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11 mai 2023
Cour d’appel de Dijon
RG n°
21/00875
LC/IC
S.A.R.L. LIBERTISSIMMO
C/
S.A.S. BML BOURGOGNE CONSULTING
S.C.P. BTSG²
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE DIJON
2ème chambre civile
ARRÊT DU 11 MAI 2023
N° RG 21/00875 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FXQH
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : au fond du 31 mai 2021,
rendue par le tribunal de commerce de Chalon sur Saône – RG : 2020001973
APPELANTE :
S.A.R.L. LIBERTISSIMMO
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 126
assistée de Me Antoine GUERINOT, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
S.A.S. BML BOURGOGNE CONSULTING agissant poursuites et diligences en la personne de son Président en exercice domicilié au siège social sis :
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Lionel COUTACHOT, membre de la SELAS Lionel COUTACHOT, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE
PARTIE INTERVENTANTE :
S.C.P. BTSG² représentée par Maître [W] [C] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL LIBERTISSIMMO
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 126
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 09 mars 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, Président,
Sophie BAILLY, Conseiller,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller, qui a fait le rapport sur désignation du Président,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier
DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 11 Mai 2023,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
La société Libertissimmo, auparavant basée à [Localité 6] est spécialisée dans le secteur d’activité des agences immobilières. Elle est dirigée depuis 2011 par M. [Z] [G], qui en est le créateur.
Elle anime un réseau de mandataires indépendants dans le Val de Saône et le secteur du Mâconnais.
Au cours de l’année 2017, la société Libertissimmo et Mme [V] [X], disposant d’une carte professionnelle d’agent immobilier, se sont rapprochées, l’objectif étant d’entamer une collaboration sous délégation de l’enseigne Libertissimmo, avec la création et la gestion d’une nouvelle agence immobilière physique au sein de la ville de [Localité 5], et de partager le savoir faire et les réseaux de chacun.
Mme [V] [X] a créé le 21 avril 2017 une société BML Bourgogne Consulting.
Estimant que la société BML Bourgogne Consulting n’avait jamais collaboré loyalement avec elle et qu’elle avait sciemment procédé à des actes de parasitisme et de détournement de clientèle à son détriment, la société Libertissimo l’a fait assigner, par acte du 11 juin 2020, aux fins de la voir :
– condamner à lui verser la somme de 6.276 euros correspondant aux frais de publicité engagés au sujet de l’agence de [Localité 5],
– ordonner sous astreinte de 500 euros par jour la communication de l’intégralité de ses registres commerciaux de vente et de location pour la période comprise entre le mois de février et le mois décembre 2017,
– condamner à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 31 mai 2021, le tribunal de commerce de Chalon sur Saône a :
– Dit et jugé l’ensemble des demandes de la société Libertissimo infondées ;
– Débouté la société Libertissimo de tous ses demandes ;
– Condamné la société Libertissimo à payer à la société BML Bourgogne Consulting la somme de 500 euros en application de l’article 700 code de procédure civile, outre dépens et frais de greffe.
La SARL Libertissimo a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 1er juillet 2021.
Par jugement en date du 28 janvier 2022, le tribunal de commerce de Mâcon a prononcé la liquidation judiciaire de la société Libertissimmo et désigné la SCP BTSG², représentée par Me [W] [C], en qualité de liquidateur.
Par conclusions d’intervenant volontaire notifiées par voie électronique du 23 janvier 2023, la SCP BTSG², représentée par Me [C] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Libertissimmo demande à la cour, au visa de l’article 1240 du code civil, de :
– Déclarer la société Libertissimmo recevable et bien fondée en son appel,
– Déclarer recevable et bien fondée l’intervention volontaire de la SCP BTSG² représentée par Me [W] [C] ès qualité de liquidateur de la société Libertissimo,
Y faisant droit,
– Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
– Condamner la société BML Bourgogne Consulting à lui verser la somme de 6 276 euros correspondant aux frais de publicité engagés par la société Libertissimmo au sujet de l’agence de [Localité 5] jamais établie par la société BML Bourgogne Consulting ;
Avant dire droit sur le chiffrage définitif du préjudice,
– Ordonner sous astreinte de 500 euros par jour à l’encontre de la société BML Bourgogne Consulting, la communication à la SCP BTSG² ès qualités, de l’intégralité de ses registres commerciaux de vente et de location pour la période comprise entre les mois de février et décembre 2017 ;
– Condamner la société BML Bourgogne Consulting à verser à la SCP BTSG² ès qualités, la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de la présente instance.
