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12 avril 2023
Cour d’appel d’Amiens
RG n°
22/01140
ARRET
N°
S.A.S. [G] LOGISTIQUE
C/
[I]
copie exécutoire
le 12/04/2023
à
Selas FIDAL
Me FABING
LDS/IL/BG
COUR D’APPEL D’AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE
ARRET DU 12 AVRIL 2023
*************************************************************
N° RG 22/01140 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IL6E
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE PERONNE DU 21 FEVRIER 2022 (référence dossier N° RG 21/00023)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A.S. [G] LOGISTIQUE
Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
comparante en la personne de son président M. [J] [G],
assistée, concluant et plaidant par Me Isabelle COPPIN-CANGE de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Mickael DUFOUR, avocat au barreau d’AMIENS
représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d’AMIENS substituée par Me Alexis DAVID, avocat au barreau d’AMIENS, avocat postulant
ET :
INTIME
Monsieur [H] [I]
né le 12 Juillet 1963 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté, concluant et plaidant par Me Stéphane FABING, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN
DEBATS :
A l’audience publique du 15 février 2023, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.
Madame Laurence de SURIREY indique que l’arrêt sera prononcé le 12 avril 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Laurence de SURIREY en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 12 avril 2023, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.
*
* *
DECISION :
M. [I] a été embauché à compter du 1er juillet 2003 par la société Logistique [G], aujourd’hui dénommée société [G] logistique (la société ou l’employeur), par contrat à durée indéterminée, en qualité de chef d’exploitation logistique.
La société Logistique [G] a été acquise par la société Groupe Mory en 2006, qui a ensuite été liquidée en 2011.
Au dernier état de la relation contractuelle, M. [I] occupait le poste de directeur de sites logistiques.
Son contrat est régi par la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires des transports.
L’entreprise emploie un effectif supérieur à 10 salariés.
Par courrier du 15 janvier 2019, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le 23 janvier 2019 et a été mis à pied à titre conservatoire.
Par courrier du 31 janvier 2019, il a été licencié pour faute grave.
Contestant le bien-fondé du licenciement prononcé à son encontre, M. [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Péronne qui, par jugement du 21 février 2022, a :
– dit que le licenciement de M. [I] était sans cause réelle et sérieuse ;
– dit que les primes de performance étaient dues ;
– dit que la prime de non-concurrence n’existait pas.
– condamné la société [G] logistique à payer à M. [I] les sommes suivantes :
– 14 424,78 euros bruts au titre du préavis ;
– 1 442,47 euros bruts au titre des congés payés sur préavis ;
– 30 267,94 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
– 30 000 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 4 438,40 euros brut au titre de la prime de performance 2017 ;
– 443,84 euros brut au titre des congés payés sur prime performance 2017 ;
– 4 438.40 euros brut au titre de la prime performance 2018 ;
– 443,84 euros brut au titre des congés payés sur prime performance 2018 ;
– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté M. [I] du surplus de ses demandes ;
– débouté la société [G] de l’ensemble de ses demandes ;
– condamné la société [G] aux dépens.
Par conclusions remises le 25 octobre 2022, la société [G] logistique, qui est régulièrement appelante de ce jugement, demande à la cour de :
– la recevoir en ses conclusions ;
– réformer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Péronne en date du 21 février 2022 ;
– débouter M. [I] de son appel incident ;
Et, statuant à nouveau,
– déclarer le licenciement pour faute grave bien fondé ;
– déclarer les primes de performance des années 2017 et 2018 non dues ;
– condamner M. [I] au remboursement de l’intégralité des sommes versées à ce titre ;
En conséquence,
– débouter M. [I] de son appel incident ;
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Péronne en date du 21 février 2022 en ce qu’il a débouté M. [I] de ses prétentions afférentes.
En tout état de cause,
– condamner M. [I] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions remises le 29 juillet 2022, M. [I] demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu le 21 février 2022 par le conseil des prud’hommes de Péronne sauf en ce qu’il a dit que la prime de non-concurrence n’existait pas, et a condamné la société [G] logistique à la somme de 30 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau,
– juger que la prime de non-concurrence était due ;
– condamner la société [G] logistique à la somme 19 972,80 euros brut à titre d’indemnisation pour la rémunération de la clause de non-concurrence ainsi que 1 997,28 euros brut de congés payés afférents ;
– condamner la société [G] logistique à la somme de 65 906,06 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– condamner la société [G] logistique au paiement de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ;
– condamner la société [G] logistique aux entiers dépens de première instance et d’appel.
