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19 octobre 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
20/02184
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 19/10/2023
****
N° de MINUTE :
N° RG 20/02184 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TBFW
Jugement n° 2019/1705 rendu le 13 mai 2020 par le tribunal de commerce d’Arras
APPELANTES
– SAS MTFL
– SAS Maleg
– SAS Le Terricart
ayant leur siège social [Adresse 2]
[Localité 1]
représentées par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistées de Me Romain Guillemard, avocat au barreau d’Amiens, avocat plaidant
INTIMÉE
SAS [P] et Fils agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 3]
représentée par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Julie Huchette, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Dominique Gilles, président de chambre
Pauline Mimiague, conseiller
Clotilde Vanhove, conseiller
———————
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs
DÉBATS à l’audience publique du 29 juin 2023 après rapport oral de l’affaire par Clotilde Vanhove, conseiller.
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023 après prorogation du délibéré initialement prévu au 12 octobre 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président, et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 21 juin 2026
****
EXPOSE DU LITIGE
La société [P] et fils a pour activité l’export intracommunautaire essentiellement de pommes de terre de consommation, notamment vers le Portugal, l’Espagne, les pays de l’Est et l’Italie.
Les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL ont pour activité principale le négoce et la vente de pommes de terre et plants de pommes de terre à l’international et sur le marché français. La société MTFL est la holding du groupe, la société Maleg est essentiellement en charge de la vente de pommes de terres à l’export et la société Le Terricart est en charge du conditionnement des pommes de terre et de leur vente en France.
Courant 2018, la société MTFL a embauché M. [K] en qualité de commercial, après sa démission de la société [P] et fils, puis M. [W], à l’issue d’un contrat à durée déterminée au sein la société [P] et fils, et M. [I], qui ne travaillait plus pour la société [P] et fils depuis un an, tous deux en qualité d’acheteur.
Se prévalant d’agissements déloyaux et parasitaires à son encontre de la part des sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL concernant la vente de pommes de terre à destination du Portugal, la société [P] et fils a sollicité sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile l’autorisation de réaliser des mesures d’instruction. Par ordonnances sur requête des 18 et 26 février 2019, les présidents de tribunaux de commerce de Lille et d’Arras ont autorisé la réalisation de constats d’huissier, en se faisant communiquer ou en recherchant tous documents, informations, éléments et pièces relatifs à la commercialisation par les sociétés Maleg et Le Terricart de pommes de terre à l’export vers le Portugal depuis les trois dernières campagnes 2015/2016, 2016/2017 et 2017/2018 ainsi que la campagne en cours 2018/2019 et ce à partir de mots clés reprenant certains de ses clients et fournisseurs.
Par acte d’huissier de justice du 25 juillet 2019, la société [P] et fils a fait assigner les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL devant le tribunal de commerce d’Arras aux fins essentiellement de voir juger qu’elles ont commis des actes illicites et constitutifs de concurrence déloyale à son encontre et d’indemniser son préjudice découlant de ces actes.
Par jugement contradictoire du 13 mai 2020, cette juridiction a :
– dit que les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL ont commis des actes de concurrence déloyale à l’encontre de la société [P] et fils,
en conséquence :
– condamné solidairement les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL à verser à la société [P] et fils la somme de 187 334 euros au titre de la perte financière,
– ordonné la destruction des fichiers sous le contrôle d’un huissier assisté par un expert informaticien aux frais des sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL dans un délai de 8 jours qui suivra la signification du jugement à intervenir,
– débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement sans constitution de garantie, en ce compris les frais irrépétibles et les dépens,
– condamné solidairement les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL à payer à la société [P] et fils la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné solidairement les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL aux entiers frais et dépens, en ce compris les frais et débours de greffe taxés et liquidés à la somme de 105,60 euros.
Par déclaration du 22 juin 2020, les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL ont interjeté appel du jugement, tendant à son annulation ou sa réformation en ce qu’il a dit qu’elles ont commis des actes de concurrence déloyale à l’égard de la société [P] et fils, les a condamnées à indemniser la société [P] et fils au titre de la perte financière, a ordonné la destruction à leurs frais des fichiers, les a déboutées de leurs demandes autres, plus amples ou contraires et a statué sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 6 juin 2023, les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL demandent à la cour de :
– dire leur appel recevable et bien fondé,
– en conséquence, annuler le jugement du fait de la violation du principe du contradictoire à leur préjudice ; à tout le moins infirmer le jugement en toutes ses dispositions faisant droit aux demandes de la société [P] et fils, le confirmer pour le surplus,
statuant à nouveau :
– dire et juger qu’elles ne sont responsables d’aucun fait de concurrence déloyale au détriment de la société [P] et fils,
– débouter, ce faisant, la société [P] et fils de l’ensemble de ses prétentions,
* à titre subsidiaire,
– dire et juger que la société [P] et fils ne justifie d’aucun préjudice résultant des agissements de concurrence déloyale qui leur sont reprochés,
– dire et juger la société [P] et fils mal fondée en l’ensemble de ses prétentions, et ce faisant l’en débouter,
* à titre infiniment subsidiaire, et s’il était jugé qu’elles ont commis des actes de concurrence déloyale au détriment de la société [P] et fils,
– limiter l’indemnisation qui lui serait accordée à une somme comprise entre 111 575,10 euros et 47 496 euros en fonction de la méthode de valorisation retenue ; somme qu’il conviendra toutefois de réduire dans un second temps, à hauteur de la participation effective et directe des agissements reprochés aux appelantes dans la baisse des ventes de la société intimée à destination du Portugal,
– débouter la société [P] et fils du surplus de ses prétentions,
– condamner la société [P] et Fils à leur verser la somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Elles font valoir, sur l’annulation du jugement, que le tribunal a refusé de prendre position par rapport aux arguments qu’elles ont développés dans leurs notes en délibéré des 17 décembre 2019 et 27 janvier 2020, sur la base des comptes de la société [P] et fils communiqués en cours de délibéré à la demande du tribunal alors qu’une note en délibéré, lorsqu’elle est recevable, peut être accompagnée de pièces justifiant ce qu’elle énonce, à condition que les parties soient en mesure d’en débattre contradictoirement ; le tribunal ayant ordonné à la société [P] et fils de communiquer en délibéré ses comptes sur les trois derniers exercices, il lui appartenait de recueillir leurs observations quant au contenu de ces pièces.
