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Une société qui a sciemment menti au juge des requêtes en présentant comme un débauchage une démission au profit d’une société s’expose à la rétractation de l’ordonnance de saisie. C’est à bon droit que le juge de première instance a ordonné la rétractation de l’ordonnance sur requête.
Selon l’article 145 du code de procédure civile, ‘s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé’. Par ailleurs, pour être prise sur requête, la mesure d’instruction sollicitée doit, en application de l’article 493 du même code, répondre à la condition tenant à ce que le requérant soit fondé à ne pas appeler la partie adverse. M. [C] [T] a été directeur technique de la SAS Wapsi du 26 janvier 2015 au 30 septembre 2022, date à laquelle il a démissionné. Suite à des soupçons de concurrence déloyale, la société Wapsi a obtenu une ordonnance du tribunal de commerce de Nanterre le 27 mars 2023, autorisant une mesure d’instruction non contradictoire au domicile de M. [T]. Cette mesure a été exécutée le 12 mai 2023. En réponse, M. [T] et la société Axoo ont assigné Wapsi en référé pour obtenir la rétractation de l’ordonnance et la restitution des éléments saisis. Le 29 décembre 2023, le juge des référés a rétracté l’ordonnance du 27 mars, ordonné la restitution des documents, et condamné Wapsi à verser 2.000 euros à M. [T] et à Axoo. Wapsi a interjeté appel de cette décision, demandant la confirmation de ses demandes initiales. Dans ses conclusions, Wapsi a exposé des allégations de détournement de clientèle et de désorganisation, tandis que M. [T] et Axoo ont contesté ces accusations, affirmant que Wapsi était responsable de sa propre situation. Le 10 septembre 2024, le tribunal a confirmé l’ordonnance initiale, rejeté la demande indemnitaire de M. [T] et Axoo, et condamné Wapsi aux dépens d’appel. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE
VERSAILLES
Code nac : 39H
Chambre civile 1-5
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 17 OCTOBRE 2024
N° RG 24/00309 – N° Portalis DBV3-V-B7I-WJFU
AFFAIRE :
SAS WAPSI
C/
[C] [T]
…
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 29 Décembre 2023 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° RG : 2023R00673
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 17.10.2024
à :
Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU, avocat au barreau de VERSAILLES -620)
Me Julie GOURION-RICHARD, avocat au barreau de VERSAILLES (51)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX SEPT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
SAS WAPSI
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l’ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 – N° du dossier 005758
Plaidant : Me Luc-Marie AUGAGNEUR, du barreau de Lyon
APPELANTE
Monsieur [C] [T]
né le 02 Décembre 1974 à [Localité 7] (25)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 6]
S.A.S. AXOO
agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentant : Me Julie GOURION-RICHARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 – N° du dossier 2241443
Plaidant : Me Thileli ADLI, du barreau de Paris
INTIMES
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 18 Septembre 2024, Monsieur Thomas VASSEUR, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Thomas VASSEUR, Président,
Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère,
Madame Marina IGELMAN, Conseillère,
qui en ont délibéré,
Greffière lors des débats : Mme Elisabeth TODINI
Du 26 janvier 2015 jusqu’au 30 septembre 2022, M. [C] [T] a été salarié, en tant que directeur technique, de la SAS Wapsi, société de conseil informatique, dont il a démissionné.
Sur requête de la société Wapsi, le président du tribunal de commerce de Nanterre a autorisé, par une ordonnance du 27 mars 2023, une mesure d’instruction non contradictoire au domicile de M. [T] afin de se faire remettre les éléments postérieurs à sa démission comportant divers mots-clés (Wapsi, Framatome, Microfocus, [U] [N], [O] [R], [X] [A], [S] [K], [F] [P], [W] [G], [V] [D], [L] [B]).
La mesure d’investigation a été réalisée le 12 mai 2023.
Par acte du 8 juin 2023, M. [T] et la société Axoo ont fait assigner en référé la société Wapsi en demandant la rétractation de l’ordonnance rendue le 24 mars 2023 par le tribunal de commerce de Nanterre et la restitution, par le commissaire de justice instrumentaire, des éléments saisis en exécution de l’ordonnance.
