Dettes de redevance SPRE transmises avec le patrimoine de la société
Dettes de redevance SPRE transmises avec le patrimoine de la société

La redevance SPRE reste due par le nouveau cessionnaire d’une société en cas de transmission universelle de patrimoine. 

Transmission universelle de patrimoine

Une SARL exploitant un établissement de nuit a, suivant annonce légale, transmis de façon universelle son patrimoine à une SAS, située à la même adresse et présidée par l’ancien gérant. 

Le « nouveau » président de la société a été condamné à titre provisionnel à payer à la SPRE près de 20 000 euros de redevances impayées. 

Responsabilité du gérant 

En droit, le gérant d’une société commerciale qui commet dans l’exercice de ses fonctions une infraction pénale intentionnelle, détachable de ses fonctions sociales, engage sa responsabilité civile personnelle sur le fondement de l’article 1240 du code civil à l’égard des tiers auxquels cette faute a causé un préjudice.

Défaut de versement de la rémunération équitable : un délit 

Le défaut de versement de la rémunération équitable constitue une faute d’une particulière gravité, étant sanctionné par les dispositions de l’article L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle qui prévoit une peine de trois ans d’emprisonnement et une amende de 300.000 € en répression du délit commis.

Une jurisprudence constante retient qu’en refusant en toute connaissance de cause de s’acquitter des redevances dues pour la diffusion de musique dans l’établissement exploité, et ce sur une longue période, un dirigeant commet une faute détachable de ses fonctions d’une particulière gravité en ce qu’elle est susceptible de revêtir une qualification pénale et qu’elle dépasse les simples conséquences d’une mauvaise gestion, engageant dès lors sa responsabilité personnelle à l’égard de l’organisme collecteur solidairement avec la société exploitante.


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 DÉCEMBRE 2022

1ère Chambre

ARRÊT N°411/2022

N° RG 22/01803 –��N° Portalis DBVL-V-B7G-SSMJ

SOCIÉTÉ POUR LA PERCEPTION DE LA RÉMUNÉRATION EQUI TABLE DE LA COMMUNICATION AU PUBLIC DES PHONOGRAMMES

C/

M. [S], [E] [O]

S.A.S. FINANCIÈRE [O]

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 17 Octobre 2022 devant Madame Véronique VEILLARD, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

rendu par défaut, prononcé publiquement le 13 décembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

La Société pour la Perception de la Rémunération Equitable de la Communication au Public des Phonogrammes du Commerce (SPRE), société civile immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 334 784 865, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 5],

[Localité 6]

Représentée par Me Anne-Christine LAINE de la SELARL ACTI JURIS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Guillem QUERZOLA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

Monsieur [S], [E] [O]

né le 24 Octobre 1965 à [Localité 8] (38)

[Adresse 9]

[Localité 3]

Régulièrement assigné par acte d’huissier délivré le 07 avril 2022 conformément à l’article 659 du code de procédure civile, n’a pas constitué

La S.A.S. FINANCIÈRE [O], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Régulièrement assignée par acte d’huissier délivré le 05 avril 2022 à personne habilitée, n’a pas constitué

FAITS ET PROCÉDURE

Alors que la SACEM gère les droits d’auteur, la société pour la perception de la rémunération équitable de la communication au public des phonogrammes de commerce (SPRE) gère collectivement les droits voisins du droit d’auteur des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes dont l’existence est prévue à l’article L. 214-5 du code de la propriété intellectuelle (CPI) et le fonctionnement régi par les articles L. 321-1 et suivants du même code.

La SPRE a pour objet de percevoir et de répartir entre ses ayants droit la rémunération dite équitable prévue à l’article L. 214-1 du CPI, dont doivent s’acquitter tous les utilisateurs de phonogrammes publiés à des fins de commerce, quel que soit leur lieu de fixation, dès lors que lesdits phonogrammes font l’objet d’une communication directe dans un lieu public ou d’une radiodiffusion.

Il résulte de l’article 1er de la décision du 30 novembre 2001 de la commission créée par l’article L. 214-4 du code de propriété intellectuelle que la rémunération dite équitable due à la SPRE et destinée aux artistes-interprètes et aux producteurs des phonogrammes utilisés est, en principe, assise sur les recettes d’exploitation de leurs utilisateurs.

