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Les juges ont condamné une société ayant commercialisé des supports humoristiques (tee-shirts …) reprenant les codes de la marque Isabel Marant. Il s’agissait entre autres, de dessins de sneakers compensés avec reproduction du prénom Isabel et imitant le nom MARANT sous la forme du mot « maran » dont la mauvaise orthographe volontaire était signifiée par le reste de la phrase « c’est pu maran ». Les articles en cause étaient similaires aux produits visés en classe 21 (verres à boire) et identiques à ceux désignés en classe 25 (vêtements) par la marque Isabel Marant.
Toutefois, la condamnation n’est pas intervenue sur le fondement de la contrefaçon de marque. Placés sous les mots «j’emmerde » (titre de la collection) l’utilisation de la marque Isabel Marant n’est pas destinée à garantir l’origine du produit vendu mais constituent un décor permettant d’identifier la personne et les produits objets de l’invective. Le consommateur moyen ne les percevra pas comme des éléments permettant d’attribuer un produit à une entreprise déterminée directement ou par association au regard de la teneur du propos mis en exergue.
Dans son arrêt Arsenal Football Club du 12 novembre 2002, la CJUE alors CJCE a précisé que le titulaire d’une marque enregistrée ne peut, en application de l’article 5§1 a) de la directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques devenue la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008, interdire l’usage par un tiers d’un signe identique à sa marque que si cet usage a lieu dans la vie des affaires sans le consentement du titulaire de la marque et porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services.
En effet, la fonction essentielle de la marque étant de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou service de ceux qui ont une autre provenance, le titulaire de la marque doit, pour que cette garantie de provenance puisse être assurée, être protégé contre les concurrents qui voudraient abuser de la position et de la réputation de la marque en vendant des produits indûment pourvus de celle-ci. A défaut d’atteinte aux fonctions de ses droits, l’utilisation du signe est, au plan du droit des marques, libre.
Dès lors, la seule utilisation des signes reproduit ou imités pour servir, même dans la vie des affaires, de support à un message et pour désigner explicitement sa cible n’est pas un usage à titre de marque. En effet, elle ne permet pas au consommateur, qui n’ignore d’ailleurs pas quel site internet il visite et la marque des vêtements qu’il achète, d’identifier l’origine commerciale du bien qu’il entend acquérir. Un tel usage n’est par nature pas constitutif d’une contrefaçon.
La condamnation est intervenue sur le fondement du dénigrement. En effet, en employant l’expression «J’emmerde » la société tierce a sciemment commis des actes de dénigrement à l’encontre de la marque Isabel Marant, la visant clairement pour critiquer les produits (notamment les sneakers compensés) qu’elle commercialise. Le terme grossier « j’emmerde » jette le discrédit sur la société Isabel Marant et la dévalorise aux yeux des consommateurs invités, en portant les vêtements ou en utilisant les mugs qui en sont le support, à s’associer au rejet qu’il implique (20 000 euros de dommages et intérêts).
Il a été fait interdiction à la société fautive de fabriquer, faire fabriquer, d’offrir à la vente, de commercialiser et de servir d’intermédiaire aux fins de permettre la commercialisation des vêtements et mugs porteurs des mentions fautives en cause.