Deux sanctions notifiées simultanément annulées

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Deux sanctions notifiées simultanément annulées

Engagement de M. [X] et Contexte de l’Affaire

M. [X] a été engagé par la société AK Murat en tant que responsable de rayon/vendeur niveau V à partir du 17 novembre 2014, avec un salaire mensuel brut de 2 234,45 euros. La relation de travail était régie par la convention collective nationale du commerce de détails de fruits et légumes, épicerie et produits laitiers. La société employait moins de 11 salariés.

Procédure de Licenciement

Le 3 avril 2019, M. [X] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable au licenciement, qui a été notifié le 9 mai 2019 pour faute grave. Les motifs invoqués incluaient des manquements aux règles de sécurité et d’hygiène, une gestion négligente des caisses, une tenue inappropriée, des pauses excessives et un comportement agressif.

Actions en Justice

Le 21 octobre 2019, M. [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris, contestant son licenciement et demandant des réparations. Le jugement du 3 février 2022 a annulé certaines sanctions disciplinaires, reconnu la qualification de M. [X] et ordonné le paiement de diverses sommes à son bénéfice.

Appel de la Société AK Murat

La société AK Murat a interjeté appel du jugement, demandant l’infirmation de la décision et la confirmation de la légitimité du licenciement pour faute grave. Elle a également demandé le remboursement des sommes versées à M. [X] et la condamnation de ce dernier aux dépens.

Arguments de M. [X]

M. [X] a contesté les prétentions de la société, affirmant que les sanctions antérieures étaient prescrites et que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse. Il a également soutenu que les preuves fournies par l’employeur étaient insuffisantes pour justifier les griefs.

Motifs de la Décision

La cour a confirmé que M. [X] avait la qualification de responsable de rayon/vendeur niveau V et a annulé les sanctions disciplinaires. Elle a également jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, en raison de l’absence de preuves suffisantes pour justifier les griefs invoqués par l’employeur.

Conséquences Financières

La cour a ordonné le paiement de plusieurs sommes à M. [X], y compris des rappels de salaire et des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle a également fixé la moyenne des salaires à 2 296,22 euros bruts pour le calcul des indemnités.

Décisions Finales

La cour a confirmé le jugement initial, écarté certaines pièces des débats, et a condamné la société AK Murat à verser des frais irrépétibles à M. [X]. Les dépens d’appel ont été mis à la charge de la société, qui a été déboutée de ses demandes.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

6 novembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG
22/03163
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRET DU 06 NOVEMBRE 2024

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/03163 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFKYN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Février 2022 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/09418

APPELANTE

SARL AK MURAT

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphane FERTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

INTIME

Monsieur [S] [X]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Vincent RIBAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 1er octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence MARGUERITE, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Florence MARGUERITE, présidente de chambre

Monsieur Fabrice MORILLO, conseiller

Madame Nelly CHRETIENNOT, conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Florence MARGUERITE, présidente de chambre et par Madame Marika WOHLSCHIES, greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. [X] a été engagé par la société AK Murat par contrat à durée indéterminée à compter du 17 novembre 2014, en qualité de responsable de rayon / vendeur niveau V, agent de maîtrise.

En dernier lieu, il exerçait les fonctions de vendeur hautement qualifié, agent de maîtrise, AM1.

Il percevait un salaire mensuel brut de 2 234,45 euros.

La relation de travail était soumise à la convention collective nationale du commerce de détails de fruits et légumes, épicerie et produits laitiers.

La société AK Murat compte moins de 11 salariés.

Par lettre du 3 avril 2019, M. [X] était mis à pied à titre conservatoire et convoqué pour le 16 avril suivant à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié le 9 mai 2019 pour faute grave, caractérisée par la persistance de manquements dans les règles de sécurité et d’hygiène, l’absence de rigueur dans la gestion des caisses, une tenue négligée, de nombreuses pauses en dehors du temps de pause légal et un comportement grossier et agressif envers les clients et le personnel, ayant fait l’objet d’une alerte par la médecine du travail.

Le 21 octobre 2019, M. [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris et formé des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’à l’exécution de son contrat de travail.

