→ Résumé de l’affaire
La Cour de cassation a annulé l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Nîmes du 15 mai 2024 et a ordonné la mise en liberté de M. [I] qui était détenu sans titre depuis le 10 mai 2024. Cependant, la Cour a également décidé de placer M. [I] sous contrôle judiciaire en raison d’indices graves ou concordants laissant penser qu’il aurait pu participer à des infractions. Elle a énuméré les obligations auxquelles M. [I] devra se soumettre, notamment ne pas sortir de certaines limites territoriales, se présenter régulièrement à l’Hôtel de police, remettre son passeport et s’abstenir de rencontrer certaines personnes. La Cour a désigné l’Hôtel de police de [Localité 3] pour veiller au respect de ces obligations et a rappelé que toute violation de celles-ci pourrait entraîner un placement en détention provisoire.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 23 juillet 2024, 24-83.105, Inédit
N° de pourvoi : 24-83.105
ECLI:FR:CCASS:2024:CR01091
Non publié au bulletin
Solution : Cassation sans renvoi
Audience publique du mardi 23 juillet 2024
Décision attaquée : Chambre de l’instruction de la cour d’appel de Nîmes, du 15 mai 2024
Président : Mme Labrousse (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant : N° C 24-83.105 F-D N° 01091 MAS2 23 JUILLET 2024 CASSATION SANS RENVOI Mme LABROUSSE conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 23 JUILLET 2024 M. [S] [I] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Nîmes, en date du 15 mai 2024, qui, dans l’information suivie contre lui des chefs d’infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a confirmé l’ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa demande de mise en liberté. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Clément, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [S] [I], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 23 juillet 2024 où étaient présents Mme Labrousse, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Clément, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 4 avril 2024, M. [S] [I] a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire. 3. Il a formé une demande de mise en liberté, rejetée par ordonnance du juge des libertés et de la détention du 24 avril 2024. 4. Il a relevé appel de cette décision, par déclaration reçue et transcrite au greffe de la chambre de l’instruction le 25 avril suivant. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a rejeté l’exception de procédure et a, en conséquence, rejeté la demande de mise en liberté de M. [I], alors : « 1°/ que la demande de comparution personnelle n’a pour effet de porter de quinze à vingt jours le délai maximum imparti à la chambre de l’instruction pour statuer sur une demande de mise en liberté qu’à la condition d’être présentée en même temps que la déclaration d’appel ; qu’en jugeant que l’audience pouvait intervenir dans un délai de vingt jours suivant l’appel cependant qu’elle constatait que la demande de comparution n’avait pas été présentée en même temps que la déclaration d’appel, déposée par l’intermédiaire du chef d’établissement pénitentiaire, mais était intervenue ultérieurement sur sollicitation du greffe de la chambre de l’instruction, la chambre de l’instruction a violé les articles 194 et 199 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 194 et 199 du code de procédure pénale : 6. Il ressort du premier de ces textes que, en matière de détention provisoire, la chambre de l’instruction doit se prononcer dans les plus brefs délais et au plus tard dans les dix jours de l’appel lorsqu’il s’agit d’une ordonnance de placement en détention et dans les quinze jours dans les autres cas, augmentés de cinq jours en cas de comparution personnelle, faute de quoi la personne concernée est mise d’office en liberté, sauf si des vérifications concernant sa demande ont été ordonnées ou si des circonstances imprévisibles et insurmontables mettent obstacle au jugement de l’affaire dans le délai prescrit. 7. Selon le second, la comparution personnelle de la personne concernée est de droit si celle-ci ou son avocat en fait la demande. Cette requête doit, à peine d’irrecevabilité, être présentée en même temps que la déclaration d’appel ou que la demande de mise en liberté adressée à la chambre de l’instruction. 8. Pour écarter le moyen de nullité, pris de la violation du délai légal de quinze jours pour statuer en raison de l’irrégularité de la demande de comparution, l’arrêt attaqué énonce que si M. [I] n’avait pas fait savoir s’il souhaitait ou non comparaître à l’audience de la chambre de l’instruction lors de sa déclaration d’appel, le greffe de la chambre de l’instruction a sollicité celui de la maison d’arrêt, afin qu’il soit interrogé sur sa volonté. 