Au terme de ses conclusions d’intimées notifiées par voie électronique le 08 octobre 2021, la SAS BML Bourgogne Consulting demande à la cour de :
– Confirmer en l’ensemble de ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Chalon sur Saône en date du 31 mai 2021,
Le cas échéant, statuant à nouveau,
– Dire et juger l’ensemble des demandes de la société Libertissimo infondées,
– L’en débouter,
En tout état de cause,
– Condamner la société Libertissimo à lui payer la somme de 1 000 euros en application de l’article 32-1 du Code de procédure civile,
– Condamner la société Libertissimo aux entiers dépens,
– Condamner la société Libertissimo à lui payer la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour un exposé complet de leurs moyens.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 24 janvier 2023.
Sur ce la cour,
Pour obtenir la condamnation de l’intimée, sur le fondement d’une action délictuelle, au remboursement de frais de publicité et, avant dire droit sur le chiffrage de son préjudice définitif, à lui communiquer ses registres commerciaux, la SARL Libertissimo soutient que la société BML Bourgogne Consulting a minutieusement préparé son action, avant la rupture de leurs relations, afin de détourner sa clientèle et ses mandats ainsi qu’un ancien négociateur, adoptant ainsi un comportement déloyal et parasitaire.
La société BML Bourgogne Consulting répond essentiellement qu’aucun acte de concurrence déloyal ou de parasitisme ne saurait lui être reproché dès lors que Libertissimmo n’a jamais exercé sur le secteur géographique de [Localité 5].
Sur la responsabilité délictuelle de la société BML Bourgogne Consulting
C’est de manière pertinente que les premiers juges ont écarté l’argumentation de la société BML Bourgogne Consulting fondée sur la nullité du contrat de franchise qui aurait été mis en place par la SARL Libertissimmo au regard de la violation des articles L330-3 et R330-1 du code de commerce dès lors que l’action de l’appelante est exclusivement fondée sur une responsabilité de nature délictuelle.
En application de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Si le principe de la libre concurrence est prédominant, tous les moyens utilisés pour se constituer une clientèle ne sauraient être admis. L’action en concurrence déloyale, qui est de nature délictuelle, permet à son titulaire de faire sanctionner civilement certains manquements à l’exercice loyal du commerce.
Constitue un acte de concurrence déloyale tout acte de concurrence contraire aux usages honnêtes en matière industrielle et commerciale et doivent notamment être interdits tous faits quelconques de nature à créer une confusion par n’importe quel moyen avec les produits ou l’activité commerciale de concurrents.
La concurrence déloyale s’étend au parasitisme qui, sans nécessiter la preuve d’une confusion, consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’une entreprise en profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété.
Il appartient à celui qui se prétend victime d’actes de concurrence déloyale de démontrer l’existence d’actes positifs et caractérisés.
Il n’est pas contesté que Mme [F] constitué la société BML Bourgogne Consulting le 21 avril 2017 alors qu’elle s’était vu confier la création et la gestion d’une nouvelle agence sous l’enseigne Libertissimmo à [Localité 5], la société BML Bourgogne Consulting expliquant qu’elle a été lasse d’attendre la communication d’un contrat formalisant leur accord et qu’elle n’a eu d’autre choix que de poursuivre son activité sous sa propre enseigne, précisant qu’elle s’était aperçue en outre que la société Libertissimmo n’avait aucun savoir faire propre de nature à justifier un contrat de franchise.
La SARL Libertissimmo prétend avoir transmis à Mme [X] l’ensemble des éléments matériels lui permettant de développer son activité sous la marque et le savoir faire «Libertissimmo».
Toutefois, et tel que le soutient la société BML Bourgogne Consulting, les informations et communications transmises sur la période considérée à la société intimée, gérée par Mme [X], ne portaient que sur le transfert de documentations publiques (informations légales, réglementaires et jurisprudentielles) que Mme [X], qui était agent immobilier, était parfaitement apte à obtenir par ses propres moyens par d’autres sources gratuites ou en adhérent simplement à la Fnaim, syndicat des professionnels de l’immobilier.
De même, et en particulier pour les conseils concernant les adaptations des annonces immobilières au regard des obligations légales, la société Libertissimmo ne démontre aucunement qu’elle aurait transmis un savoir faire qui lui serait propre.
