La destruction d’un panneau publicitaire induit le remboursement de l’annonceur au prorata de la durée d’affichage effective. En cas de cas fortuit, cette indemnisation ne peut aller au-delà de cette durée.
Affaire Megacom
Un annonceur a conclu avec la SARL Megacom une convention portant sur l’utilisation d’un panneau publicitaire pour une durée de trois ans renouvelable par tacite reconduction moyennant un loyer annuel de 2 000 euros hors taxes révisable par application de l’indice IRL de l’Insee et majoré de la taxe locale de publicité extérieure annuelle versée à la ville.
Disparition du panneau publicitaire
Constatant la disparition du panneau, l’annonceur a adressé un courrier à la SARL Megacom s’estimant victime d’une perte de chiffre d’affaires.
La SARL Megacom lui a remboursé une somme au titre de la période non desservie, expliquant qu’elle n’avait pas été informée de la vente du terrain supportant le panneau et de sa destruction par la société Lidl, nouveau propriétaire. L’annonceur a alors assigné la SARL Megacom devant le tribunal de commerce en réparation du préjudice subi.
Notion de cas fortuit
L’article 1722 du code civil dispose que si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement.
La destruction du panneau loué étant le fait de la société Lidl, tiers au contrat, et étant survenue sans que la société Mégacom en ait été informée, la juridiction a conclu à l’existence d’un cas fortuit (le bail s’en est trouvé résilié de plein droit). L’annonceur ne pouvait donc prétendre à aucun dédommagement.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Civile
Section commerciale
ARRÊT DU 22 Septembre 2021
N° RG 20/00007
DBVO-V-B7E-CYEO
S.A.R.L. Z A B
C/
SARL MEGACOM
LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1re chambre dans l’affaire,
ENTRE :
S.A.R.L. Z A B
[…]
[…]
[…]
Représentée par Me Mustapha YASSFY, avocat inscrit au barreau du LOT
APPELANTE d’un Jugement du Tribunal de Commerce de CAHORS en date du 09 Décembre 2019, RG 2019 00057
D’une part,
ET :
SARL MEGACOM prise en la personne de son réprésentant domicilié au siège
[…]
[…]
[…]
Représentée par Me Charlotte LAVIGNE, membre de la SELARL CAD AVOCATS, avocate inscrite au barreau du LOT
INTIMÉE
D’autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 10 Mai 2021 devant la cour composée de :
Présidente : Claude GATÉ, Présidente de Chambre
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller
Cyril VIDALIE, Conseiller qui a fait un rapport oral à l’audience
Greffière : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
‘ ‘
‘
Faits et procédure :
La SARL Megacom, exerçant sous l’enseigne commerciale Megapub, était propriétaire d’un panneau publicitaire situé à l’entrée de Figeac sur un emplacement qu’elle louait à Monsieur X.
Par acte du 28 juillet 2014, la SARL Menuiserie A B a conclu avec la SARL Megacom une convention portant sur l’utilisation de ce panneau pour une durée de trois ans renouvelable par tacite reconduction moyennant un loyer annuel de 2 000 ‘ hors taxes révisable par application de l’indice IRL de l’Insee et majoré de la taxe locale de publicité extérieure annuelle versée à la ville de Figeac.
Constatant la disparition du panneau, la SARL Menuiserie A B a adressé un courrier à la SARL Megacom s’estimant victime d’une perte de chiffre d’affaires.
La SARL Megacom lui a remboursé une somme de 1377,55 ‘ au titre de la période non desservie, expliquant qu’elle n’avait pas été informée de la vente du terrain supportant le panneau et de sa destruction par la société Lidl, nouveau propriétaire.
Par acte du 26 mars 2019, la SARL Menuiserie A B a assigné la SARL Megacom devant le tribunal de commerce de Cahors en réparation du préjudice subi.
Par jugement du 9 décembre 2019, le tribunal de commerce de Cahors a :
— débouté la SARL Z A B de l’ensemble de ses demandes,
— constaté que le contrat du 28 juillet 2014 est résilié de plein droit,
— constaté que le démontage du panneau est un cas fortuit,
— condamné la SARL Z A B à payer à la SARL Megacom la somme de 2 000 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamné la SARL Z A B aux entiers dépens.
Le tribunal a estimé qu’il y avait lieu de faire application de l’article 1722 du code civil selon lequel la destruction par cas fortuit de la chose louée entraîne la résiliation de plein droit du bail sans qu’il y ait lieu à dédommagement, et que la SARL Z A B ne démontrait pas l’existence d’un lien entre la disparition du panneau et sa perte de chiffre d’affaires.
La SARL Z A B a formé appel par déclaration du 3 janvier 2020, désignant pour intimée la SARL Megacom et indiquant que son recours visait la totalité des dispositions du jugement.