Par ordonnance contradictoire rendue le 29 décembre 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre a :
rétracté l’ordonnance sur requête du 27 mars 2023 (n°2023 O 06961) ;
ordonné la mainlevée totale du séquestre et conditionné la restitution des documents/pièces/clés USB saisis par la SCP Judicium, Me [H] [E], commissaire de justice, à l’épuisement des recours éventuels devant la cour d’appel à l’encontre de la décision (ou à la production d’un certificat de non appel) ;
sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, dit n’y avoir lieu à référé, et renvoyé M. [T] et la société Axoo à se mieux pouvoir ;
condamné la société Wapsi à payer à M. [T] et à la société Axoo, à chacun d’eux, la somme de 2.000 euros au titre de l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société Wapsi aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 10 janvier 2024, la société Wapsi a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de dispositif, à l’exception de celui ayant débouté les défendeurs de leur demande indemnitaire pour procédure abusive.
Dans ses dernières conclusions déposées le 8 août 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Wapsi demande à la cour de :
‘à titre principal
– déclarer recevable et bienfondé l’appel interjeté par la société Wapsi,
– infirmer l’ordonnance du 29 décembre 2023 rendue par le président du tribunal de commerce
de Nanterre, en ce qu’elle a :
– rétracté l’ordonnance sur requête du 27 mars 2023 (n°2023 O 06961)
– ordonné la mainlevée totale du séquestre et conditionnons la restitution des documents/pièces/clés USB saisis par la SCP Judicium, Me [H] [E], commissaire de justice, à l’épuisement des recours éventuels devant la cour d’appel à l’encontre de la présente décision (ou à la production d’un certificat de non appel).
– condamné la sas Wapsi à payer à M. [C] [T] et à la société Axoo, à chacun d’eux, la somme de 2 000 euros au titre de l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamné la sas Wapsi aux dépens.
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
– liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 47,42 euros, dont TVA 7,90 euros.
– confirmer l’ordonnance du 29 décembre 2023 rendue par le président du tribunal de commerce de Nanterre, en ce qu’elle a :
– sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, dit n’y avoir lieu à référé et renvoyé M. [C] [T] et a sas Axoo à mieux se pourvoir.
Statuant à nouveau
– dire n’y avoir lieu à rétractation de l’ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Nanterre le 27 mars 2023,
– ordonner la mainlevée totale du séquestre prononcé par ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre le 25 avril 2023,
– ordonner la communication à Wapsi de l’ensemble des éléments séquestrés et établis en application de l’ordonnance,
– débouter M. [C] [T] et Axoo de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
– condamner solidairement M. [C] [T] et Axoo à verser à Wapsi la somme de 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [C] [T] et Axoo aux entiers dépens d’instance.’
La société Wapsi indique qu’elle était codétenue majoritairement d’une part par la société AAW, dont le gérant majoritaire est M. [D], et par la société MAP, dont le gérant est M. [B]. Elle expose que la société AAW a augmenté sa participation jusqu’à devenir l’actionnaire unique de la société Wapsi à partir du mois d’octobre 2023. S’agissant de son activité, la société Wapsi indique que son principal client était la société Aerow, qui lui sous-traitait des prestations informatiques pour le compte de ses propres clients dont la société Framatome. Elle fait valoir qu’elle a découvert à partir du mois de juillet 2022 que M. [T], qui était pourtant tenu par une clause de non-concurrence, avait facturé des prestations à la société Aerow, commettant ainsi un détournement de clientèle qui était organisé par le propre dirigeant de la société Wapsi, M. [Z], lequel a fini par être révoqué de ses fonctions le 21 septembre 2022. M. [T] est lui-même propriétaire du quart du capital social d’une société, dénommée Axoo, laquelle a embauché un ancien salarié de la société Wapsi, M. [Y]. La société Wapsi indique que depuis lors, de nombreux anciens clients le sont désormais de la société Axoo, parmi lesquels, outre la société Aerow, les sociétés Eiffage, Afnor et Plastic Omnium.
La société Wapsi indique qu’il en est résulté une désorganisation pour elle, avec le départ de 26 collaborateurs sur 30 et une perte de chiffre d’affaires d’environ 3 millions d’euros.
Compte-tenu de ce qu’elle indique être la déloyauté de M. [Z] à son égard et la collaboration de celui-ci à l’activité de la société Axoo, le juge des requêtes du tribunal de commerce de Nanterre a fait droit à la demande d’investigation.