EXPOSE DES MOTIFS :
1/ Sur la prime de performance
La société [G] logistique expose que dans le cadre du contrat de travail liant M. [I] à la société Groupe mory, liquidée en 2011, trois documents lui ont été adressés prévoyant les conditions d’attribution d’une prime de performance pour les seules années 2008, 2009 et 2010. Elle soutient toutefois que la lecture de l’avenant au contrat de travail conclu en août 2008, prévoyant l’attribution de cette prime, démontre la volonté des cocontractants d’en conditionner l’attribution et de ne pas lui octroyer un caractère pérenne. Elle en déduit que cette prime ne constitue pas un avantage contractuel que le nouvel employeur avait obligation de reprendre et que son maintien nécessitait l’accord réciproque de l’employeur et du salarié. Elle ajoute que si le salarié a effectivement bénéficié du paiement d’une prime de performance en 2013, celle-ci doit être vue comme bénévole pour ne pas avoir été contractualisée, ou présenter les caractéristiques d’un usage. Enfin, elle soulève que les critères pris en considération pour l’octroi de la prime en 2008, 2009 et 2010 font défaut pour les années 2017 et 2018 en raison de la liquidation de la société Groupe Mory en 2011.
M. [I] réplique que peu important la reprise de son contrat de travail par la société [G] logistique, le nouvel employeur était tenu au paiement des primes prévues par son contrat de travail en l’absence de toute modification de celui-ci. Il ajoute que cette prime, outre son fondement contractuel, relevait d’une pratique constante, générale et fixe de sorte qu’elle doit être considérée comme un usage dont l’employeur ne saurait s’affranchir du paiement. Par ailleurs, il soutient que la société était tenue d’adapter les critères d’octroi de la prime et relève qu’elle a été en capacité de le faire s’agissant du versement de la prime de performance en 2013.
Conformément aux dispositions prévues à l’article L.1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.
Il résulte de la combinaison des articles 1103 du code civil et L.1221-1 du code du travail que le mode de rémunération contractuel d’un salarié, y compris les primes d’origine contractuelle, constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être supprimé sans son accord.
Lorsque le paiement d’une prime est conditionné à la réalisation d’objectifs définis unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, celui-ci peut les modifier dès lors qu’ils sont réalisables et qu’ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d’exercice.
A défaut pour l’employeur d’avoir porté ces objectifs à la connaissance du salarié, la rémunération variable en résultant doit être payée intégralement.
En l’espèce, il est acquis que, consécutivement à la promotion du salarié sur le poste de directeur de sites logistiques, son contrat de travail a été modifié par avenant du 1er août 2008, lequel prévoit, en matière de rémunération, une part variable par le versement d’une prime de performance.
La clause correspondante est rédigée comme suit : «Vous pourrez bénéficier du versement d’une prime de performances selon les règles applicables dans la société. L’attribution de la prime de performances est conditionnée à la présence effective du salarié à la date de versement de la prime, aucune proratisation n’est effectuée en cas de départ en cours d’année ou avant la date du versement. La rémunération fixée au présent contrat a été convenue compte tenu de la nature des fonctions et responsabilités du salarié et restera indépendante du temps qu’il consacrera de fait à l’exercice de ses fonctions ».
La cour observe que les présentes stipulations ne précisent en aucune manière le caractère ponctuel de la part variable de la rémunération du salarié, que l’emploi du conditionnel dans la rédaction de cette clause se justifie surtout par l’aléa relatif à l’atteinte des objectifs définis unilatéralement par l’employeur, et que la conclusion de cet avenant a été suivi par l’envoi de notifications relatives aux critères d’attribution des primes pour les années 2008, 2009, et 2010.
Ainsi, il convient de retenir que cette prime visée par l’avenant du 1er août 2008, qui ne présente pas un caractère bénévole et ne relève pas d’un usage, est fondée contractuellement.
Compte tenu de la nature contractuelle de la prime de performance, la société [G] logistique ne peut utilement se prévaloir de la modification de la situation juridique de l’employeur en raison de la liquidation de la société Groupe Mory en 2011, dès lors qu’en reprenant le contrat de travail, sans en modifier les termes en accord avec le salarié, elle se trouvait tenue d’en poursuivre l’exécution dans les mêmes conditions.
