Your cart is currently empty!
L’article 29, alinéa ler, de la loi sur la liberté de la presse définit la diffamation comme « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé» ledit fait devant être suffisamment précis pour pouvoir faire, sans difficulté, l’objet du débat sur la preuve de sa vérité organisé par les articles 35, 55 et 56 de la loi.
Le délit est caractérisé même si l’imputation est formulée sous une forme déguisée, dubitative ou par voie d’insinuations. Il se distingue ainsi de l’expression d’appréciations subjectives et de l’injure qui est définie comme « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ».
Ni l’inexactitude des propos ni leur caractère désobligeant ne suffisent à caractériser la diffamation, l’appréciation de l’atteinte portée à l’honneur ou à la considération de la personne visée doit s’apprécier indépendamment du mobile de son auteur comme de la sensibilité de la personne visée ou sa conception subjective de l’honneur et de la considération, mais au regard de considérations objectives d’où s’évincerait une réprobation générale, que le fait soit prohibé par la loi ou considéré comme d’évidence contraire à la morale commune.
Dans cette affaire, il était reproché au Point d’avoir publié des articles suggérant la responsabilité pénale de propriétaires d’une clinique, notamment par la mise en exergue des informations judiciaires ouvertes après des accidents médicaux à la clinique. Il leur était imputé d’être responsables de ces accidents par le choix, délibéré et persistant, d’un modèle économique qui ne leur permettait pas d’offrir à leurs patients des soins dispensés par des médecins compétents. Il s’agit là d’un fait précis, illustré dans l’article litigieux de plusieurs exemples concrets, susceptible de faire l’objet d’un débat sur la preuve de sa vérité, et qui porte incontestablement atteinte à l’honneur et à la considération des médecins exploitant ladite clinique.
Les personnes responsables de propos diffamatoires peuvent s’exonérer de toute responsabilité en démontrant les éléments constitutifs du fait justificatif de bonne foi, soit la légitimité du but poursuivi, l’absence d’animosité personnelle, la suffisante prudence dans l’expression et le sérieux de l’enquête sur lequel se fondent les imputations ; ces critères s’apprécient différemment selon le genre de l’écrit en cause, la qualité de la personne visée – notamment si elle est engagée dans la vie publique – et de celle qui s’ exprime, une plus grande rigueur étant de mise s’agissant d’un professionnel de l’information, tel un journaliste, en raison notamment de sa qualité et du crédit qui s’y attache.
En l’espèce, il n’était pas démontré que les journalistes ont été mus par une quelconque animosité personnelle, la légitimité du but poursuivi par les journalistes qui ont enquêté sur le fonctionnement des cliniques appartenant à la société et les accidents médicaux qui s’y étaient produits est d’autant plus incontestable que les questions de santé publique, d’organisation des hôpitaux et de leur répartition sur le territoire national sont des sujets d’intérêt général qui doivent pouvoir être librement débattus.
Cependant, si la nature du sujet d’intérêt général abordé par l’article incriminé élargit les limites de la liberté d’expression, au regard des stipulations de l’article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, il doit être relevé que ce texte conventionnel, tel qu’interprété par la Cour de Strasbourg, fait également peser sur les journalistes, même dans une telle hypothèse, des devoirs et des obligations, correspondant dans notre droit interne à la prudence dans l’expression et au sérieux de l’enquête.
Or, les journalistes ont incontestablement réalisé une enquête approfondie en interrogeant les divers acteurs de la politique de santé, maires, ancien maires, députés, responsables d’agences régionales de santé (ARS), le président de la commission médicale d’établissement de la clinique d’Orthez, ainsi que des victimes des accidents médicaux, de sorte qu’il ne peut leur être reproché de ne s’être fondés que sur des coupures de presse.
Malgré la rudesse de certains commentaires et appréciations à l’égard des demandeurs personnes physiques, les circonstances de l’affaire permettent de considérer, au regard de l’importance du débat d’intérêt général sur lequel portait l’article incriminé, que les journalistes peuvent bénéficier de l’excuse de bonne foi.