Sur le fond, elles font valoir que :
– sur le recrutement de MM. [K], [I] et [W] : le débauchage d’un salarié par une entreprise au sein d’une société concurrente ne constitue pas en lui-même un agissement fautif et le recrutement de ces trois salariés ne saurait être présenté comme un agissement fautif, constitutif de concurrence déloyale dès lors que MM. [I] et [W] n’étaient plus salariés de la société [P] et fils au jour de leur recrutement et M. [K] était confronté à des conditions de travail dégradées qui l’incitaient à vouloir quitter l’entreprise et la société [P] et fils ne justifie pas d’une désorganisation résultant du recrutement de ces trois salariés par elles ;
– quant au fait que M. [K] aurait supprimé de son ordinateur professionnel au moment de son départ les tableaux de vente au Portugal de la société [P] et fils sur la période 2012-2018, cela n’intéresse pas le présent litige puisque M. [K] était alors en poste au sein de la société [P] et fils, ces faits leur sont donc totalement étrangers ;
– en tout état de cause, si la cour jugeait que les agissements de M. [K] ont été source de désorganisation pour la société [P] et fils, leur responsabilité ne pourrait être retenue, faute pour elles d’être à l’origine ou d’avoir eu connaissance de ces faits et agissements ;
– s’agissant de leur prétendue complicité dans la violation de l’obligation de non-concurrence de M. [K], il ne peut leur être fait grief d’avoir participé à la violation de cette clause, qui n’avait pas été portée à leur connaissance avant le jugement, le tribunal retenant cette motivation alors même que l’existence de cette clause n’avait pas été revendiquée par la société [P] et fils en première instance ; il appartient à celui qui se prévaut d’une telle clause de justifier que le nouvel employeur en avait connaissance ; en outre, une action fondée sur la complicité du nouvel employeur dans la violation de l’obligation de non-concurrence d’un salarié suppose que soit tranchée préalablement la question de la violation de cette clause par le salarié, qui relève de la compétence exclusive du conseil de prud’hommes et en l’absence de saisine de cette juridiction, la juridiction commerciale doit apprécier la validité de la clause avant de déterminer si la tierce complicité peut être retenue, clause qui est nulle en l’espèce ;
– elles réfutent tout démarchage systématique des clients de la société [P] et fils et la prétendue utilisation de son fichier client, ainsi que tout détournement de clientèle ; le fait qu’elles aient été amenées à vendre des pommes de terre sur le marché portugais, parfois à des clients de la société [P] et fils n’a jamais impliqué que celle-ci soit pour autant exclue de toute relations d’affaires avec les clients concernés ; M. [K], n’ayant pas réussi à maintenir les volumes de vente à destination de l’Espagne s’est tourné logiquement vers le marché portugais où il disposait davantage de connaissances et de contacts, ne cherchant néanmoins à aucun moment à dénigrer son ancien employeur ou à créer une quelconque confusion ; la société [P] et fils ne peut présenter comme « irréalisable sans agissements déloyaux » le fait pour la société Maleg d’avoir développé ses ventes vers le Portugal sur la saison 2018-2019, alors même que le groupe MFTL n’est pas débutant dans le domaine de la vente de pommes de terre ;
– elles contestent également tout recours aux fournisseurs revendiqués par la société [P] et fils et ajoute que le fait pour une entreprise de se fournir auprès des mêmes fournisseurs qu’une autre société ne constitue pas en soi un fait de concurrence déloyale ;
– elles contestent toute confusion suscitée par elles auprès des clients et fournisseurs de la société [P] et fils, celle-ci ne faisant état d’aucun signe distinctif ni d’aucune particularité de ses produits qui auraient pu susciter dans l’esprit des producteurs et des acheteurs avec lesquels elle commerce habituellement une confusion, s’agissant en tout état de cause de professionnels avertis ;
– le parasitisme n’est selon elles pas plus démontré, la société [P] et fils ne démontrant aucunement qu’elles auraient cherché à usurper sa notoriété ou à détourner ses investissements par l’utilisation des fichiers dont elle revendique la propriété, fichier dont elles n’avaient pas connaissance et qui n’ont été retrouvés que sur l’ordinateur de M. [K] ;
– subsidiairement, elles soulignent que pour que des faits de concurrence déloyale puissent être sanctionnés, la société qui se prétend victime de ces agissements doit en démontrer la réalité, justifier du préjudice qui en serait résulté et démontrer le lien de causalité entre ce préjudice et l’agissement déloyal reproché et conteste l’évaluation faite par la société [P] et fils de son préjudice.
Elles contestent enfin les préjudices allégués par la société [P] et fils et leur méthode d’évaluation.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 20 juin 2023, la société Wexcsteen et fils demande à la cour de :
– débouter les sociétés MTFL, Maleg et Le Terricart de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions, notamment en ce qu’elles demandent à la cour de prononcer l’annulation du jugement,
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a considéré que les faits de parasitisme et de confusion ne sont pas établis et qu’il n’y a pas de désorganisation de son entreprise, en ce qu’il a apprécié son préjudice financier de manière erronée, en ce qu’il a rejeté ses demandes au titre de ses préjudices pour le trouble commercial, le préjudice moral et en ce qu’il a rejeté la demande de publication de la décision,
– en conséquence, infirmer le jugement sur les points précités,
et statuant à nouveau :
– rejeter les pièces adverses versées qui ne sont pas traduites et les pièces qui ne sont pas traduites par un traducteur assermenté mais de manière libre par les appelantes elles-mêmes, à savoir les pièces adverses numéros 22 à 40 incluses,
– juger que les sociétés MTFL, Maleg et Le Terricart ont commis et continuent de commettre des actes illicites et constitutifs de concurrence déloyale et parasitaire à son encontre, résultant :
o du démarchage systématique de ses clients sur le marché du Portugal,
o du détournement massif de sa clientèle sur le marché du Portugal,
o du débauchage déloyal assorti de man’uvres déloyales et frauduleuses de M. [K], M. [W] et de l’embauche de M. [I],
o de l’utilisation illicite, déloyale et parasitaire de données confidentielles, commerciales, financières, logistiques et stratégiques lui appartenant pour développer l’activité de Maleg/Le Terricart sur le territoire du Portugal,
o du parasitisme et de la confusion,
o de la désorganisation totale en résultant pour elle,
o de la campagne de désinformation et de dénigrement à son encontre et à l’encontre de sa salarié Mme [B] auprès de l’ensemble de ses clients,
o de la complicité de la violation de la clause de non-concurrence de M. [K], que ces agissements soient considérés ensemble ou séparément,
– juger que ces agissements fautifs, déloyaux et parasitaires lui causent des préjudices, en conséquence,
– condamner in solidum les sociétés MTFL, Maleg et Le Terricart à lui verser :
o au titre des préjudices financiers et du trouble commercial subis par elle :
* à titre principal, la somme de 2 180 643,27 euros, en retenant ainsi la marge sur coût variable de 14,07 euros et l’ensemble de ses pertes fermes, gains manqués et pertes de chance,