La société Wapsi considère que la dérogation au principe de la contradiction était justifiée afin de préserver l’effet de surprise, M. [Z] ayant pris soin, lors de son départ, de laisser son ordinateur ‘vide’. Elle considère que le motif légitime s’infère des indices sérieux de concurrence déloyale par MM. [T] et [Z] et par la société Axoo ainsi que de la désorganisation qui en est résulté pour elle, laquelle a été matérialisée par un débauchage massif et un détournement d’informations-clefs. La société Wapsi souligne que M. [T] était encore son salarié lorsqu’il a adressé un devis à la société Aerow pour le client Framatome. La société Wapsi expose encore que la société Axoo a elle-même désigné comme point de contact la société AMS, holding personnelle de M. [Z], ce qui démontre les liens entre ces deux sociétés, d’autant que la propriété du nom de domaine ‘Axoo.fr’ a été cédée par la société AMS à la holding personnelle de M. [T].
La société Wapsi ajoute qu’un salarié démissionnaire est allé travailler au sein de la société Axoo et que trois autres salariés sont allés travailler au sein d’une société dénommée Gammann, qui est elle-même affiliée, selon le terme de l’appelante, à la société Axoo. Dans un second temps, certains des salariés (M. [J], M. [I], Mme [R]) sont devenus directement salariés de la société Axoo. La société Wapsi fait également état du fait que M. [Z], une semaine avant sa révocation, a tenté de substituer son adresse professionnelle au nom de la société Wapsi par la sienne personnelle auprès de la société Microfocus ; elle ajoute que celui-ci a également mis en place un stratagème avec M. [T] pour détourner la commande de l’entreprise Framatome, avec succès puisque la société Axoo est bien intervenue pour le compte de la société Aerow en fournissant ses services à la société Framatome ; ainsi pour la période de mars à juillet 2023, six factures, pour un montant total de 24.000 euros ont été adressées à ce titre. La société Axoo a également gagné les clientèles des sociétés Eiffage, Afnor et Plastic Omnium. L’absence de dépôt des comptes de la société Axoo au greffe est, selon l’appelante, révélatrice de la volonté de dissimulation qui est la sienne.
La société Wapsi indique encore que ses recherches lui ont permis de caractériser des liens étroits entre les sociétés AMS, Axoo et MAP ainsi que leurs dirigeants respectifs que sont MM. [Z], [T] et [B], constituant ainsi un groupe de sociétés concurrentes.
La société Wapsi fait état de ce que la mesure autorisée était délimitée dans le temps (entre le 1er janvier 2022 et la réalisation de la mesure) et strictement limitée dans son objet en raison de la sélection des mots-clefs discriminants.
Dans leurs dernières conclusions déposées le 1er juillet 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. [T] et la société Axoo demandent à la cour de :
‘- déclarer recevable mais mal fondé l’appel principal interjeté par la sas Wapsi.
– l’en débouter.
– déclarer recevable et fondé l’appel incident formé par M. [C] [T] et à la société Axoo.
y faisant droit,
– confirmer l’ordonnance dont appel en date du 29 décembre 2023 en ce qu’elle a :
– rétracté l’ordonnance sur requête du 27 mars 2023 (n°2023 O 06961),
– ordonné la mainlevée totale du séquestre et conditionné la restitution des documents/pièces/ clés USB saisie par la S.C.P Judicium, Me [H] [E], commissaire de justice, à l’épuisement des recours éventuels devant la cour d’appel à l’encontre de la présente décision (ou à la production d’un certificat de non-appel),
– condamné la S.A.S Wapsi à payer à M. [C] [T] et à la société Axoo, à chacun d’eux, la somme de 2 000 euros au titre de l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la S.A.S Wapsi aux dépens,
– liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 47,42 euros dont TVA de 7,90 euros.
– réformer l’ordonnance dont appel en date du 29 décembre 2023 en ce qu’elle a :
– dit n’y avoir lieu a référé et renvoyé M. [C] [T] et la S.A.S Axoo à se mieux pouvoir s’agissant de la demande de dommages-intérêts pour la procédure abusive.