Par jugement du 3 février 2022, rendu sous la présidence du juge départiteur, le conseil de prud’hommes de Paris a :

-annulé les sanctions disciplinaires du 22 novembre 2018;

-dit que le salarié avait la qualification de responsable de rayon/vendeur niveau V;

-ordonné à la société AK Murat de remettre les documents sociaux mentionnant cette

qualification et notamment des bulletins de paye rectifiés pour la période de décembre 2017 à mai 2019;

-condamné la société AK Murat à payer à M. [X] les sommes de :

-301,20 euros à titre de rappel de salaire durant la mise à pied disciplinaire,

-30,12 euros à titre de congés payés afférents,

-2.752,62 euros à titre de rappel de salaire durant la mise à pied conservatoire, -275,26 euros au titre des congés payés afférents,

-4.592,44 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

-459,24 euros au titre des congés payés afférents,

-2.666 euros à titre d’indemnité de licenciement,

-10.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, -ordonné l’exécution provisoire de la décision;

-dit que les intérêts dus pour une année entière produiront intérêt;

-condamné la société AK Murat au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

-débouté M. [X] du surplus de ses demandes;

-débouté la société AK Murat de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux dépens.

Par déclaration adressée au greffe le 18 février 2022, la société AK Murat a interjeté appel du jugement en visant expressément les dispositions critiquées.

M. [X] a constitué avocat le 14 mars 2022.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 11 septembre 2024.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 8 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société AK Murat demande à la cour de :

-infirmer en tous points le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris;

Statuant à nouveau,

-juger le licenciement de M. [X] fondé sur une faute grave;

-en tout état de cause, juger le licenciement de M. [X] fondé;

-débouter en conséquence M. [X] de l’ensemble de ses demandes;

-condamner M. [X] à 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

-condamner M. [X] à rembourser la somme de 19.786,45 euros versée au titre de l’exécution provisoire;

-condamner M. [X] aux entiers dépens.

Et à titre subsidiaire :

-infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a jugé le licenciement dépourvu de toute cause réelle et sérieuse et a condamné la société AK Murat à verser à M. [X] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

-juger le licenciement de M. [X] fondé sur une cause réelle et sérieuse;

-débouter M. [X] de toutes ses demandes, fins et conclusions:

-condamner M. [X] à 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

-condamner M. [X] à rembourser la somme de 10.000 euros versée au titre de l’exécution provisoire;

-condamner M. [X] aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, l’appelante fait valoir que :

– le salarié a fait l’objet de plusieurs sanctions disciplinaires avant le licenciement,

– le licenciement est fondé, l’employeur établissant la mise en rayon de produits périmés, l’absence d’application de la procédure de traitement des pertes, l’absence de suivi de températures des meubles froids, la transformation de produits frais en produits congelés, la mauvaise tenue du salarié, les écarts de caisse, son comportement irrespectueux, notamment par la production d’un constat d’huissier des avis google émis sur la société et par des attestations;

– sur l’indemnisation de la perte d’emploi, M. [X] ne justifie pas de son préjudice ni de sa situation actuelle;

– l’avertissement et la mise à pied du 22 novembre 2018 sont des mesures concomitantes, ce qui ne contrevient pas au principe non bis in idem;

– les pièces 6 à 8 relatives aux sanctions disciplinaires antérieures à trois ans n’ont pas à être écartées des débats, l’employeur pouvant s’en prévaloir dans le cadre d’un dossier contentieux;

-M. [X] a signé un avenant à son contrat de travail le 1er décembre 2017 dans lequel il donne son accord pour être soumis à une nouvelle fiche de poste de vendeur hautement qualifié.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 15 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [X] demande à la cour de:

-dire et juger irrecevable ou à tout le moins mal fondée la société AK Murat en son appel;

-dire et juger M. [X] recevable et bien fondé en son appel incident;

-confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

-annulé les sanctions disciplinaires du 22 novembre 2018;

-dit que le salarié avait la qualification de responsable de rayon/vendeur niveau V;

-ordonné à la société AK Murat de remettre les documents sociaux mentionnant cette qualification et notamment des bulletins de paye rectifiés pour la période de décembre 2017 à mai 2019;

-dit que le licenciement de M. [X] était sans cause réelle et sérieuse;

-condamné la société AK Murat à payer à M. [X] les sommes de :

-301,20 euros à titre de rappel de salaire durant la mise à pied conservatoire,

-30,12 euros au titre des congés payés afférents,

-2.752,62 euros à titre de rappel de salaire durant la mise à pied conservatoire,

-275,26 euros au titre des congés payés afférents,

-4.592,44 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

-459,24 euros au titre des congés payés afférents,

-2.666 euros à titre d’indemnité de licenciement

-et 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

-dit que les intérêts dus pour une année entière produiront intérêt;

-débouté la société AK Murat de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

-et l’a condamnée aux dépens.