* à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour d’appel de céans ne devait retenir que les pertes évaluées sur 7 années, il lui serait demandé de retenir la marge sur coût variable de 14,07 euros et de condamner les appelantes in solidum à lui verser la somme de 1 929 854,95 euros, telle que ressortant de la note additionnelle de l’expert contractuel,
* à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour d’appel ne devait pas retenir pour évaluer son préjudice financier la marge sur coût variable de 14,07 euros, mais la marge sur coût variable de 10,34 euros, il lui serait demandé de retenir la totalité de ses pertes fermes, gains manqués et pertes de chance évaluées par l’expert, et de condamner les appelantes in solidum à lui verser la somme de 1 603 435,74 euros,
* à titre encore plus subsidiaire, si par extraordinaire la cour d’appel ne devait retenir que les pertes évaluées sur 7 années, et retenir la marge sur coût variable de 10,34 euros il lui serait demandé de condamner les appelantes in solidum à lui verser la somme de 141 345,16 euros telle que ressortant de la note additionnelle de l’expert contractuel ;
o au titre du préjudice moral subi par elle, la somme de 150 000 euros,
– ordonner de manière définitive aux sociétés MTFL, Maleg et Le Terricart la cessation de tout agissement constitutif de concurrence déloyale et parasitaire à son encontre,
– ordonner la publication d’un extrait de la décision à intervenir, le coût de chaque publication ne pouvant excéder le coût TTC de 5 000 euros, dans deux publications à son choix, ainsi que sur les pages de garde des sites [04] et [05], et ce pour une période qui ne saurait être inférieure à un mois et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
– débouter les sociétés MTFL, Maleg et Le Terricart de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
en tout état de cause :
– débouter les sociétés MTFL, Maleg et Le Terricart de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné solidairement les appelantes à lui verser la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens,
y ajoutant,
– condamner in solidum MTFL, Le Terricart et Maleg à lui verser la somme complémentaire de 25 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum MTFL, Le Terricart et Maleg aux entiers frais et dépens d’appel.
Elle fait valoir, qu’aucune annulation du jugement ne peut intervenir, étant rappelées les dispositions de l’article 445 du code de procédure civile, la communication intervenant après la clôture des débats devant se limiter à la demande faite par le président de la juridiction.
Elle reproche aux sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL des agissements fautifs, illicites et constitutifs notamment de concurrence déloyale et parasitaire qui, pris isolément sont déjà constitutifs de concurrence déloyale et parasitaire et pris dans leur ensemble produisent un effet exponentiel en termes de gravité des faits reprochés et de préjudices en résultant pour elle :
– débauchage déloyal aux fins de détourner sa clientèle par l’emploi de man’uvres déloyales et illicites (constitution par les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL d’une équipe entièrement constituée de ses anciens salariés afin de développer leur activité export vers le Portugal, à des conditions plus avantageuses, saccage par M. [K] de données indispensables à son activité et copie d’une nombre considérable de données confidentielles et stratégiques lui appartenant),
– l’utilisation de ces données aux fins de détourner sa clientèle,
– le démarchage systématique et le détournement massif de ses clients (en l’espace de quelques semaines après l’arrivée de M. [K] dans le groupe, la société Maleg a développé une activité subitement auprès, exclusivement, des clients de la société [P] et fils et avec ses fournisseurs, les tonnages réalisés par la société Maleg l’ont été à son détriment dans des conditions illicites déloyales),
– le parasitisme et la confusion,
ces agissements ayant entraîné sa désorganisation.
Les agissements des sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL ont été aggravés par le fait qu’elles ont sollicité l’ensemble de ses clients pour obtenir des attestations à son encontre, outre le fait qu’elles se sont rendues complices de la violation de clause de non concurrence de M. [K], une clause de non-concurrence n’étant pas présumée nulle et ne devant pas être validée par le conseil de prud’hommes.
Le fait que les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL aient perdu un volume de vente sur le marché espagnol, quelle que soit l’ampleur de cette perte, ne peut justifier la mise en ‘uvre d’actes de concurrence déloyale et parasitaire, fautifs et illicites pour gagner des ventes de manière illicite et déloyale sur un autre marché au détriment d’une autre entreprise.
Les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL ne peuvent prétendre qu’elles ne savaient pas que M. [K] utilisait ses documents, dès lors qu’en vertu de l’article 1242 alinéa 5 du code civil, l’employeur est responsable du fait de son salarié.
Elle détaille ensuite ses préjudices.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 21 juin 2023. Plaidé à l’audience du 29 juin 2023, le dossier a été mis en délibéré au 12 octobre 2023, prorogé au 19 octobre 2023.
MOTIVATION
Sur la demande d’annulation du jugement
Aux termes de l’article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir dans sa décision les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si elles ont été à même d’en débattre contradictoirement.
Aux termes de l’article 445 du même code, après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l’appui de leurs observations, si ce n’est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444. L’article 442 prévoit que le président et les juges peuvent inviter les parties à fournir les explications de droit ou de fait qu’ils estiment nécessaires ou à préciser ce qui paraît obscur.
En l’espèce, il résulte du jugement qu’après les plaidoiries des parties, le président du tribunal a sollicité qu’elles communiquent en cours de délibéré leurs bilans respectifs pour les exercices 2017, 2018 et 2019. Il est mentionné dans le jugement qu’en application des textes précités, le tribunal, qui a sollicité la communication des bilans à l’exclusion de toute demande de note explicative, rejette l’ensemble des échanges effectués sous la forme de notes en délibéré entre les parties après le prononcé de la clôture des débats.
Cependant, le juge ne peut, sans méconnaître les exigences de l’article 16 précité, fonder sa décision sur un document qu’il a demandé aux parties de produire après la clôture des débats sans tenir compte des discussions suscitées par cette communication et formulées par notes en délibéré.
Le jugement doit en conséquence être annulé.
Sur la demande de rejet de pièces
La société [P] et fils sollicite le rejet des pièces adverses numérotées 22 à 40 incluses au motif qu’il s’agirait de pièces en langue étrangère non traduites par un traducteur assermenté.
La cour constate que seule la pièce n° 22 produite par les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL est rédigée en langue portugaise sans avoir fait l’objet d’aucune traduction. Les autres pièces sont produites avec une traduction effectuée par une traductrice, expert près la cour d’appel d’Amiens.
L’ordonnance de Villers-Cotterêts du 25 août 1539 ne vise que les actes de procédure et il appartient au juge du fond, dans l’exercice de son pouvoir souverain, d’apprécier la force probante des éléments qui lui sont soumis.
En conséquence, la demande de rejet de pièces sera rejetée.