De plus, la cour relevant que l’employeur a été en mesure de payer une prime de performance au bénéfice de M. [I] en 2013, il ne peut soutenir qu’il se trouvait dans l’incapacité d’établir des critères d’éligibilité pour son octroi en raison du caractère obsolète de ceux qui étaient jusqu’alors retenus par la société Groupe Mory.
Enfin, il n’est ni prouvé ni soutenu que l’employeur ait informé le salarié des objectifs qu’il devait réaliser pour prétendre au bénéfice de la prime de performance au titre des années 2017 et 2018, de sorte que c’est à raison que M. [I] soutient que ces primes doivent lui être intégralement payées.
Dès lors, c’est à bon droit que le conseil, considération prise du montant de la dernière prime de performance qui avait été octroyée à M. [I] en 2013, a condamné la société [G] logistique à payer au salarié les primes correspondantes aux années 2017 et 2018.
Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.
2/ Sur l’existence d’une clause de non concurrence
M. [I] soutient que la clause prévue par l’avenant d’avril 2008 ne constitue pas une clause de non-sollicitation de clientèle au sens du droit commercial mais bien une clause de non-concurrence dès lors qu’elle a pour effet de lui interdire d’entrer en relation, directement ou indirectement, et selon quelque procédé que ce soit, avec la clientèle qu’il avait démarchée lorsqu’il était au service de son ancien employeur. Il affirme être en droit de solliciter une contrepartie financière au titre de cette clause de non-concurrence dont il fixe le montant à 19 972,80 euros, outre 1 997,28 euros de congés payés afférents.
En réponse, la société [G] logistique soutient qu’une clause de non-sollicitation, à l’instar de celle prévue par l’avenant du 1er avril 2008, ne constitue pas une clause de non-concurrence sujette à une contrepartie financière. Elle précise que cette clause a uniquement pour objet d’interdire au salarié de solliciter ses clients et le laisse libre de tout engagement.
En application de l’article L.1121-1 du code du travail, la clause selon laquelle il est fait interdiction à un salarié, durant une période déterminée, d’entrer en relation, directement ou indirectement, et selon quelque procédé que ce soit, avec la clientèle qu’il avait démarchée lorsqu’il était au service de son ancien employeur est une clause de non-concurrence.
Pour être licite, la clause doit être justifiée par les intérêts légitimes de l’entreprise ; doit laisser au salarié la possibilité d’exercer normalement l’activité qui lui est propre ; doit être limitée dans le temps ou dans l’espace ; et doit comporter l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière.
En l’espèce, les stipulations litigieuses prévues par l’avenant du 16 avril 2008 sont rédigées comme suit : « Compte tenu de la spécificité des services et de l’offre du groupe, ainsi que de son savoir-faire particulier, et compte tenu de la nature des fonctions du salarié, lui permettant de connaître les clients du groupe, le salarié s’interdit en cas de résiliation du présent contrat pour quelque cause qu’elle survienne, pendant une période de 18 mois, à compter de la date de son départ définitif de la société, et sauf autorisation expresse, écrite et préalable de la société, de solliciter directement ou indirectement, pour son compte ou celui d’un tiers, au profit d’activités directement concurrentes de celle du groupe et sous quelque forme que ce soit, les clients de la société. En cas de doute, le salarié s’engage à demander par écrit à la société les informations nécessaires lui permettant de savoir si une personne physique ou morale était cliente de la société à la date de la cessation effective de ses fonctions ».
La cour observe qu’à la différence d’une clause de non-concurrence, la clause dite de non-sollicitation de clientèle visée par cet avenant se borne à interdire au salarié toute sollicitation directe ou indirecte afin d’entrer en relation avec les sociétés clientes de son employeur pour une durée de 18 mois, sans pour autant le priver d’exercer une activité professionnelle concurrente, qu’elle soit salariée ou pour son propre compte.
Cette clause n’interdit pas davantage au salarié d’entrer en relation avec les clientes de son employeur dans l’hypothèse où il serait spontanément démarché.
Il s’en suit que cette clause doit être vue comme une clause de non-détournement de clientèle qui n’avait pas pour effet de restreindre la possibilité pour le salarié d’exercer une activité concurrente et pour laquelle l’employeur n’était pas tenu de verser une contrepartie financière.