– infirmer le jugement entrepris pour le surplus et statuant de nouveau,

– écarter des débats les pièces adverses numérotées 6 à 8,

– supprimer en conséquence les deux paragraphes du point 2.2.1 et le paragraphe 2 du point 2.2.2., page 3, des « conclusions d’appelant n° 1 » de la société AK Murat;

-condamner la société AK Murat à payer à M. [X] les sommes de :

– 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour sanction nulle,

-11.480 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, -5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice subi du fait des conséquences de la rupture;

-ordonner la remise de bulletins de paye conformes, d’une attestation Pôle Emploi et d’un certificat de travail rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour et par document 8 jours après la notification de la décision à intervenir;

-se réserver le droit de liquider l’astreinte;

-fixer la moyenne des salaires à 2.296 22 euros (trois derniers mois);

-condamner la société AK Murat à payer à M. [X] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

-la condamner aux dépens d’appel.

L’intimé réplique que :

– il n’a pas accepté une modification de son contrat de travail, l’avenant n°1 ne mentionne que le fait qu’une nouvelle fiche de poste lui a été remise; l’employeur qui propose une modification du contrat de travail doit le notifier par écrit au salarié ce qui n’a nullement été le cas en l’espèce; M. [X] a toujours eu la qualification de chef de rayon (niveau V) et non d’un vendeur hautement qualifié (niveau IV), il bénéficiait d’une délégation de pouvoir en tant que responsable de rayon;

-la société AK Murat verse aux débats des sanctions ou prétendues sanctions couvertes par la prescription en méconnaissance de l’article L. 1232-5 du code du travail; le jugement doit être réformé en ce qu’il ne s’est pas prononcé sur la demande de retirer ces éléments des débats;

-la sanction du 22 novembre 2018 est nulle en ce que l’employeur a infligé une double sanction au salarié, à savoir un avertissement ainsi qu’une mise à pied de trois jours et l’employeur ne produit pas le règlement intérieur;

-l’importance du délai de 23 jours entre l’entretien préalable et le licenciement ne pouvait permettre de retenir le caractère de faute grave aux griefs allégués à l’encontre de celui-ci;

-rien ne justifie ce délai de 23 jours après l’entretien préalable pour notifier le licenciement alors même que la mise à pied conservatoire existe toujours, ce qui induit que la mise à pied était disciplinaire, ce qui ne permettait plus de prononcer un licenciement;

-les faits reprochés ne sont pas établis en ce qu’il était impossible pour M. [X] de contrôler le travail de ses collaborateurs durant près de 12 heures par semaine, d’autant plus que de nombreuses tâches l’accaparaient durant ses heures de travail; les plannings de livraison imposés par la société AK Murat n’étaient pas adaptés au magasin; les problèmes se posaient sur la caisse de l’intérimaire, il n’a pas eu de problèmes avec les salariés qui sont restés;

-pour justifier de mauvais avis sur le magasin, la société AK Murat se fonde sur des avis non datés, qui peuvent avoir été rédigés par des proches de l’employeur ainsi que des attestations imprécises et un classeur de procédures dénué de toute valeur;

– il a été au chômage et avait 55 ans au moment du licenciement ce qui justifie une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 10 000 euros;

– le licenciement à la suite d’une mise à pied à titre conservatoire anormalement longue et une lettre de licenciement inadmissible justifie la condamnation de l’employeur à la somme 5 000 euros à titre de dommages-intérêts;

– les documents sociaux remis ne comportent pas la bonne qualification.

MOTIFS

Sur la qualification du salarié

Le contrat de travail définit les fonctions comme Responsable de rayon/vendeur niveau V.

Par avenant du 1er décembre 2017, une nouvelle fiche de poste de Vendeur hautement qualifié a été remise au salarié.

L’avenant et la nouvelle fiche de poste ont été signés par le salarié.

Il n’est pas soutenu que les fonctions du salarié auraient changé dans les faits à la suite de cette modification.