Sur les fautes des sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL
Aux termes des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu’il a causé non seulement de son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
La notion de concurrence déloyale, appréciée à l’aune du principe de la liberté du commerce, consiste dans des agissements s’écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans les activités économiques et régissant la vie des affaires.
La responsabilité née d’une concurrence déloyale ou parasitaire suppose la réunion de trois éléments : une faute commise par la personne dont la responsabilité est recherchée, un dommage et un lien de causalité entre le dommage et le comportement reproché. Il s’agit d’une responsabilité du fait personnel qui ne peut être dirigée que contre la personne ayant commis les actes fautifs. L’action en concurrence déloyale peut toutefois être dirigée contre la personne physique ou morale dont la faute personnelle est établie, contre le coauteur de cette faute ou contre le complice qui a participé à la déloyauté.
Les fautes constitutives de concurrence déloyale se décomposent en quatre catégories : le dénigrement, la confusion, la désorganisation et le parasitisme.
En l’espèce, la société [P] et fils, bien que mélangeant dans toutes les rubriques de ses conclusions les différents griefs qu’elle formule, reproche aux sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL les fautes suivantes, qu’il convient d’examiner successivement : une désorganisation de sa société (par le débauchage déloyal de salariés et l’utilisation de ses données pour détourner sa clientèle, par le démarchage systématique et le détournement massif de sa clientèle) du parasitisme et de la confusion.
Sur la désorganisation par des man’uvres de détournement de la clientèle
La société [P] et fils reproche aux sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL le détournement de fichiers lui appartenant par l’intermédiaire de M. [K], la suppression par celui-ci de fichiers importants sur son ordinateur professionnel avant son départ et le détournement massif de clientèle.
Si le démarchage de la clientèle d’un concurrent est une pratique commerciale normale qui ne constitue pas en elle-même un acte de concurrence déloyale, même si le démarcheur est un ancien salarié, il en va différemment dans le cas de prospection systématique de la clientèle ou de procédés déloyaux.
Il ressort des procès-verbaux des opérations de saisie réalisées en exécution des ordonnances sur requête que sur l’ordinateur portable personnel de M. [K] trouvé à son domicile ainsi que sur son ordinateur au sein des locaux des sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL ont été retrouvés un certain nombre de documents provenant de la société [P] et fils tels que les tableaux des ventes de cette société au Portugal pour les années 2014-2015, 2015-2016, 2016-2017 et 2017-2018 avec des diagrammes circulaires de répartition des ventes, des confirmations de vente auprès de clients de cette société et des rapports de visite des clients. L’expert informatique a relevé que les fichiers trouvés sur son ordinateur professionnel y ont été placés dès le 3 octobre 2018, premier jour de son contrat de travail au sein des sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL. Ont également été trouvés sur son ordinateur personnel dans un courriel adressé à sa compagne le 6 août 2018 intitulé « au cas où », une liste de clients et une liste de transporteurs de la société [P] et fils.
Il est également établi par l’attestation de M. [Z], qui était en charge de l’informatique du groupe [P] en 2018, que « le 24 septembre 2018, [R] [P] m’a contacté afin de me demander s’il était possible de retrouver les fichiers annuels de ventes de M. [K] suite à son départ de l’entreprise. J’ai donc vérifié sur le poste de M. [K] la présence de ces fichiers sans succès. J’ai vérifié ensuite sur le partage de fichiers de notre serveur mais rien non plus. En utilisant le système de sauvegarde, j’ai pu retrouver certains fichiers (de 2012 à 2017) mais pas celui de 2018 qui ne devait probablement jamais avoir été placé sur le partage réseau. Afin de retrouver ce fichier manquant, j’ai utilisé un logiciel de récupération de fichiers (RECUVA) sur le disque dur du poste de travail de M. [K] le 4 décembre 2018. Le logiciel a permis de montrer que ce fichier (VENTE 2018) avait bien été présent sur le disque dur dans le bureau WINDOWS de l’utilisateur « filipe.mateus » et qu’il était supprimé. Malheureusement le statut du fichier ne permettait pas sa récupération ».
L’analyse des fichiers trouvés par l’huissier sur l’ordinateur professionnel de M. [K] démontre que les tableaux des ventes réalisées par M. [K] dans le cadre de son activité au sein de la société [P] et fils étaient extrêmement détaillés et contenaient des informations stratégiques et confidentielles dans le cadre de l’activité d’export de pommes de terre à destination du Portugal. Y figuraient notamment les prix d’achat, les prix de vente négociés client par client, l’organisation des ventes…
Il résulte des pièces produites par les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL qu’avant l’arrivée de M. [K], ces sociétés n’avaient quasiment aucune activité sur le marché Portugais. Mais qu’à compter de la campagne 2018-2019, les ventes de ces sociétés vers le Portugal ont explosé.
L’analyse des pièces produites par les parties, confirmée par celle réalisée par Mme [C], chargée par la société [P] et fils d’une évaluation de son préjudice, à partir de ces mêmes pièces, démontre une corrélation incontestable entre les clients et tonnages perdus par la société [P] et fils sur la campagne 2018-2019 concernant le marché du Portugal et les clients et tonnages gagnés par les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL sur la même campagne et pour le même marché.
Les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL ne peuvent, pour se dédouaner, avancer le fait que les tonnages qu’elle a gagnés sur le marché du Portugal correspondent aux tonnages qu’elle a perdus sur le marché de l’Espagne. L’éventuelle perte de clients sur le marché espagnol ne pouvant aucunement légitimer le détournement massif de la clientèle de la société [P] et fils au Portugal en usant de man’uvres déloyales. Elles ne peuvent pas plus valablement soutenir que les importateurs de pommes de terre au Portugal n’ont jamais un fournisseur exclusif, un tel élément ne permettant aucunement d’exclure un détournement de clientèle de sa part et il est totalement inexact de prétendre comme le font les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL que la société [P] et fils pouvait parfaitement maintenir ses volumes de vente malgré la présence d’un nouveau concurrent sur le marché portugais.
La parfaite corrélation entre les clients (Eurobatata, Hosal, Climerio, Batatas Neto, Marques Augusto, Batafama, Fronteiras & Aromas…) et tonnages perdus ne peut avoir été obtenue que par l’utilisation des données stratégiques se trouvant sur les fichiers retrouvés sur les ordinateurs de M. [K]. Ces éléments démontrent, sans que les arguments mis en avant par les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL ne contredisent utilement ces constatations précises, détaillées et flagrantes, que ces sociétés ont utilisé les données qui ont été déloyalement conservées par M. [K] pour détourner une part extrêmement importante de la clientèle de la société [P] et fils sur le marché du Portugal, portant ainsi atteinte au principe de loyauté devant présider aux relations entre entreprises en situation de concurrence. L’existence de man’uvres frauduleuses de la part des sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL est ainsi établie.