Suivant extrait Kbis à jour au 1er juillet 2021 (pièce SPRE, n° 1.1), la sarl Le Chic exerçait l’activité de « discothèque bar restaurant » et était domiciliée au [Adresse 1] à [Localité 7] (14). Elle avait pour gérant M. [S] [O]. Cette société aurait cessé de s’acquitter de la rémunération dite équitable au mois de mai 2015.

Suivant ordonnance d’injonction de payer du 31 mai 2016, le président du tribunal de commerce de Lisieux (14) a condamné ladite société à verser à la SPRE la somme de 13.114,22 € (pièce 1.3) sur le fondement de l’article 1409 du code de procédure civile. Les parties ont toutefois conclu une transaction le 17 janvier 2018 afin de régulariser amiablement la situation (pièce 1.6).

À la suite du prétendu non-respect par la société de ses obligations transactionnelles, la SPRE lui a adressé, le 10 août 2018, une lettre de mise en demeure valant déchéance du terme faute de régularisation de la situation sous quinze jours (pièce 5.2).

Suivant annonce légale du 29 juin 2021 (pièce 1.9), la sarl Le Chic a transmis de façon universelle son patrimoine à la sas Financière [O], située à la même adresse et présidée par M. [S] [O] (pièce 1.2).

Par courrier recommandé avec AR, la SPRE s’est retournée contre la sas Financière [O] le 2 juillet 2021 (pièce 5.3).

Enfin, suivant courrier recommandé avec AR en date du 19 août 2021 (pièce 5.5), la SPRE amis en demeure la sas Financière [O] de lui verser la somme totale de 18.837,80 € au titre du paiement de la rémunération dite équitable.

Aucune solution amiable n’a cependant pu être trouvée entre les parties.

Par actes d’huissier du 29 septembre 2021, la SPRE a dès lors assigné en référé :

— la sas Financière [O],

— M. [S] [O], pris en sa qualité de président de cette société, sur le fondement des articles 835 alinéa 2 du code de procédure civile, L. 214-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, 1231-1 et 1240 du code civil, aux fins de voir :

— dire la SPRE recevable et bien fondée en ses demandes,

— condamner in solidum la sas Financière [O] et M. [S] [O] à lui payer une provision de 18.837,80 € au titre de la rémunération équitable due pour l’exploitation de son établissement entre le 1er avril 2016 et le 5 novembre 2018, augmentée des intérêts au taux légal sur la somme de 7.178,11 € à compter de la mise en demeure du 10 août 2018, et sur le solde à compter de la mise en demeure du 19 août 2021, dont la capitalisation pourra intervenir conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

— condamner in solidum la sas Financière [O] et M. [S] [O] à lui payer une provision de 5.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice,

— condamner in solidum la sas Financière [O] et M. [S] [O] à payer à la SPRE la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Lors de l’audience du 24 novembre 2021, la sas Financière [O] et M. [O], régulièrement assignés par dépôt de l’acte à l’étude et par remise de l’acte à personne, n’ont pas comparu ni ne se sont fait représenter de sorte qu’il a été statué par décision réputée contradictoire.

Par une ordonnance du 7 janvier 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Rennes a :

— condamné la sas Financière [O] à verser à la SPRE la somme provisionnelle de 17.496,49 € au titre de la rémunération due pour l’exploitation par la société Le Chic de son établissement musical entre le 1er avril 2016 et le 5 novembre 2018, avec intérêts au taux légal à compter du 20 août 2021,

— ordonné la capitalisation qui ne produira toutefois effet, le cas échéant, que lorsque ces intérêts auront été dus pour au moins une année entière,

— condamné la même aux dépens de la présente instance,

— condamné la même à payer à la société pour la perception de la rémunération équitable de la communication au public des phonogrammes de commerce la somme de 700 € (sept cents euros) au titre du remboursement de ses frais irrépétibles,

— rejeté toute autre demande, plus ample ou contraire.