Prétentions
Par uniques conclusions du 20 mars 2020, la SARL Z A B demande à la Cour de :
— déclarer recevable et fondé son appel,
— y faisant droit,
— dire et juger que la rupture du contrat du 28 Juillet 2014 est abusive,
— constater l’absence de dénonciation de ce contrat de la part de la société Megacom,
— en conséquence,
— condamner la société Megacom à payer à porter à la Société Z A B la somme de 50 000 ‘ de dommages et intérêts,
— ordonner le remboursement des sommes versées en vertu de l’exécution provisoire de la décision entreprise, en principal, intérêts, frais et accessoires, avec intérêts au taux légal à compter de leur versement et, ce, au besoin à titre de dommages-intérêts,
— condamner la société Megacom à payer à la Société Z A B la somme de 5 000 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens qui comprendront les frais d’huissier, recouvrés par Maître Yassfy sur son affirmation de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La SARL Z A B présente l’argumentation suivante :
— les nouvelles dispositions de l’article 1211 du code civil imposant le respect d’un délai de préavis, qui n’ont pas été respectées, sont applicables au contrat qui a fait l’objet d’un renouvellement en 2017 ce qui a donné naissance à un nouveau contrat,
— la réalité du préjudice est attestée par l’expert comptable de l’entreprise, qui a du en outre investir dans une communication plus onéreuse en 2019,
— la SARL Megacom ne peut invoquer un cas fortuit, il lui appartenait d’engager la responsabilité du bailleur de l’emplacement pour l’avoir cédé sans l’en informer.
Par uniques conclusions du 22 juin 2020, la SARL Megacom demande à la Cour de :
— confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
— y ajoutant,
— condamner la SARLU Z A B à payer à la SARL Megacom la somme de 2 000 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens d’appel.
La SARL Megacom présente l’argumentation suivante :
— il y a lieu d’appliquer l’article 1722 du code civil, qui n’a pas été modifié par la réforme du droit des contrats, que l’article 1211 du code civil soit ou non applicable,
— le contrat en litige est un louage de chose défini par l’article 1709 du code civil, soumis aux règles du louage d’immeubles, notamment de l’article 1722 relatif à la destruction pas cas fortuit de la chose louée qui exclut tout dédommagement,
— la destruction du panneau par la société Lidl à la suite de l’acquisition du terrain de Monsieur X l’exonère de toute responsabilité envers la SARL Menuiserie A B,
— à titre subsidiaire, en l’absence de démonstration d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité, sa responsabilité contractuelle n’est pas engagée,
— le préjudice invoqué n’est pas démontré, la perte de chiffre d’affaire alléguée n’est pas mise en relation avec la destruction du panneau, et les loyers correspondants ont été remboursés.
La Cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise, et aux dernières conclusions déposées.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 10 mars 2021, et l’affaire a été fixée pour être examinée le 10 mai 2021.
Motifs
Sur la demande d’indemnisation
L’article 1722 du code civil dispose que si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement.
Afin d’établir les circonstances de la disparition du panneau publicitaire qu’elle avait loué, la SARL Z A B verse aux débats un procès-verbal établi le 11 décembre 2018 par Maître
Maureen Derrien, huissier de justice, qui, s’étant rendue route de Cahors à Figeac sur le lieu où il se trouvait, a constaté son absence et a rencontré Monsieur Y, responsable technique de la société Lidl, qui lui a déclaré avoir fait procéder à sa destruction, la société étant propriétaire de la parcelle sur laquelle il était implanté.
Elle produit également le courrier que lui a adressé la SARL Mégacom le 9 janvier 2019 indiquant ‘le panneau publicitaire pour lequel vous aviez un contrat depuis le 25 mai 2014 a été démonté courant novembre 2018, sans que nous en ayons été informés, suite à la cession du terrain à un nouveau propriétaire (enseigne Lidl). Celui-ci nous indique n’avoir pas été informé par le cédant que ce panneau était notre propriété. Il a pris la décision de le supprimer, ne correspondant pas à son activité de distribution alimentaire sous enseigne nationale, nous affirmant avoir pris cette décision en toute bonne foi’.
La destruction du panneau loué étant le fait de la société Lidl, tiers au contrat, et étant survenue sans que la société Mégacom en ait été informée, constitue un cas fortuit.
Il en résulte que le bail s’en est trouvé résilié de plein droit, et que la société Mégacom ne peut être tenue d’indemniser la SARL Z A B.
Le jugement sera confirmé.
Sur les autres demandes
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Partie perdante, la SARL Z A B a été à juste titre condamnée à supporter les dépens de première instance.
L’issue de l’instance d’appel justifie qu’elle soit tenue d’en supporter les dépens.
Il est justifié qu’elle soit condamnée en appel à payer à la SARL Megacom 1 000 ‘ sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Cahors du 9 décembre 2019 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la SARL Z A B aux dépens d’appel,
Condamne la SARL Z A B à verser à la SARL Megacom 1 000′ sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Claude GATÉ, présidente de chambre, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, La Présidente