Et statuant, à nouveau et y ajoutant :
– condamner la société Wapsi à verser à M. [T] la somme de 10 000 euros au titre de l’indemnisation de la procédure manifestement abusive,
– condamner la société Wapsi à verser à Axoo la somme de 10 000 euros au titre de l’indemnisation de la procédure manifestement abusive,
– débouter la société Wapsi en toutes ses demandes, fins et conclusions.
– condamner la société Wapsi à verser à M. [T] la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Wapsi à verser à la société Axoo la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Wapsi aux entiers dépens.
– dire qu’ils pourront être directement recouvrés par Maître Julie Gourion-Richard, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.’
Les intimés indiquent que le véritable conflit est celui qui oppose les deux actionnaires passés de la société Wapsi, à savoir l’actionnaire majoritaire qu’est la société AAW, dirigée par M. [D], à la société AMS, dirigée par M. [Z]. Ils ajoutent que les performances de société Wapsi sont en net recul depuis plusieurs mois et que celle-ci tente d’en imputer la responsabilité à des tiers. M. [T] considère que c’est en raison du fait qu’il fait partie des salariés ayant délivré une attestation en faveur de M. [Z] qu’il a été exposé à des représailles de la part de M. [D]. M. [T] indique que compte-tenu de ses bonnes relations avec M. [Z], c’est M. [D] lui-même qui a traité le dossier de sa démission, celui-ci n’ayant d’ailleurs émis aucune réserve quant à sa demande de réduction de préavis. Il ajoute que la société AAW a même pris l’initiative de lever sa clause de non-concurrence, alors que lui-même ne l’avait pas demandé et il fait valoir qu’il n’a immatriculé la société Axoo que le 1er décembre 2022, soit bien après l’expiration de son préavis théorique de trois mois fixé au 5 novembre 2022. Il indique également que M. [Z] ne détient aucun intérêt dans cette société Axoo.
Les intimés disposent également que la société Wapsi a simplement négligé le recrutement et le remplacement de certains postes-clés (celui des directeurs, des consultants et du back office), ce qui est à l’origine de la diminution de son chiffre d’affaires.
Les intimés indiquent que la seule motivation de l’ordonnance pour déroger au principe de la contradiction est fondée sur le fait que « les informations recherchées [sont] essentiellement sur des supports numériques qu’il est aisé de faire disparaître ». Or, cette motivation est insuffisante, d’autant que toutes les informations exploitées par la société Wapsi ont été rendues publiques et sont disponibles sur internet.
Les intimés indiquent que le prétendu soupçon de détournement de clientèle à l’égard de la société Framatome est totalement infondé et présenté de manière mensongère, Framatome n’ayant jamais été cliente de la société Wapsi, qui n’était en réalité qu’une sous-traitante, parmi d’autres, de la société Aerow ; au demeurant, même en tant que sous-traitante, la société Wapsi n’est jamais intervenue dans le cadre du contrat Framatome. Ils indiquent que l’actuelle présidente de la société Wapsi, la société AAW, est seule responsable de sa négligence et, partant, de sa défaillance dans l’envoi d’une quelconque offre à la société Aerow.
Le fait que la société AMS ait été désignée comme point de contact de la société Axoo ne procède que d’une simple erreur et la société AMS a pour sa part confirmé n’avoir jamais sollicité d’être associée de la sorte à la société Axoo.
S’agissant de l’information tenant à ce que M. [Y] aurait commencé à travailler pour la société Axoo dès le mois de mars 2022, c’est-à-dire avant même qu’elle ne soit constituée, les intimés exposent que cette information est issue d’un profil LinkedIn, lequel n’est pas certifié et n’a de ce fait aucune valeur probante, M. [Y] ayant lui-même certifié qu’il ne travaillait pas pour la société Axoo à cette date.
Les intimés indiquent encore que la société Wapsi ne caractérise aucun mouvement significatif de salariés vers la société Axoo ; elle indique que s’agissant du départ de M. [X] [A], c’est M. [D] lui-même qui, le 22 novembre 2022, a accepté une réduction du préavis pour sa démission afin qu’il puisse rejoindre la société Séphora, de sorte que cette démission ne pouvait être instrumentalisée dans la requête. Ainsi, un seul et unique salarié, M. [J], est venu rejoindre M. [T] au sein de la société Axoo, sans même qu’il n’ait été débauché à cette fin. S’agissant de Mme [R], les intimés indiquent qu’elle est tout à fait libre d’intervenir pour la société Axoo près de deux ans après avoir cessé toute collaboration avec la société Wapsi.