La société [P] et fils, qui a ainsi perdu 80% de ses tonnages de vente sur le marché du Portugal a nécessairement subi une désorganisation du fait de ce détournement massif de sa clientèle.
Il n’est en revanche aucunement établi que les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL se soient livrées à des dénigrements de la société [P] et fils ou de sa nouvelle salariée remplaçant M. [K] à l’égard de la clientèle de cette dernière société.
Il est ainsi démontré que les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL ont commis un acte de concurrence déloyale à l’égard de la société [P] et fils.
Sur la désorganisation par le débauchage déloyal de salariés
La faute peut consister en un débauchage déloyal des salariés d’un concurrent. En application des principes de liberté du travail et de liberté d’entreprendre, en l’absence d’une clause de non-concurrence, la simple embauche, dans des conditions régulières, d’anciens salariés d’une entreprise concurrente n’est pas en elle-même fautive. Le débauchage devient déloyal et donc illicite lorsqu’il s’accompagne de man’uvres déloyales et que les faits ont entraîné une désorganisation du fonctionnement de l’entreprise concurrente.
En l’espèce, les griefs de la société [P] et fils portent sur trois salariés, M. [K], M. [W] et M. [I].
M. [K] a intégré la société [P] et fils à compter de la fin de l’année 2012 en qualité de saisonnier puis a été embauché dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée le 3 septembre 2014. Il y exerçait les fonctions de commercial export vers le Portugal et n’avait pas le statut de cadre. Il percevait dans ce cadre une rémunération mensuelle brute de 2 150 euros outre une prime d’objectif.
Par lettre du 17 août 2018, M. [K] a indiqué à la société [P] et fils sa volonté de démissionner et les parties sont convenues de la dispense d’exécution d’une partie de son préavis, le contrat prenant fin le 25 septembre 2018.
M. [K] a été embauché le 3 octobre 2018 par la société MTFL en qualité de chargé d’affaires, cadre niveau VIII échelon 1 de la grille de classification de la convention collective du commerce de gros. Sa rémunération mensuelle brute est de 3 200 euros outre le versement d’une prime de vente mensuelle correspondant à 2% de la marge commercial brute des ventes qu’il a réalisées.
Les conditions du recrutement de M. [K] par la société MTFL ne permettent pas d’établir, contrairement à ce qu’affirme la société [P] et fils, un ciblage du salarié recruté en vue d’obtenir des informations stratégiques et confidentielles pour capter sa clientèle. Les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL démontrent en effet que l’embauche de M. [K] est intervenue après la démission de M. [H], qui remplissait les fonctions d’acheteur et de vendeur au sein de la société, que dans ce cadre, des démarches ont été effectuée par Mme [M] directrice générale de la société MTFL auprès de la chambre du commerce et de l’industrie et une annonce passée dans ce cadre. Mme [M] a également effectué des recherches via les réseaux sociaux Linkedin et Viadeo, qui sont démontrées par les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL. L’embauche, dans un premier temps, de M. [U] pour ces fonctions, avant qu’il ne soit mis fin à sa période d’essai par l’employeur est également démontrée, de même que le premier contact via Linkedin de Mme [M] envers M. [K].
Ces démarches de recrutement classiques ne permettent aucunement d’établir l’existence de man’uvre déloyales des sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL.
De même, aucune man’uvre déloyale ne peut être déduite du fait que, recherchant un commercial pour l’export vers l’Espagne, les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL aient retenu M. [K], qui parle portugais, alors même qu’il n’est pas contesté par la société [P] et fils que M. [K] avait déjà travaillé sur le marché espagnol en son sein et qu’il n’est aucunement démontré que M. [K] n’était pas en mesure d’intervenir sur le marché espagnol.
S’agissant ensuite des conditions de statut et financières offertes à M. [K] par les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL à M. [K] comparées aux conditions dont il bénéficiait au sein de la société [P] et fils, il ne saurait être reproché aux sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL d’avoir recruté M. [K] au statut de cadre alors que ce statut apparaît conforme aux dispositions de la convention collective applicable et aux diplômes de M. [K], titulaire d’un BTS management des unités commerciales et que les conditions financières proposées à M. [K], si elles ne sont pas identiques à celles dont avait bénéficié M. [U], embauché juste avant lui, n’en sont pas non plus très éloignées, démontrant ainsi l’absence d’anormalité économique des conditions d’embauche de M. [K]. Aucune man’uvre déloyale n’est en conséquence caractérisée à cet égard.
Concernant M. [I], il avait travaillé pour la société [P] et fils en qualité d’acheteur du 11 octobre 2016 au 16 juin 2017 son contrat n’ayant pas été reconduit, il a par la suite été embauché par la société Tereos. Il a ensuite été recruté par les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée courant octobre 2018, M. [K] l’ayant conseillé à Mme [M] dans le cadre de sa recherche d’un acheteur.
Dès lors que le contrat de M. [I] avec la société [P] et fils avait pris fin en juin 2017, aucune man’uvre déloyale ne peut résulter de son recrutement en octobre 2018 par les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL.
Enfin, concernant M. [W], il a été recruté dans le cadre d’un contrat à durée déterminée saisonnier du 19 septembre 2017 au 19 juillet 2018 par la société [P] et fils, travaillant comme acheteur dans l’équipe export vers le Portugal. M. [W] atteste qu’il a lui-même contacté la société Le Terricart, n’ayant pas souhaité renouveler son contrat avec la société [P] et fils en raison de l’insuffisance de la proposition financière et du fait qu’il n’avait pas perçu toutes les primes qui lui étaient dues. Aucune man’uvre déloyale des sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL n’est caractérisée concernant M. [W].
La société [P] et fils se prévaut également de faits de concurrence déloyale des sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL en ayant recruté M. [K] alors qu’il était soumis à une clause de non-concurrence.
En effet, commet une faute de nature à engager sa responsabilité civile délictuelle celui qui, en connaissance de cause, recrute un salarié en méconnaissance de l’obligation de non-concurrence s’imposant à ce dernier au bénéfice de son ancien employeur et celui qui, une fois informé de l’existence de l’obligation de non-concurrence s’imposant à son salarié, maintient la collaboration avec ce dernier. La charge de la preuve de la connaissance par le nouvel employeur de l’existence de la clause de non-concurrence dont la violation est alléguée pèse sur celui qui se prévaut de cette clause.
