par les dispositions de l’article L 3251-3 susvisé du code du travail.
En outre, le bulletin de paie du mois d’août 2018 porte en déduction au titre des congés payés pris une somme de 1.578,19 euros.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [A] de sa demande reconventionnelle.
8- Sur les intérêts au taux légal:
Conformément aux dispositions des articles 1231-7 et 1344-1 du code civil, les intérêts au taux légal sur les condamnations prononcées seront dus à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du Conseil de prud’hommes pour les sommes à caractère de salaire et à compter du présent arrêt pour le surplus.
9- Sur les frais irrépétibles et les dépens:
En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, M. [A], partie perdante, sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.
Il sera en conséquence débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du même code.
L’équité commande en revanche de condamner M. [A] à payer à M. [B] la somme de 2.500 euros à titre d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris mais uniquement en ce qu’il a débouté M. [B] de ses demandes à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire et travail dissimulé et en ce qu’il a débouté M. [A] de sa demande reconventionnelle en restitution d’acompte ;
Infirme pour le surplus le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Dit que le licenciement notifié à M. [B] par M. [A] par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 6 juin 2019 est sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne M. [A] à payer à M. [B] les sommes suivantes:
– 3.564,52 euros à titre d’indemnité de licenciement
– 3.564,52 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis
– 356,45 euros brut à titre de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis
– 1.918,72 euros brut à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire
– 191,87 euros brut au titre des congés payés afférents
– 11.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 1.500 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation légale de sécurité
– 1.000 euros à titre de dommages-intérêts pour retard abusif au paiement des cotisations de congés-payés ;
Condamne M. [A] à rembourser à l’organisme gestionnaire de l’assurance chômage les allocations de perte d’emploi servies à M. [B] dans la proportion de trois mois ;
Y additant,
Déboute M. [B] de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement ;
Dit que les intérêts au taux légal sur les condamnations prononcées seront dus à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du Conseil de prud’hommes pour les sommes à caractère de salaire et à compter du présent arrêt pour le surplus ;
Condamne M. [A] à payer à M. [B] la somme de 2.500 euros à titre d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. [A] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [A] aux dépens de première instance et d’appel.
La greffière Le président