Les intimés considèrent que la société Wapsi ne justifie à aucun moment de la réalité des prétendus soupçons de désorganisation. S’agissant du changement de coordonnées personnelles de M. [Z] auprès de la société Microfocus, celle-ci s’explique par le fait que cette société permet de bénéficier de formations et de certifications et chaque collaborateur dispose d’un compte individuel, nominatif et personnel.
Les intimés contestent participer à un groupe de sociétés concurrentes à la société Wapsi, aucun acteur majeur du monde de l’ESN (Entreprise du Service Numérique) n’étant venu au soutien du développement de la société Axoo.
Considérant que la société Wapsi a sciemment fait une présentation tronquée et mensongère au juge des requêtes, les intimés sollicitent pour chacun d’eux une indemnisation au titre de la procédure abusive.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 septembre 2024.
Selon l’article 145 du code de procédure civile, ‘s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé’.
Par ailleurs, pour être prise sur requête, la mesure d’instruction sollicitée doit, en application de l’article 493 du même code, répondre à la condition tenant à ce que le requérant soit fondé à ne pas appeler la partie adverse.
Cette condition tenant à la justification de déroger au principe de la contradiction doit être considérée comme acquise dans le présent dossier : en effet, la requête explique de manière circonstanciée les raisons qui font craindre à la société Wapsi une dissimulation des preuves, tenant notamment à ce que M. [Z], qui a ‘uvré de manière concertée avec M. [T], a lui-même pris soin d’effacer toute trace de son activité peu avant sa révocation, en restituant notamment un ordinateur vierge de toute donnée et en cédant le nom de domaine « axoo.fr » à M. [T], pour ne pas apparaître derrière les agissements de ce dernier. Par de tels motifs, la société requérante a suffisamment caractérisé les circonstances nécessitant de déroger au principe de la contradiction par rapport au contexte de dissimulation dénoncé.
Il est de même constant qu’il n’existait aucune procédure au fond entre la société Wapsi et M. [T] au moment de l’introduction de la requête et même après.
Il demeure dès lors à examiner le point de savoir si les mesures d’instruction sollicitées procèdent d’un motif légitime.
En premier lieu, il convient d’examiner le point de savoir si M. [Z] et M. [T] ont bien détourné la clientèle de l’entreprise Framatome, ainsi que ce point est développé en pages 8 et 9 de la requête. A cet égard, la requête indique que la société Wapsi « intervient régulièrement, pour une mission d’accompagnement » pour la société Framatome (4ème § en partant de la fin de la page 8). La requête indiquait que «Aerow sous-traitait historiquement les demandes de Framatome à Wapsi » et présentait ainsi Framatome comme étant « un client important » de la société Wapsi (4ème § de la page 9). À l’exact opposé, les intimés indiquent que « Wapsi n’est en réalité jamais intervenue en tant que sous-traitant pour Aerow dans le cadre du contrat Framatome. »
Ces deux versions de fait sont parfaitement contradictoires, de sorte que l’une des deux parties ment sciemment sur ce point. Dans ses conclusions en cause d’appel, la société Wapsi continue d’affirmer (page 39) que « la société Aerow sous-traitait historiquement les besoins de la société Framatome à Wapsi ». Cependant, elle ne renvoie à cet égard à aucun élément de preuve. En effet, l’ensemble des éléments développés sur ce point (pages 39 et 40 des conclusions de la société Wapsi) ont trait à une commande que la société Aerow a adressée à la société Wapsi, par le truchement de M. [T] qui était encore alors le directeur technique de cette société. Mais aucun élément ne permet de contredire les intimés lorsqu’ils indiquent que la société Wapsi n’est jamais intervenue en tant que sous-traitant de la société Aerow pour un contrat Framatome. Il était pourtant loisible, dans le cadre de l’instance d’appel, à la société Wapsi de donner des éléments permettant d’accréditer le fait qu’elle avait travaillé antérieurement pour la société Framatome, fût-ce par le truchement de la société Aerow. Or, les cinq pages (page 39 à 43) des conclusions de la société Wapsi sur ce point sont consacrées aux prétendus détournements de clientèle de septembre 2022 mais ne contiennent aucune démonstration quant au fait que la société Wapsi travaillait antérieurement, et qui plus est selon la requête régulièrement, pour la société Framatome (que ce soit ou non par le truchement de la société Aerow). A l’inverse, il ressort de la pièce n° 44 des intimés, qui est un courriel de M. [N], président de la société Aerow, que cette dernière n’a pas sous-traité de prestation Framatome auprès de la société Wapsi.