Engage encore sa responsabilité délictuelle à l’égard du créancier de l’obligation de non-concurrence celui dont l’ignorance sera considérée comme le résultat d’une négligence fautive, dans certaines circonstances, celui qui envisage un recrutement se voit imposer de se renseigner sur la situation de la personne concernée. Il en va ainsi lorsque le nouvel employeur exerce une activité exactement concurrentielle de l’ancien, en présence d’un salarié présentant une certaine expérience professionnelle et aussi lorsque, dans le secteur d’activité concernée, les clauses de non-concurrence sont usuelles.
Si la juridiction prud’homale dispose d’une compétence exclusive pour connaître de la violation par un salarié de la clause de non-concurrence, la juridiction commerciale connaît de la contestation, par le nouvel employeur poursuivi pour tierce complicité, de l’applicabilité de la clause de non-concurrence figurant dans le contrat de travail. Ainsi, le nouvel employeur, pour s’exonérer de sa responsabilité, peut invoquer le défaut de validité d’une clause de non-concurrence.
En l’espèce, le contrat de travail de M. [K] avec la société [P] et fils contenait une clause de non-concurrence ainsi rédigée :
« Article XI ‘ Clause non-concurrence
Compte tenu du caractère hautement concurrentiel du secteur d’activité, de la nature de ses fonctions et des informations confidentielles dont il peut disposer, notamment concernant les producteurs, la clientèle, les méthodes de vente, les méthodes d’achat, les méthodes d’approvisionnement, d’expédition et d’exportation, et plus généralement le savoir-faire de la société [P] et fils, M. [K] reconnaît que la protection des intérêts légitimes de la société justifie qu’il soit lié par un engagement de non-concurrence.
En conséquence, M. [K] s’interdit en cas de rupture du présent contrat quel qu’en soit la cause ou l’auteur et à quelque époque que la rupture intervienne, de s’intéresser directement ou indirectement, pour son compte personnel ou celui d’un tiers en tant que salarié, associé, mandataire social ou à tout autre titre à une entreprise ou une activité susceptible de concurrencer l’activité de la société, ses établissements, filiales éventuelles ou sociétés liées à la société [P] et fils, ou encore susceptibles de concurrencer l’activité de commercialisation de distribution de produits concurrents de ceux distribués par la société [P] et fils ou par toute autre société liée à la société [P] et fils à la date de cessation du contrat.
Compte tenu du champ d’intervention géographique principal de la société [P] et fils et de celui de M. [K], cette interdiction sera applicable à compter de la cessation effective de ses fonctions, que le préavis soit effectué ou non pendant une durée d’un an, dans le ou les secteurs géographiques qui auront été ceux de ses interventions au cours des deux dernières années d’exécution de son contrat de travail.
Par ailleurs, en cas de cessation du contrat de travail, pour quelque motif ou quelque cause que ce soit, et quelle que soit la partie qui en prenne l’initiative, M. [K] s’engage à communiquer à la société [P] et fils les nom et adresse de son nouvel employeur dès son embauche et à remettre à ce dernier un exemplaire de la présente clause.
A titre de contrepartie et pendant la durée d’application de la clause de non-concurrence, M. [K] bénéficiera du versement d’une indemnité mensuelle forfaitaire égale à 20% de la rémunération brute mensuelle.
La société [P] et fils pourra se décharger du versement prévu ci-dessus en libération M. [K] de l’interdiction de non-concurrence mais sous condition de prévenir l’intéressé par écrit dans les quinze jours qui suivront la notification de la rupture.
En outre, et dans le même délai, la société [P] et fils pourra décider de réduire la durée d’application de la clause de non-concurrence qui entraînera à due proportion la réduction de la durée d’application de la contrepartie pécuniaire.
En cas de violation par M. [K] de son obligation de non-concurrence, la société [P] et fils ne sera plus tenue à aucun versement et pourra exiger de M. [K] le remboursement des sommes qu’il aurait déjà perçues.
Par ailleurs, en cas d’infraction à l’engagement pris ci-dessus, M. [K] serait immédiatement redevable à titre de clause pénale d’une somme égale à 12 fois son salaire mensuel brut moyen des 6 derniers mois travaillés, et ce sans préjudice de dommages et intérêts qui pourraient être accordés à la société dans le cadre d’une action judiciaire relative à ces actes de concurrence. Dans l’hypothèse où une disposition légale ou conventionnelle nouvelle et nécessaire à la validité de la présente clause viendrait à être applicable, elle se substituera de plein droit à la disposition des présentes concernées pour faire produire son plein effet à la présente clause ».
Il n’est pas démontré par la société [P] et fils que les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL avaient connaissance de l’obligation de non-concurrence de M. [K] avant le jugement du tribunal de commerce. Le tribunal ne pouvait déduire de la mention de cette clause dans le courrier de la société [P] et fils adressé à M. [K] et le dispensant de son préavis que les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL en avaient nécessairement connaissance.
En revanche, l’ignorance des sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL doit être considérée comme le résultat d’une négligence fautive dès lors que les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL et la société [P] et fils exercent des activités exactement concurrentielles dans le domaine de l’export de pommes de terre et que M. [K] présentait une certaine expérience professionnelle, travaillant depuis quasiment cinq ans au sein de la société [P] et fils. Cette situation imposait aux sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL de se renseigner sur sa situation et en ne le faisant pas, les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL ont agi avec une légèreté blâmable.
Les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL invoquent, pour s’exonérer de leur responsabilité, le défaut de validité de la clause de non-concurrence.
Une clause de non-concurrence n’est en effet valable qu’à la condition d’être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et l’espace, de comporter une contrepartie pécuniaire et de tenir compte des spécificités de l’emploi occupé par l’ancien salarié.
La clause apparaît en l’espèce valable. Elle est en effet limitée à douze mois et porte sur le marché de la pomme de terre. En outre, M. [K] ayant été embauché en tant que « commercial export Portugal », elle est limitée géographiquement à cette zone en désignant les secteurs géographiques de son intervention. Elle prévoit également une contrepartie qui, contrairement à ce qu’affirment les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL, ne peut être qualifiée de dérisoire mais apparaît proportionnée aux limites posées.
En conséquence, la clause de non-concurrence figurant dans le contrat de M. [K] étant valable, il doit être retenu que les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL ont commis une faute délictuelle en recrutant M. [K], cette faute ayant contribué à la désorganisation qui s’en est suivie pour la société [P] et fils, telle que précédemment évoquée.
Sur la confusion
La société [P] et fils invoque la confusion dans son sens commun, faisant valoir que les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL ont bénéficié des contacts privilégiés des salariés débauchés avec les clients et fournisseurs, au point que certains d’entre eux pensaient contracter avec elle alors qu’ils contractaient avec les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL.
