Dettes des annonceurs : le référé limité à l’évidence  

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Dettes des annonceurs : le référé limité à l’évidence  

C’est à bon droit que le juge des référés a pu se déclarer incompétent à l’effet de statuer sur la demande en paiement formée par la société Eurosud Provence (SNC, régie publicitaire) eu égard aux contestations émises par la société Havas Media France (SA).

En effet, ces contestations, en ce qu’elles visaient à remettre en cause la qualité et l’intérêt pour agir de la société Eurosud Provence (SNC) au titre d’un contrat d’affacturage, ainsi que la qualité de la société Havas Media France (SA) au titre du mandat, revêtaient un caractère suffisamment sérieux pour écarter la compétence du juge des référés, juge de l’évidence.

De surcroît, la demande formulée par la société Eurosud Provence (SNC) tendait au paiement du solde de factures et non à un paiement à titre provisionnel, de sorte que cette demande visait à purger le litige et non à obtenir une avance à valoir sur sa créance, excluant de plus fort la compétence du juge des référés.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT DU 28 OCTOBRE 2021

N° RG 21/03514 –��N° Portalis DBVB-V-B7F-BHCNC

SNC EUROSUD PROVENCE

C/

Société HAVAS MEDIA FRANCE

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé du Président du Tribunal de Commerce de Marseille en date du 09 Février 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 2020R00321.

APPELANTE

SNC EUROSUD PROVENCE, dont le siège social est sis […] représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON- THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Frédéric AMSELLEM, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Société HAVAS MEDIA FRANCE, dont le siège social est sis […] représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Etienne DENARIE, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Rebecca VANDONI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 16 Septembre 2021 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Octobre 2021.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Octobre 2021,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Le 12 juin 2020, alors qu’elles étaient en relation d’affaires depuis plusieurs années, la société Havas Media France (SA) a commandé auprès de la société Eurosud Provence (SNC) divers encarts publicitaires pour ses clients à insérer dans des revues.

La société Havas Media France (SA) a ainsi signé un bon de commande d’un montant total de 18.890,40 euros.

Une autre commande a été effectuée pour une somme facturée à hauteur de 110.961,60 euros.

Reprochant à la société Havas Media France (SA) plusieurs impayés au titre de ces commandes la société Eurosud Provence (SNC) a assigné celle-ci le 13 novembre 2020 en paiement de la somme provisionnelle de 32.006,43 euros.

Par ordonnance en date du 9 février 2021 le juge des référés du tribunal de commerce de Marseille s’est déclaré territorialement compétent et a’:

— dit n’y avoir lieu à référé et renvoyé les parties à mieux se pourvoir devant les juges du fond,

— condamné la société Eurosud Provence (SNC) à payer à la société Havas Media France (SA) la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens,

— rejeté le surplus des demandes

Par déclaration en date du 9 mars 2021 la société Eurosud Provence (SNC) a interjeté appel de la décision.

Par conclusions enregistrées le 30 août 2021, et auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Eurosud Provence (SNC) fait valoir que’:

— au moment de la délivrance de l’assignation sa créance n’était pas sérieusement contestable et justifiait la compétence du juge des référés,

— depuis la délivrance de l’assignation la société Havas Media France (SA) a procédé au règlement des factures’; le fait que certaines factures aient été transmises à une société d’affacturage ne dispense pas la société Havas Media France (SA) de s’acquitter des sommes dues,

— les conditions générales de vente annexées au bon de commande prévoient la compétence du tribunal de commerce de Marseille et non de Nanterre et les parties travaillent ensemble depuis la création de la société Eurosud Provence (SNC),

— si elle a cédé une partie de ses factures à une société d’affacturage, en revanche, elle a conservé la faculté de procéder au recouvrement des sommes conformément au contrat’; elle a donc qualité pour agir,

— la société Havas Media France (SA), qui se prétend mandataire de ses clients, a toujours passé commande elle-même et réglé les factures, et doit dès lors prouver qu’elle n’aurait pas été payée par ses annonceurs,

— la demande de paiement effectuée par la société Havas Media France (SA) pour la première fois en appel est irrecevable

Ainsi, la société Eurosud Provence (SNC) demande à la cour de réformer l’ordonnance rendue le 9 février 2021 sur les griefs critiqués dans la déclaration d’appel et notamment en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé et renvoyé les parties à se pourvoir devant les juges du fond, condamné la société Eurosud Provence (SNC) à payer à la société Havas Media France (SA) la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens et rejeté tout surplus des demandes comme non justifié.