Ainsi, au vu des éléments qui sont versés aux débats, la société Wapsi doit être considérée comme ayant menti au juge des requêtes lorsqu’elle lui a indiqué expressément qu’elle travaillait pour la société Framatome avant ce que la requête présente comme un détournement de cette clientèle à partir du 19 septembre 2022.
Pour ce premier motif, de poids au regard de l’importance que la requête attache à ce prétendu détournement de la clientèle de la société Framatome, il doit être considéré que c’est à bon droit que la rétractation de l’ordonnance sur requête a été ordonnée. Il n’est en effet pas admissible de tromper délibérément le juge des requêtes en lui présentant un état factuel des lieux mensonger.
Parmi les autres motifs d’importance cités par la requête se trouve (7ème page de la requête) « le vraisemblable débauchage d’anciens salariés de Wapsi par Axoo ». La requête indique à cet égard que de manière quasi simultanée à la révocation de M. [Z] et à la démission de M. [T], « quatre salariés ont remis à Wapsi leurs lettres de démission » et qu’il est « légitime pour Wapsi de penser que les salariés démissionnaires interviennent désormais directement ou indirectement via la société de portage salarial, Portify, pour le compte d’Axoo. » Parmi les quatre salariés se trouvait M. [X] [A]. Or, loin de travailler pour la société Axoo de M. [T], M. [A] a quitté la société Wapsi pour rejoindre la société Séphora. Ce point n’est pas anodin car la société Wapsi en était parfaitement informée au moment de la requête : Mme [M], directrice commerciale de la société Wapsi faisait part le 22 novembre 2022 à M. [D] du souhait de M. [A] de rejoindre la société Séphora et M. [D] lui-même répondait le même jour qu’il acceptait la réduction de son préavis et qu’il donnait son accord à l’égard de la société Séphora. Ainsi, la société Wapsi savait parfaitement au moment de la requête que M. [A], dont le nom est un item de recherche dans le cadre de l’ordonnance sur requête, n’avait pas du tout été recruté par la société Axoo. Dans les quatre pages (page 35 à 39) qu’elle consacre à ce qu’elle présente être « le débauchage de nombreux salariés de Wapsi par Axoo et ses sociétés affiliées », la société Wapsi ne consacre pas un mot à la situation de M. [A], en dépit de l’omission soulignée par ses adversaires et surtout du motif sur ce point de l’ordonnance attaquée. A cet égard de nouveau, la société Wapsi a sciemment menti au juge des requêtes en présentant comme un débauchage une démission au profit d’une société qui n’a rien à voir avec les intimés et dont le dirigeant de la société Wapsi était parfaitement informé. Pour cette deuxième raison, c’est à bon droit que le juge de première instance a ordonné la rétractation de l’ordonnance sur requête.
Aussi convient-il, pour ces raisons et les motifs de la décision de première instance, adoptés en cause d’appel, de confirmer l’ordonnance entreprise.
Sur la demande indemnitaire pour procédure abusive :
Si la société Wapsi succombe en la présente instance, il n’est pas démontré que la demande d’infirmation de l’ordonnance ordonnant la rétractation procède elle-même d’une particulière mauvaise foi ou d’une intention de nuire, de sorte qu’il convient de débouter des intimés de la demande indemnitaire qu’ils formulent à ce titre.
Sur les mesures accessoires :
Partie succombante en cause d’appel, la société Wapsi sera condamnée aux dépens d’appel, ainsi qu’au remboursement des frais irrépétibles non compris dans les dépens exposés par ses adversaires.
Confirme l’ordonnance entreprise ;
Rejette la demande indemnitaire formée par M. [T] et la société Axoo ;
Condamne la société Wapsi aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
Condamne, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la société Wapsi à verser à M. [T] la somme de 3.000 euros et à la société Axoo la somme de 3.000 euros.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président