9. Les juges relèvent que, par réponse écrite le jour même, le détenu a indiqué son souhait de comparaître. 10. Ils en concluent que l’audience pouvait avoir lieu dans un délai de vingt jours. 11. En statuant ainsi, alors que la demande de comparution personnelle qui n’avait pas été présentée en même temps que la déclaration d’appel ne pouvait avoir eu pour effet de porter de quinze à vingt jours le délai maximum imparti à cette juridiction pour statuer, la chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés. 12. La cassation est par conséquent encourue, sans qu’il y ait lieu d’examiner l’autre grief. Portée et conséquences de la cassation 13. Dès lors que la chambre de l’instruction ne s’est pas prononcée sur l’appel formé par M. [I], dans le délai prescrit par l’article 194, alinéa 4, du code de procédure pénale, celui-ci doit être mis d’office en liberté. La cassation aura donc lieu sans renvoi et l’intéressé sera remis en liberté s’il n’est détenu pour autre cause. 14. Cependant, les dispositions de l’article 803-7, alinéa 1, du code de procédure pénale permettent à la Cour de cassation de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissance des délais prévus par ce même code, dès lors qu’elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d’information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l’un des objectifs énumérés à l’article 144 du même code. 15. En l’espèce, il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que M. [I] ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont le juge d’instruction est saisi. 16. La mesure de contrôle judiciaire est indispensable afin de : – empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices, en ce que M. [I] conteste les faits et que de nombreuses investigations sont en cours afin de déterminer avec précision l’ampleur du trafic ainsi que l’implication de chacun des protagonistes ; – prévenir le renouvellement des faits, en ce que le casier judiciaire de M. [I] mentionne une condamnation à quatre ans d’emprisonnement pour des faits similaires et que son train de vie n’apparaît pas en adéquation avec ses ressources, constituées d’allocations sociales ; – garantir le maintien de la personne concernée à la disposition de la justice, en ce que M. [I], dont la résidence principale est fixée en Espagne et qui a des attaches en Algérie, pourrait être tenté de fuir. 17. Afin d’assurer ces objectifs, M. [I] sera astreint à se soumettre aux obligations précisées au dispositif. 18. Le magistrat chargé de l’information est compétent pour l’application des articles 139 et suivants et 141-2 et suivants du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Nîmes, en date du 15 mai 2024 ; DIT n’y avoir lieu à renvoi ; CONSTATE que M. [I] est détenu sans titre depuis le 10 mai 2024 à minuit dans la présente procédure ; ORDONNE la mise en liberté de M. [I] s’il n’est détenu pour autre cause ; ORDONNE le placement sous contrôle judiciaire de M. [I] ; DIT qu’il est soumis aux obligations suivantes : – Ne pas sortir des limites territoriales suivantes : la ville de [Localité 3] ; – Ne s’absenter de son domicile ou de sa résidence, qu’il convient de fixer [Adresse 2], chez Mme [T] [H], qu’aux conditions suivantes : entre 9 heures et 13 heures ; – Se présenter, le lendemain de sa libération, avant 13 heures, et ensuite tous les jours, entre 9 heures et 13 heures, à l’Hôtel de police, [Adresse 1] ; – Remettre, avant le lendemain de sa libération, à 13 heures, en échange d’un récépissé valant justification de l’identité, son passeport, à l’Hôtel de police, [Adresse 1] ; – S’abstenir de recevoir ou de rencontrer MM. [M] [U], [J] [D], [B] [V], [P] [A], [Z] [O], [E] [Y], [F] [K] et Mme [C] [X], ainsi que d’entrer en relation avec ces personnes, de quelque façon que ce soit ; – Ne pas détenir ou porter une arme soumise à autorisation ; DÉSIGNE, pour veiller au respect des obligations prévues aux rubriques ci-dessus, l’Hôtel de police de [Localité 3] ; DÉSIGNE le magistrat chargé de l’information aux fins d’assurer le contrôle de la présente mesure de sûreté ; RAPPELLE qu’en application de l’article 141-2 du code de procédure pénale, toute violation de l’une quelconque des obligations ci-dessus expose la personne sous contrôle judiciaire à un placement en détention provisoire ; ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Nîmes et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juillet deux mille vingt-quatre.