Sur les bulletins de salaire du salarié, la qualification d’agent de maîtrise et la classification niveau V sont restées les mêmes après le changement d’intitulé du poste.

Dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le salarié avait la qualification de responsable de rayon/vendeur niveau V .

Le salarié soutient que le jugement a omis de faire droit à la remise de documents sociaux rectifiés sur la qualification du salarié.

Mais le dispositif du jugement comporte bien un tel chef, qui sera donc confirmé.

Sur l’annulation des sanctions disciplinaires

Selon l’article L.1331-1 du code de travail, « Constitue une sanction toute mesure, autre

que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié, considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ».

Selon l’article L. 1321-1 du code du travail, le règlement intérieur fixe les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur.

Jusqu’au 1er janvier 2020, l’article L. 1311-2 prévoyait que l’établissement d’un règlement intérieur était obligatoire dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins vingt salariés.

Pour les entreprises ne relevant pas de l’obligation d’un règlement intérieur, la loi ne prévoit pas d’échelle des sanctions.

Il résulte de l’article L. 1331-1 et du principe non bis in idem qu’un même fait fautif ne peut donner lieu à double sanction.

En l’espèce, par courrier du 22 novembre 2018, l’employeur a notifié un avertissement et une mise à pied disciplinaire de trois jours au salarié pour des faits de manque de rigueur dans la réception de marchandises fraîches et dans l’enlèvement des produits périmés.

Il en résulte que les deux sanctions notifiées simultanément par lettre du 22 novembre 2018 doivent être annulées.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu’il a annulé ces sanctions et condamné l’employeur à payer au salarié la somme de 301, 20 euros de rappel de salaire au titre de la mise à pied et 30,12 euros de congés payés afférents.

Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a débouté M. [X] de sa demande de dommages-intérêts pour sanction nulle dès lors que M. [X] ne fait pas plus état devant la cour d’appel d’éléments justifiant d’un préjudice non réparé par le remboursement des salaires retenus sur la période de mise à pied.

Sur la demande relatives aux pièces de l’employeur

Aux termes de l’article L.1332-5 du code du travail  » Aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l’engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l’appui d’une nouvelle sanction. ».

Dès lors, si des manquements antérieurs sanctionnés en leur temps peuvent être retenus pour caractériser une faute grave à la suite d’un nouveau manquement professionnel, c’est à la condition que ces faits ne soient pas antérieurs de plus de 3 ans à l’engagement de nouvelles poursuites disciplinaires.

En l’espèce, les poursuites disciplinaires ont été engagées le 3 avril 2019. Il en résulte que les sanctions prononcées avant le 3 avril 2016 ne peuvent être retenues pour caractériser une faute grave contre le salarié.

La pièce 6 relative à un avertissement du 8 juin 2015 et la pièce 7 relative à un rappel à l’ordre du 6 janvier 2016 seront donc écartées des débats ainsi que les points correspondants des conclusions de l’appelante.

En revanche, la pièce 10 relative à un courrier de rappel à l’ordre du 1er août 2016 ne fait pas état d’une sanction prescrite à la date de l’engagement des poursuites.

Il n’y a donc pas lieu de l’écarter des débats la pièce 10.

Sur le bien-fondé du licenciement

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits personnellement imputables au salarié, qui doivent être d’une importance telle qu’ils rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe exclusivement à l’employeur et il appartient au juge du contrat de travail d’apprécier, au vu des éléments de preuve figurant au dossier, si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail, et d’une gravité suffisante pour justifier l’éviction immédiate du salarié de l’entreprise, le doute devant bénéficier au salarié.

Le salarié a été licencié pour une faute grave motivée, aux termes de la lettre de licenciement, par sa persistance à ne pas appliquer les règles de procédure et d’hygiène, un non-respect de ses obligations contractuelles, des écarts de caisse répétitifs et réguliers et son comportement agressif, incontrôlable et grossier.

Sur le respect des règles de procédure et d’hygiène, la lettre de licenciement reproche spécifiquement la présence dans les rayons de produits périmés, l’absence d’application de procédure du traitement des pertes, l’absence de relevé des températures des meubles froids et la mise en congélation des produits frais.

Sur le premier point, il est indiqué que l’employeur a retiré 54 produits périmés des rayons le 3 avril 2019. Aucun élément de preuve n’est fourni sur ce constat.