Dès lors, par confirmation du jugement déféré, M. [I] sera débouté de sa demande tendant au paiement d’une contrepartie financière.
3/ Sur le licenciement pour faute grave
La société [G] logistique expose que le salarié a, le 13 janvier 2019, soustrait frauduleusement la marchandise appartenant à l’un de ses clients, et soutient en apporter la preuve par la production de procès-verbaux de constat établis par un huissier de justice. A l’appui de ces documents, elle précise que M. [I] a été observé le dimanche 13 janvier 2019 par les caméras de vidéo-surveillance du site portant des cartons, et que, le 14 janvier 2019, l’huissier de justice mandaté a constaté l’absence de quatre lots de cafetières.
Par ailleurs, elle fait grief à M. [I], pourtant chargé d’assurer la gestion du site et de garantir la réalisation du budget, de ne pas avoir procédé à la facturation de la société Locatelli pour l’entreposage de 33 palettes et estime son préjudice à la somme de 3 316,50 euros. Elle produit un ensemble de factures dont elle déduit que les rapports commerciaux entre les deux sociétés n’ont jamais exclu la facturation de leurs prestations en dépit de leurs bonnes relations commerciales. Elle expose que le salarié s’est également abstenu de facturer la société Château d’eau pour une prestation du mois de décembre 2018. Elle indique ensuite que, le 17 janvier 2019, M. [I] est entré en contact avec un représentant d’une société cliente en dépit de la mise à pied conservatoire prononcée à son encontre.
De plus, elle produit un ensemble de photographies dont elle déduit que le salarié s’abstenait de porter les chaussures de sécurité mises à sa disposition.
Enfin, elle se prévaut d’un procès-verbal de constat établi par un huissier de justice faisant état de la remise d’un téléphone de service lors de son entretien préalable qui n’était pas celui qui avait été mis à sa disposition.
M. [I] réplique que son employeur, qui supporte la charge de la preuve des manquements exposés dans la lettre de licenciement, est incapable de produire le moindre élément de preuve pertinent et que les constats d’huissiers sont totalement inopérants. Il conteste avoir subtilisé les lots de cafetières qui étaient entreposés et soutient que les cartons transportés le 13 janvier 2019 étaient vides. Il souligne que la plainte déposée par son employeur a été classée sans suite.
S’agissant de la facturation des sociétés clientes, le salarié expose que des tarifs avaient été négociés avec la société Château d’eau et qu’une facturation avait été convenue à partir du mois de janvier 2019. Il ajoute que son employeur avait été informé de cette absence de facturation pour le seul mois de décembre 2019 et qu’un accord verbal lui avait été donné. S’agissant de la facturation pour l’entreposage des marchandises de la société Locatelli, M. [I] fait état de pratiques anciennes consistant à ne pas payer les prestations de transport réalisées par cette société en raison de leurs liens étroits.
Par ailleurs, il conteste avoir pris contact avec un représentant de la société Daltys à des fins professionnelles lors de la période de mise à pied conservatoire, et soutient qu’il s’agissait d’une rencontre à titre strictement privé.
S’agissant du comportement inapproprié qu’il aurait adopté, il soutient que les éléments présentés par l’employeur sont insuffisants pour établir qu’il s’abstenait de porter ses chaussures de sécurité.
Il ajoute qu’il n’a pu restituer le téléphone qui lui avait été remis en ce qu’il avait été accidentellement détruit trois jours avant sa mise à pied.
La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l’employeur, qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d’autres griefs que ceux qu’elle énonce. La lettre de licenciement est motivée comme suit :
« Monsieur,
Dans le prolongement de notre entretien du 23 janvier 2019 auquel vous étiez accompagné d’un conseiller du salarié, je suis au regret de vous notifier votre licenciement pour fautes graves aux motifs suivants :
1- Dossier DALTYS
En votre qualité de Directeur logistique, vous avez en charge le stock des marchandises qui nous sont confiées par nos clients. Ainsi, le client DALTYS nous a fait livrer sur deux palettes soit 24 colis de cafetières de référence Nescafé ALLEGRIA A510 machine 2.0 EXE.