La SPRE a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration d’appel du 16 mars 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 25 avril 2022, la SPRE sollicite de la cour de :

— infirmer l’ordonnance de référé du président du tribunal judiciaire de Rennes du 7 janvier 2022 en toutes ses dispositions,

— statuant à nouveau,

— dire la SPRE recevable et bien fondée en ses demandes,

— condamner in solidum la société Financière [O] et M. [S] [O] à payer à la SPRE une provision de 18.837,80 € au titre de la rémunération équitable due pour l’exploitation de son établissement entre le 1er avril 2016 et le 5 novembre 2018, augmentée des intérêts au taux légal sur la somme de 7.178,11 € à compter de la mise en demeure du 10 août 2018 et sur le solde à compter de la mise en demeure du 19 août 2021, dont la capitalisation pourra intervenir conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

— condamner in solidum la société Financière [O] et M. [S] [O] à payer à la SPRE une provision de 5.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par la SPRE,

— condamner in solidum la société Financière [O] et M. [S] [O] payer à la SPRE la somme de 6.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

M. [O] et la sas Financière [O] n’ont pas constitué avocat.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Le débat tel qu’il est circonscrit devant la cour est limité à la question du montant de la provision allouée et celle de la condamnation in solidum de M. [O], en ce qu’il aurait engagé sa responsabilité personnelle en commettant, dans l’exercice de ses fonctions, une faute intentionnelle d’une particulière gravité, caractérisée notamment par la violation délibérée d’une obligation légale ou la commission d’une infraction pénale, y compris par abstention fautive.

1) Sur le quantum de la provision au titre de la rémunération équitable

La SPRE soutient que le montant de la rémunération équitable dont est redevable la sas Financière [O] résulte de l’application pure et simple des dispositions de la décision du 30 novembre 2001 de la commission prévue à l’article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle et que ce montant est de 18.837,80 € tandis que la provision de 17.496,49 € allouée par le premier juge ne correspond pas à la dette de la société débitrice.

En droit, il résulte de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile que le juge des référés peut accorder une provision aux créanciers dès lors que l’obligation n’est pas sérieusement contestable tant dans son existence que dans son quantum. Dans l’hypothèse où le principe de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il revient au juge de fixer souverainement le montant de la provision.

En l’espèce, l’appelante ne critique pas la décision entreprise qui a considéré non sérieusement contestable le fait que l’activité de la société [O] devait recevoir la qualification de bar à ambiance musicale. La contestation porte sur le montant de la provision accordée par le premier juge au titre de la rémunération équitable.

Les motifs non critiqués du premier juge considérant que l’activité de M. [O] et de la société [O] sont soumis à la rémunération équitable sont adoptés par la cour.

Les demandes de la SPRE concernent la rémunération équitable due pour la période du 1er avril 2016 au 5 novembre 2018, dont la facturation a été mise à jour et précisée dans le cadre de la procédure d’appel de l’ordonnance de référé, la SPRE ayant communiqué les comptes annuels de la société Financière [O] pour les exercices clos 2017 (pièce 3.1), 2018 (pièce 3.2) et pour la période du 1er avril 2018 au 5 novembre 2018, ainsi que la décision réglementaire prévoyant les modalités de calcul ‘ notamment en ses articles 1 à 3 ‘ de la rémunération équitable (pièces 3.0), de sorte que, selon les éléments versés au débat, la SPRE a établi la facturation de la façon suivante :

— pour l’exercice clos le 31 mars 2017, sur la base de ses recettes réelles telles que figurant sur le compte de résultat communiqué à la SPRE le 28 septembre 2017 (pièce 3.1),

— pour l’exercice clos le 31 mars 2018, sur la base de ses recettes réelles telles que figurant sur le compte de résultat communiqué à la SPRE le 20 août 2018 (pièce 3.2),

— pour la période du 1er avril 2018 au 5 novembre 2018, sur la base proportionnelle du « dernier chiffre d’affaires connu », soit celui de l’exercice clos le 31 mars 2018 faute de déclaration postérieure.

Ainsi que le relève le premier juge, la SPRE ‘ unique partie comparante ‘ n’avait, en première instance, pas produit les pièces justifiant avec évidence sa créance à la hauteur de la provision demandée.