Il en est de même pour l’absence d’application de procédure du traitement des pertes; sur ce point, dans sa lettre de contestation, le salarié fait état de difficultés quant à l’absence de poubelles adaptées.

Aucun élément de constat n’est fourni sur l’absence de relevé des températures des meubles froids et la mise en congélation des produits frais. Ce dernier point n’est pas nié par le salarié qui admet le faire occasionnellement à la demande de clients.

L’employeur indique que le cumul des pertes des 9 semaines préalables s’élève à 14 519,59 euros.

Le salarié le justifie par la politique de commandes qui lui est imposée et qu’il a contestée.

L’employeur produit un constat d’huissier d’avis Google émis sur le magasin relevant des avis défavorables et l’existence de produits périmés.

Ces seuls avis ne peuvent suffire à établir la réalité du grief retenu contre M. [X].

Sur le non-respect des obligations contractuelles, il est reproché à M. [X] de ne pas porter le gilet de l’entreprise, d’avoir une tenue négligée et de fumer et aller au café en-dehors des temps de pause.

L’employeur produit là encore des avis google constatés par huissier.

Il produit également des attestations qui font état d’absence de M. [X] pour déjeuner de deux heures avec consommation d’alcool.

Mais ces attestations sont trop imprécises pour établir des griefs précis contre le salarié.

Sur les écarts de caisse et le retard de dépôt de chèques, l’employeur produit des éléments datant de 2018, soit antérieurs à la dernière sanction disciplinaire prononcée mais n’établit aucun fait postérieur.

Sur le comportement inadapté de M. [X], l’employeur produit des attestations de salariés faisant état de cris et de propos inacceptables.

Cependant, ces attestations sont trop imprécises sur les faits exacts reprochés à M. [X] pour justifier une sanction disciplinaire.

La lettre de licenciement évoque une alerte de la médecine du travail mais aucun élément n’est produit.

Il résulte de ces éléments que l’existence de faits postérieurs à la dernière sanction disciplinaire de nature à justifier les griefs formulés contre M. [X] n’est pas établie ou que les faits rapportés ne sont pas de nature à justifier un licenciement.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

S’agissant des conséquences du licenciement

Au regard des bulletins de salaire produits, il convient de fixer la moyenne des salaires des trois derniers mois à 2 296, 22 euros bruts.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à verser au salarié les sommes de 2.752,62 euros à titre de rappel de salaire durant la mise à pied conservatoire, 275,26 euros au titre des congés payés afférents, 4.592,44 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, 459,24 euros au titre des congés payés afférents et 2.666 euros à titre d’indemnité de licenciement.

Le salarié demande la condamnation de l’employeur à lui payer la somme de 11 480 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il indique qu’il a dû s’inscrire au chômage et qu’il avait 55 ans à la date du licenciement. Il expose être toujours au chômage.

En application de l’article L. 1235-3 du code du travail, l’employeur ayant moins de 11 salariés, l’ancienneté du salarié étant de 4 années complètes, le montant minimum est fixé à un mois de salaire.

Au regard de l’âge du salarié et de l’absence de reprise d’emploi, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il condamné l’employeur à payer la somme de 10 000 euros au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le salarié demande, en outre, la condamnation de la Sarl AK Murat à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des conditions de la rupture, notamment une mise à pied à titre conservatoire anormalement longue et aux termes d’une lettre de licenciement inadmissible.

Mais il ne fait état d’aucun préjudice spécifique à ce titre.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande à ce titre.

Sur les autres demandes

Le présent arrêt ne prononçant pas de nouvelle condamnation de nature indemnitaire ou salariale, il n’y a lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts, le jugement ayant prononcé cette capitalisation pour les condamnations qu’il a prononcées.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Les dépens d’appel sont à la charge de la société AK Murat, partie succombante.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge du salarié l’intégralité des sommes avancées par lui et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La demande formée par l’employeur à ce titre sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

ECARTE des débats les pièces 6 et 7 produites par la société AK Murat et les parties afférentes des conclusions du 8 septembre 2022,

DIT n’y avoir lieu à écarter des débats la pièce 10 produite par la société AK Murat,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société AK Murat à payer à M. [X] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre,

CONDAMNE la société AK Murat aux dépens d’appel.

Le greffier, La présidente,


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