Or, contrairement à nos procédures (dont le respect vous incombe), l’entrée de ces cafetières n’a pas été référencée, ni signalé au client. Il s’agissait donc d’un litige et ce lot aurait du être isolé dans l’attente du traitement. Il s’est avéré que certaines cafetières ont disparu. Vous avez fait procéder au retour du restant dans notre entrepôt principal mais sans que celui-ci soit isolé dans la partie litige. Alerté et intrigué par ces irrégularités le vendredi 11 Janvier 2019, j’ai fait constater, par voie d’huissier, la contenance et le stockage de ce lot. Le lundi suivant, il ne restait plus que 12 colis de cafetières sur une palette. Donc 4 cartons avaient disparus sur la deuxième palette. Je l’ai fait également constater par huissier. Dans la mesure où nous sommes équipés de caméra de vidéosurveillance, j’ai visionné les éléments et j’ai constaté que vous aviez personnellement pris 4 colis de cafetières le dimanche 13 Janvier, sans m’en référer, ni avant, ni après. Ce comportement est inadmissible.
2- Dossier château d’eau
Alors que l’une de nos salariées allait gérer ce dossier, comme à son habitude, vous lui avez interdit de le faire lui indiquant le traiter vous même. Or il s’avère que ce dossier n’a pas fait l’objet d’une facturation, contrairement à nos procédures. Il en résulte un manque à gagner évident pour notre entreprise.
3- Dossier « LOCATELLI »
Vous avez accepté le 29 novembre dernier de stocker 33 palettes, pour le compte d’un transporteur LOCATELLI et je constate que cet entreposage n’a fait l’objet d’aucune facturation. Ces palettes sont sorties de notre entrepôt le 17 janvier 2019.
Il s’agit la encore d’un grave manquement à vos obligations contractuelles.
4- Votre lettre de convocation à l’entrenen préalable au licenciement était assortie d’une mise à pied à titre conservatoire. Or je constate que vous avez pris plusieurs contacts avec notre clientèle durant cette période de mise à pied à titre conservatoire, afin de servir vos intérêts personnels. Il s’agit là encore d’un acte d’insubordination qui n’est pas tolérable.
5- Alors que la procédure de licenciement est assortie d’une mise à pied à titre conservatoire et que nous vous avions demandé de nous restituer le téléphone portable qui vous était confié à des fins professionnelles, vous avez refusé de nous le restituer le jour de la notification de la mise à pied. Vous avez indiqué souhaiter retirer vos éléments personnels. Puis finalement vous nous avez remis un téléphone qui n’est pas celui que nous vous avions confié. Lors de l’entretien vous avez déclaré avoir roulé dessus pendant vos vacances. Cependant, vous n’ avez jamais déclaré la perte ou la dégradation de ce téléphone avant de nous le restituer. Seule une vérification du matériel nous a permis de prendre conscience de vos man’uvres destinées à nous remettre un Iphone acheté en 2015 et non celui acquis par vos soins sur le compte de l’entreprise en septembre 2018.
6- Plus généralement, vous adoptez depuis quelques temps un comportement qui n’est pas approprié, compte tenu de vos attributions et de votre statut : à titre d’exemple, vous avez formulé à l’une de nos salariée une remarque parce qu’elle ne portait pas de chaussures de sécurité, alors que vous-même vous vous abstenez d’en porter.
Il convient de souligner que l’ensemble de ces comportements s’inscrit dans le contexte d’une demande de votre part d’une rupture conventionnelle de votre contrat de travail aux fins de créer votre propre entreprise. L’ensemble de ces griefs rend impossible la continuation de votre contrat de travail, compte tenu de leur gravité.
Votre contrat de travail cesse donc immédiatement sans préavis ni indemnités ».
La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La mise en ‘uvre de la procédure de licenciement doit donc intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs allégués et dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.
C’est à l’employeur qui invoque la faute grave et s’est situé sur le terrain disciplinaire de rapporter la preuve des faits allégués et de justifier qu’ils rendaient impossibles la poursuite du contrat de travail.
En l’espèce, il est constant que la société [G] logistique a été destinataire de colis contenant des cafetières qui ont été entreposés sur le site de l’entreprise dans l’attente d’une décision sur leur destination.
A l’aune des déclarations constantes du salarié et des clichés extraits du système de vidéo-surveillance du site constatés par le procès-verbal d’huissier de justice du 30 janvier 2019, il est établi que M. [I] s’est rendu le dimanche 13 janvier 2019 sur le site de dépôt et en est ressorti avec plusieurs cartons qu’il a déposés dans son véhicule personnel.