Par suite, la société Libertissimmo produit deux publicités de transactions qui auraient été revendiquées par la société intimée sous sa nouvelle enseigne « logematribu » alors qu’elles auraient été réalisées sous l’enseigne « Libertissimmo ».
Or, la société Libertissimmo, qui n’avait pas d’agence immobilière exerçant sous cette enseigne implantée sur la ville de [Localité 5], ne justifie pas de sa notoriété sur le secteur géographique concerné ni de l’éventuel impact de celle-ci sur les transactions dont s’agit qui n’étaient effectivement pas couvertes par un mandat d’exclusivité, tel que les premiers juges l’ont relevé.
Il n’est dès lors ni démontré un usage abusif de la marque ni un détournement de clientèle.
Par ailleurs, en l’absence de clause de non concurrence, le principe est celui de la liberté du travail de sorte que l’embauche par un employeur d’un salarié ayant appartenu récemment à une entreprise exerçant une activité dans le même secteur ne fait pas présumer, par elle-même, de l’existence d’un acte de concurrence déloyale. Il n’y a pas de faute en soi d’utiliser le savoir faire d’un salarié ayant exercé la même activité pour une autre entreprise.
Le débauchage par le nouvel employeur doit être caractérisé, tout comme l’existence des man’uvres déloyales de l’ancien salarié ainsi que la désorganisation du fonctionnement de l’entreprise concurrente qui en est résultée.
En l’espèce, non seulement, la société appelante ne justifie pas de la nature de ses liens avec M. [S] avant que celui-ci ne soit recruté par la société BML Bourgogne Consulting mais elle n’établit aucunement que ce dernier aurait été soumis à une clause de non concurrence ni qu’il aurait été l’auteur de man’uvres déloyales, aucun préjudice n’étant étayé de ce chef.
Enfin, alors qu’il n’est nullement contesté qu’une collaboration était initialement envisagée avec la société Libertissimmo, il ne peut être tirée aucune conclusion des attestations de Mme [B] [K] et de Mme [Y] [N] qui indiquent avoir rencontré M. [G], gérant de la société Libertissimmo, pour la présentation de son contrat de mandataire, pour l’une, et lors d’une formation sur le métier d’agent immobilier à l’agence Libertissimmo, pour l’autre.
De même, le fait que Mme [X] ait pu demander en juillet 2017 à Mme [K], comme celle-ci en atteste, de ne pas faire ses cartes de visite avec le logo de Libertissimmo car elle voulait changer d’agence confirme les intentions de la première à ne pas poursuivre ses relations avec la société appelante sans pour autant apporter la démonstration d’un acte de concurrence déloyale dès lors qu’il a été nullement établi un quelconque détournement de clientèle ni acte de parasitisme, le fait que les mandataires n’aient aucune information sur les ventes effectuées par Mme [X] ou M. [S] ou encore que ces derniers aient pu avoir des conversations secrètes n’étant pas de nature à apporter cette preuve.
Aussi, c’est de manière parfaitement légitime que les premiers juges ont pu considérer qu’il n’était nullement prouvé que la société BML Bourgogne Consulting se serait rendue coupable d’actes de concurrence déloyale ou d’actes de parasitisme.
Au demeurant, la société Libertissimmo ne justifie pas avoir engagé les frais de publicité dont elle réclame paiement s’agissant d’une facture faite à elle-même.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté la société Libertissimmo de sa demande de réparation.
Eu égard à l’absence de démonstration d’actes de concurrence déloyale et d’un préjudice, c’est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande de communication sous astreinte des registres commerciaux de ventes de 2017.
Sur les demandes accessoires
La société BML Bourgogne Consulting ne justifie ni du caractère abusif de l’action entreprise ni d’un préjudice en découlant de sorte qu’elle doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.
Le jugement déféré est confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles non compris dans les dépens.
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la SARL Libertissimmo, partie succombante, est condamnée aux dépens d’appel.
La SARL Libertissimmo, partie tenue aux dépens, est condamnée à verser à la société BML Bourgogne Consulting une indemnité de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.
Par ces motifs
La cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute la SAS BML Bourgogne Consulting de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
Condamne la SARL Libertissimmo aux dépens d’appel,
Condamne la SARL Libertissimmo à payer à la SAS BML Bourgogne Consulting une indemnité de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.
Le Greffier, Le Président,