En cause d’appel, comme elle l’indique d’ailleurs expressément, la SPRE produit les pièces manquantes, à savoir les modalités de calcul de la rémunération équitable (pièce 3.0).

La SPRE chiffre à 18.837,80 € le montant de sa demande selon la répartition suivante :

-01/04/2016 au 31/03/2017 : 533.232 € (recettes du compte de résultat) x 1,65 % = 8.798,33 € HT soit 10.118,08 € TTC (TVA à 10 % pour les artistes-interprètes et 20 % pour les producteurs de phonogrammes, soit 15 % en moyenne),

-01/04/2017 au 31/03/2018 : 470.542 € (recettes du compte de résultat) x 1,65 % = 7.763,94 €, dont il convient de déduire :

—  931,67 € au titre de l’abattement de 12 % pour déclaration des recettes dans les délais (art. 2, 1°, décis. 30 nov. 2001)

—  439,96 € au titre de l’abattement supplémentaire de 17 % pour paiement par prélèvement automatique dans les délais des factures de décembre 2017 à mars 2018 inclus (art. 2, 2°, décis. 30 nov. 2001) = 6.392,31 € HT soit 7.351,17 € TTC.

L’article 3 de la décision du 30 novembre 2001 prévoyant que « Les établissements qui ne déclarent pas leurs recettes annuelles sont facturés sur la base du dernier chiffre d’affaires connu (…) », la SPRE évalue le montant de la rémunération équitable due sur l’exercice incomplet qui aurait dû être clos au 31 mars 2019 de la façon suivante :

-01/04/2018 au 05/11/2018 : 313.695 € (recettes précédentes proratisées) x 1,65 % = 5.175,96 €, dont il convient de déduire :

—  621,11 € au titre de l’abattement de 12 % pour déclaration des recettes dans les délais (art. 2, 1°, décis. 30 nov. 2001),

—  329,94 € au titre de l’abattement supplémentaire de 17 % pour paiement par prélèvement automatique dans les délais des factures d’avril, mai et août 2018 (art. 2, 2°, décis. 30 nov. 2001), = 4.224,91 € HT, soit 4.858,67 € TTC.

La somme réclamée est conforme à celle du récapitulatif de facturation établi à la suite des déclarations de recettes que la société a adressées à la SPRE (pièce 2.2).

Ce même montant ressort, au surplus, des courriers de mise en demeure adressés à M. [O] en tant que gérant de la sas Financière [O] (pièces 5.6 et 5.7).

Il apparaît ainsi que la créance de la SPRE d’un montant de 18.837,80 € n’est pas sérieusement contestable et n’est, de fait en l’absence de débitrice comparante, pas contestée.

En conséquence, l’ordonnance sera infirmée sur ce point et la sas Financière [O] sera condamnée à verser à la SPRE la somme de 18.837,80 €.

2) Sur la demande de condamnation in solidum entre M. [O] et la sas Financière [O]

La SPRE soutient que c’est à tort que le juge des référés a rejeté comme irrecevable la demande de condamnation in solidum de M. [O] en ce que celle-ci excéderait les pouvoirs de la juridiction des référés.

Elle avance que M. [O] a engagé sa responsabilité sur le fondement de l’article 1240 du code civil en commettant une faute intentionnelle d’une particulière gravité séparable comme telle des fonctions du dirigeant, caractérisée notamment par la violation délibérée d’une obligation légale ou la commission d’une infraction pénale, y compris par abstention fautive. Elle indique ainsi que le dirigeant de la sas Financière [O], M. [O], est le même que celui de la sarl Le Chic qui a exploité un bar restaurant discothèque pendant de nombreuses années en pleine connaissance des obligations légales et réglementaires envers la SPRE. Elle précise avoir, à l’occasion de plusieurs courriers, rappelé le contenu de ces obligations tant à la sarl Le Chic qu’à la sas Financière [O] et ajoute lui avoir adressé une mise en demeure personnelle dans ces mêmes termes.

En droit, le gérant d’une société commerciale qui commet dans l’exercice de ses fonctions une infraction pénale intentionnelle, détachable de ses fonctions sociales, engage sa responsabilité civile personnelle sur le fondement de l’article 1240 du code civil à l’égard des tiers auxquels cette faute a causé un préjudice.