Statuant à nouveau, de :

— déclarer la demande en paiement formulée par la société Havas Media France (SA) irrecevable comme étant une demande nouvelle,

— débouter la société Havas Media France (SA) de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

— constater que les factures ont été réglées en cours de procédure,

— condamner la société Havas Media France (SA) au paiement de la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction

Par conclusions enregistrées le 26 août 2021, et auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Havas Media France (SA) fait valoir que’:

— elle a procédé au règlement de l’ensemble des factures pendant le cours de la procédure et reste elle-même créancière de la société Eurosud Provence (SNC) au titre d’un avoir,

— l’action de la société Eurosud Provence (SNC) est irrecevable pour défaut de qualité à agir dès lors qu’elle a cédé ses factures à son factor et que le paiement libératoire ne peut être effectué qu’auprès de ce dernier,

— l’action dirigée contre la société Havas Media France (SA) est irrecevable dès lors qu’elle agit pour le compte d’annonceurs en qualité de mandataire non-ducroire’; en conséquence, la société Havas Media France (SA) ne peut être tenue au paiement que si elle a elle-même perçu les fonds de l’annonceur et ne les a pas reversés’; le paiement des factures incombe donc exclusivement à l’annonceur aux termes de la loi du 29 janvier 1993,

— il existe des contestations sérieuses excluant la compétence du juge des référés et à défaut, après compensation elle reste créancière de la société Eurosud Provence (SNC)

Ainsi, la société Havas Media France (SA) demande à la cour de’:

— juger la société Eurosud Provence (SNC) irrecevable pour défaut de qualité à agir en paiement de factures qu’elle a cédées à son factor

Très subsidiairement,

— dire la société Eurosud Provence (SNC) irrecevable en son action, la société Havas Media France (SA) ayant agi en qualité de mandataire non-ducroire des sociétés lui ayant commandé des annonces,

— à défaut condamner la société Eurosud Provence (SNC) à lui verser la somme de 2.022 euros

En tout état de cause,

— condamner la société Eurosud Provence (SNC) à payer à la société Havas Media France (SA) la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance et d’appel dont distraction

Le président a prononcé la clôture de l’instruction par ordonnance du 30 août 2021 et a fixé l’examen de l’affaire à l’audience du 16 septembre 2021.

A cette date l’affaire a été retenue et mise en délibéré au 28 octobre 2021.

MOTIFS

Sur la demande en paiement formée par la société Eurosud Provence (SNC)’:

Aux termes de l’article 872 du code de procédure civile le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

Par ailleurs, en application de l’article 873 du même code, le président peut, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans tous les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

En l’espèce, c’est à bon droit que le juge des référés a pu se déclarer incompétent à l’effet de statuer sur la demande en paiement formée par la société Eurosud Provence (SNC) eu égard aux contestations émises par la société Havas Media France (SA).

En effet, ces contestations, en ce qu’elles visaient à remettre en cause la qualité et l’intérêt pour agir de la société Eurosud Provence (SNC) au titre d’un contrat d’affacturage, ainsi que la qualité de la société Havas Media France (SA) au titre du mandat, revêtaient un caractère suffisamment sérieux pour écarter la compétence du juge des référés, juge de l’évidence.

Il convient d’observer de surcroît que la demande formulée par la société Eurosud Provence (SNC) tendait au paiement du solde de factures et non à un paiement à titre provisionnel, de sorte que cette demande visait à purger le litige et non à obtenir une avance à valoir sur sa créance, excluant de plus fort la compétence du juge des référés.

En conséquence, il y a lieu de confirmer l’ordonnance rendue le 9 février 2021 par le juge des référés du tribunal de commerce de Marseille en toutes ses dispositions.

Sur la demande reconventionnelle en paiement de la société Havas Media France (SA)’:

En application des articles 564 et suivants du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

En outre les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

En l’espèce, la demande en paiement formée par la société Havas Media France (SA) au titre d’un avoir procède davantage d’une demande de compensation après règlement des factures litigieuses que d’une demande nouvelle.

Néanmoins, en l’absence de compétence du juge des référés à l’effet d’établir les comptes entre les parties, il y a lieu d’inviter la société Havas Media France (SA) à mieux se pourvoir à ce titre.

Sur les frais et dépens’:

Il y a lieu de juger que chaque partie conservera la charge de ses frais et dépens au titre de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l’ordonnance rendue le 9 février 2021 par le juge des référés du tribunal de commerce de Marseille en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit recevable la demande de compensation formée par la société Havas Media France (SA) mais l’invite à mieux se pourvoir à ce titre,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais et dépens au titre de la procédure d’appel.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT


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