Or, en matière de concurrence déloyale, sous ce vocable de confusion sont sanctionnés les procédés qui ont pour objet ou pour effet de créer dans l’esprit de la clientèle une assimilation ou au moins des similitudes entre deux entreprises concurrentes ou les produites de ces entreprises, le client pouvant se méprendre sur l’identité de celui avec lequel il traite ou sur l’origine de ce qu’il acquiert.
Il n’est invoqué en l’espèce aucune imitation ou reproduction de produits commercialisés par la société [P] et fils. Il n’est pas plus fait état d’une confusion résultant d’une imitation par exemple des signes distinctifs de l’entreprise (nom commercial, enseigne) ou d’apparence des devis.
Ainsi, la société [P] et fils se contente de souligner la méprise de quelques clients ou fournisseurs, ne sachant plus s’ils contractaient avec elle ou avec les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL au regard du flou qu’entretenaient les salariés sur ce point, sans caractériser de faits matériels précis commis par les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL permettant de créer cette confusion.
En conséquence, aucun acte ressortissant de la confusion, au sens de la concurrence déloyale, n’est établi.
Aucune concurrence déloyale en raison du risque de confusion n’est ainsi établie.
Sur le parasitisme
Le parasitisme, ou concurrence parasitaire, désigne une forme de concurrence déloyale se caractérisant par le fait, pour un professionnel, de se placer dans le sillage d’un concurrent et de tirer profit, sans contrepartie, du fruit de ses investissements et de son travail ou de sa renommée, sans porter atteinte à un droit privatif, en réalisant ainsi des économies considérées comme injustifiées.
La concurrence parasitaire se définit comme l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, ou en exposant des frais bien moindres que ceux auxquels il aurait dû normalement faire face pour arriver au même résultat s’il n’avait pas bénéficié des efforts de l’autre.
En l’espèce, il est démontré que la société [P] et fils intervenait sur le marché portugais de la pomme de terre depuis de nombreuses années, et exportait plus de 16 000 de tonnes de pommes de terres par campagne sur ce marché. A compter de la campagne 2018/2019, la société [P] et fils a perdu ses principaux clients du Portugal, soit une perte de 16 745,513 tonnes.
Il est parallèlement établi que pour les campagnes 2015/2016 et 2016/2017, les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL n’avaient pas exporté de pommes de terre vers le Portugal et qu’elles en ont exporté 112 tonnes pour la campagne 2017-2018. En revanche, la vente de pommes de terre de ces sociétés vers le Portugal a explosé avec la campagne 2018/2019, 16 288,183 tonnes de pommes de terre ayant été vendues vers le Portugal.
Le nombre de tonnes de pommes de terre vendues par la société [P] et fils à destination du Portugal depuis plusieurs années et la croissance du tonnage vendu chaque année démontrent que celle-ci a, depuis plusieurs années, développé ses efforts vers ce marché et un certain savoir-faire.
Or les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL ont bénéficié d’un avantage concurrentiel, et non d’un « léger gain de temps » en employant les anciens salariés de la société [P] et fils, qui constituaient une équipe performante sur le marché du Portugal et avaient l’habitude de travailler ensemble, jouissant ainsi d’une rentabilité quasi immédiate. En outre, en récupérant les informations par les trois salariés qui travaillaient auparavant pour la société [P] et fils sur les méthodes de travail de celle-ci, les prix d’achat, les prix de vente négociés, ses clients et en détournant massivement sa clientèle, ainsi que cela a été précédemment établi, les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL se sont incontestablement placées dans le sillage de cette société pour tirer profit du fruit de son travail, établissant ainsi des faits de parasitisme.
***
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire à l’encontre de la société [P] et fils, engageant leur responsabilité civile délictuelle.
Sur le préjudice et le lien de causalité
Le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu, sans perte ni profit pour elle.
Le juge apprécie souverainement le montant du préjudice dont il justifie l’existence par la seule évaluation qu’il en fait sans être tenu d’en préciser les divers éléments, sans pouvoir allouer une réparation forfaitaire c’est-à-dire sans rapport avec l’étendue du préjudice subi.
En matière de concurrence déloyale, il s’infère nécessairement un préjudice fut-il seulement moral d’un acte, présomption de préjudice qui répond à la nécessité de permettre aux juges une moindre exigence probatoire lorsque le préjudice est particulièrement difficile à démontrer.
Cette présomption de préjudice ne dispense toutefois pas le demandeur de démontrer l’étendue de celui-ci.
sur les demandes au titre du préjudice financier, de trouble commercial et le préjudice d’image
La société [P] et fils évoque globalement ces trois postes de préjudice et en fait un chiffrage global.
Il doit cependant être précisé que l’existence d’un préjudice d’image subi par la société [P] et fils n’est aucunement démontrée.
En revanche, doit être pris en compte le trouble commercial issu de la désorganisation subie par la société [P] et fils, qui a eu des répercussions sur le long terme, de même que le préjudice financier qu’elle a subi.
Les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL ne contestent pas valablement le lien de causalité entre le préjudice financier et le trouble commercial subis par la société [P] et fils et leurs fautes constitutives de concurrence déloyale et parasitaire, compte tenu des éléments qui ont été précédemment retenus et détaillés. En effet, le lien direct entre les man’uvres et agissements des sociétés intimées et les préjudices de la société [P] et fils se déduit de la concomitance des faits reprochés et de la chute des tonnages vendus à destination du Portugal. En outre, contrairement à ce qu’affirment les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL, aucun lien ne saurait être établi entre une éventuelle évolution positive des ventes de la société [P] industrie potatoes à destination du Portugal et la baisse des ventes de la société [P] et fils sur ce même marché, dès lors que ces sociétés, bien qu’appartenant au même groupe, sont des entités distinctes et qui ne travaillent pas sur les mêmes produits ni avec les mêmes clients et étant en outre précisé que, pour clore le débat, la société [P] et fils a justifié de la stabilité des ventes de la société [P] industrie potatoes sur le marché du Portugal.
S’agissant de l’évaluation de son préjudice, la société [P] et fils sollicite au titre du préjudice financier et du trouble commercial :
* à titre principal, la somme de 2 180 643,27 euros, en retenant ainsi la marge sur coût variable de 14,07 euros et l’ensemble de ses pertes fermes, gains manqués et pertes de chance (évaluation sur 25 ans avec actualisation),
* à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour d’appel de céans ne devait retenir que les pertes évaluées sur 7 années, avec une marge sur coût variable de 14,07 euros, soit la somme de 1 929 854,95 euros,
* à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour d’appel ne devait pas retenir pour évaluer son préjudice financier la marge sur coût variable de 14,07 euros, mais la marge sur coût variable de 10,34 euros, avec la totalité de ses pertes fermes, gains manqués et pertes de chance évaluées par l’expert, soit la somme de 1 603 435,74 euros,
* à titre encore plus subsidiaire, si par extraordinaire la cour d’appel ne devait retenir que les pertes
La cour relève que chacune des parties propose un rapport d’expert évaluant le préjudice financier et le trouble commercial. Le rapport de Mme [C] soumis par la société [P] et fils se base sur l’évaluation de la marge sur coûts variables, évaluant des pertes sur 7 ans, avec une actualisation 6,7%, une perte de chance de gains sur 7 ans au taux de 50% (perte de chance d’avoir fait mieux), ainsi qu’une perte ferme sur 25 ans à laquelle elle applique un taux de probabilité de 50% et proposant plusieurs options.