Le défaut de versement de la rémunération équitable constitue une faute d’une particulière gravité, étant sanctionné par les dispositions de l’article L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle qui prévoit une peine de trois ans d’emprisonnement et une amende de 300.000 € en répression du délit commis.

Une jurisprudence constante retient qu’en refusant en toute connaissance de cause de s’acquitter des redevances dues pour la diffusion de musique dans l’établissement exploité, et ce sur une longue période, un dirigeant commet une faute détachable de ses fonctions d’une particulière gravité en ce qu’elle est susceptible de revêtir une qualification pénale et qu’elle dépasse les simples conséquences d’une mauvaise gestion, engageant dès lors sa responsabilité personnelle à l’égard de l’organisme collecteur solidairement avec la société exploitante.

En l’espèce, M. [O], en sa qualité de gérant de la société Financière [O] a laissé impayée la rémunération équitable due à la SPRE malgré plusieurs mises en demeure (pièces 5.6 et 5.7).

La transaction conclue en 2018 entre les parties (pièce 1.6) n’a pas été exécutée et aucun acte n’a été accompli par M. [O] ou la société Financière [O] afin de régulariser le moindre paiement.

En conséquence, la responsabilité personnelle de M. [O] sur le plan délictuel, en raison de la défaillance de la société Financière [O] dont il est le dirigeant, n’est pas sérieusement contestable de sorte qu’elle est de nature à entraîner sa condamnation in solidum aux sommes dont celle-ci est redevable.

Il y a lieu, dès lors, d’infirmer l’ordonnance du juge des référés et de condamner in solidum M. [O] et la sas Financière [O] à verser la somme de 18.837,80 €.

3) Sur la provision au titre des demandes indemnitaires

La SPRE demande à titre provisionnel une somme de 5.000 € à valoir sur la réparation de son préjudice. Elle expose ainsi que faute d’acquitter la rémunération due, M. [O] et la sas Financière [O] portent atteinte aux droits voisins des artistes interprètes et producteurs de phonogrammes, en violant leur droit de propriété intellectuelle et en les privant de la rémunération légale à laquelle ils ont droit.

Elle fait également valoir qu’elle a des coûts de gestion interne liés à ce « recouvrement de créances » qu’elle ne devrait pas avoir à engager.

L’atteinte portée aux droits voisins des artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes, par la violation de leur droit de propriété intellectuelle et par la privation de la rémunération légale à laquelle ils ont droit est réparée par la condamnation à payer à titre provisionnel la rémunération due avec les intérêts au taux légal pour indemniser le retard dans le paiement.

Il apparaît en revanche que l’inexécution par M. [O] et la société [O] de ses obligations a nécessité de la part de la SPRE l’accomplissement de multiples démarches pour reconstituer les rémunérations dues et a ainsi engendré des frais de gestion supplémentaires.

Il convient, dès lors, d’infirmer la décision de première instance et de condamner M. [O] et la société [O] in solidum à payer à la SPRE une somme de 2.000 € à valoir sur son préjudice matériel.

4) Sur les frais annexes

Succombant, la sas Financière [O] et M. [O] supporteront in solidum la charge des dépens et seront, en outre, condamnés à payer à la SPRE la somme de 3.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance du juge des référés du 7 janvier 2022 sera infirmée s’agissant des dépens et des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme l’ordonnance en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Condamne M. [O] et la société [O] in solidum à payer à la SPRE à titre provisionnel les sommes de :

—  18.837,80 € à valoir sur la rémunération pour l’exploitation de l’établissement entre le 1er avril 2016 et le 5 novembre 2018, augmentée des intérêts au taux légal sur la somme de 7.178,11 euros à compter de la mise en demeure du 10 août 2018 et sur le solde à compter de la mise en demeure du 19 août 2021, dont la capitalisation pourra intervenir conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

—  2.000 € à valoir sur le préjudice matériel,

Condamne M. [O] et la société [O] in solidum aux dépens,

Condamne M. [O] et la société [O] in solidum à verser à la SPRE la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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