L’employeur présente également un historique des évènements sur le site entre le 11 et le 14 janvier 2019, dont il ressort l’existence d’une activité le 13 janvier 2019 aux seules heures de passage de M. [I].
De plus, lors de son entretien préalable qui s’est tenu le 23 janvier 2019, dont les échanges sont retranscrits par le salarié qui l’assistait, M. [I] a déclaré que, à l’exception de M. [G], il était le seul qui pouvait se rendre sur le site pendant les heures de fermeture et le week-end.
Or, il ressort du procès-verbal du 11 janvier 2019 et de l’attestation du 20 février 2019, établis par la même étude d’huissier de justice, la présence de 16 lots de cafetières portant la même référence et contenus dans des cartons qui étaient fermés et garnis.
L’huissier de justice a de nouveau été mandaté par l’employeur le lundi 14 janvier 2019 et a constaté, le même jour, qu’il ne restait plus que 12 lots de cafetières sur la palette.
Le procès-verbal de constat établi le 14 janvier 2019 rapporte également les propos de M. [E], le directeur administratif, affirmant avoir procédé à la fermeture des bâtiments et du portail le vendredi 11 janvier 2019 vers 18h30 une fois les salariés partis, et que les 16 lots étaient toujours à leur place.
De plus, l’employeur présente plusieurs témoignages de salariés, corroborés par des photographies, lesquels exposent la politique en vigueur au sein de l’entrepôt pour le déconditionnement des cartons vides qui se trouvent systématiquement entreposés à plat, évacués et broyés à la fin de chaque journée de travail. L’argumentation soutenue par M. [I], tendant à dire qu’il s’était expressément rendu le dimanche 13 janvier 2019 pour récupérer des cartons vides, n’apparaît pas crédible ce d’autant que les cartons emportés étaient de dimensions conséquentes ce qui rendait leur manipulation beaucoup moins pratique que des cartons pliés.
Enfin, le salarié n’a pas respecté la procédure en vigueur quant à l’enregistrement des colis de sorte que l’entrée de ceux-ci n’étaient ni référencée, ni confirmée au client ce qui pouvait permettre de les faire disparaître sans laisser de trace.
M. [I] a, par ailleurs, expressément demandé à ce que les palettes soient déposées devant son bureau, puis près de l’escalier accédant aux bureaux administratifs ce qui est contraire aux règles en vigueur ainsi qu’en attestent Mme [V] assistante de logistique et M. [S] chef de quai.
Il résulte ainsi des éléments de preuve présentés par l’employeur que le salarié, qui est le seul à s’être rendu sur le site le dimanche 13 janvier 2019, est entré dans le bâtiment pour en ressortir avec des cartons dans lesquels étaient nécessairement contenues les cafetières constatées comme manquantes le lundi 14 janvier 2019.
L’employeur établit la réalité du vol de marchandises reproché à M. [I] aux termes de la lettre de licenciement.
Ainsi, sans qu’il soit utile d’examiner les autres griefs et de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, nonobstant l’ancienneté du salarié, ce manquement, par la nature et les circonstances de sa commission, caractérise la faute grave rendant impossible son maintien dans l’entreprise y compris pendant la durée du préavis.
Dès lors, par infirmation du jugement déféré, le licenciement pour faute grave de l’intéressé est justifié et M. [I] sera débouté de l’ensemble de ses demandes indemnitaires subséquentes.
4/ Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le sens du présent arrêt conduit à infirmer la décision déférée en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.
Il convient de condamner M. [I], tenu aux entiers dépens, à payer à la société [G] logistique la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt contradictoire ;
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu’il a condamné la société [G] logistique à payer à M. [I] les primes de performance correspondantes aux années 2017 et 2018 et en ce qu’il a débouté à M. [I] de sa demande tendant au paiement d’une contrepartie financière en l’absence de clause de non-concurrence,
Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,
Dit que le licenciement pour faute grave prononcé à l’encontre de M. [I] le 31 janvier 2019 est justifié,
Déboute M. [I] de ses demandes indemnitaires subséquentes,
Condamne M. [I] à payer à la société [G] logistique la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,
Condamne M. [I] aux dépens.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.