De leur côté, les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL soumettent un rapport établi par M. [S], expert comptable, qui retient une détermination du préjudice de la société [P] et fils en raisonnant sur la base d’une valorisation du fonds de commerce qu’elle aurait perdu du fait des agissements reprochés aux sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL.
La cour relève que la méthode d’évaluation du préjudice retenue par le rapport de Mme [C], se basant sur la marge sur coûts variables, apparaît davantage cohérente et de nature à replacer la société [P] et fils dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit.
La cour retient que la marge sur coûts variables pour calculer le préjudice subi par la société [P] et fils doit être retenue à un prix à la tonne de 9,38 euros, comme le suggère le rapport de M. [S], dès lors que cette somme correspond à la moyenne de la marge sur coûts variables de la société [P] et fils pour les campagnes 2017/2018, 2018/2018 et 2019/2020 à destination du Portugal .
S’agissant de la durée du préjudice financier, il n’apparaît aucunement justifié de retenir une durée de 25 années comme proposé par Mme [C], quand bien même elle retient une perte de chance au delà de 7 ans, pas plus que la durée de 7 ans n’apparaît justifiée. Les faits de concurrence déloyale sont intervenus sur la campagne 2018/2019 et s’ils ont eu un impact sur les deux campagnes suivantes, seules trois campagnes seront retenues pour chiffrer le préjudice de la société [P] et fils. La société [P] et fils est en effet en mesure, trois ans après les agissements fautifs, de se réorganiser pour laisser à nouveau le jeu de la concurrence loyale répartir les parts de marché entre les différents négoces sur le marché du Portugal.
En outre, seule la perte ferme devra être retenue sur cette période, dès lors qu’il n’apparaît pas justifié d’y ajouter une perte de chance de faire mieux, les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL démontrant à juste titre que la réalité du marché est un recul des ventes françaises vers le Portugal sur les dernières campagnes. Aucune actualisation n’apparaît en outre opportune, les tonnages perdus sur ces trois campagnes étant connus, de sorte que la multiplication entre ces tonnages perdus et la marge sur coûts variables moyenne sur les trois campagnes est de nature à réparer le préjudice financier et le trouble commercial subis par la société [P] et fils.
En conséquence, au regard des éléments produits et précédemment rappelés, le préjudice financier et le trouble commercial de la société [P] et fils seront chiffrés à la somme 515 814,74 euros.
Les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL seront condamnée in solidum à payer à la société [P] et fils cette somme de 515 814,74 euros.
Sur les demandes au titre du préjudice moral
La société [P] et fils ne justifie aucunement de la réalité d’un préjudice moral s’ajoutant au préjudice financier et au trouble commercial précédemment retenus, comme l’a pertinemment relevé le premier juge.
Elle doit en conséquence être déboutée de cette demande.
Sur les autres demandes
La société [P] et fils sollicite de la cour de :
– ordonner de manière définitive aux sociétés MTFL, Maleg et Le Terricart la cessation de tout agissement constitutif de concurrence déloyale et parasitaire à son encontre,
– ordonner la publication d’un extrait de la décision à intervenir, le coût de chaque publication ne pouvant excéder le coût TTC de 5 000 euros, dans deux publications à son choix, ainsi que sur les pages de garde des sites [04] et [05], et ce pour une période qui ne saurait être inférieure à un mois et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir.
Elle sollicite également la confirmation du jugement en ce qu’il a ordonné la destruction des fichiers sous le contrôle d’un huissier assisté par un expert informaticien aux frais des sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL dans un délai de 8 jours qui suivra la signification du jugement à intervenir, chef dont les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL sollicitent la réformation.
S’agissant de la première demande, la cour, qui a réparé le préjudice résultant pour la société [P] et fils de la commission par les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL d’actes de concurrence déloyale et parasitaire, ne peut ordonner à ces sociétés de façon générale et sans aucune sanction de cesser tout acte de ce type. La société [P] et fils sera débouté de cette demande.
S’agissant de la demande de publication de la décision, il n’y a pas lieu de l’ordonner, aucun élément ne justifiant d’y recourir compte tenu du laps de temps s’étant écoulé depuis la réalisation des fautes. Le préjudice subi par la société [P] et fils est intégralement réparé par l’octroi des dommages et intérêts. La société [P] et fils sera déboutée de cette demande.
La cour ordonne la destruction des fichiers, aucune nécessité de conservation de ces éléments par les appelantes n’étant justifiée, étant en outre précisé que si les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL justifient par la production d’un constat d’huissier de la destruction des fichiers se trouvant sur les ordinateurs dans leurs locaux, il n’a pas été justifié de la destruction des fichiers se trouvant sur l’ordinateur personnel de M. [K].
Sur les prétentions annexes
Les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL, qui succombent, seront condamnées in solidum aux dépens et, en équité, à payer à la société [P] et fils la somme de 18 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Annule le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Arras le 13 mai 2020 ;
Rejette la demande de rejet de pièces ;
Condamne in solidum les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL à payer à la société [P] et fils la somme de 515 814,74 euros en réparation de son préjudice financier et du trouble commercial ;
Déboute la société [P] et fils de sa demande d’indemnisation de son préjudice d’image et moral ;
Déboute la société [P] et fils de sa demande tendant à ce qu’il soit ordonné de manière définitive aux sociétés MTFL, Maleg et Le Terricart la cessation de tout agissement constitutif de concurrence déloyale et parasitaire à son encontre ;
Déboute la société [P] et fils de sa demande tendant à la publication d’un extrait de la décision à intervenir dans deux publications à son choix, ainsi que sur les pages de garde des sites [04] et [05] sous astreinte ;
Ordonne la destruction des fichiers déloyalement détenus sous le contrôle d’un huissier assisté par un expert informaticien aux frais des sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL dans un délai de 8 jours qui suivra la signification du présent arrêt ;
Condamne in solidum les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL aux dépens ;
Condamne in solidum les sociétés Le Terricart, Maleg et MTFL à payer à la société [P] et fils la somme de 18 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Valérie Roelofs
Le président
Dominique Gilles